Dette Covid : « L’entente cordiale commence à se fissurer » Audrey Tonnelier La crise économique a désamorcé bon nombre de tabous budgétaires. Mais le montant de la dette, qui ne cesse d’augmenter, et la question du « qui paiera ? » constituent des enjeux majeurs, observe dans sa chronique Audrey Tonnelier, journaliste au « Monde ». Publié le 03 décembre 2020 . ·Partage oPlus d’options oTwitter oLinkedin oCopier le lien Chronique. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de 2020. Démarrée au printemps avec le mantra présidentiel du « quoi qu’il en coûte », l’année écoulée aura vu les tabous budgétaires sauter les uns après les autres, et l’exécutif assumer le rôle dispendieux mais nécessaire de prêteur en dernier recours. Chômage partiel, fonds de solidarité pour les petites entreprises et les indépendants, prêts garantis par l’Etat… Huit mois après le début de la crise, le Covid-19 a coûté quelque 86 milliards d’euros aux finances publiques. La dette publique a explosé, bien au-delà du seuil symbolique des 100 % du PIB, et le déficit a plongé. Chacun y est allé de sa revendication, des librairies aux stations de ski en passant par les hôtels et les boîtes de nuit. Et ce n’est pas fini : les mesures d’urgence pour les secteurs encore fermés (événementiel, salles de sport…) sont appelées à se poursuivre début 2021. Côté recettes, le manque à gagner est encore plus spectaculaire : 100 milliards d’euros de taxes et de cotisations sociales partis en fumée, auxquels viendront s’ajouter d’autres impayés si les entreprises les plus fragiles ne sont pas en mesure d’honorer les échéances décalées. Jusqu’ici, l’acuité et l’imprévisibilité de la crise ont remisé les sujets budgétaires au second plan. Le gouvernement, soucieux de ne pas reproduire les erreurs de la crise financière de 2008-2009, promet qu’il n’y aura pas de hausses d’impôts. Même la peu hétérodoxe Cour des comptes, par la voix de son président, l’ex-ministre socialiste Pierre Moscovici, assure que « la dette n’est pas un tabou ». « Réformes structurelles » Mais l’entente cordiale commence à se fissurer. L’arrivée espérée d’un vaccin en début d’année prochaine incite à tourner progressivement les yeux vers un après-crise qui pourrait bien ressembler au monde d’avant. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, l’a encore répété dimanche 29 novembre dans Le Parisien : parmi les « réformes structurelles » nécessaires, selon lui, au remboursement de la dette due au Covid-19, celle des retraites constitue « la priorité absolue ». L’ancien LR, désavoué dans la foulée par la ministre du travail Elisabeth Borne et par Marc Fesneau, celui des relations avec le Parlement, est l’un des rares membres du gouvernement à n’avoir jamais abandonné ce sujet, pourtant explosif. « Cela ne veut pas dire que c’est la priorité tout de suite, mais parmi les réformes à mener, si possible d’ici à 2022. Ce sera au président de décider du calendrier, mais il nous faut anticiper la sortie de crise politique et assurer une bonne tenue des comptes publics. Si ce n’est pas le ministre des finances qui le dit, alors qui ? », souligne son entourage. Le Monde