Culture et civilisation françaises ­ Béatrice Vicaire 1 Politique environnementale Il faut oser rompre avec cette société qui meurt et ne renaîtra plus. Il faut oser ľexode. Il faut vouloir la mort de cette société qui agonise afin qu'une autre puisse naître sur ses décombres. Et apprendre discerner les chances non réalisées qui sommeillent dans les replis du présent. André Gorz1 Ayant pris conscience tardivement des conséquences de pollutions ďorigine industrielle ou agricole, la France fut assez longtemps en retard par rapport ses voisins européens. Mais depuis les années 1990, suite un certain nombre ďaccidents technologiques (marées noires, explosions ďusines,... mais aussi crise de la vache folle , grippe aviaire qui ont mis en évidence les risques liés ľindustrialisation de ľalimentation) et de catastrophes naturelles (inondations, canicules, temptes, incendies de fort répétition...), la France s'est attachée la notion de développement durable - un concept abordé pour la premire fois en 1972, lors de la Conférence des Nations Unies sur ľenvironnement : il existe en effet une relation de symbiose entre les tres humains et leur environnement naturel. De plus en plus menacée, cette relation doit prendre en compte la fois développement et conservation en s'efforçant de rétablir un équilibre entre les deux. Dans le modle régulier de croissance ­ apogée, déclin, désintégration - qui semble caractéristique de ľévolution culturelle, le déclin se produit lorsqu'une culture est devenue trop rigide ­ dans ses technologies, ses idées ou son organisation sociale ­ pour faire face aux défis de conditions changeantes. Cette perte de souplesse s'accompagne ďune rupture générale ďharmonie conduisant la discorde et ľéclatement sociaux. Durant le processus de déclin et de désintégration, les institutions sociales dominantes continuent imposer leurs visions dépassées mais se désintgrent graduellement alors que les minorités créatives assument les nouveaux défis avec ingéniosité et une confiance croissante. Fritjof Capra2 La France s'est également attachée au concept de biodiversité , notion qui part du constat qu'il existe une interdépendance entre ľhomme et son environnement, le monde animal et végétal, le monde du vivant. De fait, ces deux notions sont devenues prioritaires dans un monde o ľhomme est parvenu épuiser, en peine 300 ans, les ressources naturelles accumulées tout au long de ľhistoire. En 1992, lors de la Conférence des Nations Unies sur ľenvironnement et le développement (le Sommet de la Terre , tenue au Brésil) et, en 2002, lors du Sommet mondial pour le développement durable en Afrique du Sud, les dirigeants se sont interrogés sur le choix ďun programme ďaction mener pour réaliser un tel développement. Par ailleurs, ľAssemblée Générale des Nations Unies a décrété les années 2005-2014 Décennie de ľéducation au développement durable . Quelle est, en France aujourďhui, la situation en matire de protection de ľenvironnement et de développement durable ? La politique de ľenvironnement s'est structurée en France partir de 1971, date de la création ďun premier ministre spécifique, ľépoque une petite structure conçue comme une 1 Philosophe et journaliste français (1923-2007), un des principaux théoriciens de ľécologie politique ; cofondateur du Nouvel Observateur, hebdomadaire ďinformations 2 Physicien et spécialiste de la théorie des systmes, né Vienne (Autriche), auteur notamment du Tao de la physique, Editions Sand-Tchou, Paris, 1994 Culture et civilisation françaises ­ Béatrice Vicaire 2 sorte de laboratoire ďidées et ďexpertises, qui exerçait son action dans trois grands domaines : gestion des ressources naturelles, protection de la nature, préventions des pollutions et des risques. Depuis, dix indicateurs permettant de décrire la situation de ľenvironnement ont été mis en place. Air - La qualité de ľair des villes françaises s'améliore : ďabord stable entre 2000 et 2002, puis sensiblement détériorée en 2003 pour nettement s'améliorer ensuite en 2004 et 2005, surtout dans les moyennes et grandes agglomérations. La concentration de SO2 a diminué ďun tiers en 5 ans, tandis que ľozone reste au-dessus de son niveau de 2000. Eau ­ Les nitrates dans les cours ďeau proviennent essentiellement des pollutions ďorigine agricole (la France est le 3e utilisateur mondial de pesticides). Depuis le début des années soixante-dix, la qualité des cours ďeau vis--vis des nitrates s'est dégradée : 2/3 des eaux françaises sont contaminées, les nitrates atteignant en 20 ans les nappes phréatiques. La France a ďailleurs déj été condamnée par la Cour européenne de Justice pour le mauvais état de ses eaux en Bretagne. Biodiversité - Les populations ďoiseaux communs diminuent globalement depuis 1989 : la tendance générale ďévolution des 65 espces suivies est