XVI.                La France de Richelieu et de Mazarin

   (1610-1661)

   

   Apres les troubles du début du regne de Louis XIII, Richelieu restaure l'autorité du roi,
   au-dedans comme au-dehors. Mais sa politique de guerre contre les Habsbourg et les charges
   qu'elle entraine suscitent de vives résistances. Cette politique, poursuivie par Mazarin sous
   la minorité de Louis XIV, provoque une guerre civile, la Fronde, qui se termine par le
   triomphe de l'autorité monarchique.

   

   XVI.     La France de Richelieu et de Mazarin.. 1

   XVI.a.     Louis XIII et Richelieu (1610-1643)  2

   XVI.a.i.    Les troubles du début du regne.  2

   XVI.a.ii.   Richelieu jusqu'en 1630.  2

   XVI.a.iii.  Richelieu et le régime de guerre.  3

   XVI.b.      Mazarin et la Fronde. 4

   XVI.b.i.    La Fronde parlementaire.  4

   XVI.b.ii.   La Fronde des princes.  4

   XVI.b.iii.  La Fronde condéenne.  5

   XVI.b.iv.  Le retour `a l'ordre.  5

   XVI.c.     La France baroque. 6

   XVI.c.i.     Le baroque.  6

   XVI.c.ii.    La naissance du classicisme.  6

   XVI.c.iii.   Les débuts de la réforme catholique et du jansénisme.  7

   XVI.d.     La reprise de la lutte contre la Maison d'Autriche. 7

   XVI.d.i.    La guerre de Trente Ans et les traités de Westphalie.  7

   XVI.d.ii.   Le traité des Pyrénées.  8

XVI.a.             Louis XIII et Richelieu (1610-1643)

  XVI.a.i.           Les troubles du début du regne.

   

   Louis XIII n'ayant que neuf ans `a la mort de son pere, la reine mere Marie de Médicis exerce
   la régence. Mais, sans expérience des affaires, elle se laisse dominer par son entourage,
   surtout sa soeur de lait Leonora Galigai et le mari de celle-ci, Concini, ambitieux, cynique
   et avide, qui est fait maréchal et marquis d'Ancre et devient tout-puissant `a partir de 1615.
   Les grands en profitent pour s'agiter et se faire accorder places et pensions. Le jeune roi,
   poussé par son ami Charles d'Albert de Luynes, décide en 1617 de mettre un terme `a cette
   situation humiliante en faisant arreter Concini ; celui-ci est abattu par le capitaine des
   gardes chargé de l'appréhender. Louis XIII fait alors exiler la reine mere `a Blois et se
   débarrasse de ses ministres, dont le jeune éveque de Luçon, Richelieu. Mais, au lieu d'exercer
   effectivement le pouvoir, il s'en remet `a Luynes, qui, inexpérimenté et médiocre, est
   incapable de faire face `a la situation. Marie de Médicis, échappée de Blois, intrigue avec
   les grands et prend les armes. En avril 1620, aux Ponts-de-Cé, pres d'Angers, le roi disperse
   les troupes de sa mere et se réconcilie avec elle. Par ailleurs, les protestants du Sud-Ouest
   se soulevent et tiennent en échec les troupes royales. Louis XIII, privé de Luynes mort
   inopinément en 1621, préfere négocier avec eux, témoignant ainsi de sa faiblesse. Enfin, en
   1624, cédant `a sa mere rentrée en grâce, il décide de faire appel `a Richelieu, qui, nommé
   cardinal en 1622, reçoit en aout 1624 le titre de >> chef du Conseil <<.

  XVI.a.ii.        Richelieu jusqu'en 1630.

   Le régime du ministériat ainsi institué repose sur l'étroite collaboration du roi et de son
   ministre. Louis XIII, timide et ombrageux, mais conscient de ses limites et de la valeur
   exceptionnelle de Richelieu, accorde `a celui-ci une confiance sans défaillance, en dépit des
   orages. Plus tard, le cardinal résumera en une phrase célebre la tâche qu'il s'assigne des
   1624 : >> Ruiner le parti huguenot, rabaisser l'orgueil des grands, réduire tous [les] sujets
   en leur devoir et relever [le] nom [du roi] dans les nations étrangeres au point ou il devait
   etre. << Pourtant, il serait erroné d'imaginer le ministériat de Richelieu comme l'exécution,
   point par point, d'un plan préétabli. L'homme est trop intelligent pour ne pas se plier aux
   circonstances. Il n'en reste pas moins qu'il sait ou il va et avance avec une volonté
   inflexible.

