Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises L'Impressionnisme L'Impressionnisme, c'est avant tout ľhistoire d'un courant essentiellement pictural qui s'est développé en France durant la seconde moitié du XIXe siěcle ; c'est aussi ľhistoire d'un groupe d'artistes peintres. Grace aux récentes découvertes et experiences physiques sur l'optique et en s'appuyant sur le courant artistique precedent - le Realisme - ce groupe de peintres va s'efforcer de retranscrire á l'aide des couleurs et d'un certain coup de pinceau les impressions qu'ils ressentent face á la realite. L'artiste impressionniste se définit d'ailleurs comme « le peintre qui se propose de représenter les objets ďaprěs ses impressions personne lie s sans se préoccuper des regies généralement admises ». Ces peintres vont done s'attacher á peindre d'aprés nature, en plein air. Ľinvention récente du conditionnement en tube de la peinture á ľhuile leur permet de travailler leur composition dehors. lis constatent que le paysage se modifie selon l'heure, la saison, le temps qu'il fait: le vrai sujet du tableau devient done la lumiěre et ses variations pour, peu á peu, ne se réduire qu'au reflet de cette lumiěre sur les plans d'eau, la surface des rivieres. En mettant en pratique les découvertes des lois optiques sur la lumiěre et la couleur, les Impressionnistes changent également leur facon de mélanger les couleurs. lis ne fabriquent done plus leurs melanges sur la palette mais juxtaposent, mettant côte á côte directement sur la toile les touches de couleurs : on parle alors de melange « optique ». 1. Principaux contextes 1.1. Contexte historique Au cours du XIXe siěcle, plusieurs regimes se succědent. L'Impressionnisme va voir se succéder le Second Empire avec l'empereur Napoleon III (1852-1870) et les debuts de la Troisiěme République (1875-1940), fondée juste aprěs la guerre entre la France et la Prusse et les événements tragiques de La Commune. De grands bouleversements marquent cette periodě : découvertes scientifiques et technologiques (machine á vapeur et moteur á gaz, Photographie, cinématographe, télégraphe, peinture en tube, radioactivité, lois sur la lumiěre et l'optique, etc.); essor de ľ industrialisation (avec les debuts de ľ automobile, élargissement du réseau ferré); naissance du capitalisme (avec la creation de banques et l'usage du billet de banque); emergence de nouvelles classes sociales (fonetionnaires, ouvriers, petite bourgeoisie, patronát, etc.); vote de nouvelles lois sociales (debut du syndicalisme, liberté de presse et ď association, droit de grěve, enseignement public, gratuit et obligatoire); grands travaux d'aménagement (notamment, á Paris, les travaux engages par le préfet, le baron Haussmann). En dehors de la nature, les Impressionnistes trouvent done leurs sources ď inspiration dans l'environnement urbain, dans les constructions modernes (notamment gares, ponts de chemin de fer) ; dans les individus issus des nouvelles classes sociales (bourgeois enrichis, ouvriers harasses, travailleurs de toute sorte, clients des cafés, promeneurs des grands boulevards, etc.) 1.2. Courants artistiques Néo-Classicisme, Romantisme, Realisme et Naturalisme, ainsi qu'Académisme constituent les principaux courants en vogue qui precedent, au XIXe siěcle, lTmpressionnisme. Chronologiquement, il y a done 1. Le Néo-Classicisme (1789-1815) se caractérise par : un dessin precis ; 1 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises un portrait soigné ; des couleurs peu marquees. Les représentants les plus illustres de ce mouvement sont Jean-Louis David et Jean-Auguste Dominique Ingres qui s'attachent avant tout á traduire la beauté et la noblesse. Leurs tableaux expriment la force, la grandeur, s'inspirent de sujets antiques (ľart romain), prenant pour valeur ľhéroisme et la raison. 