GAMALEYA Norn et prenom : Gamaleya, Boris Naissance: 1930, a Saint-Louis, a ta Reunion Metier: enseignant Boris Gamaleya, ne d'un pere ukrainien installe dans Hie mais tres tot decede, et d'une mere reunionnaise, passe sa petite enfance aux Makes. Apres te remariage de sa mere, si est eleve par son grand-oncle maternel. La vie rurate est !e premier temps d'une experience poetique du rrionde, predisposition renforcee plus tard par les lectures de poetes. La formation du jeune etudiant en Provence est riche affectivement et politiquement II rencontre une compatriote qui deviendra sa femme, Clelie Gamaleya, et s'inscrit au parti commu-niste. De retour dans I'Tle, il enseigne. II devient membre du Comite directeur du parti communiste reunionnais en 1959. En 1960, il est condamne a I'exil en France par I'application de I'ordon-nance d'octobre. Le poete trouve une forme de resistance aux souffrances de ce long eloignement de douze ans dans i'etude du russe et les recherches sur la poesie ainsi que sur le Creole. Vaiipour une reine morte, poemes de /'ex/7 parait en 1973, des son retour dans I'Tle. Sa quete se poursuit dans un travail sur la culture populaire a travers les contes et se prolonge dans son ceuvre. Ses positions critiques font eloigne du Parti communiste dans les annees 1980. il se consacre depuis a I'ecriture. Ce poete majeur publte a intervalles reguliers des ceuvres toujours fortes et singulieres qui temoignent d'une constante evolution. • des ceuvres poétiques: Vaii pour une reine morte, poémes de /'ex/7 (1973), La Mer et la mémoire. Les Langues du magma (1978), Le Fanjan des pensées, Zanaar parmi ies coqs (1987), Piton la nuitimi). Lady Sterne au grand sud (1935) 8 des textes de theatre : Le Voican ä leaversou Madame Desbassyns, le diable et le bondieu (1983), Ombline ou le Voican ä ľenvers {1*398} (oratorio) a une biographie poetique: Ľfie du tsarévitch [W] 1. aiguades : petits ports et points d'eau. 2. appolonie : Santa Appolonia, ancienne designation de la Reunion. 3. mombolo : fruit jaune, duvete et comestible. 4. sphaigne : mousse qui se decompose. 5. remora : poisson. 6. asterics : etoiles de mer. 7. conque : coquiliage de mollusque et triton inspirant la Mythologie. Dans ce long poěme dramatique, épique et lyrique, Tile devient 1'enjeu de I'af-frontement opposant les esclaves marrons Cimendef et sa femme Rahariane au chasseur d'esclaves Mussard. A !a fin du recueil, la parole du poete relaie le chant d'amour que Cimendef adressait á sa compagne, representation allé-gorique de 1'ile. He aube de jade vertige des aiguades1 exorcisees tie sonore jarre de haute legende ile sein bleu de rahariane et neige des dodos 6 mon appolonie2 mon cygne ma colombe ile sang de la main noire insurgee giclant vers la pulpe du mombolo' avant 1'aube rassembleuse d'oiseaux et de tortues pleureuses au sable ou se defait mon corps de sphaigne4 bleue de remora^ lasse d'errances sans histoire pleurez 6 filaos l'amour des asteries6 saluez 6 conques7 ia voile peregrines avant l'aube tu me foudroies les loules'' d'une nuit sans lune ont brise leurs scoiopendres111 fouette la meute des tanrecs11 brouille la feuille des cafeiers tie bibaciertz au jusant de la brume dinarobine13 sur i'orbite des pailianques14 sirenes empalees au phallos''' du corail He je tombe sous ton regard d'oiseau de la vierge je te salue ma reine a la ronde pleurant la mort des princes noirs et la mer sur teur stele enfiant ses fourmilieres je te salue a tes pieds nus ambes17 mes mains jamais decloses telle a tous les ages du columbaire1N telle a toutes pages de I'obituaire " telle toujours au deuil de