Dossier Yj£ HAUT LIEU DU LUXE PLACE VENDÔME Lorsque Louis XIV confie a Mansart le soin de lui dessiner la place Venddme, son projet est alors de rassembler, dans un meme lieu, le pouvoir, I'argent et les arts. Tout est encore la aujourd'hui, constate avec ravissement Beatrice de Plinval, la presidente du Comite Venddme, dont les 90 membres occupent, soit en proprietaire, soit en locataire, les magnifiques hotels qui bordent la place. Le Roi-Soleil apprecierait: le pouvoir y subsiste, represents par le ministere de la Justice; I'argent, n'en parlons pas, il coule a flots entre la banque JP Morgan, I'emir du Qatar, le sultan de Brunei, les avocats de Clifford Chance, et les clients qui hantent les tres nombreux palaces du coin, dont le Ritz est ie plus emblematique. Quant a I'art, citer les prestigieuses maisons de joaillerie arrivees ies premieres sur la place serait percu comme un pleonasme par la representante de Chaumet. Entre diamants, petrodollars et euros, le Comite Venddme pese lourd et rien de ce qui se fait dans le perimetre historique ne lui est Stranger. II y regne en mattre absolu moyennant quelques operations de mecenat dont I'eclairage et bientot la restauration de la colonne Venddme. Si I'une de ses taches consiste a assurer le rayonnement de la place et done le volume des affaires en organisant fetes ou expos, il veille aussi a la securite des lieux. On s'y partage les infos des voituriers autant chauffeurs que sentinelles. Mais surtout on y exerce un lobbying actif dans le but d'eviter toute decision qui serait imposee de I'exterieur sur cette place oil le prix du metre carre ne se negocie guere au-dessous de 11000 euros. C'est un lieu essentiellement professionnel meme s'il subsiste quelques logements dont celui qu'occupa Henri Salvador. N.P. NUMEROS IMPAIRS □Hotely Vendôme Proprietě de Leonard Blavatnik depuis 2007 □Hotel de Villemaré Vendu en 2007par Axa et Hammerson au fonds irlandais SAS Sloan fflBa Hotels **■ ™* de Simiane et de Bourvallais ^319 de Gramont et de Crozat (Ritz) Mohamed al-Fayed. Ex-propriété du Credit fancier et d'Orsigny Sultan de Brunei Hotels Appartiennent á l'Etat. Hotels d'Evreux, de Coetlogon Ministere de la Justice de Fontpertuis et de Boullongne Emir du Qatar. Ex-propriété du Credit foncier ]Sj '>>>>_ II NUMEROS PAIRS I Hotels ' Marquet de Bourgade et Heuzé de Vologer Groupama OHotel Delpech de Chaunot Copropriété BDE3HôtTels **• de Latour Maubourg et Baudard de Saint-James Fonciére Gecina, ňliale des espagnols Metrovacesa Hotel de La Fare Banque JPMorgan Chase em Hotel Moufle *■* Copropriété Gfk Hotel Duché ■ des Tournelles Maison Chanel depuis 1997, famille Wertheimer BRI Hotel de Parabére Ex-propriété d'AXA, vendue en partie á des fonds irlandais Eft Hotel de Ségur *■* Copropriété gB Hotel Boffrand Copropriété SB Hotel de Nocé Joaillier Boucheron (Groupe PPR) Quel programme sans tele? Rencontre avec ces Frangais qui ne regardent pas la television Blandine Le Callet, 42 ans.Photo Sandrine RoudeixQue font les a-cathodiques des fameuses trois heures trente-deux minutes passees en moyenne chaque jour par le commun des mortels devant la television ? Lectures, cinema, theatre, promenades, jardinage, vie intense a deux ou encore engagement associatif..., ils restent aussi fideles aux autres medias, presse et radio notamment, relais privilegies. « Je me souviens d'une famille abonnee a Telerama qui lisait le magazine pour se meler aux discussions sur les programmes de la veille au travail », raconte le chercheur. Selon le sociologue, le vrai changement vient de la tranche des adultes jeunes : « Une proportion croissante des 25-35 ans, sans meme avoir un discours critique, ignore la television, la juge inutile. » Ils ont grandi avec la television mais regardent desormais programmes, films et series a la demande, sur leur ordinateur ou leur smartphone, refusant d'etre tributaires d'une grille de diffusion. « On assiste a un declassement statutaire de la television, affirme Bertrand Bergier, un mouvement de fond generationnel. » C'est encore plus fort chez les 15-24 ans, selon Mediametrie, pour qui 1'ordinateur est en passe de darner le pion a l'ecran plat. L'institut de mesure des audiences a d'ailleurs recemment qualifie ces nouveaux jeunes capteurs d'images d' atawad, acronyme pour designer ceux qui cliquent sur un programme anytime, anywhere, anydevice (n'importe quand, n'importe ou, sur n'importe quel