2. Le système de juridictions françaises A. Structure générale Division horizontale du système de juridictions Le système de juridictions françaises est divisé horizontalement en deux ordres : a) ordre judiciaire qui regroupe les juridictions : - civiles ayant pour compétence de statuer sur les litiges entre les personnes privées ; - pénales et répressives compétentes pour juger et réprimer les infractions à la loi ; - spécialisées compétentes pour trancher les litiges relevant de matières particulières du droit (par exemple, le conseil des prud’hommes compétent pour statuer sur les litiges en matière de droit du travail). b) ordre administratif qui regroupe les juridictions : - administratives ayant pour compétence de statuer sur les litiges opposant les citoyens ou « administrés » à l’État ou aux collectivités territoriales de la République (communes, départements, régions). Division verticale du système de juridictions Le système de juridictions françaises est divisé verticalement en deux degrés ou instances et un degré de cassation ; c’est le principe du double degré de juridiction composé de : - juridictions de première instance compétentes pour juger les litiges ou les infractions sur le fond et sur la forme. La plupart des décisions de justice sont suceptibles d’appel mais certaines juridictions de droit commun ou spécialisées statuent sur certains litiges de faible importance en premier et dernier ressort sans possibilité d’appel. - la cour d’appel compéténte pour rejuger les litiges ou les infractions sur le fond et sur la forme. La partie au litige généralement déboutée ou la personne condamnée en matière pénale a la possibilité de faire appel d’une décision de première instance et faire plaider sa cause une seconde fois. - la cour de cassation compétente pour veiller à la bonne application des règles de droit par les cours et les tribunaux, c’est-à-dire pour réexaminer le litige uniquement sur la forme. La partie au procès estimant que le droit a été mal interprété par les juges d’une juridiction de première instance ou d’appel peut se pouvoir en cassation. B. Compétence des juridictions La compétence d’attribution d’une juridiction définit la matière du droit qui concerne les litiges qu‘elle est responsable de trancher. Si les deux ordres administratif et judiciaire se rejettent ou se disputent la compétence d’un litige, le tribunal des conflits, juridiction paritaire composé de quatre représentants de l’ordre administratif et de quatre représentants de l'ordre judiciaire, présidé par le garde des Sceaux (ministre de la Justice) fixera la compétence d’attribution. La compétence territoriale attribue à une juridiction un secteur géographique. Une juridiction est généralement compétente pour statuer sur un litige ou juger une infraction en fonction du domicile du défendeur (la personne assignée ou poursuivie) ou du lieu de la commission de cette infraction. C. Organisation du système de juridictions françaises Organisation juridictionnelle de l’ordre judiciaire Il est divisé en juridictions civiles, spécialisées et repressives. 1. Les juridictions de premier degrès JURIDICTIONS CIVILES JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES JURIDICTIONS PÉNALES LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE compétence : droit civil Litiges d’un montant de plus de 10 000 euros et compétences spécialisées (divorce, autorité parentale, succession, filiation, immobilier, état civil...). LE CONSEIL DES PRUD’HOMMES compétence : droit du travail Litiges entre salariés ou apprentis et employeurs portant sur le respect des contrats de travail ou d’apprentissage (licenciement, délivrance de document...). LA COUR D’ASSISES compétence : droit pénal Infractions qualifiées de Crime par le code pénal (infractions les plus graves) passibles de la réclusion jusqu’à la perpétuité. Compétente également pour statuer sur l’indemnisation des victimes. LE TRIBUNAL D’INSTANCE compétence : droit civil Litiges d’un montant de moins de 10 000 euros et litiges relatifs au crédit à la consommation et au bail locatif. Certains jugements sont rendus en premier et dernier ressort (sans possiblité d’appel). LE TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE compétence : droit de la sécurité sociale Litiges entre les organismes de sécurité sociale (ex. : C.P.A.M., Caisse Primaire d’Assurance Maladie) et les personnes assujetties. LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL compétence : droit pénal Infractions qualifiées de délit par le code pénal passibles d’un maximum de 10 ans d’emprisonnement et/ou d’autres peines (amendes, mise à l’épreuve, travail d’intérêt général...). JUGE DE PROXIMITÉ compétence : droit civil et pénal En matière civile, petits litiges jusqu’à 4 000 euros (consommation, conflit de voisinage, injonctions de payer et de faire...). Certains jugements sont rendus en premier et dernier ressort. TRIBUNAL DE COMMERCE compétence : droit du commerce et des sociétés Constitution de société Litiges entre commerçants ou sociétés commerciales (cessation de paiement, liquidation judiciaire...). TRIBUNAL DE POLICE compétence : droit pénal Infractions qualifiées de contraventions de cinquième classe par le code pénal passibles d’amendes. TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX compétence : droit rural Litiges entre bailleurs et exploitants de terre ou de bâtiments agricoles. JUGE DE PROXIMITÉ compétence : droit civil et pénal En matière pénale, Infractions qualifiées de Contraventions jusqu’à la quatrième classe (ex. : amende pour tapage nocturne). JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES POUR MINEURS JUGE DES ENFANTS : compétence : droit civil et pénal Meusures de protection à l’égard des mineurs en danger. Infractions commises par des mineurs. TRIBUNAL POUR ENFANTS compétence : droit pénal Délits commis par les mineurs. Crimes commis par les mineurs de moins de 16 ans. COUR D’ASSISES POUR MINEURS Crimes commis par des mineurs de plus de 16 ans. En première instance ou premier degré de juridiction, les tribunaux rendent des jugements sur le fond, c’est-à-dire sur l'objet du litige. 