Martin (Bourvil) : Alors, tu viens ? Jambier (Louis de Funès) : Qu’est-ce que c’est ? Martin : Martin… Jambier : Ben c’est pas Létambot ? Martin : Non, Létambot s’est fait piquer. Jambier : Hein ! Eh ben on est propre. Martin : On a déjà fait le truc ensemble, heu… Grandgil. Grandgil (Jean Gabin) : Bonsoir Jambier : Bon ben si vous le connaissez… Vous êtes sûr de lui ? Martin : Absolument, et en plus je lui ai rien dit, il sait même pas où on est. Jambier : J’aime mieux ça. Alors vous venez vous !? Allons-y vite, il est déjà tard, on n’a pas de temps à perdre. Grandgil : C’est vous qui avez fait ça ? Jambier : Hé hé, et alors ? Grandgil : Eh compliments, c’est du joli travail. Voilà un cochon qui n’a pas eu à se plaindre. Jambier : Vous vous y connaissez ? Grandgil : J’aime beaucoup la charcuterie. Ce que je préfère dans le cochon, moi, c’est la palette. Martin : Bon on parlera de ça après hein ? Grandgil : Et vous c’est pas la palette que vous préférez ? Jambier : Si, si, si… Ah ! à propos, elle les a trouvé bon les rognons madame Mariette ? Grandgil : Ils étaient pas mauvais, mais un petit peu trop frais tout de même. J’aime mieux la palette. Avec un petit vin d’Alsace. Tiens ! à propos de vin d’Alsace, c’est pas du rhum que vous avez là ? Martin : Ecoute on est ici pour travailler, et si le patron veut te payer le coup, il est assez grand pour le faire, non ? Grandgil : Oui mais il n’y pensait pas. Jambier : Bon ben servez-vous et perdons pas de temps. Grandgil : C’est la rue là hein ? Jambier : Qu’est-ce que vous voulez que ça soit ? Grandgil : Ben oui la rue Poliveau. Martin : Quoi la rue de Poliveau ? Grandgil : Ben quoi ? Y a pas de mal à habiter la rue Poliveau, c’est une gentille petite rue. Une petite goutte patron ? Jambier : Ah non, non et non ! Je vous ai dit qu’on est pressés. Et ce soir, c’est pas la porte à côté hein ! C’est la rue Lepic. Martin : Rue Lepic ? vous m’aviez dit « rue du Temple » ! Jambier : Et ben ça fait pas une grosse différence. Grandgil : 2 bornes… Martin : Oh toi maintenant ferme-la hein, question affaire c’est moi qui ai la parole ! Ecoutez patron, faudrait s’entendre, si c’est à Montmartre vous donnez combien ? Jambier : C’est bon ! je vous donne 50 francs de plus ! mais grouillez-vous hein ! Martin : Oh ! mais je demande pas l’aumône, pour Montmartre ça sera 600 francs par homme, ou bonsoir. Jambier : Ah je vois ce que c’est ! vous voulez profiter de la situation ! Martin : Profiter ? Se taper un cochon de la rue Poliveau à la rue Lepic, se farcir toute la traversée de Paris avec partout les flics, les poulets et les fritz. Et les souliers qu’on use, le tout au pas de chasseur, en plein noir, 6 kilomètres… Grandgil : 8 ! Martin : Oh toi, je te demande rien hein ! Jambier : C’est bon ! disons 400 francs. Martin : Oh mais à ce prix-là, cherchez des clochards, moi je suis un homme. Jambier : Ça va ! je ferai un effort, 450 francs, 900 francs, pour les deux hein ! Grandgil : Dites-moi patron, c’est bien le numéro 45 ici ? Jambier : Pourquoi me demandez-vous ça ? Grandgil : Eh ben pour rien puisque je le sais. Monsieur Jambier, 45 rue Poliveau, Paris cinquième. Martin : Oh laisse-nous tranquille, on parle sérieusement ! Bon entendu pour 900. Grandgil : Monsieur Jambier, 45 rue Poliveau ! pour moi, ça sera 1000 francs… Martin : Patron, faites comme s’il était pas là, vous me donnez 900 francs et je m’arrange avec lui. Jambier : Ecoutez Martin, tant pis, je perds 1000 francs mais vous