Fable XXIV. L'Homme et l'Ane Dans un champ hérissé de chardons , un Baudet Ayant fait place nette autour de son piquet , D'un reste d'appétit ressentoit les atteintes. Il attendit long-tems sans murmures , sans plaintes , Que son maître daignât alonger son lien ; Mais n'espérant plus rien , Et trop bien convaincu que ce maître l'oublie , Avec un bruit affreux le malheureux s'écrie ; Et ses cris répétés par la voix des échos , De Baudets résonnans remplissent les côteaux. L'Homme alors d'accourir : quelle horrible tempte , Dit-il ! qu'as-tu ? t'égorge-t-on ? Non ; mais je meurs de faim par faute d'un chardon. Quoi ! c'est pour ce sujet que tu nous fends la tte ? Il faut que pour si peu l'on n'entende que toi ? Hélas ! reprit la pauvre bte , Ce peu n'est rien pour vous ; mais il est tout pour moi !