hibiscus ile harpege de haubans sur les lagons brises unite reconquise au seuil des aidoreV" ile safaris et tamtams solstices de mes dieux integre polypier-1 sous la croisee des vents ile beau matarum" feulant grand pavois cimarronzl et race vagissante au pagne des marees Boris Gamaleya, \ 'tili pour line reine morte (extrait), Imprimerie REI (Saint-Denis), 1973. Meonse incantatoire du mot «Tle» confere majesté - nnité á cette celebration de 1'ile-femme. Le pro-ionne de la force á la parole du poete qui double íonge les propos de Cimendef á Rahariane. La i fait echo aux incantations réitérées au vali, qui £ l'íle et ie texte sous le signe de cet instrument -jsique malgache et non occidental. Le titre de -ie, allusion aux malheurs de 1'histoire coloniale, 8. peregrine : neologism? reiwoyant á peregrination. 9. Initios : esprits de ia nuit. 10. scoiopendres : fougéres et mille-pattes dont la morsure est douloureuso. 11. tanrecs : tangues, petit? ma m mi feres. 12. bibacier ; arbre donnant des bibaces, né flier. 13. dinarobine : un des anciens noms de ľile. 14. pailianques : neologism e pour «paille en queue». 15. phallos : reference symbolique au phallus 16. oiscau de la vierge : petit oiseau des foréts. 17. ambes : marque la reunion ; tie deux numéros au loto, ici des mains jointes. 18. columbaire ; néologisme: renvoi possible ä la famille des oiseaux colombifornies ou au columbarium (conservant les cendres des morts). 19. obitnaire : relatif au déces, registre des morts. 20. oidorés (rare) : espéces de petilcs pagodes. 21. polypier : corail. 22. matarum : du malgache foret. 23. cimarron ; de ľespagnol cimarron; esclave fugitif. Objet ďétude La poésie 1. Dégagez le mouvement du texte en vous appuyant sur la repetition du mot «ile». 2. Comment le texte est il aussi ['expression des sentiments du poete? 3. Comment le poete oppose-t-il un espace-temps de legende ä une realite douioureuse? 4. Ä quoi tíent ía singularitě de ľécri-ture de Gamaleya? peut s'interpreter dans le méme sens. Pour célébrer sa fégende des cimes, Gamaleya use de i'incantation, joue du pouvoir subversif des mots et invente une langue poétique qui mele un francos somptueux á des emprunts au malgache et á la langue réunionnaise. Le texte n'est pas toujours aisément déchiffrable, mais la parole du poete y gagne en mystěre et puissance. La littérature de la Reunion Dans Zamal, le poéme «Enfance» développe ce theme si constant chez Albany du retour á ce temps passe sur I'ile. ENFANCE Ou done est le soleil? II est si loin, loin dans le del, Orpailleur1 du mica, Que le sable dormant tasse en le Bernica. Pres de 1'étang viendront nos belles orphelines Réver, froissant leurs capelines, Réver, en mordillant ia puipe des letchys, D'un corsaire empressé vers l'aieule en manchy2. Mais les chants au wdoudou1* Et leur echo soyeux dans les bruissants bambous Seront-ils assourdis par le battant des lames? Ou done est le soleil? 11 est la-bas, criblant le del, Et nous ne jouerons plus aux fleurs, á la Madame, Ni, nous courbant l'echine : Oh! j'ai perdu mon petit coq de Chine!» Et ne balancerons les canots palanqués4 Qui sentent le goudron, la saumure et la mer, Le soir, pour rechercher les poissons-perroquets, line étoile de mer, De réveuses écales, Ou Je poisson-lune, Et tout cet infini de 1'eau tiěde et des caies, Caillé sur íes tramails^ frangés ďalgue et ďécume. jean Albany, «Enfance», Zamul, 1951. 1. Orpailleur: ouvnerqui recherche par lavage les paillettes d'or dans les coins d'eau on les terre.s auriferes, 2. manchy : e'est le palanquin des Creoles. Sorte de litic-ie on de chaise portec par des homines. 