XXVIII. La France dans la Seconde Guerre mondiale Apres la défaite de juin 1940, les Français se divisent. Au départ, une majorité accepte l'armistice et la « révolution nationale » du maréchal Pétain, qui met fin `a la République et collabore avec l'Allemagne de Hitler. Une minorité, d'abord infime, suit le général de Gaulle et entre dans la Résistance qui se range progressivement autour de celui-ci, dont l'autorité s'impose `a la Libération. XXVIII. La France dans la Seconde Guerre mondiale.. 1 XXVIII.a. De la « drôle de guerre » `a la défaite. 2 XXVIII.a.i. La « drôle de guerre ». 2 XXVIII.a.ii. Défaite militaire et crise politique. 2 XXVIII.b. Révolution nationale et collaboration.. 3 XXVIII.b.i. La fin de la III^e République. 3 XXVIII.b.ii. La collaboration. 3 XXVIII.b.iii. La « révolution nationale ». 4 XXVIII.c. France libre et Résistance. 5 XXVIII.c.i. Les débuts. 5 XXVIII.c.ii. Le tournant de 1942. 6 XXVIII.c.iii. Le gouvernement provisoire de la République française. 7 XXVIII.a. De la « drôle de guerre » `a la défaite XXVIII.a.i. La « drôle de guerre ». L'esprit de l'« Union sacrée » ne souffle pas comme en 1914. Les socialistes n'entrent pas dans le cabinet Daladier remanié, auquel ils reprochent d'agir de façon autoritaire en recourant aux décrets-lois. Le Parti communiste a approuvé le pacte germano-soviétique. Il vote les crédits de guerre, mais, rappelé `a l'ordre par l'Internationale, il s'en prend, `a partir de fin septembre, `a la « guerre impérialiste ». Le gouvernement réplique par la dissolution du Parti et une répression sévere. La Pologne est écrasée en trois semaines. Sur le front ouest, les opérations restent limitées. L'Allemagne attend son heure. Les Alliés ne veulent pas prendre le risque d'une offensive et pensent ébranler l'Allemagne par le blocus. Cette « drôle de guerre » affecte le moral de l'opinion, qui en vient pour une part `a s'interroger sur le sens du conflit. Autour de Pierre Laval, de certains radicaux, des socialistes pacifistes, progresse l'idée d'une paix de compromis. Les partisans de la fermeté, `a droite comme `a gauche, obtiennent la démission du cabinet Daladier, jugé irrésolu. Paul Reynaud le remplace, mais il n'obtient que de justesse une majorité et doit conserver Daladier `a la Guerre. Les socialistes proches de Léon Blum entrent dans le gouvernement. En avril, les Allemands devancent le projet d'intervention franco-britannique en Norvege. Ébranlé par cet insucces, le gouvernement français est virtuellement démissionnaire le 9 mai. XXVIII.a.ii. Défaite militaire et crise politique. Le lendemain, c'est l'offensive allemande. Invasion des Pays-Bas et de la Belgique, percée le 13 mai dans les Ardennes, encerclement des armées française, anglaise et belge, dont une partie seulement peut embarquer `a Dunkerque jusqu'au 3 juin, échec de la tentative du général Weygand (qui a remplacé Gamelin le 19 mai) pour tenir le front de la Somme `a l'Aisne du 8 au 11 juin, entrée le 10 juin de l'Italie dans la guerre aux côtés de l'Allemagne, retraite dans le désordre au milieu de l'exode des populations civiles : en un mois, l'armée française, tenue apres 1918 pour la premiere d'Europe, s'effondre. La 10 juin, le gouvernement gagne Tours puis Bordeaux. Paul Reynaud procede `a des remaniements successifs, dont il escompte un surcroît d'énergie. En vain : le maréchal Pétain, vice-président du Conseil le 18 mai, est, comme Weygand, favorable `a l'armistice des le 25. Il refuse une simple capitulation militaire `a l'exemple des armées hollandaise et belge, dont les gouvernements ont gagné l'Angleterre. Il souhaite que les politiques portent la responsabilité de la défaite et s'oppose `a la poursuite de la guerre en Afrique du Nord. Paul Reynaud ne parvient pas, au long de Conseils des ministres dramatiques, `a imposer son point de vue, et démissionne te 16 juin au soir. Pétain, appelé par le président de la République, forme aussitôt un gouvernement et demande l'armistice, signé le 22 juin. La plus grande partie de la France est zone occupée. Le gouvernement, qui s'installe `a Vichy (ville d'eaux aux locaux disponibles), conserve une armée de 100 000 