XIX. La France de Louis XV et de Louis XVI (1715-1789) Apres la Régence et l'expérience financiere de Law (1715-1723), le ministere du cardinal Fleury (1726-1743) est une période de paix `a l'extérieur et de prospérité économique `a l'intérieur. La fin du regne de Louis XV (1743-1774) est marquée par deux guerres difficiles, par l'augmentation du déficit financier et par l'agitation des parlements. Louis XVI, roi en 1774, est contraint de convoquer les états généraux. XIX.a. La Régence (1715-1723) XIX.a.i. La réaction. A la mort de Louis XIV, son arriere-petit-fils, âgé de cinq ans, devient Louis XV. En prévision de cette éventualité, le feu roi avait prévu par testament que son neveu, le duc Philippe d'Orléans, serait régent, assisté par un Conseil de régence qu'il présiderait, mais dans lequel le duc du Maine, prince *légitimé, jouerait un rôle important. Le Régent refuse ce partage du pouvoir et fait casser le testament par le parlement de Paris, qui retrouve, en échange, la plénitude du droit de remontrances dont Louis XIV l'avait privé. A beaucoup d'égards, la Régence est une période de réaction contre le long regne précédent : réaction politique, avec la création de conseils remplaçant les ministres et les secrétaires d'État ; réaction religieuse, avec l'appui accordé aux jansénistes ; réaction morale, le Régent et ses « roués » donnant l'exemple de la licence et de l'irréligion `a Paris ou la cour s'est installée ; réaction en politique extérieure, avec le rapprochement franco-anglais pour le respect des traités de 1713-1714. XIX.a.ii. Le systeme de Law. Mais le gros probleme qui se pose au Régent est la situation financiere catastrophique laissée par Louis XIV, notamment une dette de plus de 2 milliards de livres. Les expédients classiques ne suffisant plus, le Régent décide d'écouter les propositions de l'Écossais John Law. La Banque générale créée par celui-ci `a Paris en mai 1716 émet des billets de banque garantis par les dépôts de monnaie et remboursables `a vue contre leur valeur en argent. Ces billets, beaucoup plus pratiques que la monnaie métallique, connaissent un grand succes et sont acceptés par les caisses royales. En 1717, Law complete son « systeme » en créant la Compagnie d'Occident, au capital de 100 millions, sous forme de 200 000 actions de 500 livres chacune ; la Compagnie, dite bientôt « du Mississippi », reçoit le monopole de la mise en valeur de la Louisiane. Séduit, le Régent tente l'aventure : en décembre 1718, la Banque générale devient banque royale, cependant que la Compagnie d'Occident devient la Compagnie des Indes par absorption des autres compagnies et se fait attribuer la ferme générale[1] et le monopole du tabac et de la fabrication de la monnaie. Le succes répond `a la réclame étourdissante qui est faite dans le public et qui présente le Mississippi comme un eldorado. L'engouement du public est tel que chacun veut posséder des actions, dont le prix monte prodigieusement. En meme temps, Law, qui est devenu contrôleur général des Finances, commet l'imprudence de faire émettre par la banque, pour stimuler le commerce, une masse de billets sans rapport ni avec l'encaisse métallique, ni meme avec les bénéfices escomptés des diverses entreprises de la Compagnie. Au début de 1720, l'inquiétude du public fait bientôt place `a la panique. Chacun veut `a la fois se débarrasser de ses actions, `a quelque prix que ce soit, et se faire rembourser ses billets par la banque. Celle-ci, l'encaisse étant vite épuisée, doit interrompre les remboursements. Law essaie de faire face en achetant les actions en sous-main pour relever les cours et en imposant le cours forcé des billets. Rien n'y fait. Il doit se cacher, puis s'enfuir `a Bruxelles en décembre 1720, completement ruiné. XIX.a.iii. Les conséquences du systeme. L'expérience, qui a duré deux ans, se termine donc en catastrophe. Pourtant, les conséquences du « systeme » ne sont pas toutes désastreuses. Certes, des communautés et des particuliers en sortent partiellement ruinés ; certes, l'opinion en garde pour longtemps une méfiance générale pour le papier-monnaie. Mais, en revanche, `a la suite de l'opération de liquidation menée par les freres Paris, banquiers adversaires de Law, la situation est brutalement assainie au bénéfice de l'État, dont la dette est sensiblement réduite. Par ailleurs, le « systeme » a donné un véritable coup de fouet `a l'économie française : une richesse plus mobile a favorisé la production et surtout le grand commerce maritime. Les dernieres années de la Régence sont marquées par un retour plus ou moins net aux options et aux pratiques du regne précédent : abandon du régime des conseils, ou polysynodie, des 1718, rapprochement avec l'Espagne de Philippe V en 1720, retour de la cour `a Versailles en 1722. En février 1723, Louis XV devient majeur ; en décembre de la meme année, le duc d'Orléans meurt. XIX.b. La France du cardinal Fleury XIX.b.i. Paix et prospérité. Hercule Fleury, éveque de Fréjus, ancien précepteur de Louis XV, a gardé une grande influence sur son éleve. C'est sur son conseil que celui-ci choisit comme Premier ministre le duc de Bourbon, pour remplacer le duc d'Orléans, et c'est aussi sur son conseil qu'il disgracie Bourbon en 1726. Le roi s'en remet alors `a Fleury, qui, devenu cardinal, va exercer jusqu'`a sa mort `a quatre-vingt-dix ans, en 1743, les fonctions de Premier ministre. S'appuyant `a Versailles sur des ministres expérimentés, tels Orry ou Maurepas, et en province sur d'excellents intendants, Fleury gere pendant pres de vingt ans les affaires du royaume, avec prudence et modération, selon les méthodes éprouvées du colbertisme, soucieux de maintenir la paix `a l'extérieur, l'ordre et la prospérité `a l'intérieur. Il soutient les efforts d'Orry, contrôleur général des Finances, qui réussit `a équilibrer le budget et encourage l'activité économique, en pleine croissance. Il fait face `a une nouvelle agitation janséniste soutenue par le parlement et marquée notamment en 1729-1731 par les manifestations dont le cimetiere Saint-Médard `a Paris est le théâtre : guérisons inexpliquées et scenes de convulsions. Il obtient en 1738 pour le roi détrôné de Pologne Stanislas Leszczynski, beau-pere de Louis XV, le duché de Lorraine, qui, apres la mort de Stanislas, devra revenir `a la France. XIX.b.ii. Les débuts de la guerre de Succession d'Autriche. Mais, en dépit de son pacifisme, le vieux cardinal se trouve entraîné dans une double guerre, maritime et continentale. En effet, sur mer et aux colonies, les intérets de la France et de l'Angleterre s'affrontent depuis le 17^e siecle. Aux Antilles, les deux pays possedent chacun des îles `a sucre en pleine prospérité, Jamaique pour l'Angleterre, Saint-Domingue, Martinique, Guadeloupe pour la France. En Amérique du Nord, les Anglais sont installés sur la côte atlantique, alors que les Français, bien que douze fois moins nombreux, occupent la vallée du Saint-Laurent et ont pris possession en 1682 de la Louisiane, c'est-`a-dire l'immense territoire drainé par l'Ohio et le Mississippi. En Inde, les deux compagnies de commerce, anglaise et française, détiennent chacune des comptoirs et se font une âpre concurrence. Le conflit, qui était donc inévitable, éclate en 1740. Au meme moment, l'ouverture de la succession d'Autriche provoque une longue guerre qui oppose Marie-Thérese, fille de l'empereur Charles VI, `a Frédéric II de Prusse. Sous l'influence du parti anti-autrichien et en dépit des avis de Fleury, Louis XV décide de s'allier au roi de Prusse contre Marie-Thérese, soutenue par les Anglais. Les difficultés que rencontrent les armées françaises dans leur intervention en Allemagne (prise, puis évacuation de Prague en 1742) et l'impopularité croissante de Fleury n'empechent pas Louis XV, qui lui reste tres attaché, de laisser le vieux cardinal gouverner jusqu'`a sa mort, le 29 janvier 1743. XIX.b.iii. La derniere partie du regne de Louis XV (1743-1774) A la mort de Fleury, Louis XV, qui a alors trente-trois ans, annonce son intention de gouverner sans Premier ministre. En fait, intelligent et sensible, mais timide et indolent, il ne s'intéresse que par intermittence `a son métier de roi. XIX.c. La guerre de Succession d'Autriche et ses conséquences. La cour devient ainsi le centre de toutes les intrigues, notamment autour de M™ de Pompadour, maîtresse du roi `a partir de 1745 et conservant un crédit intact jusqu'`a sa mort en 1764. Intelligente et cultivée, elle protege le parti philosophique et joue un rôle de mécene. Surtout, elle fait et défait les ministres. La guerre de Succession d'Autriche se poursuit avec des fortunes diverses. Les Français, commandés par le maréchal de Saxe, sont vainqueurs des Anglo-Hollandais `a Fontenoy, le 11 mai 1745, et envahissent les