de - 7%. La situation est variable selon les espces : recul pour les espces agricoles et forestires, stabilisation voire augmentation pour les espces généralistes et caractéristiques des milieux bâtis. ĽUnion européenne a pour objectif de stopper la perte de biodiversité ľhorizon 2010. Territoire - Entre 1982 et 2004, les surfaces artificialisées ont augmenté de 43%, au détriment des zones agricoles et naturelles. Au cours de la mme période, la population a augmenté de 11%. En 2004, ces surfaces artificialisées occupent 8 % du territoire métropolitain. Les routes et parkings en représentent 38%, les surfaces non bâties (chantiers, pelouses) 36% et les espaces bâtis 26%. Energie - Ľélectricité ďorigine renouvelable produite en France provient 92% de ľhydraulique. Les déchets urbains (3%), le bois (2%), ľéolien (2%), le biogaz et le solaire assurent la part résiduelle. La production éolienne, qui a été multipliée par 12 depuis 2000, ne compense cependant pas ľaugmentation de la consommation ďélectricité et la baisse de la production hydraulique due au manque de pluviosité depuis 2002. Effet de serre ­ Au-del du protocole de Kyoto, la loi ďorientation sur ľénergie s'est fixée pour objectif de diviser par 4 les émissions ďici 2050. En 2004, les transports sont responsables de 26% des émissions de gaz effet de serre, et le résidentiel-tertiaire (logements, bureaux, etc.) de 19%. Ces deux secteurs enregistrent une forte hausse depuis 1990 (+22%), jusqu'ici compensée par la baisse des émissions industrielles et agricoles. Les émissions globales ont diminué de 1% sur la mme période. Déchets - En 2004, 6,3 millions de tonnes ďemballages en provenance des ménages et des entreprises ont été recyclés, soit la moitié du gisement total. Les objectifs de la directive Emballages fixés pour le recyclage en 2008 sont atteints pour tous les matériaux, sauf le verre et les plastiques. Au-del du recyclage, la valorisation sous forme ďénergie porte 61% la part des emballages recyclés ou valorisés, pour un objectif de 60% en 2008. Dépenses - En 2004, le total des dépenses de protection de ľenvironnement s'élve 33,5 milliards ďeuros, soit 2% du PIB. Son financement est assuré parts voisines par les Culture et civilisation françaises ­ Béatrice Vicaire 3 entreprises, les administrations et les ménages. Les deux tiers des dépenses sont consacrés la gestion des eaux usées et des déchets. Pratiques des ménages Ressources - La consommation de matires par habitant a atteint un maximum en 1980 et ralentit depuis. Mais la désynchronisation (le découplage) entre le PIB et la quantité de matires consommées (poids des combustibles fossiles, des produits minéraux et agricoles, extraits du territoire national ou importés sous forme de matires premires ou de produits finis, exportations déduites) reflte une modification de la structure de ľéconomie, notamment la croissance des activités de service. Rôle complémentaire de ľEtat et des citoyens Comme le montrent régulirement les enqutes ďopinion depuis le début des années 70 et plus particulirement dans les années 90, ľenvironnement n'a cessé de s'affirmer comme sujet de préoccupation des Français. Dans ce contexte, ľÉtat a un rôle déterminant jouer dans la résolution des problmes ďenvironnement. Bien que chacun ďentre nous puissions contribuer améliorer notre environnement, nos capacités ďactions individuelles ne peuvent tre identiques selon les domaines ďactivités - le nucléaire ou les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont en effet des domaines pour lesquels les modalités ďune action efficace relvent des pouvoirs publics nationaux et européens (48% des Français (contre 46%) sont opposés ľabandon de ľénergie nucléaire tandis que 49% (contre 44%) sont favorables ľinterdiction des OGM.) ľopposé, les comportements de chacun ont des répercussions directes sur ľenvironnement en ce qui concerne la consommation de produits issus de ľagriculture biologique, les produits verts , les économies ďénergie ou ľutilisation de la voiture : acheter bio favorisera le développement ďune agriculture moins utilisatrice de pesticides et ďengrais. Préférer la bicyclette ou les transports en commun sa voiture individuelle pour se rendre son travail ou faire ses courses contribue réduire la pollution de ľair, etc. Il en est de mme pour les pratiques de tri sélectif des déchets, un geste simple parmi ďautres qui contribue lui aussi assainir et participe, avec ďautres, au processus ď écologisation des pratiques domestiques quotidiennes. Culture et civilisation françaises ­ Béatrice Vicaire 4 Bibliographie et webographie : - Guide écologique de la France, Sélection du Reader's Digest, Paris, 1976 - Gérard Mermet, Francoscopie, Larousse, Paris, 2007 - Article de Michel Serres paru dans Les Dossiers de ľActualité, Bayard Presse, décembre 