3. doudou : terme creole pour designer ]ents procedes stylistiques : comique de mots en usant de I'exageration (« gonfler tout ce qu'il a a gonfler»), comique de situation (le malentendu, par exemple). Est-ce la raison pour la-quelte Daniel Honore est plus connu pour ses contes et legendes que pour ses romans? Lorsqu'il s'amuse ä reprendre des evenements graves avec le plus de li-berte possible, en meiant les registres comique et tra-gique, il eveille I'emotion de ses lecteurs. La littérature de la Reunion MÄHE Norn et prénom : Mahé, Marguerite-Heléne Naissance: en 1903, ä la Reunion Décěs: en 1996 en France Mótícr; cnseignante Marguerite-Hélěne Mahé passe son enfance et son adolescence a fa Reunion. Eile enseigne ensuite en Indochine ei approfondit des etudes d'his-toire a Paris. En 1952, paraTt son unique roman, qui exprime sa fidélité et sa reconnaissance envers son íle. II est publié avec quelques coupes dans la pres-tigieuse Revue des deux Mondes, sous le titre Sortileges Creoles, puis édité en 1955 sous le titre Eudora ou Vile enchantée. Le roman est prime par ['Association nationale des écrivains de la mer et de l'Outre-Mer en 1956. Définitivement fixée en metropole, Marguerite-Hélěne Mahé apprend avec joie, en 1985, que son roman est réédité sur son Tle natale, et cette fois-ci dans sa version intégraie, gräce au concours de 1'Université et du rectorat de ia Reunion, sous le double titre Sortileges créoles, Eudora ou Víle enchantée. >om mvn prífrKÍpftle 9 un roman: Sortileges créoles, Eudora ou lile enchantée (1952, 1955,1985) 1 En 1903, á neuf ans, aprěs la mort de son pere, Eudora de Nadal regagne Mahavel, lieu de sa naissance. Elle explore le domaine familial avec le jeune Francois Mussard, descendant du célěbre chasseur ďesclaves. Des liens forts se nouent entre les deux personnages lors de la visitě du verger ancestral. 1. Palmier de Délos : la mythologie grecque assorie l'ile de Délos aux amours de Zeus et de Léto. La joie ici etait eternelle. Un monument a demi-ruine rappelait, seul, la fragilite de 1'homme. Les enfants s'en approcherent avec piete. Le lierre recouvrait une muraille circulaire sur laquelle une grille etait fixee. On imaginait aisement la stele qu'elle devait entourer ct dont le chiendent avait pris la place. ~ Le tombeau du Giroflier, fit Francois a voix basse. Elle ne comprit pas aussitot. Sans doute un etre cher etait enterre la?... Esquissant un signe de croix, elle fit le geste de s'agenouiller. - Comment ? dit Francois en la retenant, ne sais-tu pas que le giro-flier est I'arbuste qui produit la girofle? II a fait la fortune de Bourbon et celle de ta famille, il y a de cela un siecle... On l'a revere ici a 1'egal du Palmier de Delos!... II continua d'un ton didactique en designant tout l'espace qu'ils avaient parcouru. -Tout cela etait le jardin d'essai. On plantait les arbustes precieux a l'abri des grands arbres pour les proteger des cyclones. Cette clairiere fut une pepiniere de cafeiers, de muscadiers, d'orangers, de girofliers dont c'est justement la floraison. Tu vols ici vraiment les ancetres de la colonie. Comme il etait modeste, il precisa : - C'est tonton Yves qui me l'a appris. II est plus cale que les pro-fesseurs du lycee... Si ces vieilles histoires t'interessent tu en sauras autant que moi dans quelque temps. Tout en parlant, Francois ecarta le lierre qui recouvrait les pierres de taille, les gratta de la pointe de son canif: - Regarde la date : JANVIER 1772 «II a ete deracine par un cyclone, parait-il. Pauvre girofiier! II n'a pas eu le sort de son frere, mort de vieillesse au Bras-Mussard, pres de Saint-Benoit, dans