   Les premiers obstacles résident dans l'opposition nobiliaire. Les grands et les hommes de
   moindre noblesse qui les entourent voient tres vite dans Richelieu un tyran qui menace les >>
   libertés traditionnelles << du royaume et le rôle nécessaire que doivent jouer les nobles
   aupres du roi. Il est donc licite de chercher `a l'éliminer. Dans la plupart des complots
   ourdis `a cette fin, Gaston d'Orléans, frere du roi et son héritier jusqu'`a la naissance en
   1638 du futur Louis XIV, joue un rôle central et souvent peu glorieux dans la mesure ou son
   rang lui permet d'échapper `a la peine capitale qui, chaque fois, frappe les conjurateurs, tel
   Chalais en 1626. La répression contre les duellistes et le démantelement de nombreux châteaux
   témoignent des 1626 de la volonté du roi et de son ministre de réduire tous les nobles `a
   l'obéissance. De meme, la prise de la grande place huguenote de La Rochelle, apres un siege de
   treize mois (1627-1628), permet de ruiner le parti huguenot : l'édit d'Alais (1629) prive les
   protestants des avantages politiques et militaires que leur avait concédés l'édit de Nantes,
   tout en maintenant celui-ci, au grand mécontentement de la plupart des catholiques. Enfin,
   Richelieu, tres inquiet de la politique ambitieuse de l'empereur Ferdinand II, encourage en
   sous-main tous ses adversaires.

  XVI.a.iii.       Richelieu et le régime de guerre.

   En 1630, un complot de cour, qui regroupe, derriere Marie de Médicis, la reine Anne
   d'Autriche, Gaston d'Orléans, tous les opposants au ministre, est sur le point de réussir : le
   10 novembre, Marie de Médicis, qui reproche au cardinal son ingratitude `a son égard, croit
   avoir obtenu le renvoi de celui-ci, mais, `a l'issue de cette >> journée des Dupes <<, le roi
   renouvelle sa confiance `a son ministre. Désormais, Richelieu, ainsi confirmé, applique sans
   faiblesse sa politique de lutte contre la Maison d'Autriche, politique qu'il estime nécessaire
   pour le salut du royaume et aux exigences de laquelle il subordonne toute la politique
   intérieure. Son premier souci est d'assurer dans tout le royaume l'autorité du roi, en
   s'efforçant de surveiller et de diriger l'opinion publique, en envoyant des commissaires en
   province, en écrasant sans ménagement toutes les oppositions. Les complots nobiliaires,
   d'autant plus graves que les conjurateurs cherchent appui aupres des Habsbourg d'Espagne, sont
   déjoués, et leurs auteurs, éliminés : le duc de Montmorency en 1632 ; le comte de Soissons,
   sur le point de réussir, mais tué accidentellement en 1641 ; Cinq-Mars en 1642. Les nombreux
   soulevements populaires provoqués par l'accroissement de la pression fiscale du `a la guerre
   sont impitoyablement réprimés, notamment les >>croquants<< entre Loire et Garonne en 1636-1637,
   les >> nu-pieds << de Normandie en 1639. Accaparé par la politique extérieure, Richelieu ne
   s'intéresse aux problemes économiques que dans la mesure ou la puissance du roi dépend de la
   richesse du royaume. Il attache une grande importance `a la mer et au grand commerce maritime.
   Mais, au total, ce qu'il attend des Français, c'est qu'ils soutiennent par leur travail et
   leurs deniers l'énorme effort de guerre, et il les fait payer sans ménagement. Dans de telles
   conditions, on conçoit que sa mort survenue le 4 décembre 1642 ait été accueillie avec
   soulagement dans presque tous les milieux. Louis XIII lui demeure pourtant fidele et poursuit,
   avec le meme personnel ministériel, notamment l'Italien Mazarin, la meme politique, tant
   au-dedans qu'au-dehors. Avant de mourir, le 14 mai 1643, le roi a le temps d'organiser la
   régence de son fils âgé de cinq ans, au profit d'un Conseil de régence assistant Anne
   d'Autriche.