2. Le Romantisme (1815-1840) dont les représentants les plus illustres sont Eugene Delacroix et Theodore Géricault (Le Radeau de la Meduse). Les sujets sont héroiques ou dramatiques, mais traités á la maniere antique. La peinture romantique, trěs riche en couleurs, exprime un grande sensibilité, eile est trěs tourmentée ; ľimagination est plus importante que la raison. 3. Le Realisme (1840-1863) precede ľimpressionnisme et a pour principal representant Gustave Courbet. Le Realisme croit en une fonction sociale de la peinture et veut représenter la réalité de ľépoque, quitte á exprimer une certaine laideur ou tristesse. Car pour ces peintres, ce qui est vrai est beau. lis puisent leurs themes dans la vie laborieuse. A ce courant se rattache le Naturalisme représenté par l'Ecole de Barbizon (petit village non loin de la forét de Fontainebleau, á une cinquantaine de km au sud de Paris) c'est-á-dire un groupe de peintres paysagistes peignant dans un milieu naturel, en plein-air, des sujets representant la vie rurale et les paysages. Les représentants du naturalisme sont Camille Corot, á ses débuts, et surtout Jean-Baptiste Millet. 4. Parallělement au Realisme, l'Académisme (1840-1865) ou art pompier puise essentiellement son inspiration dans ľAntiquité ou dans des sujets plus récents mais peu intéressants, et surtout autorisés par la toute puissante Academie des beaux-arts. Le dessin est precis - mais plat, les poses - affectées et pompeuses. Son representant le plus illustre est Alexandre Cabanel. 1.3. Structures institutionnelles D'une part, ce sont les Academies : Sous le regne de Louis XIV (en 1648), est fondée une Academie royale de peinture et sculpture par le peintre de cour Le Brun; cette academie est done sous la protection du Roi. Revolution oblige, en 1793, un décret de la Convention supprime toutes les academies existantes. Puis, en 1795, lui succěde ľ Academie des Beaux-Arts, qui entraine á nouveau le retour du favoritisme et ľexclusion des artistes indépendants. Cest pourquoi, de 1795 á la fin du XIXe, la plupart des grands peintres francais vont lutter contre cet arbitraire. D'autre part, ce sont les salons qui permettent ľexposition périodique ďceuvres ďartistes vivants. Ces salons qui s'ouvraient généralement le 25 aoüt, le jour de la Saint-Louis, duraient un mois et se tenaient - ďoú leur nom - dans le Salon Carré du Louvre. Presque 20 ans aprěs la fondation de ľAcadémie se tient le Ier salon á Paris, enl667, á ľinstigation de Colbert. Sous Louis XV, il y en aura 25 (entre 1725 et 1773). Dans la seconde moitié du XIXe (de 1751 á 1793), le Salon devient bisannuel. Seuls y exposaient des membres de ľAcadémie royale de peinture et de sculpture et des professeurs de ľécole. Or, le Salon de Paris, qui permet á de jeunes peintres d'exposer et de vendre leurs toiles, depend á ľépoque du jury de ľAcadémie, qui sélectionne les ceuvres et est compose des professeurs et anciens lauréats des Salons precedents. 2. Les origines du mouvement 2.1. Les précurseurs La quéte de la lumiěre est ľune des composantes majeures de ľhistoire de la peinture, surtout á partir du milieu du XIXe. Toutefois ce travail sur la lumiěre precede le mouvement impressionniste lui-méme tant en France que dans d'autres pays européens. 2 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises En France, plusieurs groupes régionaux y travaillent : le groupe des Lyonnais est l'un des plus caractéristiques (le peintre Ravier) ; un autre foyer important se trouve en Provence, un autre en Normandie. A ľétranger, notamment en Angleterre avec les travaux de William Turner (1775-1851) qui, dans sa derniěre periodě, adopte certains traits proprement impressionnistes (couleur, brouillage des formes, themes contemporains). En Itálie, avec le groupe toscan des « Macchiaioli » mais aussi en Hongrie (Szinyei-Merse), en Grěce (J. Altamura), en Roumanie (Grigorescu), en Russie (Kramskoi, Polienov), en Allemagne (Thoma), etc. Toutes ces recherches conduites un peu partout, mais principalement en France, ouvrent des voies nouvelles. 