Le langage juridique « Le langage juridique est un langage particulier dont il convient de connaître les subtilités. » Gérard Cornu : Linguistique juridique Importance de la terminologie Dans l'immense carrière des rapports du droit et de la langue, beaucoup de questions ne relèvent pas d'une étude proprement linguistique. Voisines et parfois confondues, elles sont, toutes, fascinantes, et chacune appellerait une monographie. En chaque pays, le langage juridique est un usage particulier de la langue nationale. Le langage juridique français n'est qu’un usage de la langue française. Un langage de spécialité. Mais, au sein de la langue nationale, le langage juridique se singularise par quelques traits qui le constituent comme langage spécialisé. Sa spécificité tient d'abord à l'existence d'un vocabulaire juridique et aux particularités du discours juridique. Le langage du droit est un langage technique, un langage traditionnel. A certains égards, le langage juridique est un langage professionnel. C'est le langage dans lequel les membres des professions judiciaires et juridiques exercent leurs fonctions ; celui qu'emploient, dans l'accomplissement de leurs tâches, les magistrats, les avocats, les notaires, etc. Ce n'est donc pas le langage d'une seule profession, mais celui d'une branche d'activités. Ce caractère professionnel s'atténue cependant pour les parlementaires et les membres des administrations qui ont aussi la parole sans être tous des professionnels du droit. Dans son ensemble, le langage juridique est un langage pratique. Il est au service du droit. Il est ordonné à la création et à la réalisation du droit. Le droit, comme chacun sait, a son langage. Et l'on fait souvent aux juristes le reproche de s'exprimer de façon incompréhensible pour le public. On s'indigne qu'un acte notarié, ou une décision de justice, ou même les dispositions de la loi restent bien souvent obscures pour les non-initiés. Mais ce même public admet fort bien de ne pas comprendre des termes de médecine, d'informatique ou de sociologie. En réalité, aucune science, même "humaine", aucune technique ne peut se passer d'une terminologie. Connaître le vocabulaire juridique, c'est posséder les clés de la matière, avoir accès aux classifications, aux raisonnements, aux controverses ; c’est pouvoir s'exprimer. Apprendre à traduire en termes juridiques les faits, les actes, les situations de la vie courante Un client vient voir son avocat ou son notaire, lui expose son affaire et lui pose une question. Par exemple : « Mon père vient de mourir. Je souhaiterais installer ma famille dans la grande maison qu'habitent mes parents, mais ma mère ne veut pas la quitter pour un appartement plus petit. A-t-elle le droit d'habiter dans cette maison jusqu'à sa mort ? » Le juriste traduira : « La mère est le conjoint survivant, le fils est héritier de la maison. Mais le conjoint survivant, d’après la loi, a l'usufruit d’une partie de la succession du défunt, c'est à dire l'usage et la jouissance des biens de celui-ci jusqu'à sa mort. Elle peut donc rester dans la maison. » Cette démarche intellectuelle, qui consiste à faire entrer des faits, des actes, des situations, sous des notions ou des catégories juridiques est le propre du juriste. On l'appelle la qualification juridique des faits et nous la retrouverons comme composante du raisonnement juridique. Elle nécessite évidemment une parfaite connaissance des définitions. Apprendre la précision technique Dans certains domaines, c'est la richesse du vocabulaire juridique qui permet d’être précis. Exemples : Une décision de justice rendue par un tribunal est appelée jugement, mais on appelle arrêt les décisions rendues par les cours d'appel, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat. De même, une personne poursuivie pour une infraction pénale sera désignée par des termes différents selon les étapes du procès, le genre d'infraction qu'elle a commise et la juridiction qui va la juger. Si on parle du prévenu, on sait qu'il a commis une contravention ou un délit et qu'il va être traduit devant un tribunal correctionnel. L'inculpé est soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et son procès en est à la phase de l'instruction. L'accusé va être traduit devant la Cour d'assises, qui dira s'il est ou non coupable. Mais attention ! Une telle richesse de terminologie ne se trouve pas partout. Bien des mots sont susceptibles d'avoir plusieurs sens ou ne prennent de sens précis qu'associés à un adjectif ou au sein d’une expression. Exemple : Le mot droit : droit positif, droit subjectif, droit personnel, droit international public, droit de grève, droit d'auteur..., ou encore le mot acte : acte juridique, acte notarié, acte administratif, acte de commerce, acte de l'état civil. Sources : Gérard Cornu. Linguistique juridique. Paris : Montchrestien, 1990 Defrénois- Souleau, Isabelle. Je veux réussir mon droit. Paris : Dalloz, 2020 Larišová, Markéta. Le français pour les juristes. Praha : Karolinum, 2006