XVI.b.        Mazarin et la Fronde

   Des le 18 mai, la reine se fait accorder par le parlement de Paris la régence pleine et
   entiere. En réalité, elle est sans expérience politique et s'en remet entierement `a Mazarin,
   cardinal sans etre pretre, qui a sur elle un énorme ascendant. Plus souple que Richelieu, mais
   partageant ses dons, son sens de l'État, ainsi que son avidité, Mazarin entend mener la meme
   politique que lui. En quelques années, il met le comble au mécontentement général par la
   nécessité ou il se trouve de se procurer de l'argent par tous les moyens : emprunts, création
   d'offices, suppression partielle du paiement des rentes, rétablissement d'impôts tombés en
   désuétude.

  XVI.b.i.          La Fronde parlementaire.

   En juin 1648, le parlement de Paris rédige un arret, dit >> de la chambre Saint-Louis <<,
   exigeant le rappel de tous les commissaires ou intendants, le vote par le parlement des impôts
   nouveaux et des créations d'offices, l'interdiction d'emprisonner quelqu'un plus de
   vingt-quatre heures sans le faire comparaître devant son juge naturel. Ce texte, qui place la
   monarchie sous le contrôle de ses officiers, est accueilli avec enthousiasme par les
   Parisiens. La régente s'incline d'abord, puis, le 26 aout, fait arreter trois parlementaires,
   dont le tres populaire Broussel. Aussitôt, Paris se couvre de barricades. Reculant une
   nouvelle fois sur le conseil de Mazarin, Anne relâche Broussel, mais, l'agitation continuant,
   quitte secretement Paris, dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649, avec le jeune roi et Mazarin,
   et se réfugie `a Saint-Germain-en-Laye. Le parlement organise la résistance, leve des troupes
   et reçoit l'appui de quelques grands seigneurs et de Paul de Gondi-Retz, coadju-teur de
   l'archeveque de Paris, cependant que se déchaînent les >> mazarinades <<, violents pamphlets
   contre l'Italien qui cristallise toutes les haines. L'armée royale commandée par Condé fait le
   siege de la capitale. Inquiets de la tournure des événements, les parlementaires préferent
   traiter avec la régente et Mazarin, qui promettent un pardon général : la paix de Rueil met
   ainsi fin, en mars 1649, `a cette guerre civile qui reçoit aussitôt le nom d'un jeu d'enfants,
   la >> Fronde <<.

   

  XVI.b.ii.        La Fronde des princes.

   Rien n'est réglé pour autant, car les mécontentements contre le gouvernement de Mazarin
   subsistent entiers. Dans le courant de 1649, l'attitude de Condé provoque la deuxieme Fronde,
   ou Fronde des princes. Grisé par ses victoires sur les Espagnols et sur les Parisiens, Condé
   veut remplacer l'Italien, qu'il déteste et méprise. Mais Anne et Mazarin le font arreter,
   ainsi que son frere Conti et son beau-frere Longueville, et viennent `a bout des soulevements
   que la duchesse de Longueville et tous les amis des princes tentent de susciter en province
   (janvier-décembre 1650). Le succes de Mazarin réveille l'hostilité du parlement de Paris et
   provoque l'union des deux Frondes (janvier-septembre 1651). Les parlementaires reprennent leur
   programme de 1648, s'unissent avec tous les mécontents, réclament la mise en liberté des
   princes et le renvoi de Mazarin. Celui-ci, conscient que la haine contre lui est le seul lien
   entre les rebelles et que son éloignement fera éclater leurs dissensions, décide de
   s'éloigner. Le 6 février, il quitte Paris, libere les princes et se retire chez l'électeur de
   Cologne, d'ou il reste en relations étroites avec Anne d'Autriche et ses conseillers Michel Le
   Tellier et Lionne. De fait, les frondeurs sont tres vite incapables de s'entendre. Retz se
   rapproche de la régente ; Turenne, un moment frondeur, fait sa soumission ; Condé se brouille
   avec les parlementaires et quitte Paris pour rejoindre ses partisans dans son gouvernement de
   Guyenne, au moment ou Louis XIV est proclamé majeur (septembre 1651).

   

  XVI.b.iii.       La Fronde condéenne.