ecran).. (antitelevizni) Entreprendre 21 LE NIVEAU D'ANGLAIS AGIT SOUVENT COMME UN COUPERET Etudes: la selection invisible Petits cours, sejours linguistiques, prepas privees, combines... toutes les armes sont bonnes - mais couteuses - dans la course aux meilleures nlieres Ce n'est pas nouveau : les places k l'entree des filieres les plus presti-gieuses sont disputees. Chacun s'accorde, bien sür, ä exiger que cette competition soit juste, que les meilleurs l'emportent. Mais en toute Schizophrenie: « Pour donner le maximum de chances ä ses enfants, on fait tout ce que Von peut!», admet-tent les parents, y compris les plus ä gauche. II faut dire qu'entre la crise economique qui rarefie les jobs et l'explosion du nombre de diplö-mes, les «bons » metiers, ceux qui garantissent emploi et revenu confortable se font rares. On pour-rait presque les compter sur les doigts de la main : medecin, avo-cat - et encore... -, ingenieur, phar-macien, notaire. Rentree des élěves de la premiere classe préparatoire au concours externe de l'ENA. D'oú ľémergence de ce que ľon pourrait appeler le syndrome Jean Sarkozy: une course en avant pour avantager sa progéniture, avec sans cesse de nouvelles strategies. Les enfants de milieu modeste, on le sait, en payent le prix. Mais aussi, de plus en plus, ceux des classes moyennes. Comme Pablo. Bon éléve en terminale ES dans un lycée privé de la banlieue pari-sienne, passionné ďhištoire, ďactua-lité, il voudrait entrer ä Sciences-Po. Sans doute y serait-il parvenu voici quelques années. Mais voilä, ľlns-titut d'Etudes politiques parisien est devenu un veritable Graal.« C'est plus glamour qu'une école de commerce, et puis le bac scientifique n'est pas indispensable», explique un expert de ľorientation. En dix ans, le nombre de candidats a été multiplié par deux! Ľan passé, 10 000 lycéens, bons ou trěs bons élěves surentraí-nés, se sont dispute 900 places. Et Sciences-Po de préciser que « 93 % des recus ont eu la mention bien ou trěs bien au bac ». Beaucoup, comme Pablo, sont passes par une prépa pri-vée mais cela ne suffit pas. Ľépreuve d'anglais, de trěs haut niveau, agit comme un veritable couperet pour tous ceux qui n'ont appris cette langue qu'au lycée. «En plus de la prépa privée, mesparents ontpensé que, pour assurer, il mefallait aussi des cours d'anglais », raconte ainsi Mathieu, recu ľan passé au concours. Sans parier de celles ou ceux qui ont fait des séjours répétés en An-gleterre ou aux Etats-Unis, voire une année de lycée... C'est également vrai pour ľentrée dans bon nombre de grandes écoles. Ainsi Polytechnique, qui, comme bien d'autres, se pique de faire pro-gresser la mixité sociale dans ses rangs, a étudié les épreuves oü les boursiers sont les moins bien places. En tete, on trouve non pas les maths mais le francais et... l'anglais!« C'est une competence tres discriminante dans de tres nombreuses etudes », connrme Alain Daumas, directeur en France d'ETS, l'organisme ameri-cain qui delivre le TOIC - examen qui certifie une maitrise profession-nelle de l'anglais - et le TOEFL, exige pour etudier dans un pays anglophone. II faut d'ailleurs en finir avec une illusion collective: les concours ne sont pas, comme le croit trop sou-vent, «justes ». Ainsi, en medecine, les epreuves sont taillees sur mesure pour un certain profil, «celui de I'enfant de cadre superieur qui se coule sans difficulte's dans le moule "classe pre"pa" auquel il a dejd ete plus ou moins prepare », constate une etude du ministere de la Sante (voir « Entreprendre » du n"2400 du 4novembre2010). Mieux vaut done, pour l'empor-ter, avoir des parents prets a payer, surinformes, surinvestis. Capables de prendre en charge la logistique a 100 % pour que l'etudiant n'ait pas a perdre une precieuse seconde a autre chose qu'a bucher. Ou encore tres astucieux. Sacha, directrice de communication a Paris, raconte ainsi, effaree:« Une amie dont le fils passe cette annee des concours d'dcole d'inginieurs I'a inscrit a Toulouse parce que les conditions d'examens sont meilleures qu'a Paris : il y a moins de monde, et la notation serait plus cool!» Nationaux, ces concours sont organises dans des centres d'examen sur tout le territoire, avec leur propre notation.«lis lui ont loud une chambre pour la semaine, son pere I'accompagne pour le soutenir, lui preparer des petits plats, etc.» Combien ont ces atouts-la? VERONIQUE RADIER Le Nouvel Observateur 19 mai 2011 - H° 2428