Daniel Pennac Ľevasion de Kamo Illustrations de jcan-Philippe Chabot GAL.L1MARD JEUNESSE La bécane héroique - Pas question que je monte lä-dessus, deciara Kamo, II remit la bicyclette ä distance, du bout des doigts, avec une riioue de dégout, comme si eilt; eöt été enduite de confiture. -Ah, non ľ et pourquoi ľ Kamo nie jeta un bref coup d'ceil, hésita une seconde, et répondit: Parce que. -Tu ne sais pas montér ä bicyclette 1 La, il cut son sourire méprisant: - II y a des tas de choses que je ne sais pas faire. Je ne connaissais pas un mot d'anglais, ľannée derniere, tu te rappelles ľ J'ai appris en trois mois1. Alors le velo... I. Lire Kam», !'7 était süffisant pour vaincre cctte palcur de cire, pour ranimer cctre immobilste, pour faire que cela se répare, dedans. -Cest une méthode čumme une autre, me dít le docteur Grappe. (Cľérait le docteur du college. J'étais arrive chez lui ä bout de souffle, je lui avals exposé la théorie de Lanthicr.) - Vous croyez que ca peut marcher ľ Le docteur Grappe ne me répondit pas dircc-tement. Mais ce qu'il me dir valait routes les réponses. — L'affection, la v rate» ca a Coujours donné envie de guérir. U fallait penser ä Kamo. 11 fallait y penser sans faiblir. Lanthíer avatt raison. Et pour cela, il ŕai-lait combattrc ľimpression qu'avait laissče en moi son immobil ir.é. Son immobilité. Cest alors que je me .suis rappelé ľhis-toire du chat. Nous étions au cours pré-paratoirc, ä ľépoque. Premiere année. Qa ne datait pas ďhier. Nous reiv trions de ľécole et le chat s'était fair éeraser sous nos yeux. Pas exacrement éeraser. A pcu pres le meme accident que Kamo. 11 avait VQulu traverser la rue en deux bonds ct ľaile de la voiture 58 ľavait trappe en plcin vol. U avait ére projeté conixe la poitrine de Kamo, qui avait vacillé sous le choc, mais dont les bras s'étaient instinetive-ment reŕermcs sur le chat. Kamo élait reste lä, debout, ľanimal dans les bras, ä regarder la voi-ture filer. De la boiichc entrouverte du chat pas-sait un petit bout de langue ou perlait une goutte de sang. II ne bougeait plus. Certe immobilird, justement, qui est autre chose que le sommeil... -II est. mort, dis-je. -Non, répondii Kamo. Lc chat dans les bras, Kamo marcha rranquillc-ment jusqu'ä chez lui, grimpa les deux ctages qui menaient ä son appartement et, quand sa mere lui eut ouvert, il gagna sa chambre sans un mot, se glissa dans son lit sans méme '''- rent de Margerelle en prof de francais grincheux, et Crastaing, un an plus Card, justement, Cras-taing, le prof de francais de sixieme, done tour le monde avait une peur atroee, tout le monde sauf Kamo, la facon extravagante dont Kamo avait appris l'anglais et ("ait la connaissance de Catherine Earnshaw, ľhéroinc des Hauls s amaigri, aussi fines, aujour-d'hui, que des partes de moineau. Aiors nous reganlämes la sonnette une nouvclle fois. - Bon Dieu que j'ai froid! Ce n'était pas la sonnette qui v^naii de dire ga! Lanthier fut le premier ä le comprendrc. II se laissa comber de tout son poids, sur ses deux genoux, au pied du lit dc Kamo, et, la bouchc toute proche de son oreille, demanda: -Tu as froid ? Pendant quelques secondes Kamo ne broncha pas. Enfin, nous vímes ses levres bleues pronoiv cer dislincrement: -DjavaTr, j'ai crop froid, ixouvc-moi une pelisse... Kamo avail parle! Kamo avail park- el ce fut comme si nous res-suscicions nous-memes! Je me ruai sur les radiateurs: ils étaient bouiliants. Je refcrmai la íenérre enrrouverte et ouvris les placards de U ehambre: pas la moindre 69 ŕ^i Kfo couverture. Toujours penché sur la bouche de