Fiche pédagogique 1 Thème : Philippe Claudel - Les Âmes grises Objectifs pédagogiques : - Compréhension écrite - Expression écrite - Expression orale - Culture - Lecture silencieuse - Travail en paires - Travail individuel Niveau : B1 Public : Adultes Durée : 90 min Matériel : Fiche d´élève comprenant 5 extraits du livre Les Âmes grises de Philippe Claudel et les questions pour la compréhension écrite Disposition de la classe : Normale Démarche : Ø Première étape : L´enseignant distribue les fiches d´élève, il demande aux élèves s´ils connaissent Philippe Claudel et il leur dit quelques mots concernant cet auteur Ø Deuxième étape : Les élèves lisent silencieusement les 5 extraits Ø Ils répondent aux questions : Questions : 1) Comment pouvez-vous résumer brièvement ces 5 extraits ? (Écrivez.) 2) Quels sont les thèmes qu´utilise l´auteur dans son livre ? (Discutez en paires.) 3) Le narrateur de l´histoire mène une enquête. Quelle est sa position envers toute l´histoire ? (Discutez en paires.) 4) Pouvez-vous reconstituer l´histoire comme elle s´est passée, d´après vous ? (Pour vous aider, je vous donne le résumé du livre du site www.babelio.com : Une jeune enfant est retrouvée morte, assassinée sur les berges engourdies par le gel d’un petit cours d’eau. Nous sommes en hiver 1917. C’est la Grande Guerre. La boucherie méthodique. On ne la voit jamais mais elle est là, comme un monstre caché. Que l’on tue des fillettes, ou que des hommes meurent par milliers, il n’est rien de plus tragiquement humain. Qui a tué Belle de Jour ? Le procureur, solitaire et glacé, le petit Breton déserteur, ou un maraudeur de passage ? Des années plus tard, le policier qui a mené l’enquête, raconte toutes ces vies interrompues : Belle de jour, Lysia l’institutrice, le médecin des pauvres mort de faim, le calvaire du petit Breton... Il écrit avec maladresse, peur et respect. Lui aussi a son secret. Les âmes grises sont les personnages de ce roman, tout à la fois grands et méprisables. Des personnages d’une intensité douloureuse dans une société qui bascule, avec ses connivences de classe, ses lâchetés et ses hontes. La frontière entre le Bien et le Mal est au cœur de ce livre d’une tension dramatique qui saisit le lecteur dès les premières pages et ne faiblit jamais. Jusqu’à la dernière ligne.) (Écrivez.) 5) Pourquoi, d´après vous, l´auteur avez utilisé le titre Les Âmes grises ? (Discutez en paires.) Ø Troisième étape : Le professeur demande à quelques élèves de présenter leur travail devant la classe Bibliographie/webographie : CLAUDEL, P. Les Âmes grises. Paris : Librairie Générale Française, 2008. Les Âmes grises [en ligne]. – Babelio. Disponible sur : http://www.babelio.com/livres/Claudel-Les-ames-grises/225073 Fiche d’élève 1 Consigne 1 : Lisez silencieusement ces 5 extraits puis répondez aux questions. C´est ce jour-là d´ailleurs, après l´enterrement de Barbe, que je me suis décidé à aller au Château, comme pour rentrer un peu plus encore dans un mystère dont j´étais désormais un des rares spectateurs. Oui, c´est ce jour-là que j´ai dégagé les ronces qui faisaient à la porte une barbe revêche et que j´ai fait glisser la clef dans la grande serrure. Je me suis fait l´effet d´être un prince misérable forçant le seuil du palais de je ne sais quelle belle au bois dormant. Sauf que là, derrière, plus rien ne dormait vraiment. Je ne sais pas trop par où commencer. C´est bien difficile. Il y a tout ce temps parti, que les mots ne reprendront jamais, et les visages aussi, les sourires, les plaies. Mais il faut tout de même que j´essaie de dire. De dire ce qui depuis vingt ans me travaille le cœur. Les remords et les grandes questions. Il faut que j´ouvre au couteau le mystère comme un ventre, et que j´y plonge à pleines mains, même si rien ne changera rien à rien. Je ne sais plus très bien l´ordre, ni le temps, ni tous mes gestes. Clémence était sur le lit, le front pâle et les lèvres plus pâles encore. Elle avait perdu beaucoup de sang et ses mains serraient son ventre comme si elle avait essayé elle-même de livrer au jour ce qu´elle avait porté pendant des mois. Le plus grand désordre régnait autour d´elle, qui me faisait comprendre ce qu´elle avait tenté de faire, ses chutes, ses efforts. Elle n´était pas parvenue à ouvrir la fenêtre pour appeler à l´aide. Elle n´avait pas osé descendre l´escalier de