7 *""** JN^Iomo, sois gentil, lui dit sa sceur alors qu'ils arrivent ä la maison, essouffles et vides apres avoir gravi les cinq etages ä pied vu que l'ascenseur est de nouveau en panne, va deman-der ä madame Ginette si eile n'a besoin de rien car eile ne sortira pas de chez eile tant que l'ascenseur ne fonctionnera pas. Madame Ginette habite au septieme. C'est la plus ancienne locataire de la cite des Bleuets, oü eile est venue habiter il y a quarante ans, alors qu'elle n'est ni arabe ni africaine, eile, mais une vraie Francaise de France que tout le monde res-pecte car eile est la memoire de la cite. Elle en a meme ete la gardienne, un certain temps, avant 61 qu'elle ne doive arreter car les gens devenaient moins civiques, degradant et salissant ce qu'elle tentait tous les jours de regrader et nettoyer. Certains la prenaient pour une assistante sociale, d'autres pour leur femme de menage. Et meme si elle etait aimee et respectee de la majorite des habitants de la cite, elle avait fini par capituler devant les menaces de certains petits cai'ds dont elle genait les trafics en tout genre. N'empeche que, de son temps, la cite etait propre et belle et entretenue, se souviennent les plus anciens avec nostalgic Aussi propre et belle et entretenue que son appartement, ou le moindre grain de poussiere n'oserait meme pas se deposer sur les meubles encaustiques a la cire d'abeille et le parquet cire. Quand on entre chez madame Ginette, on a obligation de se dechausser comme a la mosquee et de marcher sur des morceaux de tissu en forme de pieds. Avant, elle vivait la avec son mari et ses enfants. Mais ils ont fini par tous partir, son mari le premier pour aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte, comme elle le dit en souriant tristement. Et maintenant ses enfants, qui ne viennent jamais lui rendre visite. La pauvre! Ahmed disait: - Les Francais n'ont pas le meme sens de la famille que nous. Quand ils n'en veulent plus, ils mettent leurs vieux dans des asiles a viocs pour plus s'en occuper. 11 pouvait parler, Ahmed, du sens de la famille, tiens! Mais comme le dit madame Rosa dans La Vie devant sot, a qui Momo fait bien plus confiance, la famille ca ne veut rien dire, il y en a meme qui partent en vacances en abandonnant leurs chiens attaches a des arbres et chaque annee trois mille chiens meurent ainsi, prives de l'affection des leurs. Momo aime bien monter chez madame Ginette. Son appartement est bien grand pour elle maintenant qu'elle y vit toute seule avec son chat, mais pour rien au monde elle ne le quitterait, ni meme la cite ou elle a passe pratiquement toute sa vie et qui a certes connu des jours meilleurs mais ou, selon elle, il fait toujours bon vivre, 62 63 malgre tout et contrairement ä ce qu'en disait son man, parce que l'herbe n'est pas forcement plus verte ailleurs. Momo comprend tout cela. 11 comprend que ce doit etre difficile de quitter un endroit ou on se reveille chaque matin et on s'endort chaque soir, et que Ton n'ait pas envie d'en bouger quand on y a passe toute sa vie. Sauf que Momo se dit aussi que lui, il la quitterait volontiers, la cite des Bleuets, pour habiter dans une maison comme celle d'Emilie. Avant, madame Ginette adorait faire des photos. Elle en a plein de la cite, posees un peu partout sur les meubles. Une cite que Momo reconnait ä peine tant, au debut, tout semblait effectivement propre et beau. - Tu sais, mon petit Momo, lui a-t-elle dit un jour, apres la guerre il y avait une grave penurie de logements en France. Il a alors fallu construire dans l'urgence