2.2. La formation du mouvement - Origine du nom Le nom «Impressionnisme » a été emprunté au tableau de ľun des ses plus grands représentants, Claude Monet, qui s'intitule a Impression, soleil levant». Ce nom sera repris par le journaliste Louis Leroy qui fera un compte rendu d'ailleurs assez caustique de la lere exposition impressionniste en ces termes : « Impression, j'en étais súr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de I 'impression lá-dedans. ». Le tableau de Monet évoque le port du Havre dans la brume matinale ; il sera exposé en 1874, pendant un mois, chez le photographe Nadar. Les Impressionnistes n'ont en fait jamais constitué une école á proprement dit mais forment un groupe de peintres aux personnalités trěs différentes, certains lies par une solide amitié ; chacun d'eux garde son style, ses preoccupations et ses themes preferentiels. Car méme s'ils présentent un certain nombre de points communs et partagent souvent leurs recherches picturales, les itinéraires individuels restent prépondérants. Leur principal trait commun : le rejet de la peinture « officielle », académique, et la recherche d'une nouvelle maniere de représenter le reel. Ľoriginalité du mouvement est également d'avoir été le premier á se révolter et á organiser 8 expositions, de 1874 á 1886, pour presenter leurs ceuvres au public en en supportant le risque financier. 3 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises - Origine des artistes La plupart sont nés entre 1830 et 1841, entre deux revolutions, Celles de 1830 et de 1848. lis ont done une vingtaine ďannées lorsqu'ils se rencontrent á Paris, vers 1860, á ľ Academie Suisse et á ľ Atelier Gleyre qu'ils fréquentent pour étudier la peinture. Ils fréquentent également des cafés oú ils échangent leurs opinions et partagent leurs impressions. Ils se retrouvent ensuite surtout dans la forét de Fontainebleau et sur les plages normandes, alors lancées par la cour de Napoleon III et devenues, grace au chemin de fer, accessibles au plus grand nombre : la capitale n'est done pas loin. Ľestuaire de la Seine et la Manche sera d'une certaine facon le veritable berceau de ľimpressionnisme. La guerre de 1870 disperse le groupe au moment oú leurs premieres recherches prennent corps. Certains s'engagent (Renoir, Degas, Manet), ľun est tué (Bazille), les autres (Pissarro, Monet, Sisley) se réŕugient á Londres oú ils découvrent les marines, les aquarelles du peintre Turner dans lesquelles eau et ciel sont confondus. Leurs observations confirment leurs intuitions concernant la valeur de la lumiěre. Dans les années 72-73, la guerre finie, le style impressionniste se generalise et s'affirme pleinement: les Impressionnistes cherchent á représenter le plus fidělement possible la lumiěre qui joue partout un role preponderant. Les couleurs qu'ils emploient deviennent de plus en plus claires et gaies, la fragmentation de la touche qu'ils ont inventée pour rendre les reflets sur ľeau, sert maintenant á rendre tous les elements naturels et artificiels d'un paysage, e'est-a-dire aussi bien le feuillage des arbres, la lumiěre sur les murs et les toits des maisons, le ciel, les collines, que les robes et les dentelles. Les ombres elles-mémes sont systématiquement colorées, conformément á la realite. C'est pourquoi leurs tableaux ont souvent un air imprécis, inachevé, non fini car cette lumiěre dissout les formes. Ils organiseront huit expositions de leurs travaux. 2.3. Les expositions C'est le Salon des Refuses qui marque en 1863, d'une facon symbolique et sur un pian artistique, le debut du mouvement. A cette époque, ľ ambition de tout peintre est d'exposer au Salon de Paris, manifestation officielle qui vise á promouvoir ľart francais, placée sous la coupe de la toute puissante Academie des Beaux-Arts. Comme ce salon représente pour les artistes l'une des rares occasions de se faire connaitre et de pouvoir vendre, les candidats exposants sont nombreux et le jury trěs sélectif Ce jury, constitué de professeurs et d'anciens lauréats du Salon, perpétue en fait la politique culturelle du Second Empire - une forme d'académisme : il se montre done trěs traditionaliste et bannit toute nouveauté. Pour les futurs Impressionnistes, 1'accěs au Salon est done particuliěrement difficile. Toutefois, en 1863, face au mécontentement provoqué par les quelque 3000 ceuvres refúsées sur les quelque 5000 presentees, l'empereur Napoleon III en personne permet aux artistes exclus de presenter leurs toiles parallělement au Salon. Ce sera le Salon des Refuses oú sera notamment exposé « Le Dejeuner sur ľ herbe » du peintre Edouard Manet, oeuvre qui va provoquer un veritable scandale mais constituer, en revanche, une veritable revelation pour les futurs Impressionnistes. Les expositions des Impressionnistes se tiennent de 1874 á 1886, au rythme d'une exposition environ tous les 18 mois. Et pour les financer, ils vont fonder une Société Anonyme des Artistes dont les cotisations devraient permettre, pensent-ils, de palier aux frais. La le exposition, qui a lieu en 1874 et réunit 30 artistes, est cependant un échec commercial, ce qui provoque la dissolution de la Société Anonyme. Mais le mouvement est lancé, et le mouvement survivra. 4 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises La 2" e exposition a lieu en 1876 et ne réunit que 19 peintres. Une femme-peintre en fait partie, Berthe Morisot. L'exposition sera notamment critiquée par le journaliste Albert Wolfen ces termes dans Le Figaro : « (...) Cinq ou six aliénés, dont une femme, un groupe de malheureux atteints de la folie de I'ambition, s'est donne rendez-vous pour exposer leurs ceuvres (...) Ces soit-disant artistes s'intitulent « les intransigeants, les impressionnistes », ils prennent des toiles, de la couleur et des brosses, jettent au hasard quelques tons et signent le tout (...) Essay ez done de faire comprendre raison á M.Degas : dites-lui qu 'ily a en art quelques qualités ay ant un nom : le dessin, la couleur, I'execution, la volonte, il vous rira au nez (...) Essay ez done d'expliquer á M.Renoir que le torse ď une femme n'est pas un amas de chairs en decomposition avec des taches vertes, violettes, qui dénotent l 'etat de complete putrefaction dans un cadavre ! ». La 3e exposition qui se tient en 1877 est considérée comme ľapogée de la perióde impressionniste. Quatre autres suivront encore, plus une derniěre organisée aux Etats-Unis, en 1886, par le collectionneur et marchand de tableaux Durand-Ruel qui soutient les peintres presque depuis leur debut. Son succěs est immense et le mouvement fait de nombreux adeptes bien que le groupe se soit déjá, depuis les années 1880, un peu disperse. 3. Les peintres 3.1 Les sept plus grands noms - Edouard Manet (1832-1883) est, en general, considéré comme le chef de file de ľimpressionnisme par la franchise et ľaudace de ses motifs, le role de la couleur - crue et plate - le respect de la nature ; il possěde déjá une certaine notoriété en 1863, au moment du Salon des Refuses, année ou la « Naissance de Vénus » du peintre académique Cabanel remporte les applaudissements du jury du Salon ; cette toile sera méme achetée par Napoleon III. Le « Dejeuner sur ľ herbe » de Manet présente une femme nue, brillamment éclairée, assise au milieu d'hommes en habit, contemporains ; eile regarde le spectateur droit dans les yeux alors que, derriěre eile, se lave une autre femme seulement vétue d'une chemise. Deux ans plus tard, en 1865, Manet provoque un nouveau scandale en exposant « Olympia », une jeune fille presque nue étendue sur un lit qui regarde eile aussi fixement le spectateur. 