Cours No 3 Etude de cas : Le principe de précaution Un tribunal administratif allemand a rejeté, mardi 5 mai, un référé introduit par le groupe agro-industriel américain Monsanto contre l'interdiction de cultiver son maïs OGM prise par Berlin mi-avril. Le tribunal administratif de Brunswick, dans le nord-ouest de l'Allemagne, a rejeté le recours en urgence déposé par Monsanto, et a estimé que la culture de maïs MON810 de Monsanto représentait "après un examen provisoire (...) une situation de risque qui justifie une telle interdiction, comme le prévoit la loi sur les biotechnologies". Pour qu'une telle décision soit légitime, il n'est pas nécessaire qu'un danger clairement identifié existe, il suffit que des indices aillent dans ce sens, estime encore le tribunal. Monsanto a la possibilité de faire appel de cette décision en référé. La firme a indiqué à l'AFP qu'elle "étudiait la possibilité de présenter de nouveaux éléments de droit". Dans tous les cas, une procédure sur le fond va se poursuivre à Brunswick, au cours de laquelle des débats oraux seront menés. Mais le tribunal a précisé qu'aucune date ne pouvait être fixée pour le moment. Le 14 avril, la ministre de l'agriculture, Isle Aigner, avait activé la clause de sauvegarde contre le MON810, à partir de "deux nouvelles études" qui avaient apporté "de nouveaux éléments scientifiques" – notamment le fait que le gène introduit par Monsanto serait nuisible aux coccinelles et aux papillons. L'Allemagne avait ainsi rejoint la France, la Grèce, l'Autriche, la Hongrie et le Luxembourg, parmi les pays qui ont interdit cette culture au nom du "principe de précaution". Selon le dernier rapport de l'Afssa (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments), le maïs Monsanto pourrait être consommé sans danger. En effet, le maïs transgénique MON810, mis en cause par le gouvernement français en 2008, ne porterait préjudice à la santé d'aucun être vivant (humain ou animal) ou à l'environnement en général. Source : article modifié d’après un article paru dans Le Monde (307 mots) Notes : = .............................................................. = maïs génétiquement modifié, transgénique = .............................................................. = faire ........................ = ................................................................. = La clause de sauvegarde sur les OGM permet d'interdire provisoirement la culture ou la vente d'un organisme génétiquement modifié autorisé dans l'UE, en invoquant un risque pour la santé ou l'environnement. = petit coléoptère rouge ou orangés tacheté de petits points noirs, très commun dans les jardins, prédateur des pucerons, utile à l'agriculture = ................................................................. = ................................................................. = maïs génétiquement modifié = ................................................................. Activité 1 : Essayons de comprendre systématiquement cette décision de justice, à l’aide d’une grille de lecture[1] : a) Juridiction: Quelle est la juridiction qui statue ? b) Parties au procès : Qui sont les parties au procès ? Qui sont le demandeur et le défendeur ? c) Faits : Quels sont les événements à l’origine du litige ? d) Prétentions des parties : Quelles sont les demandes des parties ? e) Moyens des parties : Quels sont les arguments juridiques des parties ? f) Problème juridique : Quel est le problème posé aux juges ? A quelle(s) question(s) doit répondre le tribunal ou la cour ? g) Procédure et solutions retenues : h) Motifs de la décision : Quelles sont les raisons, les arguments juridiques du tribunal ou de la cour, à l’appui de leur décision ? Activité 2 : Trouvez dans le texte les substantifs des verbes suivants : gouverner : ………………….. interdire : ………………….. décider : ………………….. procéder : ………………….. débattre : ………………….. causer : ………………….. cultiver : ………………….. fonder : ………………….. Activité 3 : Trouvez dans le texte les verbes (conjugués ou à l’infinitif) des substantifs suivants : une introduction : ………………….. un rejet : ………………….. une poursuite : ………………….. une possibilité : ………………….. une fixation : ………………….. une précision : ………………….. une consommation : ………………….. une représentation : ………………….. Activité 4 : Trouvez dans le texte les synonymes et antonymes des expressions suivantes : faire recours (syn.) : ………………….. contester, attaquer (syn.) : ………………….. légal(syn.) : ………………….. au sein de (syn.) : ………………….. accepter(ant.) : ………………….. une autorisation (ant.): ………………….. la forme (ant.): ………………….. s’interrompre, s’arrêter (ant.): ………………….. Activité 5 :Composez une expression juridique avec un mot de la colonne A, associé à une expression de la colonne B : A B 1. porter 2. introduire 3. une clause 4. un tribunal 5. mettre a. de sauvegarde b. administratif c. en cause d. préjudice e. un référé Activité 6 : Trouvez un titre plus factuel à cet article (entre 3 et 8 mots): Activité 7 : Expliquez l’idée du “principe de précaution”. Connaissez-vous d’autres exemples d’interdiction au nom du principe de précaution ? Activité 8 : Donnez votre opinion en 5 ou 6 phrases : « Selon vous, l’application du principe de précaution a-t-elle toujours un sens ? N’est-elle pas aussi un prétexte pour introduire des mesures protectionnistes ? » ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… Activité 9 : Lisez les 2 argumentaires de la page suivante et reformulez-les dans ce tableau : Reformulez 3 des arguments utilisés par Philippe Roch et Pierre Kunz Point de vue du partisan Pour ou contre le principe de précaution ? Point de vue de l’opposant Argument 1 D’une part / Premièrement / D’abord, … Argument 2 D’autre part / Deuxièmement / Ensuite, … Argument 3 En outre / Par ailleurs / De plus, … Conclusion En conclusion / En somme / Finalement, … Pour la précaution, par principe par Philippe Roch, publié dans Le Temps Philippe Roch est membre de l’Assemblée constituante genevoise et ex-directeur de