hommes. La flotte doit retourner désarmée dans ses ports d'avant guerre. XXVIII.b. Révolution nationale et collaboration XXVIII.b.i. La fin de la III^e République. L'armistice n'entraînait pas de lui-meme la fin du régime de la III^e République. Mais celui-ci fut emporté par le désastre, dont il fut tenu responsable. Les menées de Pierre Laval, ministre depuis le 23 juin, puis vice-président du Conseil, triompherent des rares résistances. Le 10 juillet 1940, l'Assemblée nationale, par 569 voix contre 80 et 20 abstentions déclarées, « donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain, `a l'effet de promulguer, par un ou plusieurs actes, une nouvelle Constitution de l'État français. Cette Constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par tes Assemblées qu'elle aura créées ». Les assurances données aux parlementaires, qui avaient cru par ce texte faire de Pétain, vieillard octogénaire, un simple syndic de faillite, s'évanouirent des les jours suivants. L'État français succédait `a la République. A la faveur de la défaite naissait un nouveau régime. XXVIII.b.ii. La collaboration. Face `a la défaite et `a la perspective d'une Europe dominée par le III^e Reich, Vichy pratique la collaboration d'État avec l'Allemagne, imposée `a ses yeux par les circonstances et par le souci de défendre les intérets français. Cette attitude n'interdit pas, aux yeux d'une partie des partisans du régime, de préparer `a l'ombre du redressement national une revanche, comme le fit la Prusse vaincue par Napoléon. Tel est le sentiment d'un Weygand, délégué général en Afrique du Nord. D'autres, et ce serait l'attitude d'un Pétain ou d'un Maurras, sont les tenants de l'attentisme, ou de la « politique du balcon », la France assistant `a la poursuite du conflit sans y etre melée. La formule qui est en manchette de l'Action française - « La France seule » - exprime fort bien cette ligne. Un Pierre Laval, sans faire sienne la collaboration idéologique des collaborateurs parisiens séduits par le nazisme, estime que la collaboration d'État, gage de l'avenir de la France dans une Europe allemande, doit etre conduite de façon « loyale », et sans arriere-pensée. État souverain, reconnu par tous les États, de l'URSS aux États-Unis, le régime de Vichy ne jouit en fait que d'une latitude d'action précaire et de plus en plus limitée. Il dispose de deux atouts : la flotte et l'Empire, mais la pression directe de l'occupant en zone Nord et la crainte d'une occupation de la zone Sud rendent vaines les velléités d'indépendance face `a l'Allemagne. Le 13 décembre 1940, Laval est éliminé par un coup d'Etat d'inspiration nationaliste et remplacé par l'ancien président du Conseil Pierre-Étienne Flandin. Mais ce dernier, suspecté de sympathie pour l'Angleterre, doit bientôt céder la place `a l'amiral Darlan, qui devient vice-président du Conseil et ministre des Affaires étrangeres. Pour rassurer l'Allemagne, il signe, le 27 mai 1941, les protocoles de Paris qui mettent les bases françaises en Méditerranée `a la disposition de l'Allemagne. A l'appel de Weygand, le 6 juin, le gouvernement refuse la ratification, mais l'application partielle est déj`a un fait. En réalité, Vichy est de plus en plus prisonnier d'un engrenage. Pour le rompre, il eut fallu accepter le risque d'un conflit ouvert avec l'Allemagne ; or Pétain, convaincu que sa présence protégeait les Français d'une administration directe, refuse ce choix. XXVIII.b.iii. La « révolution nationale ». Des le lendemain du 10 juillet 1940, le maréchal Pétain s'attribue les fonctions de chef de l'État et abroge la présidence de la République. Maître et source de tout pouvoir, libre de désigner son successeur, entouré de ministres qui sont des commis, le maréchal Pétain fonde un régime fondamentalement antidémocratique et antilibéral. Une législation d'exception est mise en place. Les garanties de droit n'existent plus. La loi du 22 juillet 1940 permet de réviser les naturalisations intervenues depuis 1927. La loi du 13 aout frappe les associations secretes, la franc-maçonnerie. La loi du 3 octobre 1940 exclut les juifs de la fonction publique et des professions dirigeantes