1. Complétez le texte relatif aux juridictions de première instance avec les mots ou expressions suivants : dépens, appel, moyens, litige, instruite, assignation, reconventionnelle, déboute Les parties au procès : Devant le tribunal, le demandeur ou la demanderesse agit en justice dans le cadre d’un (1) qui l’oppose au défendeur ou à la défenderesse. Le demandeur assigne le défendeur par exploit d’huissier devant la juridiction compétente. L’huissier remet au défendeur l‘ ................................................. (2), l’acte par lequel le demandeur informe le défendeur qu’il engage une action en justice contre lui. Si le défendeur commence à son tour une action en justice contre le demandeur, on parle de demande ................................................. (3). Procédure : Si l’affaire est complexe, elle est ................................................. (4) par un juge des mises en état (droit civil) ou un juge d’instruction (droit pénal). Les parties au litige doivent s’échanger (se communiquer) leurs pièces. Devant le tribunal, les représentants des parties (avocats, procureur de la République) plaident et utilisent des ................................................. (5) (arguments) de fait et de droit pour convaincre les juges. Le tribunal condamne le défendeur ou ................................................. (6) le demandeur (rejette sa demande). La partie ayant perdu le procès est généralement condamnée aux ................................................. (7) (au paiement partiel ou intégral des frais de procédure). La plupart des décisions des juridictions de premier degré sont suceptibles d’................................................. (8) ; on dit alors que le tribunal juge en premier ressort. Mais, pour les litiges de faible valeur, les juridictions de première instance tel que le juge de proximité ou le tribunal d’instance rendent des jugement en premier et dernier ressort (sans possibilité d’appel). 2. Les juridictions d’appel ou de deuxième instance LES COURS D’APPEL La partie généralement déboutée peut interjeter appel du jugement de première instance si celui-ci n’a pas été rendu en premier et en dernier ressort. La cour d’appel réexaminera alors l’affaire sur le fond. Les cours d’assises d’appel ont pour compétence exclusive de statuer en appel sur les verdicts rendus par les cours d’assises en première instance. La cour d’appel rend des arrêts sur le fond. Elle rejuge une deuxième fois l’objet du litige. Les parties au procès : La partie condamnée ou déboutée en première instance (dont la demande est rejetée par le tribunal) peut interjeter ou faire appel du jugement. L’appelant (demandeur) assigne l’intimé (défendeur). La procédure : Si la cour d’appel « reçoit l’appel du demandeur » mais le dit « mal fondé », elle confirme le jugement de première instance. Dans ce cas, l’arrêt est confirmatif. Si la cour d’appel « reçoit l’appel du demandeur » mais le dit « régulier en sa forme », elle infirme le jugement de première instance. Dans ce cas, l’arrêt est infirmatif. 3. La juridiction de cassation LA COUR DE CASSATION La Cour de cassation siégeant à Paris veille à la bonne application des règles de droit par les cours et les tribunaux. Elle réexamine le litige uniquement sur la forme. La partie invoquant une mauvaise application du droit peut se pourvoir en cassation. La cour de cassation rend des arrêts sur la forme. Les parties au procès : La partie condamnée ou déboutée en première instance (dont la demande est rejetée par le tribunal ou la cour) peut déposer ou former un pourvoi en cassation si elle estime le droit mal appliqué ou mal interprété par les juges de fond. Le demandeur (la demanderesse) au pourvoi forme un pourvoi contre le défendeur (la défenderesse). La procédure : Le demandeur au pourvoi « fait grief (critique) à l’arrêt ou au jugement attaqué … » et demande la cassation (annulation) du jugement du tribunal ou de l’arrêt infirmatif ou confirmatif de la cour d’appel. Il fonde son pourvoi uniquement sur les moyens de droit. Le moyen de droit peut être divisé en branches. Le pourvoi est fondé sur : - la violation de la loi ; - l’excès de pouvoir, si la juridiction empiète sur les attributions des pouvoirs législatifs ou exécutifs ; - l’incompétence de la juridiction, si la juridiction n’est pas compétente en matière du litige ; - l’inobservation des formes de la loi ; - le manque de base légale de la décision ; - la contrariété de jugements ; - la perte de fondement juridique. Si la décision attaquée n’est pas rendue conformément au droit par les juges de fond, la Cour de cassation : - « casse et annule … renvoie les parties devant … » ; l’affaire est alors renvoyée pour être rejugée par d’autre juges de fond ; - « casse et annule » l’arrêt d’appel, ce qui revient à confirmer la décision de première instance. Si la décision attaquée a été rendue conformément au droit par les juges de fond, la Cour de cassation « rejette le pourvoi formé contre la décision rendue le … par la cour d’appel de … ou le tribunal de … : dans ce cas, on parle d’arrêt de rejet. Si le pourvoi en cassation est rejeté, la décision des juges de fond a acquis définitivement « l’autorité de la chose jugée » et peut, par conséquent, être mise à l’exécution. Activités 2. À l‘aide du tableau descriptif des juridictions françaises ci-dessus, déterminez quelle est la juridiction compétente pour statuer sur les litiges suivants : NATURE DU LITIGE JURIDICTION COMPÉTENTE 1. Mme Padebol est poursuivie pour usage du téléphone portable au volant. 2. Mme Lecru demande le divorce aux torts exclusifs de son mari. 3. M. Lebail réclame trois mois de loyer impayés à Mlle Padefric, sa locataire. 4. Mlle Filc, commerçante, réclame le paiement d’une facture à la S.A.R.L. Laventure. 5. Mlle Chombier, 17 ans, est accusée d’avoir tenté d’empoisonner son ex-petit-ami. 6. M. Lognon réclame des certificats de travail à son employeur. 7. Mme Rose demande à la société Moulinox le remboursement d’un aspirateur défecteux. 8. M. Têtu n’est pas satisfait d’un jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes. 9. M. Pierre conteste la bonne interprétation du droit par les conseillers de la Cour d’Appel. 3. Résumez le texte sur les juridictions de proximité en 150-200 mots. Les juridictions de proximité La volonté politique du président de la République, Jacques Chirac, de « désengorger la justice », en simplifiant et accélérant les procédures, notamment pour les litiges de faible valeur ou les infractions mineures, a permis de réinstaurer les juges de proximité, anciennement dénommés « juges de paix » et supprimés par la réforme de 1958. La loi d’orientation et de programmation pour la justice proposée au vote du Parlement par le ministre de la Justice Dominique Perben et promulguée le 9 septembre 2002 crée dans le code de l‘organisation judiciaire, les juridictions de proximité. La loi organique du 26 février 2003 précise les modalités de constitution et de fonctionnement de ces nouvelles juridictions. Toutefois ces juridictions verront leurs compétences modifiées par la loi du 26 janvier 2005 puis par le décret du 2 juin 2008 relatifs aux compétences des juridictions de droit commun. On peut considérer la juridiction de proximité comme atypique. En effet, le juge de proximité, contrairement aux autres magistrats de siège, n’est pas un magistrat « à plein temps » mais une personne civile exerçant ou non une autre activité professionnelle (généralement un technicien du droit) recrutée par candidature pour une période de 7 ans non renouvelable et ayant reçue une formation complémentaire auprès de l’École nationale de la magistrature (E.N.M.). Il possède en outre une double compétence, à la fois en matière civile et en matière pénale. Le juge de proximité a donc « une double casquette ». Les articles 213-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire définissent les compétences de la juridiction de proximité. En matière civile, les juridictions de proximité privilégient la conciliation entre les parties à un litige, le rôle du juge est donc préalablement de tenter d’amener les parties à un accord, le cas échéant, en nommant un conciliateur. À l’issue de cette tentative préalable de conciliation, le juge de proximité aura pour compétence d’homologuer le constat d’accord formé entre les parties pour lui donner force exécutoire. Dans le cas contraire, il aura pour charge de statuer : - en premier et dernier ressort (sans possibilité d’appel) sur les litiges personnels ou mobiliers dont la valeur n’exéde pas 4000 euros (par exemple, un conflit de voisinage, litige en matière de consommation). - à charge d’appel pour les litiges relatifs à l’exécution d’une obligation dont la valeur n’exéde pas 4 000 euros. Il possède aussi des compétences exclusives, notamment pour l’exécution des injonctions de paiement (lorsqu’un réancier veut recouvrir de façon forcée une somme dûe par son débiteur) ou de faire (pour obtenir l’exécution i une obligation, par exemple la livraison d’un bien). Enfin, au titre de l’article 700 du N.C.P.C., le juge de proximité pourra condamner la partie perdante ou déboutée à payer à l’autre toute ou une partie des frais engagés lors de la procédure. En matière pénale, le juge de proximité est compétent pour juger les contraventions (les infractions mineures) jusqu’à la 4^ème classe santionnées par une amende d’un montant maximum de 750 euros (par exemple, les infractions mineures au code de la route ou le tapage nocturne). La procédure a été spécialement aménagée de façon à rendre l’accès à cette juridiction le plus facile possible. La saisine de la juridiction de proximité s’exerce grâce à un simple formulaire et les coûts de procédure sont limités. La représentation des parties par un avocat n’est pas obligatoire mais l’audience est bien sûr orale et contradictoire. Sources bibliographiques et autres : GALLERNE, Jean-Michel. Français langue juridique. NOWELA Sp. z. o.o., 2014. ISBN: 8362008458