5 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises En quoi les tableaux de Manet sont-ils done si scandaleux ? En fait, Manet scandalise le public de deux facons : d'une part ses toiles font explicitement allusion aux toiles de grands maitres qu'il prend pour modele ; d'autre part il révěle soudain le monde dans une autre dimension, e'est-a-dire qu'il refuse franchement, délibérément, la fiction historique et ľ idealisation. En campant son nu feminin au centre de sa composition, Manet ne ľidéalise pas, ne le pare pas de prétextes mythologiques. Ce qui choque en realite, ce n'est pas tant le nu - un sujet académique, mais plutôt la nudité mise en valeur par la couleur ou les accessoires ; ce qui choque e'est la « maniere » realisté dont le peintre traite son modele. Manet dit d'ailleurs de ses toiles : « Je rends, aussi simplement que possible, les choses que je vois. » Ces deux grands tableaux de Manet marquent le debut de la peinture moderne et serviront de point de repěre aux Impressionnistes. Suite á ses contacts avec eux, Manet adopte d'ailleurs au cours des années suivantes, entre 1870 et 1883, un style plus impressionniste quoique le personnage reste toujours present dans son ceuvre (Le Balcon, Berthe Morisot, Argenteuil, Le Chemin de fer). Manet ne participera cependant jamais á aucune des expositions du groupe. - Claude Monet (1840 - 1926) La peinture de Monet est considérée par tous comme le symbole de l'Impressionnisme parce qu'elle en rassemble, quelquefois de facon excessive, exacerbée, toutes les caractéristiques. Monet est écologiste avant l'heure, il peint les paysages, la nature. II choisit surtout des motifs ou tout ce qui a trait á l'eau tient une grande place, e'est-a-dire aussi brouillards, fumées, vapeurs. II analyse les variations de la lumiěre, ce qui le conduit á reprendre le méme theme et á le décliner selon les heures et les saisons (series sur la Gare Saint-Lazare (1876-78), la Cathédrale de Rouen, 1892-94, et á la fin de sa vie, ce seront les quelque 300 toiles des Nymphéas, ou le sujet disparait complětement au profit des couleurs et des lumiěres). La personne est trěs peu présente dans son ceuvre ; Monet ne fit jamais de portrait, les personnages éloignés sont lá pour se fondre dans le paysage et finissent par totalement disparaitre á partir de 1890. - Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) Cest aprěs étre entré á l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et á l'atelier Gleyre, ou il rencontre notamment Monet, qu'il decide de devenir peintre. De 1870 á 1883, sous l'influence de Monet, il adopte la technique impressionniste. Sa peinture est trěs variée et exprime toujours la sérénité, la joie de vivre, l'harmonie. Elle embrasse quantité de motifs d'une grande simplicitě, que ce soit des portraits ou des scenes de groupe. II célěbre beaueoup le charme feminin. Selon le sujet, son coup de pinceau, sa touche est différente, fluide ou empätée, lisse ou grumeleuse, fondue ou morcelée, juxtaposée ou par légers aplats ; ses couleurs sont tantôt claires et les ombres trěs colorées, ou tantôt contrastées et les ombres alors deviennent transparentes De sa peinture il dit: «Aujourďhui, on veut tout expliquer. Mais si on pouvait expliquer un tableau, ce ne serait plus de I'art. Voulez-vous que je vous dise quelles sont pour moi les deux qualités de I 'art ? II doit étre inde ser iptible et inimitable. » 6 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises - Alfred Sisley (1839-1899) naít á Paris mais ses parents sont anglais. II rencontre Monet et Renoir á ľ atelier Gleyre et travaille en plein air en leur compagnie. Comme Claude Monet, il marque sa preference pour ľeau et ses reflets miroitants (L'Inondation á Port-Marly, 1876, La Seine á Suresnes, 1877), ou pour la neige, autre theme favori des Impressionnistes (La Neige á Louveciennes, 1878). - Camille Pissarro (1830-1903) Contrairement á Monet ou Sisley, Pissarro est plus terrien : la terre cultivée ľattire beaucoup plus que ľeau et ses reflets mouvants. II aime les champs et les collines, les hameaux et les vergers, les maisons et les arbres. La nature est chez lui étroitement liée á ľhomme. Zola, qui fréquente et soutient le groupe, dit que dans ses tableaux « on entend les voixprofondes de la terre ». Sous ľinfluence de Cézanne qui travaille en sa compagnie, ľart de Pissarro est plus construit, plus « charpenté» que celui des autres Impressionnistes (Les toits rouges, 1877), car