de la presse et de l'industrie. Les juifs étrangers sont internés dans des camps. Les autorités d'occupation avaient pris les premieres mesures antisémites en zone occupée le 27 septembre 1940, mais Vichy agit en zone non occupée sans pression allemande au nom de l'antisémitisme d'État. Le deuxieme statut des juifs du 2 juin 1941 aggrave le premier texte en introduisant un numerus clausus dans les professions libérales, et une définition de la race plus rigoureuse que dans la législation allemande. Le nouveau régime veut mettre en œuvre la « révolution nationale ». Celle-ci signifie une rupture complete avec l'esprit et l'œuvre de la Révolution française et les valeurs libérales. Le régime exalte les corps intermédiaires - famille, province, corporations - et, avec le soutien de l'Église, prône le retour `a l'ordre moral apres l'« esprit de jouissance ». Il préconise également le retour `a la terre, source de toutes les vertus. Par l`a, l'idéologie de Vichy, dont l'écho fut beaucoup plus considérable dans la France non occupée que dans la zone d'occupation, loin d'etre fascisante, évoque le traditionalisme du Portugal de Salazar. Le régime trouve des soutiens divers : l'extreme droite contre-révolutionnaire, incarnée par l'Action française, mais aussi des milieux modérés, de la droite libérale aux radicaux, pour qui Pétain est seul susceptible de préserver les chances de la France apres la défaite, des hommes de gauche conduits par leur pacifisme et leur antiparlementarisme, des technocrates, hommes d'affaires, hauts fonctionnaires qui trouvent dans le nouveau régime l'occasion de faire aboutir des projets jusque-l`a sans réalisation. Aussi, par certaines de ses initiatives, Vichy annonce-t-il la modernisation de la IV^e République. L'illusion commune `a tous les partisans du régime de Vichy est de croire possibles des réformes d'envergure sans tenir compte de l'environnement international, alors que l'Allemagne occupe une grande partie du pays. Au mépris de la convention d'armistice, elle a annexé de fait les départements d'Alsace et la Moselle, rattachés au Gau d'Oberrhein et au Gau de Westmark ; le Nord et le Pas-de-Calais sont rattachés `a l'administration allemande en Belgique ; une « zone interdite » va de la Somme `a la Franche-Comté, annonce d'une éventuelle annexion. L'opinion témoigne au départ d'une tres large adhésion au Maréchal. Sa popularité décroît `a mesure qu'il s'engage de façon inéluctable sur la voie de la collaboration - `a cet égard, le rappel de Pierre Laval, le 18 avril 1942, représente un tournant - et `a mesure que la carte de guerre rend de plus en plus douteuse la victoire de l'Allemagne. L'entrée en guerre de l'URSS, le 22 juin 1941, et celle des États-Unis, le 7 décembre, donnent en effet au conflit une dimension mondiale, comme le général de Gaulle n'avait cessé de l'annoncer. XXVIII.c. France libre et Résistance XXVIII.c.i. Les débuts. Théoricien de la guerre des blindés avant 1939, ce général de brigade `a titre temporaire, proche de Paul Reynaud qui l'appelle comme sous-secrétaire d'Etat `a la Guerre le 6 juin 1940, gagne l'Angleterre le 17 juin 1940, et le lendemain invite `a poursuivre la lutte. Il réfute les arguments des partisans de l'armistice : « La France n'est pas seule [...] Cette guerre est une guerre mondiale. » Reconnu par les Britanniques comme le « chef des Français libres », il n'obtient au départ que des ralliements fort limités. Le bombardement, le 3 juillet 1940, par une escadre anglaise, d'une partie de la flotte française en rade de Mers el-Kébir, pour éviter qu'elle ne passe sous le contrôle allemand, accroît l'isolement des Français libres, qui échouent en septembre devant Dakar. Cependant, de Gaulle obtient le ralliement de l'Afrique-Équatoriale française, du Cameroun, de la Nouvelle-Calédonie et des îles françaises du Pacifique. Il dispose ainsi du support indispensable pour affirmer l'indépendance de la France libre, vis-`a-vis de l'Angleterre et des États-Unis surtout, qui se défient de lui. Il crée `a Brazzaville, le 27 octobre 1940, le Conseil de défense de l'Empire, puis, le 24 septembre 1941, le Comité national français