Pays-Bas. Pourtant, le traité d'Aix-la-Chapelle, signé en 1748, rétablit le statu quo, la France rendant toutes ses conquetes. A Paris, on estime s'etre « battu pour le roi de Prusse », qui, lui, conserve la Silésie prise `a Marie-Thérese. Le mécontentement est d'autant plus vif que la guerre a fait réapparaître le déficit et les difficultés financieres. Pour tenter d'y porter remede, Machault d'Arnouville, contrôleur général des Finances depuis 1745, crée en 1749 un nouvel impôt, le vingtieme, pesant sur les revenus de tous les sujets quels qu'ils soient. Devant cette atteinte aux privileges, la réaction est immédiate : les parlements refusent l'enregistrement de l'édit de création, les états de Bretagne et de Languedoc, l'Assemblée du clergé protestent et refusent de payer. Finalement, le roi cede en partie et renonce `a imposer le vingtieme au clergé. L'agitation continue néanmoins, les parlementaires prenant prétexte d'un nouveau rebondissement de l'affaire janséniste pour se poser en rempart contre le despotisme (1752-1756). XIX.c.i. La guerre de Sept Ans. De plus, apres un spectaculaire renversement des alliances qui, en 1756, amene la Prusse `a se rapprocher de l'Angleterre et, par voie de conséquence, la France de l'Autriche, le gouvernement de Louis XV se trouve engagé dans une nouvelle guerre qui, une fois de plus, doit etre menée sur mer et aux colonies en meme temps qu'en Europe. Les Français sont battus par les Anglais en Amérique du Nord, ou Montcalm est vaincu et tué `a Québec en septembre 1759, et dans l'Inde, ou, des 1754, la politique ambitieuse de Dupleix a été abandonnée, pour le plus grand profit des Anglais. Les Français sont également battus en Europe centrale par Frédéric II, notamment `a Rossbach, le 5 novembre 1757. A l'instigation de M^me de Pompadour, Louis XV renvoie Machault, au lendemain de l'attentat manqué de Damiens (1757), et fait appel `a Choiseul, qui devient secrétaire d'État aux Affaires étrangeres en 1758, puis `a la Guerre en 1761, et qui va, jusqu'`a sa disgrâce en 1770, jouer pratiquement le rôle d'un Premier ministre. XIX.c.ii. Choiseul et l'agitation parlementaire. Ce grand seigneur lorrain, intelligent, nonchalant et sur de lui, ne peut redresser la situation militaire, mais réussit du moins `a limiter les dégâts lors des négociations franco-anglaises qui, `a l'issue de la guerre de Sept Ans, aboutissent `a la signature du traité de Paris, le 10 février 1763. En effet, si la France doit abandonner `a l'Angleterre le Canada et toute la rive gauche du Mississippi (la rive droite étant cédée `a notre allié espagnol), du moins conserve-t-elle ses îles `a sucre, ce qui est l'essentiel pour l'opinion, compte tenu de la place prise par les Antilles dans l'économie française. Des le lendemain de la paix, Choiseul s'attache `a préparer la revanche en réformant activement l'armée et la marine. En 1766, il rattache définitivement la Lorraine `a la France, au lendemain de la mort du roi Stanislas. En 1768, il achete la Corse `a la république de Genes. Par ailleurs, la croissance économique se poursuit. En revanche, Choiseul ne réussit pas `a mettre fin `a la crise politique résultant de l'opposition incessante des parlements. Il essaie pourtant de donner satisfaction aux parlementaires, jansénistes et gallicans, en meme temps qu'aux philosophes, en leur sacrifiant les jésuites. Un membre de la Compagnie de Jésus se trouvant compromis dans une faillite commerciale, le parlement de Paris, bientôt imité par les parlements provinciaux, en prend prétexte pour supprimer la Compagnie (1762). En 1764-1766, les « affaires de Bretagne » dégénerent en une véritable révolte des parlements contre l'autorité royale : en 1765, les parlementaires rennais démissionnent, et le procureur général, La Chalotais, est arreté pour propos injurieux `a l'égard du roi. Le parlement de Paris s'étant solidarisé avec celui de Rennes, Louis XV, au cours d'un lit de justice, le 3 mars 1766, stigmatise l'attitude des parlementaires et réaffirme la doctrine de la monarchie absolue, mais cede peu apres. XIX.c.iii. Maupeou et le triumvirat. Pourtant, en 1770, `a l'instigation du chancelier Maupeou, qui lui preche la fermeté, Louis XV renvoie Choiseul, qui continue `a soutenir les parlementaires, et appelle l'abbé Terray au contrôle général et d'Aiguillon au secrétariat d'État aux Affaires étrangeres, qui forment avec Maupeou