Kamo, le grand Lanthier leva une main, agacé par le bruir de mon remue-ménage. Je me figeäi sur place et entendis nettement Kamo dire: -Une pelisse, Djavair, ou je ne sortirai jamais de ce trou! Je me demandai qui était Djavair mais Lan-thier posa une autre question: -Qu'esťce que c'est, une pelisse ? -Un manteau de mou ton, dis-je, ou un manteau d'ours, une four-rure, quoi. Une lueur passa dans le regard du grand Lanthier, D'un seul geste, il ôta sa veste qu'il étendit sur la poitrine de Kamo en murmurant: -Tiens, mon petit pere, c'est la pelisse la plus chaude du monde... Ce n'était pas une veste chaude, pour-tant, c'était le haut d'un de ces bleus de travail dont le pere Lanthier habillait ses huit enfants děs le printemps venu. (Uhí-ver, ils portaient des pantalons et des vestes de charpentier, en gros velours côtelé.) Ce n'était pas chaud, non. Pour- 70 tant, quand je voulus aller chercher une vraie couverture, Lanthier me retint d'un geste: - Laisse! Et, en effet, dans la demi-beure qui suivit, nous vimes le corps de Kamo retrouver ses cou-leurs. II se réchauSait ä vue d'oeil! -lncroyable, murmura Lanthier, on croirait voir le mercure remonter dans un thcrmométre! Les doigts de Kamo avaient retrotivé leur Souplesse, et son visage était bien le visage de Kamo. C'esi alors que ses lěvres dessiněrent un imperceptible sourire et qu'il murmura, les yeux tou-jours ŕermés: -Maintenant, tout est devenu possible. A ce moment-la, ľinfirmiere, que nous n'avions pas sonnée, entra dans la chambre. -Qu'est-ce que c'est que cette veste ? demanda- ťelle immédiatement, vous trouvcz qiľil ne fait pas assez chaud, ici l Cétait une grande Antillaise ä la voix autori-ta i re et aux gestes rapides. Elle entrouvrit la fenetre que je venais de fenner, baissa ľintensitc des radiateurs, jeta un coup dVeil a la courbe des temperatures pendant que, ä mon grand étonne-ment, Lanthier rcprenait sa veste et ľenfilait comme si de rien n'était. Uinŕirmíere sc pencha au-dessus de Kamo et, dans un grand sourire, lui dit: — On dir a it que tu as meilleurc mine, aujour-d'hui, mon chéri, tu as raison, bagarre-toi, moi je sais que tu vas t'en sorfir! Puis, ä nous deux : -II faut lui parier, les garcons, il raut faire comme s'il cntendait, mais ce n'est pas la peine de trop le couvrir. Sur quoi, eile sortit aussi rapidement qu'ellc était entree. Je me levai pour reformer la fenetre et rouvrir les radiateurs. -Pas la peine, fit Lanthier, eile a raison. Puis, en ôtant de nouveau sa veste, il dit: -II fait trop chaud dans cette piece. Cest en lui qu'il fett froid, ä ľintérieur. II rabattit draps et couvertures, placa la veste de travail sur la poitrine de Kamo et refii le lii, comme si de den n'ctait, de tacon ä rcndre la veste invisible. Nous marchions en silence, Lanthicr et moi. Nous n'avions pas pris le metro. Nous marchions dans la ville comme si cllc était vide, comme si eile nous apparrenait. II n'y avair que nous et les arbres. Un bonheur tel en nous, qu'un claque-ment de nos doigts auraii suťŕi a leslaire cous fleu-rir. Qui dit qu'il n'y a pas d'arbres, ä Paris ? II n'y a que ca... quand on est heureux. Au bout dun bon quart d'heure, je finis tout de merne par demander: -D'apres toi, qui est-ce, Djavaľr ľ -Je m'en fous complěr.ement. Devant mon air ahuri, le grand Lanthier partit de son rire ä lui, un rire trčs lent, inimitable. -Tu sais, diťil enfin, moi, je suis un «rand con, c'est connu. Ses mains étaient profondémenr enfoncées dans son pantalon et il marchait, tete penchée, comme fasciné par le spectacle de ses gigaiv tcsqucs picds: -Alors, je ne cherche pas a comprendre, j'obéis, c'est tout. Mais il souriait. 