il reste attentif á la forme et la structure. Pissarro fut en fait le seul á participer á toutes les expositions du groupe. En parlant de lui, il dit un jour : «Ma vie se confondavec celle de ľlmpressionnisme. » 7 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises ..V t ■ ' **--- ;*,. . '*■ - Berthe Morisot (1841-1895), la seule femme du groupe ; d'une famille d'artistes, ses parents lui font donner des lecons de peinture (eile a méme pour ancétre Fragonard, un peintre du XVIIě, et pour premier maítre un peintre du Groupe des Lyonnais). En 1868 eile fait la connaissance d'Edouard Manet dont eile épousera son frěre Eugene en 1874. Cest ainsi qu'elle se lie au groupe impressionniste dont eile partage les recherches et les lüttes. De 1873 date son chef d'ceuvre, Le Berceau. Elle participe en 1874 á la lere exposition, et exposera encore 6 fois aux côtés de ses amis. Elle peint selon la vision et la technique impressionnistes tantôt des scenes ďintérieur (Femme á sa toilette, 1879 ; Petite fille á la poupée, 1884) tantôt des paysages ou apparait souvent une figure en plein air (Jeune Femme cousant dans un jardin, 1881 ; Eugene Manet et sa fille, 1883) Paul Val éry écrivit á son propos : « (...) Elle prenait, laissait, reprenait le pinceau, comme nous prend, s'efface et nous revient une pensée. Cest lá ce qui confere á ses ouvrages le charme trěs particulier d'une étroite, presque indissoluble, relation entre un ideal d'artiste et l'intimite d'une existence. Jeune fille, épouse, měře, ses croquis et ses tableaux suivent son sort et l'accompagnent de fort pres. Je suis tenté de dire que I'ensemble de son ceuvrefait songer á ce que ser ait le Journal d'une femme dont les moyens ď expression seraient la couleur et le dessin. » Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises Edgar Degas (1834-1917) est généralement associé au groupe impressionniste parce qu'il prit part á toutes les expositions, qu'il rut leur ami et qu'il manifeste le méme esprit ďindépendance vis-á-vis de la peinture officielle. Lui aussi adopte le melange optique, la juxtaposition des touches. Mais par certains aspects de son temperament, beaucoup le considěrent comme un peintre á part de ce mouvement. Car il peint rarement en plein air, il y est méme presque hostile. Degas reste un urbain, un Parisien avant tout. Pour lui, la nature est un cadre, un decor. Quand il peint un champ de courses ou une femme á sa toilette, une femme repassant ou bien dansant, ce n'est pas le jeu de la lumiěre qui 1'intéresse mais leurs gestes -gestes des jockeys et musculature des chevaux ; gestes des femmes accomplissant une tache. C'est ce goüt du mouvement, de ľinstantané qui le rattache á l'impressionnisme. II se plait á rendre humain le geste de ses personnages que ce soit dans la grace ou la trivialitě (Danseuse assise, la main á la nuque, 1873 ; L'heure du ballet, 1873-75 ; Repetition de ballet sur la scene, 1874). 9 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises 3.2. Le style impressionniste Les couleurs débordent, explosent. Elles passent avant le contour ou méme la forme. Les taches de couleur sont d'une taille supérieure á celie des objets reels qui les portent. (Camille Pissarro, Les toits rouges, coin de village, 1877) La lumiěre jaillit, s'introduit partout, brouille les formes, les réduisant en taches de couleur (La Balancoire, Auguste Renoir, 1876) La troisiěme dimension : le peintre impressionniste travaille ľépaisseur plus qu'il ne travaille le contour. II est á contre-courant de la peinture classique, plate et precise. (Claude Monet, Régates á Argenteuil, 1872) Le reflet dans l'eau est souvent utilise, il permet de s'affranchir encore plus de la forme. Les taches de couleur se juxtaposent alors en Symphonie (La Seine á Asniěres, Renoir, 1879). Ľ observation de la modernita : les thěmes contemporains sont trěs presents - paysages urbains et constructions modernes (Le pont de l'Europe, Monet, 1877) La vie quotidienne : scenes de vie