des appartements pour les ouvriers qui vivaient ä Paris dans des taudis insalubres. Ensuite il y a eu la main-d'ceuvre etrangere entas-see dans des bidonvilles qu'il a fallu reloger elle aussi; puis sont arrives les rapatries d'Algerie et 64 les immigres de partout, vague apres vague. Alors, quand on leur a attribue des logements dans des cites comme la notre, c'etait le luxe pour eux, tu comprends? lis se sont retrouves avec des salles de bains, des toilettes, l'eau, l'electricite, le chauf-fage central... Tout le confort! C'etait le bonheur. A l'epoque, il n'y avait pas le chomage, la crise. Pendant la journee, la cite se vidait. Les hommes partaient travailler a Paris, les enfants allaient a l'ecole, il n'y restait que les femmes et les bebes. D'accord, c'etaient de grands immeubles sans beaucoup d'ame mais ce n'etait pas la beaute qui primait. Les gens etaient heureux d'y vivre et meme fiers. Il y avait des pelouses, des arbres, des fleurs, un centre commercial pas tres loin, et une veritable cohesion entre les habitants. Quand sont arrives les rapatries d'Afrique du Nord, les gens ont pris l'habitude de se retrouver au pied de l'immeuble, le soir. On s'asseyait sur les marches, on discutait, on buvait le the, on mangeait des patisseries. Il y avait une veritable vie commune, un veritable esprit d'entraide entre les gens. C'est vrai que les jeunes s'y ennuyaient le dimanche parce qu'il n'y avait rien a faire pour 65 eux ici, le dimanche, mais il y avait les maisons des jeunes qui leur proposaient des activites et puis, pour s'amuser, ils descendaient a Paris. Les choses se sont degradees petit a petit. Ceux qui en avaient les moyens sont partis pour devenir proprietaries, quand ils le pouvaient, ou loca-taires ailleurs, dans des endroits plus chic. Mais la situation s'est reellement deterioree quand les generations suivantes, celles qui etaient nees la et n'avaient pas connu la misere des bidonvilles mais juste celle de ces grands ensembles devenus laids et symbole de misere sociale, ont realise qu'elles vivaient dans de veritables ghettos dont elles ne pourraient jamais s'echapper. Peu a peu, seuls les etrangers fraichement debarques ont accepte de venir s'y installer. Enfin, accepter est un bien grand mot. Ils n'ont pas le choix. Et comme quatre-vingts pour cent d'entre eux n'ont pas la nationality, ils ne peuvent pas voter et n'ont aucun poids politique ni electoral, alors on nous laisse croupir ici dans notre misere. Mais tu sais, Momo, c'est un peu simple de toujours tout reje-ter sur les autres, sur les politiques et tout ca. Ce n'est pas eux qui degradent, qui salissent, qui 66 I deteriorent, qui cassent, qui brulent. Pour tout ca, nous ne pouvons nous en prendre qu'a nous-memes. Comme on fait son lit, on se couche! - Mais vous, madame Ginette, pourquoi vous etes restee, alors? lui a demande Momo. - Parce que j'aimais cet endroit. II y a une epoque ou mon mari voulait partir... Je ne voulais pas. Il est done parti sans moi... Et puis, apres, je suis restee seule avec les enfants, je n'avais pas les moyens d'aller ailleurs. Tiens, regarde ces photos! Voila ce que je voyais, alors, de ma fenetre. Ce n'etait ni tres laid ni tres triste. Maintenant, plus personne ne veut regarder dehors. Chacun reste confine derriere ses fenetres, bien cache. C'est presque devenu dangereux de regarder a l'exterieur, des fois qu'on y verrait des choses qu'on ne devrait pas. Avant, on savait tout ce qui se passait chez le voisin. Maintenant, c'est la loi du silence... Mais la pire des plaies qui se sont