73 -Mon pore me demandc une pelisse ľ Va pour une pelisse. Mon pote m'appelle Djavaírľ Why not ľ Pourvu qu'il revienne ä la surface... Uagence de voyage avail: remuč" le ciel et la tcrre de toutes les Russie: pas la moindre trace de la mere de Kamo. -Enfin, Bon Dieu, ccmpetait Pope, on ne dis-paraít pas cornme ca! -D'un autrecôté, répétait Moiine, plus tard eile apprendra ľétat de Kamo, mieux ca vaudra... Pope et Menne aussi se rendaieni touš les jours ä ľhôpital. lis se tenaient longuement au chevet de Kamo et revenaient ä la maison, Pope soute-nant Moune. Les soirees s'étiraient dans le inéme silence. L'un des deux, parfois, secouait la tete, et cela voulait dire: * Cest de ma faute... » Je les aurais volontiers consoles, ce soir-lä, mais le grand Lanthicr m'avait dit: -Surtout pas! Ne leur dis pas que Kamo a parlé! -Pourquoi 1 -Je ne sais pas. II avait un air totalement égaré, en me disant cela. Une soudaine panique dans les yeux, -Je ne sais pas... il me semhle... personne ďautre que nous ne doit le savoir... jure-lc-moi. 74 II s'était retoumč. H me faisait face. Je vis que ses mains enormes s'étaient refer-mces dans ses pockes. -Jurc'lc! -D1 accord, Lanthier, d'accord, je ne diirai rien, c'est jure. Tout de merne, cc soir-lä, devanc le malheur de Pope, devant le malheur de Moune, je ne pus m'empécher de dire: —Eh! vous deux... Pope leva tme tete třes leňte. Je ne les appelais « vous deux » que dans les grands moments de gaietč. - Kamo va s'en sortir, d is-je. Pope me Eegardait comme -s'd ne menrendaii pas. J'éclatai de rire et dis: -Les adolescents ont de ces aniennes que les vieux sclinocks ont perdues. Qa nc Ics fit sourire ni ľun ni lautre. Alors, je m'nssis ä côlé de Moune que j'enveloppai de mes bras- - Maman, tu as confiance en moi í Elle fit oui de la tete. Un oui minuscule. -Alors, écoute bien ca : Kamo va s'cn sortir. Et j*ajoutai: -Je tc le jure. Kamo et Kamo Le grand Lanthier avait raison: ľétat de Kamo exigeait le secret. Kamo nous le fit comprendre, ä sa maniere. Des que quelqu'un d'autre que nous pénétrait dans sa chambre, il cessait de parier. Non seulement il se taisait, mais son visage retrouvait instanranément cetre pSleur cireiise et vaguement bleue qui nous effrayait tant. De son côté, le grand Lanthier laissait retomber tous les traits de son propre visage et, lui qui riait une seconde plus tôt, paraissait tout ä coup au fin fond du chagrin. Si triste, merne, qiľun apres-midi 1'infirmiěre antillaise piqua une vraie colěre: -Si tu continues ä faire cette těte, toi, je te fous dehors ! II n'a pas besoin de vieillcs pleu-reuses, ton copain, il a besoin d'amis forts qui croient en sa guérison 1 Oui, derriere ses paupiěres closes, Kamo parlait. Difficile de dire s'il nous pariait ä nous, s'il nous reconnaissail, mais il savait que quelqu'un était lä, tout pres de lui, quelqu'un en qui il avail une confiance totale, ä qui il pouvait tout dire, tout demander. 11 nous appelait encore Djava'ir, mais il nous donnait aussi d'autrcs noins: Vano, Annette, Kote, Braguine... 11 nous demandait des services, il nous donnait des otdres, et nous obéiS' sions, comme si nous aviorws été Djava'ir, Vano, Annette, Kote, Braguine... 