qui assure «l'exercice provisoire des pouvoirs publics», formé de commissaires. Ainsi la France libre se dote-t-elle de structures étatiques. Venus d'horizons politiques tres divers, les Français libres sont unis par la volonté de poursuivre la lutte, le refus de l'« usurpation » de Vichy, la fidélité `a de Gaulle. Les mouvements de résistance nés, `a partir de l'automne 1940, dans la France occupée comme dans la France non occupée, indépendamment de la France libre, ne vont que progressivement reconnaître l'autorité de De Gaulle. Celui-ci envoie en mission en zone occupée l'ancien préfet Jean Moulin, afin de mener `a bien l'unité de la Résistance. Des le 14 juillet 1942, la substitution des termes « France combattante » `a ceux de « France libre » manifeste l'adhésion de la Résistance intérieure `a de Gaulle, malgré des conflits et des tensions persistants. XXVIII.c.ii. Le tournant de 1942. Le débarquement des Anglo-Saxons en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 est une date décisive. Les Anglo-Saxons avaient tenu de Gaulle `a l'écart de l'entreprise pour obtenir le ralliement de l'armée de Vichy et donner l'autorité au général Giraud, résolu `a reprendre la lutte face `a l'Allemagne, mais favorable `a l'esprit de la « révolution nationale ». En fait, Darlan, ministre de la Défense nationale de Vichy, est présent `a Alger lors du débarquement. Il traite avec les Anglo-Saxons, nomme Giraud commandant des troupes et assume les fonctions de chef de l'État français en Afrique du Nord. Pétain a refusé de gagner l'Afrique du Nord et désavoue Darlan. Les Allemands entrent en zone libre et la flotte se saborde `a Toulon le 27 novembre 1942, faute d'avoir gagné l'Afrique du Nord. L'attitude de Pétain lui enleve le soutien de cette partie de l'opinion qui espérait qu'il remettrait la France dans la guerre. XXVIII.c.iii. Le gouvernement provisoire de la République française. De Gaulle est isolé et refuse que demeure l'« esprit de Vichy » en Afrique du Nord ; en quelques mois, il va renverser la situation. Apres l'assassinat de Darlan, dans la nuit de Noël 1942, Giraud devient commandant en chef civil et militaire. De Gaulle lui reproche de ne pas rétablir les « lois de la République » et propose l'établissement d'un « pouvoir central provisoire ». Il a le soutien des résistants. Le Conseil national de la Résistance constitué `a Paris sous la présidence de Jean Moulin réunit les représentants des mouvements de résistance, des partis, des syndicats. Il demande la formation d'un gouvernement provisoire `a Alger présidé par de Gaulle. Celui-ci arrive `a Alger le 30 mai `a l'appel de Giraud. Le 3 juin est formé le Comité français de la libération nationale (CFLN), dont de Gaulle et Giraud sont coprésidents. Mais, bien vite, ce dernier perd toute autorité politique. Une Assemblée consultative, formée de représentants de la Résistance et d'anciens parlementaires, siege `a Alger `a partir de novembre 1943. De Gaulle élargit le CFLN aux représentants des diverses familles d'esprit, y faisant entrer, le 4 avril 1944, deux commissaires communistes. Véritable gouvernement (il se transforme le 3 juin en gouvernement provisoire de la République française, GPRF), il prépare la mise en place des pouvoirs `a la Libération. L'armée d'Afrique du Nord et les Français libres venus du Tchad prennent part `a la bataille de Tunisie, puis d'Italie, avant d'etre associés au débarquement en Normandie et en Provence. Cependant, le gouvernement de Vichy perd peu `a peu ses soutiens. Laval est acculé `a céder toujours davantage aux exigences allemandes : il accepte `a l'été 1942 la déportation des juifs. Le régime s'appuie `a partir du 30 janvier 1943 sur la Milice, organisme de maintien de l'ordre fascisant qui combat au côté des Allemands contre les résistants. Les initiatives de ces derniers se multiplient. Ils forment, dans certaines régions de montagne, des maquis, grossis par les jeunes gens qui veulent échapper au Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne. Répression, bombardements aériens des Alliés, difficultés alimentaires croissantes, tel est le climat `a la veille de la Libération.