06 - www.populationdata.net/monde_village_global.php pour prendre conscience du changement - www.ifen.fr Institut français de ľenvironnement - www.fne.asso.fr Fédération française des associations de protection de la nature et de ľenvironnement - www.vie-publique.fr Pour compléter ce dossier : Article de Florence Amalou paru dans ľédition du 06.04.07 : La défense de la nature expliquée aux ados, Le Monde.fr du 05.04.07 La Semaine du développement durable, qui se déroule du lundi 2 au samedi 7 avril, va permettre de nombreux adolescents de concrétiser leur engagement en faveur de la défense de ľenvironnement et de la protection de la plante progressivement détruite par ľhomme. Depuis deux ans au Havre, Lyon, Bordeaux ou Lorient, des jeunes développent ľAgenda 21 scolaire, un programme inspiré par le "plan ďactions pour le XXIe sicle" du Programme des Nations unies pour ľenvironnement (PNUE). Il s'agit ďactions pédagogiques trs concrtes lancées, pendant une année entire, conjointement par les villes (écoles primaires), les départements (collges) et les régions (lycées). Cet ensemble, qui permet de placer les jeunes au coeur du processus, est coordonné par les enseignants et soutenu par les parents ďélves. Au lycée Guy-de-Maupassant de Fécamp (Seine-Maritime), les 2 000 élves ont symboliquement planté un arbre dans la cour de ľécole, lundi 2 avril. La mme semaine, ils ont visité le centre de tri sélectif pour qu'ils sachent ce qui se passe aprs le sac poubelle , explique Samuel Lodde, proviseur3 adjoint chargé de ľAgenda 21 scolaire depuis la rentrée 2004. Des conférences ont été lancées sur le thme des énergies renouvelables - une éolienne approvisionne le lycée - et du commerce équitable, avec Artisans du monde. Des "repas de terroir" organisés avec des producteurs locaux sont destinés provoquer des rencontres, la curiosité et ľenvie ďagir. Autant ďactions qui ne doivent pas faire perdre de vue que seulement 12 % des cantines respectent la consigne donnée en juin 2001 par le Ministre de ľEducation nationale de diminuer les apports alimentaires en graisse et ďaugmenter ceux en calcium, en fibres et en fer. Ľobjectif de ce programme consiste également faire apparaître les enjeux environnementaux liés ľécole. En France, un établissement utilise chaque jour en moyenne 100 litres ďeau par élve, selon le Centre ďinformation sur ľeau. Plus de 70 % des enfants du primaire se rendent en voiture jusqu' leur école. Par ailleurs, les enjeux écologiques et humanitaires doivent trouver une place naturelle dans les travaux personnels encadrés (TPE) des classes de Premire, dans les itinéraires 3 Un proviseur : responsable en chef ďun lycée Culture et civilisation françaises ­ Béatrice Vicaire 5 de découverte (IDD) de Cinquime et de Quatrime ainsi que dans les programmes caractre technique ou scientifique (SVT en Sixime et en Troisime)4 . De fait, les adolescents s'approprient facilement des thmes comme équilibrer son alimentation , économiser ľeau et ľénergie , recycler les déchets , améliorer sa santé et sa qualité de vie ou préserver la biodiversité . ĽAgenda 21 scolaire est une démarche volontaire qui ne débouche pas sur une norme et qui peut varier selon ľétablissement et son environnement , insiste Christine Delhaye, co-auteur ďun guide méthodologique sur ce programme. Dans le Grand Lyon, les Pédibus (ces trajets école-domicile collectifs pied encadrés par des adultes) permettent la fois de réduire la pollution et de sécuriser le trajet, sachant qu'environ 2 000 enfants par an sont accidentés sur le chemin de ľécole. De son côté, la ville de Chelles, en Seine-et-Marne, propose un site Internet de co-voiturage destiné aux parents dont les enfants fréquentent le mme établissement. Au lycée de Dupuy-de-Lôme, Lorient (Morbihan), des efforts menés depuis huit ans ont permis de réduire ďun tiers la consommation ďeau par élve et par jour. Les jeunes sont sensibilisés au fait qu'ils consomment 1 million de kilowatt/heure par an en électricité, et que seuls les déchets verts du jardinier et les produits utilisés en classe de physique-chimie sont récupérés. Et ils veulent faire mieux. Ďautres initiatives sont encore possibles. ĽAgenda 21 scolaire suggre notamment la création, dans un collge, ďun potager bio dont la production alimenterait en partie la cantine. Les élves pourraient s'entretenir avec les responsables des approvisionnements de la cantine et le médecin scolaire. Ils apprendraient aussi les différences entre les modes ďagriculture, entre les labels. Le début ďune prise de conscience. 4 La classe de Premire correspond, dans le systme scolaire français, ľavant-dernire année de lycée ; la classe de Cinquime ­ la Septime classe dans le systme tchque, la Quatrime la Huitime classe, etc. Culture et civilisation françaises ­ Béatrice Vicaire 6