11 avait aussi des cris étouffés, des cris de rage: -Stolypine, grincait-il, Sto-lypine, tu me le paieras: Ou bien: -Cest Jitomirski qui m'a trahi, oui, c'est cette crapule de Jitomirski! II travaillait pour YOie, tout pres de toi, eile est lä, Kamo! Mais il iie répondit pas. II ne parlatt plus. —Cette fois-ci, dit le grand Lanthíer, c'esi routu. Nous marchions díins Paris. Nous n'étions pas presses de rentrer chez nous. Nous étions senk Le grand Lanthier dit encore: -II se sera bien battu. Puis: — Tu as remarqué .' il n'y a pas de bourgeons aux arbres. Le printemps est en retard, cette année. A quoi je répoitdis: -De route facon, il n'y a pas d'arbres, dans cette putain de villc. Dans ma chambre, sur ma table de nuit, la montre de Kamo marquait toujours onze heures. Les aiguilles marquaient onze heures Jc ne fus pas surpris de trouver le lit de Kamo vide, le iendemain. Je m'étais fait ä cette image pendant toute la nuit. Je n'en avais rien dit ä Pope et ä Moune, mais, les yeux rivés au plafond de ma chambre, je voyais tres nettement le lit de Kamo. Vide. Ni Lanthier ni moi ne voulions rester une seconde de plus dans cet hôpital. -Foutons le camp d'ici. Nous marchions trěs vite dans les couloirs, vers la sortie. Sous nos pieds, le lino bleu pale avait des reflets de glace. Ľair était cliaud, pourtant, immobile, saturé de routes les odeurs ďhôpttal: mau* vaise cuisine et désinfectants. J'arrivais ä peine ä suivre le grand Lanthier, tant il marchait vite. Comine il disparaissait ä ľ angle d'un couloir, j'entendis un bruit de ferraille, un juron, le choc 96 sourd ďune chute, et une voix furieuse qui gla-pissait: -Tu ne peux pas regarder dcvani toi, non l Je courus et me trouvai face ä la grande infir-mi@re antillaise de Kamo. Elle poussait une longue civiěre roulante et Lanthicr Se tordait de douleur sur le lino, les deux mains serrées autour de son tibia. La forme allongée sur la civiěre se pencha afors sur le côté, et une voix familiěre résonna, qui me parut emplir touš les étages de ľhôpital: -Tu ťes CBSSé la patte, Lanrhier ľ Tu veux par-tager la merne chambre que moi ľ Kamo. Kamo! Reveille. Rose comme un cul de bébé. Et rigolant comme Kamo. Kamo! 11 rrľaper-cut ä son tour. -Salut, toi! Ľinfirmiére tendait une main ä Lanthier qui se relevait en grimacant. Kamo 1 La voix de Kamo! -Je reviens de la radio, II paraít que 9a s'est ressoudé a la vitesse grand V, lä-dedans, mais que les derniers jours ont été difficiles. U tapait du doigt sa rete completement rasée. -Une belie tranche de bagnard, non ľ On va croire que je me suis évadé de taule l II riait. II ne se souvenait de rien. II ne se rappelait méme pas avoir réve. Notre histoire de prison-nier, ďéva&ion et. de Sibérie ľamusa beaucoup- U étaitfaible, encore. II parlait bas. -Je vous ai resservi ce que me racontait ma grand-mere pour m'endormir, quand fétais petit: les exploits de ľautre Kamo, son pere a eile, le Robin des bois russe 1 J'y avais droit tons les soirs. Un sacré type, ce Kamo! II s'évadait vmimeni de routes les prisons ou on essayait de ľenŕcrmer. Une chose nVétonne pour-tant, il n'a jamais été déporré en Sibérie. Sa derntére prison, c'étaít le bagne de Kharkov, en Ukraine. Cest la Revolution qui ľa tiré de la, en 1917. -Mais, la lime, Kamo, la lime casséeľ demanda Lanthier. Kamo cut un rirc de convalescent, heurcux ct fatigue. — Les limes ne sont pas faites pour aller au four, Lanthier, eile devait avoir un deraut, eile a péte ä la cuisson ! — Er le ioup ľ Er la Sibérie .' Cette fois-ci, c'était moi qui interro-geais. Kamo réfléchit un long moment. — J'ai du mclangcr pLusicurs choses, dit-il enfin. Dostoievsky d'ahord, Souvenirs de la maisem des marts, 9a raconte la Sibérie... terrible ! Et u ne nouvelle de Jack London, aussi, U Amour de la vie: e'est un type qui a perdu son tratneau et ses chiens, en Alaska, il essaie de rejoindre la mer, a