« DATATION » (Ed. Glissant, Le Quatrième siècle) LONGOUE • 1788. Le premier débarque. Vendu sur la Plantation l'Acajou. Marronne. Enlève une esclave. 1791. A un fils : Melchior. 1792. A un fils : Liberté BELUSE 1788. Le premier débarque. Vendu sur la Propriété Senglis. Entre dans le personnel de la Maison Senglis. Accouplé à une esclave. 1794. A un fils : Anne. 1820. Les premiers « Targin » occupent La Touff aille. 1830. Melchior quimboiseur dans les bois. 1831. Liberté tué par Anne. 1833. Melchior a une fille : Liberté (aïeule des Celat). 1835. A un fils : Apostrophe. 1848. Les marrons descendent. 1830. Anne prend une femme convoitée par Liberté. 1831. Anne tue Liberté. 1834. Anne a une fille : Stéfanise. 1835. A un fils : Saint-Yves. 1848. 1848. Libération des esclaves. 1858. Apostrophe vit avec Stéfanise. 1872. Naissance de papa Lon- 1872. S aint-Yves engendre Zéphi- goué. rin. 1873. Naissance d'Edmée Targin. 1890. Edmêe quitte La Touffaille pour aller vivre avec papa Longoué. LONGOUÉ BÉLUSE 1890. Papa Longoué a un fils : Ti- René. 1891. Zéphirin a un fils : Mathieu. 1898. Mort d'Edmée. 1905. Les Targin abandonnent La Touff aille. 1915. Ti-René meurt à la guerre. 1920. Mathieu revient de la grande guerre. 1926. Naissance de Mathieu le fils. 1935. Première rencontre de papa Longoué et de Mathieu le fils au cours d'une « séance ». 1940. Première des visites régulières de Mathieu le fils à papa Longoué. 1945. Mort de papa Longoué. 1946. Mathieu Béluse et Marie Celat-(Mycéa) se marient. RAPPEL DES PÉRIPÉTIES QUI ONT PRÉCÉDÉ • Sur une Habitation de canne à sucre en Martinique, Gani, un enfant d'esclave, marronne * sur un espace infinitésimal, sans qu'on puisse le retrouver. C'est en mille sept cent et quelques. Le béké Laroche, en mille sept cent quatre-vingt-huit (les appelait-on déjàbékés ?), achète un esclave frais débarqué qui marronne aussitôt/ Laroche le rattrape dans les bois et lui fait don d'une barrique de malédiction. (C'est là l'origine de la branche des Longoué : ce premier débarqué qui avait, choisi de s'appeler Lapointe puis Longoué, un nègre marron, au contraire du premier Béluse, qui l'avait accompagné sur le bateau négrier, et qui avait entrepris sa lignée en apparente soumission sur l'Habitation du planteur Senglis.) Dans les campagnes du sud du pays, le géreur Maho suit la même trace de marronnage, c'est aux années mille neuf cent trente, et est abattu après sept ans de drive. (Ce Maho, pour une histoire de femme soi-disant infidèle, avait rallumé, lui un géreur d'Habitation, et si tard dans les temps, la tradition des nègres marrons.) En mille neuf cent quarante-cinq, ayant tous deux dévalé la rivière Lézarde et débouché au large, le géreur Garin se bat dans une caye de mer avec Raphaël Targin, et se noie. Épisode * Celui qui marronne quitte le lieu de son servage, à ses risques et périls. dit de La Lézarde, quoique la fin se situe donc dans cette caye de mer. (On ne sait pas ce qui poussait ainsi ce géreur Garin, mais il prenait si ouvertement le parti des békés que c'en était préoccupant : il y avait un secret là-dessous. En tout cas, c'est dans la période des premières batailles électorales, après la Deuxième Guerre mondiale, que Garin affronte ainsi Raphaël Targin, tout au long de la Lézarde. Ce Targin agissait, au nom d'un groupe de jeunes du Lamentin, dont Mathieu Béluse faisait aussi partie.) Valérie Thélus est déchiquetée à mort par les chiens de Tar- ' (Après cette victoire aux élections et la mort de Garin, Valé- j Olï^wj- rie était remontée avec Raphaël Targin sur les mornes où habi- ^ tait celui-ci. Mais les deux chiens de Raphaël, restés seuls > 1 \J \ depuis si longtemps et devenus comme sauvages, n'avaient pas i3 ott~ — J VCv\À& obéi aux cris de leur maître et avaient tué Valérie, la déportant _________________________________ presque jusqu'en bas de ce morne.) À la même époque, Longoué, un quimboiseur *, meurt dans sa case aux environs du Lamentin. Il connaissait tout de Mathieu Béluse, de Raphaël Targin et de Marie Celât. (Il faut mêler à ces faits, en parenthèse béante, la catastrophé aérienne de 1962 en Guadeloupe, où périt, avec tant d'autres, Albert Béville, en littérature Paul Niger.) Dans les années soixante-dix de notre temps, Mani, presque un délinquant, est mystérieusement tué, à Fort-de-France. Deux anciennes filles à marin, Artémise Marie-Annie, pour-; suivent le souvenir de ces événements, connus et inconnus de tout un chacun. Mathieu Béluse et Raphaël Targin