abattues sur nous ces dernieres annees est sans nul doute l'integrisme religieux, l'obscurantisme. Et la, crois-moi, mon petit, on n'est pas sortis de l'auberge. Moi, je me demande meme si je ne pre-fere pas les voyous aux barbus! Avec les premiers, 67 L au moins, on peut discuter. Quant aux filles, les pauvres, ces jolies fleurs obligees de se cacher sous d'informes survetements gris, je les plains de tout mon coeur. Momo a alors pense a la fleur du petit prince qui aurait ete effectivement bien laide en survet. Et a sa sceur Yasmina aussi qui, comme le disait madame Ginette, ne mettait plus que ca pour aller au college, alors qu'a la maison elle passait son temps a se maquiller, se coiffer, se parfumer, se pomponner. Mais un jour, Ahmed l'avait rattra-pee par le bras alors qu'elle s'appretait a sortir et l'avait secouee comme un prunier: - Oh! Ou tu te crois ? lui avait-il crache au visage. T'as pas l'intention de sortir habillee comme ca, quand meme! - Oh, mais ca va pas! Je suis habillee norma-lement, lui avait-elle retorque en se degageant. Au moment ou elle franchissait la porte, c'est par les cheveux qu'il l'avait rattrapee avant de la pousser et de l'enfermer a cle dans sa chambre, l'empechant de se rendre au college. Yasmina avait pleure, frappe a la porte, rien n'y avait fait. Rachid ne l'avait pas supporte. Quitte a arriver en retard ä ľécole, Rachida et lui avaient fait un crochet par l'hyper oü travaille Fatima et ľavaient prévenue. Momo ne sait pas ce qui s'était alors passe car il était déjä ä ľécole mais, le soir, il avait remarqué une grosse marque sur la joue de Fatima et cela lui avait brúlé le cceur. Le fait est que, depuis, Yasmina ne mettait plus que des survéts. Un jour, Fatima lui avait fait remarquer: - Dis-moi, pourquoi tu t'habilles comme ca? C'est moche. - Pour avoir la paix avec les garcons, lui avait-elle juste répondu. Fatima, elle, continuait ä s'habiller, se maquiller, se parfumer comme toujours, que ca lui plaise ou pas, ä Ahmed. Momo aime beaucoup écouter les histoires de madame Ginette du temps d'avant. II aime s'asseoir á cóté d'elle sur le canape devant une limonádě et des petits gateaux qu'elle dispose dans des papiers en dentelle qu'elle confectionne elle-méme. 68 69 Si madame Ginette est autant respectee, c'est parce qu'elle siege au conseil municipal, qu'elle connait tout le monde, le maire, les elus, et qu'elle est toujours la premiere a tout savoir en ce qui concerne la cite. Et puis, meme si elle n'est plus gardienne de l'immeuble, les gens ont conserve l'habitude de venir la consulter pour un oui, pour un non, pour tout, pour rien. Elle fait partie de toutes les fetes, de toutes les families, de tous les manages et de tous les enterrements. 8 C^)uand Momo monte done chez madame Ginette, ce jour-la, il est tout etonne de la trouver les yeux rouges et le visage triste. C'est sans doute a cause de la panne de l'ascen-seur, pense-t-il. -Je suis venu voir si vous avez besoin de quelque chose, madame Ginette, lui dit-il en posant un bout de ses fesses sur le canape, attendant sa limonade et ses gateaux dans les papiers en dentelle. Mais madame Ginette reste assise a ses cotes, sans rien dire et le regard perdu dans le vide. Oh, la, la! s'inquiete Momo, j'espere qu'elle n'est pas en train de perdre la tete, elle aussi, comme madame Rosa et monsieur Edouard. 