CAIRN INFO
MATtERES A REFLEXION
FOCUS - LES RELATIONS DES ADOLESCENTS AVEC LEURS PARENTS Ä TRAVERS LES LOISIRS
Christiane Crepin
Caisse nationale d'allocations familiales | « Informations sociales »
2010/5 n° 161 I pages 80 ä 83
ISSN 0046-9459
DOI 10.3917/inso.l61.0080
Article disponible en ligne ä l'adresse :
https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-5-page-80.litm
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Éduquer et prévenir: ce que fait 1'école
Focus_
Les relations des adolescents
avec leurs parents á travers les loisirs
Christiane Crépin - conseillěre technique Recherche, Cnaf.
De nombreux auteurs et institutions s'interessent a I'adolescence et a la jeunesse et aux liens avec leurs parents. Les loisirs sont un support pour la construction identitaire de I'adolescence et refletent les conceptions et pratiques educatives des parents, devaluation, en 2007 et 2008, de la politique de loisirs des adolescents de la branche Famille avait mis en exergue des inadaptations des equipements et des activites proposes (Azoulay et ai, 2009a Azoulay et ai, 2009b). Sont exposes ici quelques axes de I'etude conduite en 2009 et 2010 O afin de fonder une politique de la jeunesse adolescente (Crepin, 2010). lis permettent d'apporter des pistes de reflexion montrant comment les loisirs partici-pent a la prevention de la delinquance et de la descolarisation et, plus largement, comment ils contribuent a preparer I'avenir des adolescents. Ces etudes s'inscrivent dans un cadre general porte par les ambitions europeennes. En effet, en 2009, le Conseil de I'Union europeenne definit les objectifs prioritaires pour la jeunesse :
■ assurer une meilleure employabilite des jeunes et leur acces aux loisirs et a la libre creativite ;
■ prendre en compte la parole des jeunes dans les processus de decision qui les concernent, sur la base d'objectifs et de structures clairs afin de rendre le dialogue plus efficace.
Les objectifs internationaux pour la jeunesse (Unesco) visent egalement leur autonomisation : encourager leur participation (promouvoir le dialogue), les partenariats (concevoir des projets
avec eux), intégrer leurs attentes dans les orientations des États pour I'education, les sciences, la culture et la communication. Trois objectifs principaux sont identifies dans I'etude en cours. La finalité sociále, ou le sens des loisirs, est caractérisée á travers les perceptions croisées des adolescents et de leurs parents. L'articulation de I'encadrement et de I'autonomie est un processus interactif structurant pour les jeunes et valorisant pour les parents. Enfin, la relation entre adolescents et parents se construit et se révěle par les loisirs, ceux-ci representant le thěme et le mode ďéchange privilegia dans la famille (Ipsos, 2007).
La perception des loisirs
Les loisirs représentent pour les parents un support éducatif, et pour les adolescents une fagon de s'emanciper. Les loisirs de proximité sont des occasions ďapprendre, de transmettre, de se construire. Des analyses croisées des points de vue des adolescents et des parents sur leur conception des loisirs mettent en evidence le sens donné aux loisirs. II s'agit ďobserver les écarts de perception en fonction de l'áge, des effets de genre des adolescents comme des parents, du contexte social, amical et familial, du réseau de sociabilitě, de 1'environnement résidentiel et de 1'accěs aux équipements. Des typologies selon ces profils pourront révéler des comportements éducatifs et de sociabilitě, des aspirations des adolescents et des parents. Les
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objectifs d'etude s'attachent a analyser les principaux ecarts de perception des loisirs et des attentes des adolescents et de leurs parents.