le jardin de Joseph Hubert;. - 1772... Sylvie de Kerouet... \172'\ repeta Eudora. Cette date fulgura sur sa memoire et la rendit loquace : - Ce jardin, j'y suis dejä venue, dit-elle, affirmative. - Tu etais si petite encore, Eudoral C'est impossible que tu t'en souviennes4... - Papa me parlait souvent de Mahavel... C'est peut-etre ä cause de cela.., En cet instant, ressurgirent en sa memoire toutes les choses qu'il lui avait dites. ... Ce verger deux fois centenaire, eile en connaissait les especes... les noms de ces arbres etranges... Les syllabes en sonnaient, jadis, ä ses oreilles, avec des couleurs ecla-tantes et des douceurs de miel. Sous ses levies d'enfant, les mots s'ouvrirent comme des fleurs ; -Araucaria, takamaka... Francois dit en echo : -Grevillea, jacaranda, jamerosade... Elle avait reve d'un jardin Enchante et le voilä qui s'animait... Un murmure lui repondait dont eile entendit le langage. Les arbres disaient les pays lointains d'oü ils etaient venus : Chine, Calicut, Bresil, Arable Heureuse : les grands vaisseaux qui les avaient transported ; Triton, Atalante, Argonaute, Vierge-de-Grace... « Ah! se dit Eudora, combien d'ai'euls ont-ils passe sous leurs ombrages ? » Ses pas suivaient leurs pas. Elle retrouvait la douceur du sol, la chanson du vent, 'odeur de ces bois. Elle n'aliait pas ä la decouverte de Mahavel. Elle en reprenait possession. Marguerite-Helene Mane, Sortileges Creoles. Eudora ott I'lie endwntcn, I., chapitre 3, 19S2, Ed. Universite de ]a Reunion et Rectorat. 2. J. Hubert: botaniste reunionnais ayant acdimate de nombreuses planter, dont le girofiier au xvmf siecle. 3. 1772 : date du passage d'un cydone et de I'affranchissement du pere de Kalla, qui avait protege !e girofiier; annee d'evenements importants pour la fa mill e. 4. Eudora est nee a Mahavel, selon le souhait de son pere; les visites au domaine ont ete rares. mi ďétude Le récit: le roman ou la nouvelle íí€Ís indices donnent un caractére sofennel ä la 3. Comment se fait l'irruption du passé dans ce texte? -verte de cette partie du jardin ? 4 Que(s rapports étabtissez.vous entre cet extrait et (e -estes sont les informations historiques données par double titre de l'ceuvre? : s ä Eudora ? Montrez le caractére didaettque de ^•cJorant le jardin de Mahavel avec Franfois, Eu-* o*end conscience du passe de sa famille et de - :3r un jeu de confusions temporelles et de simi-des liens se tissent entre Eudora et Sylvie de son a'i'eule du xviir siecle. De part et d'autre oration de l'esclavage, ['imbrication des destins ■:J; deux jeunes filles de grande famille blanche yr-sz des revelations fondamentales : Eudora de-ur* -a propre passion pour Francois Mussard et se ferisrie une histoire individuelle ayant une vateur collective. Elle assume ainsi i'histoire douloureuse de 1'esclave Kalla par I'hommage posthume rendu a sa depouille. En faisant de Kalla I'aboutissement de la quete d'Eudora, Marguerite-Helene Mahe depasse les antagonismes de races, de classe et de culture et ecrit une version litteraire du mythe de Grand-Mere Kalie. Ainsi, par 1'accueil et la reconnaissance de ('heritage africain lui aussi constitutif de !a culture reunionnaise, Marguerite-Helene Mahe signe une ceuvre qui se distingue du roman colonial. Marrens et colons Eudora decouvre, dans le journal tenu au xvnf siecle par son aieule, Sylvie de Kerouet, ce recit du retour au domaine d'un detachement (e'est-a-dire d'une milice de colons) ramenant des Marrons, parmi lesquels se trouve le celebre Anching (passe a la legende - un des sommets de Vile, le Piton d'Anchaing, immortalise son nom). La prise en sympathie