le « triumvirat ». Appuyé par le roi, Maupeou entreprend une profonde réforme de la justice, dont la portée politique est considérable. En effet, l'édit de février 1771 décide que le ressort du parlement de Paris est démembré au profit de six conseils supérieurs et que les magistrats ne seront plus propriétaires de leur charge, mais nommés par le roi. La mesure est appliquée aux parlements de province qui ont pris parti pour les parlementaires parisiens. En dépit des oppositions et des difficultés, Maupeou recrute de nouveaux magistrats pour les divers conseils supérieurs ainsi créés. De son côté, l'abbé Terray essaie de réduire le déficit. Mais les mesures qu'il prend, réduction de rentes, emprunts forcés, augmentation des impôts, le rendent tres impopulaire, sans résoudre véritablement le probleme financier. L'impopularité du roi est plus grande encore, surtout depuis que M^me du Barry, tres cupide, est maîtresse en titre (1769). Lorsque Louis XV meurt de la variole le 10 mai 1774, l'opposition parlementaire est apparemment vaincue, mais l'institution monarchique est profondément discréditée. XIX.c.iv. Le début du regne de Louis XVI (1774-1789) Petit-fils de Louis XV, le nouveau roi a vingt ans. Lourd et timide, il n'est pas dénué de qualités, mais témoigne tres tôt d'un caractere faible et irrésolu face `a un entourage divisé et peu sur, notamment sa femme Marie-Antoinette d'Autriche et ses deux freres, le comte de Provence et le comte d'Artois. Le jeune roi fait appel, pour le conseiller, au vieux ministre Maurepas, disgracié en 1749. Celui-ci fait immédiatement renvoyer Maupeou et rappeler les parlements, décision prise dans un but d'apaisement, mais lourde de conséquences désastreuses pour la monarchie : les parlements ne tardent pas, en effet, `a reprendre leur opposition systématique par le biais du droit de remontrances. Mais, en meme temps, Maurepas suggere au roi d'appeler aux affaires des hommes de premier plan, notamment Vergennes aux Affaires étrangeres et surtout Turgot au Contrôle général. XIX.c.v. Turgot. D'emblée, ce dernier propose `a Louis XVI de résorber le déficit sans recourir aux expédients habituels (« point de banqueroute, point d'augmentation d'impôts, point d'emprunts »), mais grâce `a de séveres économies et surtout `a un meilleur rendement de la fiscalité résultant d'un enrichissement général. C'est pourquoi il prend une série de mesures susceptibles `a ses yeux de favoriser l'accroissement de la richesse nationale et une meilleure répartition des charges, dans le cadre de la libération économique : en septembre 1774, il rétablit la liberté du commerce des grains, pour favoriser une augmentation de la production ; en janvier 1776, il supprime la corvée royale et la remplace par la subvention territoriale, impôt en argent sur toutes les propriétés foncieres, et supprime également les *jurandes, maîtrises et corporations, rendant ainsi le travail libre. Le ministre a d'autres projets, mais les mesures déj`a prises heurtent trop de privileges. Le roi résiste d'abord en imposant au parlement de Paris l'enregistrement des édits de janvier 1776, puis cede `a une cabale menée par la reine et disgracie Turgot le 12 mai 1776. XIX.c.vi. Necker. Dans les semaines qui suivent, la corvée royale et les corporations sont rétablies. C'est alors que Maurepas suggere de faire appel au banquier d'origine genevoise Jacques Necker. C'est un habile technicien, jouissant d'un large crédit dans les milieux bancaires ; c'est, par ailleurs, un partisan du colbertisme traditionnel et un adversaire du libéralisme économique. Il se contente de multiplier les emprunts `a des taux intéressants, ce qui amene des millions de livres dans les caisses de l'État, mais aggrave encore la dette publique. Or, en 1778, `a l'instigation de Vergennes, la France prend officiellement parti pour les colons anglais d'Amérique révoltés contre leur métropole, reconnaissant les États-Unis et leur assurant son aide. La flotte française bat la flotte anglaise `a diverses reprises, et le corps expéditionnaire commandé par Rochambeau contribue de façon décisive, aux côtés des troupes de Washington, `a la capitulation des Anglais `a Yorktown en octobre 1781. Si le traité franco-anglais de Versailles, signé en 1783, n'assure que la restitution des comptoirs du Sénégal, il apparaît comme une revanche morale du traité de Paris et releve le prestige