71 - Quelque chose ne va pas, madame Ginette? se hasarde-t-il a lui demander. Mais voila qu'elle se leve et se met a marcher de long en large et en travers dans la piece. - Je ne partirai pas d'ici, tu m'entends? finit-elle par exploser tout en evacuant d'une chiquenaude un grain de poussiere imaginaire sur le dessus du buffet. - Je sais, madame Ginette, lui repond Momo. Mais personne veut que vous partiez, non plus. - Eh bien si, detrompe-toi! lis veulent que nous partions, tous. Toute notre barre. - Qui tous ? - Moi, toi, tout le monde. Momo reste sans voix. A coup sur, madame Ginette se met a divaguer, comme madame Rosa, et ca lui fait tres peur. -Je vais aller chercher Fatima! lui dit-il en s'eclipsant. II retourne chez lui a toute allure, le cceur en morceaux, se disant que ce n'est pas juste que tous les gens qu'il aime finissent par perdre la tete et disparaitre. C'est en larmes qu'il se jette dans les bras de sa grande sceur. - Qu'est-ce qui se passe, Momo? s'alarme aussitot celle-ci, craignant le retour d'Ahmed. - C'est madame Ginette. Elle n'est pas comme d'habitude, elle dit des choses bizarres. - Attends, je monte avec toi! - Non, vas-y toute seule, Fatima. J'ai peur. - D'accord. Ne bouge pas, je reviens. Elle enleve son tablier, prend les cles et sort tandis que Momo court se refugier dans sa chambre qu'il partage avec Rachid. Chez eux, les filles dorment d'un cote, lui et Rachid de l'autre, et ses parents au salon, sur le canape-lit. Enfin, juste sa mere, depuis que... Et Ahmed avait une chambre pour lui tout seul. Maintenant qu'il est parti, Fatima aimerait bien s'y installer. Mais sa mere ne veut pas pour le moment, elle dit qu'il reviendra, que ce n'est pas un mauvais garcon, etc. Momo s'allonge sur son lit et se replonge dans la lecture du Journal d'Anne Frank qu'il a presque fini d'ailleurs. 11 a beau deja connaitre la fin de l'histoire, il espere comme un fou qu'un 72 73 miracle se produise. Parce que les miracles, ca doit bien exister quelque part, non? Mais au fur et a mesure qu'il tourne les pages, l'espoir s'amenuise (v.pr. Devenirmoins important, dimi-nuer) pour lui, comme pour Anne et les siens. 11 est tellement pris par sa lecture qu'il lui faut du temps pour realiser que Fatima est redescen-due et qu'elle parle d'une voix pleine de colere. II se precipite au salon et la trouve en pleine discussion avec sa mere qui se tord de nouveau les mains. II craint done le pire. - C'est madame Ginette qui ne va pas bien? s'inquiete-t-il. - Madame Ginette va tres bien, Momo, elle n'a pas perdu la tete, rassure-toi. C'est juste qu'elle est sous le coup d'une vive emotion. - Qu'est-ce qui se passe? demande Momo. - II se passe qu'au conseil municipal, hier, ils ont annonce que les travaux de renovation de la cite n'allaient pas tarder a commencer et qu'ils avaient pris la decision de faire sauter notre barre. La mere se met a pleurer bruyamment mais Momo ne comprend toujours pas de quoi il s'agit. - Explique-moi, Fatima. - Ils ont pris la decision de demolir complete-ment notre immeuble. Nous allons devoir partir d'ici, tu comprends? C'est un cri d'angoisse qu'il laisse echapper: - Partir? Mais ou? - Partir la ou ils nous enverront, sans doute. - Mais c'est... aberrant {adj. Qui va contre le bon sens, la verite, les regies, les normes). Quand? - Je ne sais pas, Momo. Mais je sais comment ca s'est passe ailleurs, dans d'autres cites. Ils relogent les gens au fur et a mesure. Et ceux qui ne le veulent pas, ils leur pourrissent la vie. Plus d'entretien de l'immeuble, puis plus de reparations de l'ascenseur, des lumieres, plus de ramassage des poubelles... II parait qu'ils finissent meme par couper l'eau chaude. Ils decouragent les gens qui veulent rester. Au fur et a mesure des departs, ils