Des e-loisirs ouverts à tous et responsables Au cinéma comme au cirque, la réalité virtuelle permettra des expériences d’immersion totale. ANGÉLIQUE VALLEZ-D’ERCEVILLE – LE FIGARO – Samedi 10 et dimanche 11 août 2019, p. 25 Surfer sur une vague de 15 mètres ? Escalader l’Everest avec Batman ? En 2045, dans l’imagination de Steven Spielberg, tout le monde vivra dans des taudis et passera ses journées dans un monde parallèle entièrement virtuel, baptisé L’Oasis. Seul dans son salon, casque sur la tête, chacun pourra échapper à la réalité. C’est en tout cas le parti pris du film Ready Player One. De ce long-métrage de science-fiction, sorti en 2018, il est bien difficile de dire ce qui s’avérera finalement exact, en 2039 ou après. Les loisirs seront-ils devenus 100 % virtuels ? « Les films de Spielberg sont assez visionnaires quant à l’évolution technologique car ils s’appuient sur un sérieux travail de prédiction, réalisé avec des chercheurs du MIT. Ces experts sont chargés de créer le futur et non pas seulement de l’anticiper », souligne Elisha Karmitz, directeur général des cinémas MK2. Après une première génération de casques lourds et encombrants, comme les Oculus Go ou Samsung Gear VR, la miniaturisation de la technologie et l’amélioration de la définition des images, avec l’avènement de la 5G et de ses suites, rendront ces expériences bien difficiles à différencier du réel. « Le divertissement fait de plus en plus appel à l’ensemble des sens : le son, la vue, le toucher ou l’odorat, pour rendre l’expérience la plus immersive possible », note ainsi Matthieu Zeller, président de nWave, un studio d’animation européen. C’est déjà le pari des Flying Theater, des salles de cinéma de nouvelle génération, mêlant images 3D, mouvements et vibrations. Dans le futur, ces effets parviendront sans doute par le biais d’une oreillette connectée, de lentilles oculaires ou d’une puce directement branchée sur le nerf optique. « Nous sommes entrés dans le siècle du ludique et dans vingt ans tout sera divertissement, promet Matthieu Zeller. La frontière entre le commerce et le divertissement est déjà en train de disparaître dans les centres commerciaux. Demain, ce sera dans l’éducation. Les algorithmes de recommandation permettront de pousser des contenus ciblés et adaptés aux besoins et attentes de chacun. » Pour autant, malgré ce que prédit la science-fiction, ces technologies ne signeront pas la mort de l’expérience collective. Si l’écran de télévision familial aura probablement disparu, la consommation de vidéo à la demande sur des supports nomades sera devenue la norme. En parallèle, concerts, matchs de foot et autres festivals continueront à remplir des stades entiers. Émergence de l’e-tourisme Mais tous ces loisirs seront augmentés par la technologie. Ainsi, alors que les consciences s’éveillent à l’écologie et au bien-être animal, certaines destinations de voyage seront devenues absurdes, voire auront été bannies des catalogues de voyage. Se baigner près des barrières de corail, que le tourisme de masse fragilise, ne sera ainsi plus autorisé… Une expérience que la technologie pourra toutefois faire vivre autrement, par captation de la réalité ou par réalité augmentée. Après l’e-sport, les vingt prochaines années pourraient voir émerger l’e-tourisme. « Il y a beaucoup d’endroits dans le monde qu’on ne pourra plus découvrir physiquement. Nous travaillons déjà à des animations virtuelles qui permettront de découvrir des espaces comme les dunes du Sahara, avec une empreinte carbone réduite », annonce Elisha Karmitz. Même chose côté spectacle. Alors que de nombreux pays ont banni l’exploitation d’animaux sauvages dans les cirques, le Roncalli Circus les a déjà remplacés par des hologrammes plus vrais que nature. Une parade qui se généralisera dans les décennies à venir… Le visionnaire patron de Netflix, Reed Hastings, rêve pour sa part d’accéder à l’ultime frontière du divertissement : le sommeil. Déjà, la Pokemon Company a annoncé le lancement de Pokemon Sleep pour l’année prochaine, un jeu auquel on jouera en dormant. Le fondateur de Netflix imagine quant à lui que l’avenir du divertissement tiendra dans une capsule. « Dans vingt ou cinquante ans, une pilule bleue vous permettra d’avoir des hallucinations divertissantes et une pilule blanche vous ramènera à la réalité », avait-il estimé en 2016. Quand bien même les avancées technologiques le permettront, le législateur coupera sans doute court à ces folies avant qu’elles ne surviennent, pour sanctuariser le sommeil comme le dernier divertissement entièrement endémique…