simple, au travail, en famille, pendant les loisirs, tableaux de groupes ou intimistes avec des gens ordinaires (Le Moulin de la Galette, 1876, Renoir) 3.3. En conclusion, ľlmpressionnisme se présente comme un triple phénoměne : phénoměne d'abord surtout francais - puisque c'est en France qu'il prend naissance et y donne ses ceuvres les plus remarquables ; un phénoměne ensuite qui affecte surtout la peinture. Les peintres impressionnistes apportent ainsi une nouvelle maniere de voir et de peindre. Comme la lumiěre est leur preoccupation fondamentale, ils sont conduits á fragmenter les couleurs du spectre pour mieux en rendre la vibration; sensibles á la vie changeante des choses, leur vision de la realitě est fugitive et discontinue. En cherchant ainsi á traduire leurs impressions de la realitě environnante, ces peintres affranchissent leur art «des regies généralement admises», imprimant de nouveaux rythmes, ouvrant de nouvelles perspectives, proposant des visions nouvelles individuelles et répondant en cela á cette envie de liberté si chěre aux Francais. Leur peinture, bien que demeurant incomprehensible á la grande majoritě de leurs contemporains : « recouvre en fait une nouvelle conception du monde et de la nature, méme si ceux qui la pratiquent n 'en sont pas conscients : en se refusant á peindre autre chose que les apparences et en considérant que I'essence de la realite visible reside dans la lumiěre, (les impressionnistes) abolissent en fait les objets et les hommes. Pour eux, ceux-ci n 'existent 10 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises plus comme tels, avec leurs particularité intrinsěques et leur continuité existentielle ; Us se fondent les uns et les autres dans le creuset de la lumiere, qui leur confere la seule existence á laquelle ilspuissentprétendre (...) » (RJullin) un phénoměne qui ne dure qu'une vingtaine ďannées mais ouvre la voie á la peinture moderne 4. De la gare au musée ďOrsay Le musée d'Orsay á Paris rassemble un bon nombre de toiles impressionnistes et ľhistoire de sa construction, loin d'etre banale, recouvre exactement la perióde évoquée. 4.1. Emplacement Le musée d'Orsay occupe en effet un emplacement privilégiá, á la fois géographiquement et symboliquement: il fait face au jardin des Tuileries (souvent peint par Pissarro et Manet), il n'est pas loin du Louvre. A l'horizon, se profile l'ile de la Cite, la place de la Concorde et l'Orangerie des Tuileries - qui servait d'atelier au sculpteur Carpeaux sous le Second Empire dont les ceuvres réunissent quelques caractěres impressionnistes. Au pied de la gare coule la Seine, entre le pont de la Concorde et le Pont Royal qu'empruntait souvent Corot venant de la rue du Bac ou Manet qui, de la rue Bonaparte ou il habitait, allait faire des croquis aux Tuileries. Le grand peintre néo-classique Ingres et le poete symboliste Baudelaire avaient également tous deux habite dans le quartier, quai Voltaire. Ce musée occupe les anciens bätiments de la gare d'Orsay construite, á la fin du XlXě. 4.2. Historique Paris dispose d'une gare appelée, en raison de la fameuse bataille napoléonienne, la gare ď Austerlitz ; á la fin du XIXe, cette gare formait le terminus de la Cie de chemins de fer Paris-Orleans. Mais cette gare devient á un moment donne trop excentrée. La C° obtient done la possibilité de prolonger les lignes d'un peu plus de 3km et d'installer son terminus au quai d'Orsay. Une nouvelle gare est done construite sur l'emplacement du palais d'Orsay (qui abritait la Cour des Comptes et le Conseil d'Etat) qui avait été ravage par un incendie pendant la Commune (mai 1871). Inaugurée le 14 juillet 1900, pour l'Exposition Universelle, la nouvelle gare a été construite en 2 ans grace á un travail acharné de jour comme de nuit (équipes permanentes de 300 ouvriers de jour et 80 de nuit). Les fouilles nécessaires aux fondations descendent jusqu'á 2m50 au dessous du niveau de la Seine, le chantier est constamment inondé, ľévacuation des gravats et la