murent les apparte-ments vacants et... Yasmina qui rentre a ce moment-la semble tout excitee: - He, vous savez quoi? Ils vont demolir l'immeuble ! C'est trop fort! 74 75 - On sait! soupire la mere tandis que Fatima lance ä sa sceur un regard courroucé. - Ben, vous en faites une téte! Cest plutöt une bonne nouvelle, non? On va pouvoir partir de ce trou. - Pour aller dans un autre trou ? demande Fatima. - Ben non! II parait qu'ils vont reloger les gens dans des maisons neuves, individuelles, méme! Tu sais, le grand chantier de l'autre coté du college... II parait que c'est la-bas qu'on va aller. - Non mais tu réves, ma pauvre fille! Oil as-tu entendu ca? - C'est mes copines qui me l'ont dit. De toute facon, ou qu'ils nous mettent, ce sera toujours mieux qu'ici! déclare-t-elle en faisant éclater son chewing-gum et gagnant sa chambre. Rachid et Rachida sont déja au courant, eux aussi, mais ils s'en fichent. Du moment qu'on ne les séparé pas... - Et qu'est-ce qu'elle t'a dit, alors, madame Ginette? demande Momo. - Elle a dit qu'elle ne partirait pas, méme par la force, et qu'elle était préte ä rester dans l'immeuble, quitte ä y mourir... En attendant, il y a une reunion d'information, jeudi soir, ä la mairie. Ii faut que nous y allions... Ii va falloir que les gens de la cite des Bleuets se bougent les fesses, pour une fois, et fassent entendre leurs voix. Je comprends maintenant pourquoi les appartements vacants n'etaient pas reloues. Tout ca etait prevu de longue date, apparemment. Momo ne sait que penser. Ah! si seulement monsieur Edouard etait encore lä pour le conseiller ou tout simplement trouver une idee qui changerait une nouvelle fois la vie des habitants de la cite des Bleuets... Et voila qu'un miracle se produit. Enfin! Alors qu'il est allonge sur son lit et retourne ses idees dans tous les sens pour les remettre dans le bon ordre, il sent soudain comme une caresse, un souffle au creux de son oreille. Et c'est la voix de monsieur Edouard qui lui murmure: - Allons, Votre Altesse, quelle est done cette grande tristesse? Ressaisissez-vous, voyons! Un monarque ne se laisse pas abattre au premier 76 77 All coup dur Et pas question ici d'abdication! (Abdication... Ouf, Mcx>mo connait! C'est son mot n°44 et, quand il l'av^ait recopie, il avait aussitot pense a son cher grarmd chambellan.) Je sais que vous avez une pein'ie immense a cause de la perte de votre papa. • Votre douleur est legitime et contreelle vous r*ne pouvez rien. C'est pour cela que (e ne suis p£?-as intervenu. Mais en ce qui concernela rehabilitation de la cite, reflechissez! En debajquant avec rJ nos pinceaux, le but n'etait-il pas de «rehabilitee votre lieu de vie? A chacun ses araKS, messire! I A vous les pinceaux, a eux les bulldozers. Mais • l'intention est la meme. Il est un vieui dicton hetfbra'ique qui dit: «Changer de place, changer de chance...» Ne voila-t-il pas pour vous et votre f famille une belle opportunity de changer de charmce ? La voix s'eteint. - Alb! crie Mom/no machinalement en se redres-sant sui son lit. - T'ts ouf, ou cfquoi? grogne son frere dans le lit au-dessus de luf ii- Mais monsieur Edouard a raccroche. Mono a compri'ris. Il a compris que, pour la famille Beldaraoui, ce ne serait pas un mal de quitter la cite des Bleuets. lis pourraient alors tourner la page, celle qu'ils ont vecue avec leur pere, et recommencer une autre vie ailleurs... Mais il pense a madame Ginette... Et puis soudain, il pense aussi a Emilie... S'ils les relogent dans une autre ville, tres loin, il ne la verra plus non plus... 78