a Comment se dégager de notre emprise? Ä partir du moment oü le test de la biscotte est «positif» (voir ci-dessus), d'autres allergies ne vont pas tarder á surgir. Le temps des bisous, des calins, des promenades main dans la main est bei et bien révolu. Désormais, se frimballer avec ses parents, c'est la honte III faut marcher vingt metres devant ou derriěre, se faire déposer ä cin-quante metres de ľentrée du college pour éviter de se montrer en une compagnie si compromettante! Si les prémices de cette attitude peuvent parfois se déceler en fin de primaire, les années college marquent ľapo-théose de cette application obstinée qu'apportent notre ado a ostensiblement se démarquer de nous. Par tous les moyens! Le but étant, bien sür, de prendre ses distances. Et plus il se sent proche de nous, plus la géne I'envahit, plus il va chercher á échapper ä notre emprise. Comment? Notre ado ne manque pas d'imagination. II va done s'employer ä marquer sa prise de distances en s'acharnant «ä produire de ľécart»: utiliser la musique comme un rempart de bruit, dire des gros mots, manger le sueré avec le sale, ajouter du ketchup ou de la «mayo» sur tout, laissersa chambre en bazar, manifester un intérét minimum pour ľécole, se teindre une měche en violet, se mettre un piercing... Ce n'est pas tant pour s'opposer ä nous que pour faire contraste avec nous, puisque aujourďhui les generations tendent ä se con-fondre. Les ados n'en ont pas clairement conscience, mais c'est pour éviter cette confusion qu'ils ont tant besoin de marquer leurs differences, de se distinguer. En les voyant trancher avec nos habitudes et nos idées, nous avons tendance ä n'y voir que provocation et rebellion contre notre autorite. Et puis, nous souffrons. Dur de passer du statut ďintouchable a celui de pestiféré! ■ Autour, c'est le desert Quelle ingratitude! Si on leur parle trop pres du visage, lis se reculent et font mine ďessuyer nos postilions en disant: «II pleut!» Un geste tendre vers eux? Dégou-tés, ils dégainent un: «Ne me touche pas!» Nous qui, depuis leur naissance, avons eu á cceur de leur donner tous les atouts, toutes les chances de réussir, avons cherche ä exaucer leurs moindres désirs, et méme ä les anticiper... Nous voilá bien recompenses! Et puis autour, c'est le desert. Nous sommes seuls pour essuyeŕ les tirs. Le tissu familial s'est effiloché. Les grands-parents les cousins, les oncles, les tantes, toute la famine vit sou-vent dispersée. On ne peut plus compter sur eile pour se repartir les rôles, trouver des voies de dégagement Ľenfant lui-méme souffre de ces manques. Plus guěre cle tonton pour aller jouer au foot le dimanche nl de mamie pour s'initier á la patisserie ou aller au cinema. Ľenfant fait TOUT avec ses parents, TOUT le temps! m Ľéducatian n'est plus ('affaire de tous Quant au tissu social, lui aussi, il est en lambeaux Les voisins ne connaissent plus les enfants par leurs pré-noms, les commercants non plus. Les enseignants sont mis en demeure de jouer les assisfantes sociales et les forces de ľordre de jouer les surveillants. voire les nou-nous ď adolescents en mal de reperes. Le reste de la communjuté adulte ne se sent plus concernée. Un collégien fume du shit au square? Si ce n'est pas votre fils, vous passez votre chemin. Une bande ďados entre dans le bus, lance des injures, crache par terre, met les pieds sur les banquettes... Pas de voyageurs pour broncher par peur des représailles. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, cette absence de réponses á leurs comportements les insécurisent. Et bien sür, sans étre pour autant des voyous, les jeunes vont multiplier les petits délits pour trouver des limites. Combien d'ados roulent sans casque, brüfent des feux ou fument du cannabis dans les concerts sans étre inquiétés. Les volia done livrés á eux-mémes, dans un terrain devolution anarchique, oü les bis et les regies sont bafouées sans que personne songe ou ose s'en plaindre. Ľéducation n'est plus ľaf-faire de tous. Resultat: les seuls terrains devolution qu leur permettent de bouger et de grandir sont définií par la famille, ľécole et les enclaves de la société comme les colos, les centres de loisirs... Le reste - ce dehor; non contrôlé - est devenu une sorte de jungle, le liei de tous les dangers oü tout peut arriver. Surtout le pire.