livraison des matériaux s'effectuent par voie fluviale. La gare est trés moderne pour ľépoque : 16 voies de chemin de fer en sous-sol, et les services d'aecueil au rez-de-chaussée. Elle est composée pour l'essentiel d'un hall de verre et de metal de 32m de haut, 40 m de large et 138m de long. Comme il s'agit d'une gare de voyageurs, est construit á côté ď eile un luxueux hotel de 370 chambres. Pour répondre ďailleurs aux détracteurs du projet qui craignent la presence d'une gare en face des Tuileries et á deux pas du Louvre, l'architecte Victor Leloux masque les structures métalliques par une facade sur le quai en pierre de taille. De 1900 á 1939, le trafic ferroviaire se développe énormément et la gare d'Orsay joue á ľépoque un role de premier plan, desservant la region du Sud-Ouest du pays avec 150 á 200 trains quotidiens. Mais ľ electrification des lignes de chemin de fer permettant l'allongement des trains, děs 1935 l'utilisation de la gare devient plus difficile, les quais d'Orsay étant trop courts. Le 23 novembre 1939 un decision ministerielle present done l'abandon du trafic grandes lignes qui est reporte sur l'ancien terminus ď Austerlitz ; Orsay ne doit plus desservir que la banlieue, ce qui rend inutile ses installations aussi vastes. La gare remplit alors différentes fonctions : eile devient successivement centre ď expedition des colis aux prisonniers pendant la guerre, puis centre d'aecueil des prisonniers á la Liberation, puis sert de décor á plusieurs films dont « le Proces » de Kafka (adapté au cinema par Orson Welles). 11 Beatrice Vicaire - Culture & civilisation frangaises En 1961, la SNCF ayant decide de vendre ces bätiments, un projet de destruction de la gare et de construction ďun nouvel hotel est méme retenu. Le ministěre des Affaires culturelles en decide autrement; entre 1972 et 1978 la gare et ľhôtel ainsi que d'autres bätiments parisiens (pavilion Baltard des Halles, architecture industrielle du XlXě), á ľépoque également menaces d'etre rasés, entrent á la Caisse des monuments historiques. Entre ces deux dates, le 20 octobre 1977, un conseil interministériel tenu par le President de la République de ľépoque, Valérie Giscard d'Estaing, decide de faire de ľédifice un musée faisant ainsi le lien entre le Louvre et le projet de Beaubourg alors en chantier. Děs le mois de juillet 81, F.Mitterrand confirme les decisions de ses prédécesseurs. 4.3. Les collections La periodě couverte par le programme du musée d'Orsay - de ľannée 1848 á 1914, la veille de la Premiére Guerre mondiale - n'est pas seulement une des périodes les plus fortes de ľhistoire de ľhumanité, eile représente aussi une époque de mouvement exceptionnel sur le plan social, économique et politique, avec la victoire du suffrage universel, le développement des sciences et des techniques, la croissance des villes, la naissance et le développement du mouvement ouvrier, ľélan de la colonisation... Ľoriginalité du projet du musée est de permettre au visiteur de comprendre une époque et son evolution en méme temps qu'il découvre ses ceuvres essentielles : il s'agit ďabord de montrer dans une gare - un Heu symbolique de la civilisation industrielle - l'ensemble de la creation artistique de cette periodě mais aussi, selon les mots de l'historien Georges Duby de tenter de « restituer autour des ceuvres d'art l'ensemble culturel qui leur donne pleine signification » (preface de son ouvrage Au temps des cathédrales). Bibliographie et sites de reference : - Les mouvements des arts, du romantisme au symbolisme, René Jullin, Albin Michel, Paris, 1979 - L 'Impressionnisme et les tendances de la peinture contemporaine, Isabelle Fontaine, Ecole du Louvre, Paris, 1973 - L 'Impressionnisme, Maurice Serullaz, PUF, Paris, 1990 - Histoire de I'Art, Hachette education, Paris, 1995 - L 'Estampille n° 368, avril 2002 ; n°377, février 2003 www.musee-orsay.fr site du musée d'Orsay http://www.fondation-monet.com/france/sommaire/index.html Giverny, fondation Claude Monet 12