pied, dans la neige, et il est suivi par un vieux loup, aussi mal en point que lui. Une trěs belle hisioire, eile m'avair beaucoup marque. II se reposait de longs moments, quand il avail trop parle. Les forces lui rcvenaicnt ä vue d'ceil: un ballon qu'on regonfle. -Une drôle de chose, la memoire, tout de méme, munnura-t-il, e'est comme un shaker: tu la secoues et tout sc melange. -Qui esťce, Djavaľr ľdemanda Lanthier. — C'crait la sceur de mori arriěrc-grand-pere, eílc a partie i pé ä plusieurs de ses evasions. Avee ďaiitres copains: Vano, Annette» Koté, Braguinc... Un temps. Puis, dans im sourire: -Tě voilä devenu ma frangine, Lanthier. Lanthicr sourit, puis se tortilla sur place. II y avait une question, visibleinent, qu'il nosaii pas poser. -Qu'est-ce qu'il y a i demands Kamo. Le grand Lanthier se jeta ä ľeau: — Franchemenr. Kamo, ce loup qui te suivaít, comment tu as fait pour lui échappcr ľ Ne me dis pas que tu as oublié. Le tiourire dc Kamo dévoila une rangée de dents luisantes. -Va savoir, répondit-il doucement, je 1'ai peuťetre bouťfe, en fin de compte. Lorsque, quelques jours plus tard, la mere de Kamo pénétra dans la chambre de son fils, eile déclara, d'un ton brusque: -Alors, il suffir. que j'aie le dos rourné pour que tu ťombes sur la tete ? — Et toi, répondit Kamo, il sujftt quo je ne te sur-veiile plus pour que tu fasses ľécolc buissonniěre ľ 100 lis éraienr comme 9a, ces deux-lä. lis ne se far-saient jamais parrager leurs chagrins. lis gar-daient leurs inquietudes pour eux. lis se bagar-raient, seuls contre leurs peurs. lis s'aimaient vraiment. —Ce n'esr pas en suivant ce voyage organise que j'aurais pu découvrir quoi que ce soit sur con arriere'grand-pere, répondit-elle. Les yeux de Kamo s'allumerent. -Alorsľ II s'čtair redressé sur ses coudes. II regardait sa mere comme un affame. -Alors i Tu as découvert comment i I est mort, ce mangeur de Cosaques ľ Elle fit oiii, longuement, de la tete, en caressant le crane nu de son fils. -Raconte. Elle raconta. C'était en Jufllet 1922. La Revolution était finie depuis cinq ans. Et la guerre civile aussi. Mélissi la Grecque, Mélissi ľAbeille, n'avait pas oublié son Kamo. II lui avait préféré la Revolution, oui, il avait fait la guerre aux Cosaques, oui. 101 mais maintenant, il čtait libre. Elle rechercha sa trace dans ľimmense pays bouleversé. Elle la trouva. Le nouveau gouvernement avait nommé Kamo chef des douanes de Transcaucasie. II vivair ä Tiflis. Elle monta dans le train. 11 recur un télégrammc: « Cest moi, j'arrive.» Le soir de son arrivée, il sauta sur un velo. II pédalait comme un fou vers la gare. 11 hurlait son nom dans la nuit: « Mélissi! » II y eut une auto noire. Uauto roulait sur sa gauche, touš feux éteints. Lui ne tenait pas exactement sa droite. La voi-ture roulait vite. La měře de Kamo s'inrerrompit un instant. Elle ouvrit son sac, en sortit un objet qu'elle ten' dit ä son fils. -Tiens, c'est pour toi, les autorités me ľont donnée. La seule chose, dans ce monde, ä taquelle il tenait vraiment... un cadeau de Mélissi. Kamo recueillit le souvenir au creux de sa main. Cľétait une montre comme on en faisait dans ľancien temps, avec un botticr ä ressort et une chaínette en or. Kamo appuya sur un bouton crénelé, le couvercle de la montre s'ouvrit. Le verre était brisé. Les aiguilles, immobiles, mat* quaient onze heures. Table des matičrcs Li hécane héroíque, 7 Kamo et MeUssi, 20 Lc clrjime, 34 Blanc commc la mort, 45 Kamo, Ka-mo, K-mot, cas-maux... 53 DjavaVr! 67 Kamo ci Kamo, 76 Le loup de Siberia, 86 Les aiguilles marquaient onze heures, %