peur sans doute de tomber et de perdre l´enfant. Elle avait fini par s´étendre sur le lit, dans ce lit de bataille et de blessures. Elle respirait avec une lenteur effroyable et ses joues étaient à peine tièdes. Son teint était celui de celles et ceux que la vie abandonne. J´ai posé mes lèvres sur les siennes, j´ai dit son nom, je l´ai hurlé, j´ai pris son visage dans mes mains, j´ai giflé ses joues, j´ai soufflé de l´air dans sa bouche. Je ne pensais même pas à l´enfant. Je ne pensais qu´à elle. J´ai essayé aussi d´ouvrir la fenêtre mais la poignée m´est restée dans la main, alors j´ai tapé du poing sur le carreau qui s´est brisé, je me suis entaillé, j´ai mêlé mon sang au sien, j´ai gueulé, gueulé à la rue, fort comme un chien, avec une colère de bête que l´on maltraite. Des portes se sont ouvertes, des fenêtres. Je suis tombé à terre. Je suis tombé. Je tombe encore. Je ne vis plus que dans cette chute. Toujours. J´ai traîné un moment, en en pensant pas à grand-chose, sinon à Clémence et au petit qui était dans son ventre. J´avais un peu honte d´ailleurs, je m´en souviens, de penser à eux, à notre bonheur, alors que j´étais à marcher près de l´endroit où on avait tué une fillette. Je savais que dans quelques heures j´allais les revoir, elle et son ventre rond comme une belle citrouille, ce ventre dans lequel, lorsque j´y appliquais l´oreille, j´entendais les battements de l´enfant et sentais ses mouvements ensomeillés. J´étais sans doute en ce jour glacé le plus heureux de la terre, au milieu d´autres hommes non loin qui tuaient et mouraient comme on respire, tout près d´un assassin sans visage qui étranglait les agnelles de dix ans. Oui, le plus heureux. Je ne m´en voulais même pas. Quand je songe aux deux longues mains, fines, soignées, pleines de tavelures et tout en tendons, de Destinat, quand je les vois, par une fin d´après-midi d´hiver, serrer le cou fragile et mince de Belle de jour, tandis que sur le visage de l´enfant s´efface son sourire et vient dans ses yeux une grande question, quand j´imagine cela, cette scène qui a eu lieu, qui n´a pas eu lieu, je me dis que Destinat n´étranglait pas une enfant, mais un souvenir, une souffrance, que soudain dans ses mains, sous ses doigts, c´était le fantôme de Clélis, et celui de Lysia Verhareine, à qui il tentait de tordre le cou pour s´en débarrasser à jamais, pour ne plus les voir, ne plus les entendre, ne plus les approcher dans ses nuits sans jamais pouvoir les atteindre, ne plus les aimer en vain. Il est si difficile de tuer les morts. De les faire disparaître. Combien de fois ai-je tenté de le faire. Tout serait tellement plus simple s´il en allait autrement. Questions : 1) Comment pouvez-vous résumer brièvement ces 5 extraits ? (Écrivez.) 2) Quels sont les thèmes qu´utilise l´auteur dans son livre ? (Discutez en paires.) 3) Le narrateur de l´histoire mène une enquête. Quelle est sa position envers toute l´histoire ? (Discutez en paires.) 4) Pouvez-vous reconstituer l´histoire comme elle s´est passée, d´après vous ? (Pour vous aider, je vous donne le résumé du livre du site www.babelio.com : Une jeune enfant est retrouvée morte, assassinée sur les berges engourdies par le gel d’un petit cours d’eau. Nous sommes en hiver 1917. C’est la Grande Guerre. La boucherie méthodique. On ne la voit jamais mais elle est là, comme un monstre caché. Que l’on tue des fillettes, ou que des hommes meurent par milliers, il n’est rien de plus tragiquement humain. Qui a tué Belle de Jour ? Le procureur, solitaire et glacé, le petit Breton déserteur, ou un maraudeur de passage ? Des années plus tard, le policier qui a mené l’enquête, raconte toutes ces vies interrompues : Belle de jour, Lysia l’institutrice, le médecin des pauvres mort de faim, le calvaire du petit Breton... Il écrit avec maladresse, peur et respect. Lui aussi a son secret. Les âmes grises sont les personnages de ce roman, tout à la fois grands et méprisables. Des personnages d’une intensité douloureuse dans une société qui bascule, avec ses connivences de classe, ses lâchetés et ses hontes. La frontière entre le Bien et le Mal est au cœur de ce livre d’une tension dramatique qui saisit le lecteur dès les premières pages et ne faiblit jamais. Jusqu’à la dernière ligne.) (Écrivez.) 5) Pourquoi, d´après vous, l´auteur avez utilisé le titre Les Âmes grises ? (Discutez en paires.)