allez me foutre le camp, vous et votre petit ami dont vous êtes absolument sûr. Martin : Mais laissez donc, il sait pas ce qu’il dit, vous voyez bien que c’est une cloche. Jambier : Pas sûr… Moi il me fait peur ce type-là. D’abord il a des dents en or… Martin : Et après ? Jambier : Et si c’était un flic ? Martin : Ah ? un vrai ou un faux ? Jambier : Ben ça je m’en fous bien, c’est pareil. Vous avez bien travaillé… Grandgil : Monsieur Jambier, 45 rue Poliveau, maintenant, c’est 2000 francs ! Jambier : Oh ! c’est bon, finissons-en. Mais venez mettre votre main vous ! Tenez ! Tenez ! Tenez ! Grandgil : Merci. Jambier : Y a vraiment pas de quoi. Regardez-moi ça, des haricots de premier choix. Vandale ! Comme si c’était le moment de gâcher la marchandise. Ah ! ah non ! ah non ! ah non ! voulez-vous lâcher ça tout de suite ! Non, vous êtes fou ! Ah ! mon billet ! mon billet ! Grandgil : Je voulais dire 3000 ! Jambier : Hein ? Martin : Tu vas rendre cet argent-là ! tu m’entends ? tu vas le rendre tout de suite ! Jambier : Laissez-nous tranquilles vous ! Martin : C’est ça ! donnez-lui raison contre moi ! Jambier : Je fais ce que je veux de mon argent ! Martin : Ah bon, bon, bon ! Jambier : Et puis mêlez-vous de ce qui vous regarde. Vous feriez mieux de vous dépêcher et de boucler vos valises ! Ah ! mon jambon de Noël ! Ecoutez, maintenant vous avez vos 3000 balles, alors barrez-vous ! Allez ! Grandgil : Ben sans le cochon ? ça jamais. On m’a promis un cochon, je partirai pas sans mon cochon moi. Jambier : Ecoutez monsieur, je vous en prie, ne vous occupé plus de ce cochon ! Martin : Et alors ! je vais pas me le taper tout seul non ? Grandgil : Mais il n’en est pas question Martin, notre ami Jambier plaisante. Je te lâcherai pas moi ! Allez ! Allez ! on y va ! Dites-moi Monsieur Jambier, maintenant qu’on est copains, si on me demande des renseignements sur votre cochon, d’où vient-il ? Jambier : Monsieur Grandgil, Je m’en remets à votre honnêteté, et pour le reste, à la grâce de Dieu. Mais pensez à ce que j’ai fait pour vous. Tenez, un petit paquet de Gauloises pour le trajet, il en manque que deux. Martin : Et il lui donne des cigarettes maintenant… Grandgil : Oh !!! Jambier : Qu’est-ce qu’il a encore ? Grandgil : Rien, mais c’est plus lourd que je ne pensais. Je crois qu’il va me falloir 2000 francs de plus… Jambier : C’est sérieux !? Grandgil : Comment si c’est sérieux !? Jambier : Rien du tout ! vous m’entendez ? rien du tout ! Grandgil : Je veux 2000 francs nom de Dieu Jambier ! Jambier, 2000 francs ! Jambier : Rien du tout ! Martin : Je lui casse la gueule? Grandgil : Jambier, je veux 2000 francs ! Jambier, 45 rue Poliveau ! Jambier : Oui, oui, on le sait ! Plus un franc ! Plus un sou ! Martin : Mais laissez-moi le descendre ! Grandgil : Jambier ! Jambier ! Jambier ! Jambier ! Jambier ! Madame Jambier : Eh ben ? vous êtes pas fou ? on vous entend de partout ! Jambier : Non, c'est rien, c'est rien, ça s'arrange ! Grandgil : Monsieur Jambier ! Je vous préviens qu'il me faut encore... Jambier : Tenez, tenez, tenez ! Martin : Ben, et moi ? Grandgil : Plus rien, ça va. Jambier : Et maintenant allez-vous-en ! je vous ai assez vu ! allez-vous-en ! allez hop ! Martin : Et moi ? Et moi ? Jambier : Quoi « et vous » ? Martin : On avait dit 450 francs… Jambier : J’en ai déjà donné 5000, la caisse est fermée ! allez hop ! démerdez-vous ! Je m’en souviendrai de ce cochon… Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=skudllAnHik