Jiří Orten : La septiěme élégie traduit par : Michal Kováč učo: 384531 C'est a vous que j'ecris, Karin, j'ignore si vous vivez, si vous n'etes pas la ou vous ne pouvez plus aimer, si votre Age dangereux n'etait a la frontiere. Etes-vous morte ? Suppliez done votre tombeau en pierre, de se soulever. Suppliez les roses, Madame, de se fermer. Suppliez avant sa fin mon ame, de vous lire la lettre de ma decomposition. La mort se tait face aux rimes. Face a vous est ma mission si jeune, si terriblement jeune et recemment mur, que dans ma jeunesse je ressemble deja au sire d'un royaume miserable. Mais, vous le saviez pourtant, combien d'ailes il nous manque pour etre des anges volants, combien de rires et de larmes de sang nous pleurons. J'ai trouve ma chute. Et je veux vous decrire comment. Une fois au ciel (je l'ecris sur l'Etre supreme) la transparence s'est violee avec le ciel rouge puis elle saignait et elle allait et s'allongeait. Cela ne fut peut-etre qu'un reve ou je songeai a ma mere et mon pere, ma maison et mes deux freres, ce ne fut peut-etre qu'un reve ou rhomme repere lui dans l'eau, sous les aubes dans un etang, ce ne fut peut-etre qu'un reve, miroir de la lune, ce reve ne devait paraitre quand je dormais, ce reve ne devait pas me laisser dans des flammes qui glacaient ! Chute de Dieu. Quelle chute. Le garcon est delaisse, sans puissance bienheureuse qui sait abaisser 1 les hauteurs aux plaines, qui sait raccourcir la distance et ferme l'enfer ä la violette, ä la fragrance, le garcon est seul et il s'eveille et il marche vers la realite des maux. II ne voit pas ce qu'il cherche. Une fois, sur une femme, amoureuse de tous cotes, la chute sembla ne pas chuter : je l'ecris sur Jeannette. Tout plana. Et la chance nous parla d'une imprononcable proximite. Ce fut le langage que le vent ne peut jamais enlever, ce fut le langage, la chere langue maternelle des levres, mains, yeux, corps et giron d'une maitresse, ou un abri se blottit pour s'y sentir bien, ce fut le langage qui parle sans parole. Que voulut done Jeannette quand elle fut debout devant les miroirs et les choses touchees autour d'elle si vite qui devenaient glacees ? Comme le Narcisse mythique, son ombre, elle ne voulut rien, rien que se voir elle-meme sans äme, sans corps dans un miroir transparent; elle ne voyait que des mots dits sur la durete, plus dure que celle d'un diamant, elle desirait apprendre d'elle-meme dans les songes des autres. Elle ne fut pas une source. Elle se noya dans des sources. Oh, d'oü surgit ce dont nous ecoulons ? A qui sont ces nuits blanches qui se sont posees sur les miennes et qui se sont elargies de telle facon que la place ne suffit plus ? Je trouvai ma chute. Sur quoi ? Sur les pleurs ! Mes pleurs tombaient, ils tombaient dans les marais, ils tombaient sur des royaumes vivants, les miseres et desolations, ils tombaient sans pudeur. C'est ä vous que j'ecris, Karine, demandez ä la dalle du tombeau que d'une pluie je lave, je me sens etre une pluie qui tombe sur votre sepulcre, je me sens etre des pleurs sans temps, sans formes, c'est ä vous que j'ecris, Karine, et je ne sais si vous vivez, 2 si vous n'étes pas lá oú vous ne pouvez plus aimer, si votre Age dangereux n'était pas á la frontiére. Je connais une fillette. Elle est comme un baiser qui se cache encore dans la bouche, eile ne peut avancer, eile s'étire seulement au soleil qui se lěve, qui ne brüle pas, donne á boire, s'endormir sur la poitrine. Elle est jeune comme la terre. Elle est légěre comme un souffle, comme le feuillage du matin, comme une aube, comme la fortune. Je connais aussi de beaux jours. Cependant oú peuvent-ils me mener ? Karine, vous le saviez ? Et le savez-vous toujours ? Je connais aussi la grandeur des femmes, quand une mere attend que revienne son fils ; triste. Je connais aussi mon pays. Je connais la joie sans cause. Je connais la fidélité, oui, je la connais bien que je ne sachant oú la trouver. Je connais des éveils de supplices et de désespoir et c'est peu de connaitre, et c'est peu de vouloir, il est peu de connaitre la traitrise que ľon ne peut pardonner. La mort se tait face á la rime, voilá j'en réve encore. Quel orage la fait-elle taire ? Devant quelle chose terrible ? Que comprendrons-nous lá ? Qu'est-ce qui, lá, ne se decompose pas ? Qu'est-ce qui ne meurt pas lá ? Qu'est-ce qui, lá, tombe aussi sans cesse ? Les maitresses ? Je ne voulais pas, je ne voulais pas me taire, pardonnez á Jeannette, pardonnez-lui péché et monde, allumez une bougie, voilá, et priez pour la terre, que Décembre ne la géle pas trop, qu'Avril lui donne ce qui appartient aux fleurs, que la nuit soit son drapeau sur la tour, qui ondoie vers la lumiěre quand arrive le temps des étoiles, 3 pour que les amants la louent pour la douleur. Si jeune, si terriblement jeune et récemment mür, je ris de sang et pleure des larmes de sang, et quitté par Dieu et ayant quitté Dieu, Cest á vous que j'écris, Karine, et je ne sais šije vis... 4