Encadrement et autonomic
La demande d'encadrement des adolescents semble paradoxale au regard de leurs souhaits d'emancipation et d'autonomie. Le souhait des adolescents de beneficier d'une presence, d'un encadrement souple et adapte, « invisible », exprime un besoin d'attachement, de lien bienveillant - de confiance - avec leurs parents et des adultes. Des etudes montrent la construction du lien d'attachement a travers des echanges sur les loisirs et la vie scolaire qui contribuent a rehabiliter le pere et I'adolescent (Prokofieva, 1998 ; Le Camus, 2002). La demande d'encadrement des jeunes pourrait s'exprimer comme une recherche de liens, d'attachement, de la part de leur famille et des adultes. El le pourrait etre reliee a la supervision et au controle, certains auteurs soulignant que ces deux modes de relations ont un sens associe a I'attachement (Mucchielli, 2000). Les parents supervisent et controlent pour anticiper et accompagner. Le sens se joue dans I'ecart d'apprehension de ces concepts.
A I'autonomie sont associes la responsabilite et I'engagement, le projet. Selon Vincenzo Cicchelli, autonomie, projet, engagement et responsabilite sont les normes attendues des jeunes (Cavalli et a/., 2008). Pour Francois de Singly, la mobilite- et I'acces a la ville - est un indicateur d'autonomie et un enjeu educatif en permettant aux jeunes de s'affranchir: la ville sans ses parents represents un rite de passage vers la vie adulte; de leur cote les parents sont partages entre souci securitaire et reconnaissance d'autonomie (Singly (de), 2001). Ces formes rituelles d'autonomie seraient recherchees par les adolescents pour se construire : s'eloigner et revenir (Kaufmann et Flamm, 2004). Elles varient
selon I'age et le genre, le contexte de vie resi-dentielle, I'appartenance sociale, les possibilites d'acces a des equipements: comment s'articule une demande d'autonomie et d'encadrement ? Quel les en sont les conditions, les contours, les limites ?
Relations des adolescents avec les parents
Les relations des jeunes avec leurs parents sont source de bonheur. Les loisirs sont des occasions privilegiees d'echanges dans la famille, favori-sant selon les parents la qualite de relation, la facilite d'education et de dialogue avec leurs adolescents. Si une difficulte intervenait, ils apprehenderaient d'avoir a la gerer (Ipsos, 2007). Quand les jeunes ont de bonnes relations avec leurs parents, qu'ils se sentent compris et aides, ils prennent des initiatives et souffrent moins de depression, a releve I'Unicef a la conference mondiale des ministres de la jeunesse en 2002. Dans quelles circonstances et conditions certains parents, investis dans les echanges affectifs, de transmission de valeurs, partageraient leur responsabilite educative avec les institutions et I'Etat ? Des facteurs externes a la famille, des effets de contexte, d'apprentissage social, interviennent dans la transmission educative. Alors que les mesures coercitives contrarient la confiance en soi et rendent les sanctions inefficaces, les approches preventives privilegient la discussion et I'implication de la famille comme partie de la solution. Des experiences de reparation sociale associent le jeune, sa famille et les professionnels: la gestion partagee du conflit prend en compte I'ensemble des facteurs de causalite (Boisson, 2008). L'observation par les parents d'une transgression de leur adolescent desequilibre Pautorite, remet en cause leur role parental, entraihe I'abandon de la supervision, accentue I'effet destructurant: la famille a besoin d'un renfort (Stellinger, 2008). La Cour des comptes recommande de repenser
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I'information des families et le cadre du soutien a la parentalite (Cour des comptes, 2009). Adolescents et jeunes sont pessimistes face a I'avenir (Credoc, 2008) et des institutions. L'absence de confiance dans I'education, les difficultes d'insertion professionnelle et la conscience de ces difficultes s'accentuent chez les jeunes ruraux et ceux de niveau d'education primaire ou secondaire. Individualisation, travail precaire, soutien insuffisant de I'Etat dans les parcours des jeunes vers I'emploi en sont les explications (Stellinger, 2008).