   Ainsi débute la derniere phase de la Fronde, la plus longue, la plus anarchique, la plus
   désastreuse aussi pour le royaume du fait du mouvement des troupes et de leurs méfaits : c'est
   la Fronde condéenne (septembre 1651-aout 1653). De Bordeaux, Condé entre en relation avec
   l'Espagne et tente de soulever tout le Sud-Ouest. Mazarin, inquiet, rentre en France `a la fin
   de décembre et rejoint la reine mere et le jeune roi `a Poitiers. Condé décide alors de
   quitter le Sud-Ouest et de rentrer dans la capitale, et Turenne `a la tete des troupes royales
   cherche `a l'en empecher. La bataille décisive a lieu le 2 juillet 1652 sous les murs de
   Paris, dans le faubourg Saint-Antoine. Condé, vaincu, est sauvé au dernier moment par la fille
   de Gaston d'Orléans, la Grande Mademoiselle, qui lui ouvre les portes de la ville. Mais sa
   situation devient vite intenable : il se rend odieux aux Parisiens en s'appuyant sur certains
   éléments populaires pour terroriser parlementaires et bourgeois, et doit quitter la capitale
   le 13 octobre pour se réfugier aux Pays-Bas espagnols. Le 21, Louis XIV et Anne d'Autriche
   rentrent `a Paris sous les acclamations. Mazarin, qui s'était éloigné une seconde fois pour
   faciliter la pacification des esprits, rentre `a son tour le 3 février 1653. Les derniers
   troubles en province (Guyenne, Provence) sont réprimés dans les mois suivants.

  XVI.b.iv.        Le retour `a l'ordre.

   En dépit de quelques >> assemblées illicites << de nobles provinciaux et de plusieurs
   soulevements populaires dans l'Ouest entre 1656 et 1659, la tranquillité, favorisée par la
   lassitude générale, se rétablit peu `a peu. Le pays accepte d'autant plus aisément la réaction
   absolutiste qui suit le retour de Mazarin que nobles et parlementaires ont démontré leur
   incapacité `a gouverner. Assuré de la confiance du jeune roi et de la reine mere, le ministre
   reprend les affaires en main, restaurant partout l'autorité royale. Sans égard pour la misere
   des classes populaires, il poursuit la politique financiere dont les exces ont été `a
   l'origine de la Fronde : le surintendant des Finances Nicolas Fouquet, fort de ses relations
   avec de nombreux financiers, use avec brio des expédients traditionnels. Ainsi peut etre
   terminée victorieusement en 1659 la guerre contre les Habsbourg d'Espagne.

   

XVI.c.         La France baroque

  XVI.c.i.          Le baroque.

   Des la fin du regne d'Henri IV se fait sentir en France l'influence de l'art baroque, né `a
   Rome vers 1600, art du spectacle et de l'ostentation, art du mouvement et de l'irrationnel,
   art du catholicisme victorieux. Le baroque triomphe moins dans l'architecture que dans la
   peinture et la décoration : tableaux de Rubens pour le palais du Luxembourg, gravures de
   Jacques Callot, retables d'église, décor de la vie quotidienne, constructions éphémeres comme
   pompes funebres ou arcs de triomphe pour entrées royales. En littérature, les poemes de
   Saint-Amant ou de Théophile de Viau relevent de cette meme esthétique, de meme que les
   tragi-comédies imitées de l'Espagne, les opéras `a l'italienne, les ballets de cour. Mais,
   plus encore que l'art ou la littérature, c'est tout un pan de la civilisation meme de ce
   premier 17^e siecle qui peut etre qualifié de baroque. Dans un pays `a peine remis des
   troubles du siecle précédent, une noblesse turbulente essaie, soit par le complot, soit par la
   guerre civile, de s'opposer aux progres de l'absolutisme monarchique, en se référant aux
   vieilles valeurs chevaleresques ou féodales, cependant qu'excédés d'impôts les peuples se
   soulevent aux cris de >> Vive le roi sans gabelle << et trouvent souvent aupres du clergé ou du
   seigneur local un défenseur face aux exigences des commissaires royaux.  C'est aussi le temps
   ou se multiplient les affaires de possession satanique et ou il se trouve des juges pour
   envoyer au bucher sorciers et sorcieres par centaines.

