Leïla Huissoud : La Vieille J'ai pas besoin de vous pour ranger mes vêtements Partez, vous m'encombrez, dit la vieille, en sautant Pieds joints sur sa valise, on aurait dit Popeye Elle avait encore la souplesse des abeilles Et d'un pas décidé vers la gare Saint-Lazare Tandis qu'on faisait semblant de pleurer son départ Elle s'en allait gaiement, son bagage à la main Avec deux ou trois pauses pour se tenir les reins J'ai pas besoin de vous dit-elle au contrôleur Pour porter ma valise, j'en ai pour un quart d'heure L'hospice est en banlieue, on dit que c'est un château Où les vieux jouent au scrabble, et aux petits-chevaux Moi j'ai horreur de ça, comprenez-vous monsieur Je n'aime que les westerns avec plein de coups de feu J'ai vu quatorze fois l'Infernale Chevauchée Je vous le raconterais bien mais nous sommes arrivés J'ai pas besoin de vous dit-elle à l'infirmière Pour déplier mes draps, laissez-moi j'ai à faire Alors de sa valise, à l'abri des regards Elle sortit vingt bouteilles d'un célèbre pinard Descendit au salon où les vieux et les vieilles Jouaient aux petits-chevaux en se grattant l'oreille Bonsoir messieurs, mesdames je m'appelle Fanchon L'un d'entre vous n'aurait-il pas un tire-bouchon J'ai pas besoin de vous dit-elle au médecin En élevant vers lui son troisième verre de vin Tandis que les vieillards autour de la pendule Chantaient à quatre voix la grosse bite à Dudule Et l'on vit ce spectacle ô combien ravissant De quatre-vingt gâteux quittant l'établissement Afin de ratisser les hospices du pays Arrachant à la mort des moribonds surpris J'ai pas besoin de vous dit-elle au curée Qui au chevet d'un vieux s'esquintait à prier Vous voyez bien que ce cadavre n'est pas mort S'il ne respire plus par contre il bande encore Un petit coup de branlette le remettra sur pattes Comme un coup de manivelle sur une vieille Juva 4 Le prêtre révulsé tombait les bras en croix Il respirait encore, mais il ne bandait pas J'ai pas besoin de vous claironnaient tous les vieux Chaque fois qu'un député voulait s'occuper d'eux Car vous n'avez pas su vous occuper de nous Du temps où nous avions encore confiance en vous Tous les moyens sont bons pour gagner la coupole Si les morpions votaient vous seriez la vérole En tant qu'improductifs nous ne produirons pas Un imbécile de plus à la tête de l'état J'ai pas besoin de vous dit-elle au nécrophage Qui la poussait dans le ghetto du troisième âge "Saloperie de technocrate qui inventa cette formule Du haut de mon mépris saloperie je t'encule C'est la première fois que je dis un gros mot" Et tout en se servant un petit verre de porto Elle fit un bras d'honneur on aurait dit Popeye Elle avait encore la souplesse des abeilles Paroliers : Patrick Font Leïla Huissoud : Mon Français J'vous ai vu sauter dans la foule J'vous ai vu faire lever des mains Et pour enfin en découdre Lancer la révolte en fermant le poing J'vous ai vu chanter comme on aime J'vous ai vu danser comme on mène Trembler en sortant de scène Vous aviez la sueur en commun Et dans vos poches de forains Les mots qui font crier les foules Et les notes qui défoulent Pourtant j'trocquerai pas Mon français qui sent la vinasse à plein nez Le bistrot du coin, la musette Les champs de lavande et la violette J'resterai pendue à la moustache De celui qui m'a bercée Les chansons subtiles ou potaches L'accent c'est toi (sétois) Le faux sourire gêné Le Reggiani sa peau plissée Le Moustaki sa liberté J'ferai peut-être valser un Gavroche Sous les lampions si j'trouve un cordon pour qu'on les accroche Mais j'ai aimé Me cramponner aux barrières Qui séparent votre scène de la Terre Me sentir au milieu du plein Sauter en rythme plus ou moins J'ai écouté autant vos pieds frapper le sol Je l'avoue, que vos paroles Le frisson parcourant vos mains Me suffira jusqu'à demain On aura la sueur en commun Et dans nos poches de forains Les mots qui font chanter les foules Et les notes qui défoulent Pourtant j'trocquerai pas Mon français qui sent le vin rouge à plein nez Le bistrot du coin, la musette Les champs de lavande et la violette Ce sera vin blanc sous les tonnelles La retraite de mes rengaines Moi j'joue en fin d'après-midi Et quand le soleil est parti J'vais me cramponner aux barrières Qui séparent votre scène de la Terre J'vais écouter autant vos pieds frapper le sol Je l'avoue, que vos paroles On aura la sueur en commun Et dans nos poches de forains Les mots qui font chanter les foules Et les notes qui défoulent Paroliers : Leila Huissoud