l’Office fédéral de l’environnement, explique les avantages d’inscrire le principe de précaution dans la Constitution genevoise L’Assemblée constituante genevoise devra décider cet été si elle veut introduire le principe de précaution dans la nouvelle Constitution, qui sera soumise à l’approbation du peuple. […] Depuis le Sommet de Rio, de nombreux accords internationaux ont intégré le principe de précaution: la Convention sur la diversité biologique (préambule), le Protocole de Carthagène sur la sécurité biologique (art. 10.6) et la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (art. 8.7a). Par contre, ni la Constitution fédérale ni la loi fédérale sur la protection de l’environnement ne mentionnent le principe de précaution. Elles font appel au principe de prévention, qui s’applique pour éviter la réalisation d’un risque connu, alors que la précaution s’applique lorsque l’on soupçonne un risque encore indéterminé. Bien des drames écologiques auraient pu être évités ou atténués si l’on avait appliqué le principe de précaution. […] C’est aussi le principe de précaution qui a conduit la population suisse à voter un moratoire de cinq ans sur l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés dans l’agriculture. Si le principe de précaution est introduit au niveau constitutionnel, la loi devra prévoir les conditions d’application de ce principe. Selon l’administration fédérale, qui a fait un important travail préparatoire en 2003, les mesures prises en application du principe de précaution doivent reposer sur une évaluation scientifique aussi complète que possible, être proportionnées au niveau de protection recherché et ne doivent pas constituer un moyen détourné pour favoriser des intérêts commerciaux. Les mesures doivent être motivées et intelligibles; elles sont de nature provisoire, en ce sens qu’elles doivent être régulièrement réexaminées à la lumière de nouvelles connaissances scientifiques, et au besoin adaptées. Enfin la procédure et les responsabilités doivent être définies de manière transparente et être communiquées ouvertement aux intéressés. En conclusion, avec le principe de précaution, le doute ne doit pas profiter aux accusés (les pollutions), mais aux victimes (les générations futures). Contre le principe, par précaution par Pierre Kunz, publié dans Le Temps Pierre Kunz, membre de l’Assemblée constituante genevoise (Parti radical), rejette l’idée d’introduire le principe de précaution au niveau constitutionnel. A ses yeux, la suppression de toute prise de risques paralyse toute innovation […] On peut reprocher aux autorités de l’époque d’avoir par exemple autorisé l’ouverture des décharges de déchets toxiques dont l’assainissement coûte aujourd’hui très cher. Pourtant, ce n’est pas la non-application du principe de précaution qui est en cause mais plutôt un manque de prudence causé par la facilité et l’absence d’alternative évidente. Au demeurant, le coût découlant des conséquences du risque pris permet-il d’affirmer aujourd’hui avec certitude, chiffres à l’appui, qu’au regard des avantages obtenus il ne fallait pas prendre ce risque? Il est impossible de répondre sérieusement à ce type de questions. D’où la conception de certains qui laissent entendre que c’est la prise de risque qu’il faut interdire. Mais cette façon de classer l’affaire est absurde car fondée sur un absolutisme qui conduirait par exemple à interdire la circulation automobile au prétexte qu’elle cause en Suisse la mort de plus de 400 personnes par an. «Le principe de précaution, dit Philippe Roch, est applicable lorsque de sérieux indices scientifiques font craindre un risque important, mais que les données scientifiques sont insuffisantes pour prouver de manière absolue et définitive une relation de cause à effet.» C’est dans cette formulation que se situe le danger le plus grave de sa proposition. L’auteur préconise en effet un bouleversement de l’approche scientifique traditionnelle: celle-ci ne serait plus fondée sur l’expérimentation du connu et la dialectique scientifique mais bien sur l’obligation de démontrer que ce qui paraît improbable, irréel, imprévisible est impossible. L’autre exemple, de nature technologique et énergétique, concerne le nucléaire. Etant donné la problématique non résolue des déchets, l’application du principe de précaution aurait dû conduire les autorités du pays à refuser de recourir à l’énergie nucléaire. Mais, si dans les années 1950 le risque n’en avait pas été pris, que serait notre pays qui aujourd’hui produit 40% de son électricité en centrales nucléaires? Que serait-il advenu du niveau de vie des Helvètes sans l’appoint de cette source d’énergie? Pire, que serait notre environnement si cette source d’énergie avait été remplacée par l’utilisation d’énergies fossiles ? Quant aux effets du principe de précaution, lorsqu’il est appliqué par des technocrates et des politiciens, ils peuvent se révéler désastreux. La dernière illustration connue du genre de folies auxquelles il peut conduire est toute récente. Il s’agit de la manière dont l’OMS et les gouvernements occidentaux ont traité au nom de ce principe l’épidémie de grippe A (H1N1). L’adoption du principe de précaution comme valeur de référence suprême ne peut conduire qu’à la multiplication de ce genre d’aberrations. Pourquoi? Parce que les dirigeants politiques qui s’y voient soumis ne peuvent plus agir que dans l’hypothèse du pire. Les notions de bon sens, de mesure, ne peuvent plus être prises en compte par ceux qui, en cas d’erreur même infime de jugement, voient leur responsabilité politique et personnelle engagée. Ces dirigeants sont interdits en quelque sorte d’évaluation objective, scientifique et rationnelle des risques. Sources bibliographiques : GILLES, Rapahael. Le français du droit - textes et activités. Schulthess Verlag. Zürich, 2011. ________________________________ [1]D’après la grille d’analyse proposée par J.-L. Penfornis, Le français du droit, p. 29, Paris, 1999