  XVI.c.ii.        La naissance du classicisme.

   Mais cette France baroque est aussi traversée par de puissants courants opposés, faits
   d'ordre, de mesure, d'attachement aux regles. C'est vrai en politique avec les efforts de
   Richelieu et de Mazarin pour faire triompher l'ordre monarchique face `a toutes les forces
   centrifuges. C'est vrai en littérature avec la création en 1635 de l'Académie française et le
   succes des premieres tragédies de Corneille, qui préparent le triomphe de l'idéal classique.
   C'est vrai dans le domaine de la pensée avec la publication en 1637 du Discours de la méthode,
   de Descartes, qui jette les bases d'une véritable révolution intellectuelle en prônant le
   doute méthodique, le primat de la raison et de l'expérience, la nécessité du langage
   mathématique. C'est vrai en art : les châteaux et manoirs de style Louis XIII, avec leurs
   hautes toitures et leurs murs de pierre et brique alternées, tirent leur beauté de la sobriété
   de leurs lignes, et le palais du Luxembourg, construit par Salomon de Brosse, s'inspire des
   austeres palais florentins, non des édifices de la Rome baroque ; quant `a Nicolas Poussin, il
   est le premier des grands peintres classiques.

  XVI.c.iii.       Les débuts de la réforme catholique et du jansénisme.

   La France de Richelieu et de Mazarin est aussi celle des débuts de la réforme catholique.
   Retardée par les guerres de Religion, celle-ci s'amorce des la fin du regne d'Henri IV. Elle
   concerne surtout le clergé régulier, avec la réforme d'ordres anciens et l'apparition d'ordres
   nouveaux ou récemment introduits en France, qui multiplient les fondations `a Paris et dans
   presque toutes les villes du royaume : carmélites, visitandines instituées par François de
   Sales, filles de la Charité par Vincent de Paul, oratoriens, jésuites rappelés en 1603, etc.
   Ces ordres oeuvrent dans tous les domaines : l'assistance aux pauvres, l'instruction de la
   jeunesse, la prédication et les missions intérieures, surtout la formation du clergé, probleme
   central qui conditionne les autres. Une élite de pieux laiques, certains regroupés en 1627
   dans la Compagnie du Saint-Sacrement, aide efficacement les initiatives du clergé. Ainsi, vers
   1660, les moyens sont en place pour une réforme du clergé paroissial et une rechristianisation
   en profondeur des fideles, jusque-l`a `a peine amorcées.

   Le succes des idées jansénistes est inséparable de ce climat de renaissance religieuse. Deux
   ouvrages sont `a l'origine du jansénisme : en 1640, dans l'Augustinus, oeuvre posthume de
   l'éveque Jansénius, celui-ci défend un augustinisme[1] radical et dont les idées sont
   propagées en France par son ami l'abbé de Saint-Cyran et adoptées par les religieuses de
   l'abbaye de Port-Royal ; en 1643, De la fréquente communion, d'Antoine Arnauld, disciple de
   Saint-Cyran et frere de la mere Angélique, abbesse de Port-Royal, oppose `a la morale relâchée
   des jésuites une morale austere et exigeante fondée sur les idées de Jansénius. En 16S3, le
   pape condamne cinq propositions censées résumer l'Augustinus, mais Arnauld riposte en
   distinguant le droit (les cinq propositions sont condamnables) et le fait (elles ne sont pas
   dans Jansénius). Pour défendre Port-Royal, Biaise Pascal écrit en 1656 ses Provinciales,
   féroce pamphlet contre les jésuites, qui remporte un énorme succes. La querelle janséniste ne
   fait que commencer.

   

XVI.d.        La reprise de la lutte contre la Maison d'Autriche

  XVI.d.i.          La guerre de Trente Ans et les traités de Westphalie.