ont quitté dès 1946, emportant avec eux ces charges passées ou à venir. , [r;](^ * Le quimboiseur était marabout, médecin, envoûteur et beau parleur. Il tenait séance pour vous, quand rien d'autre n'avait fonctionné, Marie Celât ne parcourt pas dans les espaces, mais elle endure autant. ; (On l'appelle aussi Mycéa. Elle a vécu avec Mathieu Béluse. Elle est comme pour dire le secret et la clé des mystères du pays. Elle a connu tous les malheurs et approché toutes les vérités, comme une Inspirée.) Telle fut, pour ceux-là et pour combien d'autres, l'approche du Tout-monde. Glissant Malemort 1997 Glossaire : pour les lecteurs d'ailleurs, qui ne s'accommodent pas de mots inconnus ou qui veulent tout comprendre. Mais peut-être pour nous., pour nous aussi, établir la liste de tant de mots en nous dont le sens échappe, ou plus loin fixer la syntaxe de ce langage que nous balbutions. Les lecteurs d'ici sont futurs. note : on estimera l'important du manger, dans ce glossaire de convention. ababa : béant, de saisissement ou d'idiotie. acra poi : beignets ou plus proprement (selon le créole) marinades, dont la pâte inclut des pois (ou haricots). bakoua : chapeau de paille aux formes variées. calloges : cages pour lapins ou poules. La hantise des enfants (leur travail) était de les bourrer d'herbe douce. chatrou : pieuvre de taille moyenne, cuisinée en sauce ou à l'étouffée. coui : calebasse coupée en deux, évidée, séchée, servant d'ustensile ménager. dachine : chou de Chine ? Légume. On l'adore ou on le déteste. Nous adorons. faune : la bête longue ou l'Ennemi (le serpent), lambi, mangouste, titiri, sarde, coulirou, balarou. féroce : mélange de farine de manioc, de morue, d'avocat, de piment et d'huile piles. flore : acacia, caïmitier, ébénier, figuier-maudit, flamboyant, fruit-à-pain, glycéria, icaque, lépini, ou l'épini, mangot bassignac, palmiste, poidou, prune de cythère, prune-moubin, prune-chili, quénettie^ etc. fromager : granu ^rbre à réputation magique. On dit qu'il crie quand on le coupe. Il a crié beaucoup. grappe blanche (et : pailleté) : variétés de rhum. lambi : gros coquillage. Nous en apprécions fort le goût. Nous ne soufflons plus dedans. léquetter : plonger tête la première. losi fri : morceau de morue enrobée de pâte pimentée et frit. mabi : boisson fermentée, à partir du bois-mabi macéré avec des épices. manicou : on l'aveugle la nuit au bord des routes. On le fait tourner par la queue longue et raide. Pour gourmets connaisseurs. man kaï tchoué' ï : je vais le tuer. (Orthographe arbitraire, comme toujours en créole.) mantou : crabe de mangrove, poilu. Disparaît rapidement. matoutou : plat de riz et de crabe. migan : une des manières de préparer le fruit-à-pain. pilibo : bonbon. pitt : sorte d'arène, aux dimensions d'une case ou d'une grosse maison, où se donnent les combats de coqs. serbi : jeu de dés, le plus populaire \ équivalent du craps américain. souscaille : salade pimentée de fruit vert (mangot le plus souvent). tray : plateau à bords obliques : anciennement, pour porter des marchandises ou faire dormir les enfants. vezou : lourd sirop de la canne à sucre, donne le sucre par dessiccation et ou le rhum par distillation. En boire, avec de l'eau et du citron vert. En manger, avec de la farine de manioc. vidé : défilé aux flambeaux, avec chants et slogans, pour fêter une victoire électorale. On va narguer le vaincu jusque sous ses fenêtres. Il y a aussi les désormais tristes vidés du triste carnaval. zombi : mort réincarné. A la fois familier et redouté. expressions de monsieur lesprit '. Yiche bett' long pas con-nett' lapo bett' long' : La portée du serpent ne sait rien de la mue (ne connaît pas la peau) du serpent. Pou'ou ni dé fok ou ni ion-n' : Pour avoir deux il faut avoir eu un. Yo ba nou an zin : On nous a donné un zinc (un hameçon, un appât). Dlo coco tounin : L'eau de coco a tourné (de surprise ou d'enthousiasme). Cè an la cho lé lé : C'est une chaux trop claire. (Ça ne compte pas.) 235 dans le texte : An nou Médéluce. Ba co'ou tnouvman. Jadin-a pa ka atan'n : Allons Médéllus. Activez. Le jardin n'attend pas. Papa Legba, ban-moin titac pou chayé a caille : Papa Legba, donne-m'en un peu à emporter chez moi. Man raché bayon-moin Bayon-moin raché pou si moi : J'ai arraché mon bâillon. Je l'ai arraché pour six mois. Pétronise ni toutt' lagen'ye : Pétronise a l'argent qu'il lui faut. Couli-a pren fè : Le coolie « a pris du fer » (est fichu). Lanmisè : La misère. Lanmin longé : La main tendue