Quand les entreprises mettent leurs salariés à l’honneur Dans la crise sanitaire, distinguer les plus résilients ou les plus méritants contribue au moral des troupes. Frédéric de Monicault - Le Figaro - lundi 15 février 2021, p.28 Dans le cadre de son projet industriel et humain 2020-2025, lancé à la sortie du premier confinement, Enedis a choisi de mettre à l’honneur plusieurs salariés pour animer la campagne « marque employeur ». « Notre entreprise rassemble une grande diversité de métiers mais aussi de profils et d’expertises, explique Catherine Lescure, porte-parole du groupe qui exploite le réseau de distribution d’électricité. Nous avons voulu mettre des visages d’hommes et de femmes sur tous ces professionnels qui sont mobilisés sept jours sur sept au service d’une mission essentielle. » Sur le site intranet du groupe, cette initiative a totalisé 46 000 vues, « preuve que les salariés se sont retrouvés dans cette campagne ». Dès sa création il y a bientôt deux ans, la PME Moriss Immobilier a souhaité mettre à l’honneur sur les réseaux sociaux ses meilleurs collaborateurs. « Le mérite et la justesse guident notre management, explique Michael Abitbol, PDG et fondateur de l’entreprise. Nous valorisons le travail réalisé, tout en restant équitable et impartial dans le jugement. » Le Covid et les deux confinements successifs ont pesé sur l’allant des équipes. « Voilà pourquoi nous avons complété notre démarche de distinction initiale par un système de récompenses », ajoute Michael Abitbol. Selon lui, la reconnaissance des collaborateurs les plus investis est une logique vertueuse qui profite aussi aux managers et encourage les nouveaux arrivants à donner toute leur mesure. Exemples de dynamisme ou de résilience Le salarié du mois, ou de la semaine… À entendre ce qualificatif, on est renvoyé dans une autre époque, celle où, dans les ateliers, était épinglée au mur la photo d’un ouvrier méritant. Éternel recommencement ? La communication interne des entreprises se tourne à nouveau vers ces collaborateurs qui méritent d’être mis à l’honneur. La pandémie est l’un des facteurs : la période est si compliquée que les exemples de dynamisme ou de résilience cimentent le moral des troupes. Les réseaux sociaux et les intranets offrent les moyens de relayer ces portraits d’hommes et de femmes sans que ce mode de fonctionnement soit trop institutionnel. « Ces actions sont des leviers incontestables de motivation et de reconnaissance, analyse Sarah Heckmann, dirigeante de SH Conseil, qui n’est pas surprise par cette vague. Beaucoup d’entreprises ont compris que la valorisation des personnes est un outil au service de la performance. » Elle établit un lien avec la gratification financière, comme l’association des collaborateurs au capital. « Dans un monde où le nivellement vers le bas et le politiquement correct prévalent sur la méritocratie, ajoute-t-elle, ces initiatives à la fois courageuses et audacieuses méritent d’être saluées. » Il est alors primordial de bien choisir les critères de cette reconnaissance. « Si ces indicateurs ne sont pas définis de manière judicieuse, les bénéfices attendus ne seront pas à la hauteur », reprend Sarah Heckmann. Et de lister les – bonnes – questions à se poser de la part de l’entreprise : à partir de quel moment les salariés sont-ils méritants ? Quelles initiatives méritent d’être mises en exergue ? Tous les niveaux hiérarchiques sont-ils éligibles à cette reconnaissance ? La transparence dans l’attribution d’un satisfecit est-elle de rigueur ? Comment assurer la meilleure communication de cette méritocratie ? « Le but est d’instaurer un cadre simple, juste, compris et accepté de tous, précise la consultante. Au risque, parfois, de créer des sentiments d’injustice et des conflits, débouchant à leur tour sur une démotivation et une perte de sens au travail. » Prise de responsabilité accélérée Pour Enedis, une campagne de marque impliquant des salariés ne vaut que si elle est construite avec toutes les parties prenantes de l’entreprise. La crise sanitaire ancre davantage cette dimension humaine, selon Catherine Lescure. « Les fils rouges de notre activité que sont la proximité et le sens du service sont encore plus matérialisés en étant portés par des salariés », souligne-elle. À ses yeux, il y a d’autant moins de querelles d’image en interne que chacun peut se rendre compte à quel point les profils sont complémentaires : techniciens de travaux, conseillers en centre de dépannage, chargés de conduite du réseau, analystes de données, chargés de projet de raccordement, directeurs de région… La valorisation d’un bon niveau de performance se traduit enfin par une prise de responsabilité accélérée. « En deux ans, des commerciaux qui sont mis en avant peuvent commencer à gérer un point de vente, précise Michael Abitbol. La dernière étape qui vient d’être finalisée consiste à leur donner les clés d’une agence qui leur appartient. » L’ouverture de la franchise pour les collaborateurs en interne est une nouvelle perspective pour les bons éléments.