   L'intervention de la France dans la guerre de Trente Ans, qui déchire l'Europe centrale entre
   1618 et 1648, conditionne tres largement la politique intérieure de Richelieu, puis de
   Mazarin. L'origine du conflit est `a chercher dans les ambitions de l'empereur Ferdinand II
   (1619-1637), qui, désigné comme héritier par son prédécesseur des 1617, entend transformer en
   un vaste État centralisé, allemand et catholique, l'ensemble de ses possessions, c'est-`a-dire
   non seulement ses domaines héréditaires (Autriche, duchés alpins, haute Alsace) et ses
   royaumes électifs (Boheme. Hongrie), mais aussi les États de l'Empire germanique. Ainsi, outre
   les Tcheques et les Hongrois, soucieux de conserver leur autonomie, tous les princes de
   l'Empire se sentent menacés, et les princes protestants doublement. De plus, ce projet
   qu'approuve et appuie le Habsbourg de Madrid, c'est-`a-dire le roi d'Espagne Philippe IV, ne
   peut qu'inquiéter la France, pour qui un tel surcroît de puissance du Habsbourg de Vienne
   constituerait un danger d'autant plus mortel que les deux branches de la Maison d'Autriche
   restent tres unies.

   Longtemps accaparés par leurs problemes intérieurs et divisés sur la conduite `a tenir
   vis-`a-vis des Habsbourg, dangereux, certes, mais catholiques, les Français assistent sans
   intervenir aux premiers succes de Ferdinand II dans la guerre qui éclate en Boheme en 1618 et
   gagne bientôt l'Allemagne. Richelieu lui-meme ne peut songer `a intervenir efficacement qu'`a
   partir de 1630. Encore le fait-il de façon d'abord >> couverte << en aidant financierement le
   luthérien Gustave-Adolphe, roi de Suede, qui au cours d'une fulgurante campagne en Allemagne
   du Nord, en 1631, bat les troupes de l'empereur, mais se fait tuer `a Lützen le 6 novembre
   1632. Contraint de se découvrir apres la disparition inopinée de cet  allié efficace mais
   encombrant, Louis XIII déclare la guerre `a l'Espagne en 1635 et `a l'empereur l'année
   suivante. Mal préparées, les troupes françaises subissent d'abord quelques revers, notamment
   `a Corbie en 1636, mais l'énorme effort de guerre entrepris par Richelieu finit par porter ses
   fruits. Le jeune duc d'Enghien, futur prince de Condé, bat les Espagnols `a Rocroi, le 19 mai
   1643, et, cinq ans plus tard, la victoire de Condé `a Lens et la marche victorieuse de Turenne
   sur Vienne, en liaison avec les alliés suédois, forcent `a la paix l'empereur Ferdinand III.

   Les traités de Westphalie, signés en octobre 1648, constituent pour la France de Mazarin une
   éclatante victoire diplomatique. En effet, ils consacrent l'échec des ambitions du Habsbourg
   de Vienne en maintenant la division politique et religieuse de l'Empire et en renforçant meme
   les pouvoirs des princes au détriment de ceux de l'empereur. De plus, ils assurent `a la
   France la reconnaissance officielle des Trois-Évechés, occupés depuis 1552, et la cession de
   la plus grande partie de l'Alsace, `a l'exception de Strasbourg et de Mulhouse.

  XVI.d.ii.        Le traité des Pyrénées.

   La guerre continue avec l'Espagne, qui, comptant tirer parti des troubles que connaît la
   France, refuse de signer ta paix. Mais, des 1652 et la fin de la Fronde, Mazarin décide d'en
   finir. Il s'allie avec l'Angleterre de Cromwell, qui promet son aide contre la cession de
   Dunkerque `a prendre aux Espagnols. La victoire de Turenne, le 14 juin 1658, aux Dunes, pres
   de Dunkerque, contraint le roi d'Espagne `a signer, le 7 novembre 1659, la paix des Pyrénées.
   Il abandonne `a la France le Roussillon et l'Artois, obtient la rentrée en grâce de Condé et
   accorde `a Louis XIV la main de sa fille, l'infante Marie-Thérese, qui renonce `a tous ses
   droits `a la couronne d'Espagne, moyen nant le paiement d'une dot de 500 000 écus d'or.
   Lorsqu'il meurt, le 9 mars 1661, Mazarin laisse `a Louis XIV un royaume pacifié et agrandi et
   une position diplomatique qui fait de lui l'arbitre de l'Europe.

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   [1] Augustinisme. Doctrine conforme `a la pensée de saint Augustin (354-430), selon lequel
   l'homme corrompu par le péché originel est sauvé par la grâce de Dieu. Saint Augustin ne nie
   pas pour autant la liberté de l'homme, qui peut refuser la grâce.