de la France dans le monde. Mais, comme toujours, la guerre a couté cher, aggravant le déficit et la dette publique. La politique d'emprunts se révele de plus en plus insuffisante et le crédit de Necker baisse peu `a peu. En mai 1781, celui-ci démissionne apres la publication de son Compte rendu au roi, plaidoyer qui releve, au passage, l'importance des dépenses de la cour. XIX.c.vii. Talonne et Brienne. En novembre 1783, `a l'instigation de la reine, Louis XVI nomme Calonne contrôleur général des Finances. Celui-ci, profitant de la provisoire euphorie consécutive `a la paix de Versailles, mene une politique de grandes dépenses publiques couvertes par des emprunts. Mais, en fait, depuis 1770, `a la prospérité économique a succédé un incontestable marasme, que traduisent la stagnation, puis la baisse de la production, des prix et des revenus. En 1786, la légere fievre tombée, Calonne ne trouve plus de preteurs. Il propose alors au roi un vaste plan de réformes, inspiré en partie des initiatives de Turgot, notamment la création d'une subvention territoriale pesant sur tous les propriétaires. Pour tourner l'opposition prévisible des parlements, il présente son projet `a une assemblée de notables choisis par le roi, presque tous nobles. L'assemblée repousse le principe de l'égalité devant l'impôt et critique la gestion du ministre, que le roi renvoie en avril 1787 et remplace par Loménie de Brienne, archeveque de Toulouse. Brienne renvoie les notables et fait enregistrer, en aout 1787, l'édit créant la subvention territoriale au cours d'un lit de justice que les parlementaires déclarent illégal. Louis XVI riposte en exilant le parlement `a Troyes. Un compromis permet son retour en octobre, aux applaudissements de l'opinion, qui voit dans les magistrats les adversaires du despotisme ministériel et les peres de la patrie. Pour briser cette obstruction, le garde des Sceaux Lamoignon tente, en mai 1788, une réforme inspirée de celle de Maupeou, qui se heurte `a une opposition générale, mais ambiguë, chacun revendiquant pour son compte le contrôle du pouvoir royal. L'alliance est donc fragile entre les parlementaires défendant leur pouvoir et leurs privileges, les nobles soucieux de continuer `a dominer les états provinciaux, l`a ou ils existent, et les patriotes du tiers réclamant une monarchie tempérée et la suppression des privileges. Des émeutes contre les édits de Lamoignon éclatent `a Paris, `a Rennes, `a Grenoble. Le 8 aout, Brienne convoque les états généraux pour le 1^er mai 1789 afin de trouver une solution `a la crise financiere et, le 25, remet au roi sa démission. XIX.c.viii. Vers les états généraux. Necker, nommé ministre d'État sous la pression de l'opinion, rappelle les parlements et abandonne les réformes de Lamoignon. Mais le grand probleme posé est celui de la forme des futurs états généraux. Alors que les patriotes, partisans de réformes profondes et pas seulement fiscales, réclament que le tiers ait autant de députés que les deux autres ordres réunis et que le vote ait lieu par tete et non par ordre, le parlement de Paris demande, le 25 septembre, que les états se réunissent comme dans le passé, chaque ordre ayant une voix et le meme nombre de députés ; du jour au lendemain, la popularité des peres de la patrie s'effondre. Enfin, le 27 décembre, le roi décide le doublement du tiers ; ce qui n'est qu'une demi-mesure, puisque aucune décision n'est prise concernant le vote par tete ou par ordre. Dans les premieres semaines de 1789, alors que se multiplient brochures et feuilles périodiques, les Français prennent la parole dans toutes les paroisses de France, `a l'occasion de la rédaction des *cahiers de doléances, et préparent les élections dans le cadre des bailliages, le tout dans une atmosphere d'agitation et de crise frumentaire consécutive `a la mauvaise récolte de 1788 et `a l'hiver rigoureux qui suit. Enfin, le 5 mai 1789, les états généraux s'ouvrent `a Versailles : ce qu'on appellera bientôt l'« Ancien Régime » vit ses derniers jours. ------------------------------- [1] Ferme générale. En 1680, Colbert, étendant une pratique courante, afferme `a un groupe de financiers dits « fermiers généraux » la levée de l'ensemble des impôts indirects, aides et gabelles. Ce systeme, tres lourd pour les imposables, permet au roi de toucher en bloc le revenu de ces impôts, sans avoir la charge de leur perception.