Trois axes de questionnement
Trois axes d'etude articulent le questionnement. Le premier considere la decision des loisirs par les adolescents : le choix releve de connivence, d'influence, d'opportunite; de contraintes ou de disponibilite d'equipements; de tarifs. Quels sont les souhaits, attentes, priorites; les effets attendus sur la vie scolaire, sociale, familiale, du quartier, du village ? Le deuxieme axe porte sur les loisirs en tant que strategie, pretexte pour tisser des liens. Le troisieme concerne les loisirs comme element structurant dans le parcours vers I'autonomie. Des typologies croisees de I'histoire sociale, familiale, amicale, de quartier ou de village, devraient mettre en evidence les attentes de loisirs des adolescents et des parents et contribuer a definir des axes et des resultats a attendre d'une politique familiale de la jeunesse.
Note
1 - Cnaf, Cahier technique de la consultation, n° 292/09 : « Etude et Enquete sur les adolescents et leurs parents : encadrement et autonomie dans les activites de loisir », mai 2009.
Bibliographie
■ Azoulay M., Crepin A., Crepin C, Douesneau C, Guillaudeux V. et Sloma C, 2009a, « La contrac-tualisation avec les Caf: quelle contri-bution ä la construction collective d'une politique enfance jeunesse ? », Cnaf, I'e-ssentiel, n° 81, Janvier.
■ Azoulay M., Crepin A., Crepin C, Douesneau C, Guillaudeux V. et Sloma C, 2009b, « Evaluation de la politique de l'enfance et de la jeunesse des Caf. Attentes des families et des jeunes. Attentes des elus. Territoires », Cnaf, Dossier d'etudes, n° 113, fevrier.
■ Cavalli A, Cicchelli V. et Galland O. (dir.), 2008, Deux pays, deux jeunesses ? La condition juvenile en France et en Italie, Presses universitaires de Rennes, coll. « Le sens social ».
■ Centre de recherche, d'etude, et d'observation des conditions de vie (Credoc), 2008, « Enquete Conditions de vie des Francais ».
■ Chauffaut D., 2008, «Compte rendu du Colloque " La responsabilisation des parents : une reponse ä la delinquance des mineurs ?" »,
Recherches et Previsions, n° 93.
■ Cour des comptes, 2009, « Les politiques de soutien ä la parentalite », rapport annuel.
■ Crepin C, 2010, « Attentes d'encadrement et d'autonomie des adolescents ä l'occasion des loisirs », Cnaf, Politiques sociales et familiales, n° 99, mars.
■ Ipsos, 2007, « Les relations parents-enfants au
quotidien », enquete pour la Delegation interministerielle ä la famille (DIF), Janvier.
■ Kaufmann V. et Flamm M., 2004, « Famille, temps, mobi lite », Institut pour laVilleen Mouvement, Cnaf, Dossier d'etudes, n° 51.
■ Le Camus J. (dir.), 2002, Rester parents malgre la detention, les relais enfants-parents et le maintien des liens familiaux, Editions Eres.
■ Loncle P., 2008, « Des jeunes francais isoles et pessimistes face ä une prise en charge publique limitee », in Stellinger, 2008, p. 105-114 (voir ci-apres).
■ Mucchielli L., avec la collaboration de Mucchielli K., 2000, « Families et delinquances. Un bilan pluridisciplinaire des recherches
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francophones et anglophones », Cnaf, Dossier d'etudes, n° 9.
■ Prokofieva L et Valetas M.-R, 1998, Les peres et leurs enfants apres un divorce en Russie, Ined.
■ Singly F. (de), 2001, « La liberte de circulation de la jeunesse », commentaire des resultats d'un sondage, « Les jeunes et leurs modes de deplacement en ville », Institut pour la Ville en Mouvement, septembre.
■ Stellinger A. (dir.), avec la collaboration de Wintrebert R., 2008, « Les jeunesses face a leur avenir, une enquete internationale », Paris, Fondation pour I'innovation politique.
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