des esclaves noirs annonce la sequence finale du roman admettant Kalla au sein des ancetres venires. H etait pres de midi et le soleil ruisselait sur l'airea lorsque j'entendis des cris, des pleurs, et, dominant le tout, le tam-tam qui appelait, pour le rassemblement, les noirs qui travaillaient aux champs. Inquiete, je me precipitai vers la veranda. Une grande quantite de nos gens empHssait la cour. Le tableau que je vis alors ne s'effacera jamais de mon souvenir. Des negres nus, sauf un langoutifc a la cein-ture, etaient relief les uns aux autres par une i corde attachee a un anneau que chacun portait a la cheville; sous la chaleur, ils frissonnaient de peur. L'homme se tenait a genoux dans un geste de soumission ainsi que les deux plus grands de I ses enfants; autour de la mere s'accrochaient les I trois autres. : Francois et des inconnus se tenaient pres de I M. de Klrouet. Cinq chiens tenus 6troitement en I laisse grognaient et montraient les crocs. Ces ! pauvres negres attache's, ces hommes armes, ces j molosses hargneux, je devinai: c'&ait le trophee | des chasseurs de noirs marrons. Francois m'avait apercue et me regardait 1 avec tendresse; mais la pitie bouleversait mon ' cceur et je me pris a le maudire. Ainsi, ces yeux j que je trouvais si tendres cherchaient leur proie j comme ceux d'un oiseau cruel, ces mains met-. taient des chaines, ce cceur bondissait dans sa l poitrine lorsqu'il chassait le matron et le tra-; quait. Cette intrepidity n'etait que cruaut6. Mon pere, devinant mon amotion, ne tardi pas a me rejoindre: - Les d&achements nous ramenent Anchin; et sa femme apres dix ans d'absence, me dit-L Je les remercie d'avoir retrouve ces esclaves, pendant ce temps la famille s'est agrandie: les voila sept au lieu de deux. Puis, se toumant vers les trois compagnons de Francois Mussard: - Messieurs, voulez-vous etre mes hStes ? II yavait la le fameux Caron, celui que dans toute l'fle on appelait le Veteran, survivant de k vieille equipe de Mussard-le-Vieux qui avait, en grande partie, purge l'fle du marronnage. Une barbe de fleuve encadrait un visage 6maci6 et boucane" que la vivacity du regard animait d'une singuliere jeunesse. II etait vetu a la mode ancienne de la «cabaille»c et de la mauresque1* en toile de Salempouri; la tele recouverte d'un mouchoir de meme tissu, noue sur la nuque en queue de pigeon. II allait presque toujours nu-pieds comme ces premiers colons endurcis dont il conservait le vert parler. Caron allegua la necessite d'etre le soir meme a Saint-Louis; on les attendant au Gol depuis plusieurs jours deja. - A plus forte raison, insista mon pere, vous avez encore une longue trotte a fournir et vous avez besoin de vous reposer et de vous rafrai-chir avant de l'entreprendre. Ces braves dogues mangeront avec plaisir une bonne patee, Z&indoi s'en occupera lui-meme. Je rentrai a la maison pour faire servir le repas On commencait a se familiariser dans 3'ile avec lef recettes et les ingredients apportes de l'lnde. - Voila qui chauffe 1'estomac comme ur coup d'sece, dit Caron. Depuis un mois, je n'ai goQte si app6tissante cuisine. Comme il n'y z dans notre bertelle^ que le minimum de vivres pour ne pas etre genes dans la «grimpe», nous sommes bien obliges de nous contenter de c€ que nous offre la nature. Marguerite-H&ene Mah6, Eudora ou I'ilt enchantee, 3C ed., University de La Reunion, 1985 a. L'aire (ou I'argamasse) est le lieu oü Ton sechait et battait le cafe. - b. Piece de toile dont les Indien s'entouraient les reins. - c. Chemise (mot d'origine indo-portugaise). - d. Sorte de calecon d'Stoffe legere - e. Un verre de rhum. -/ Sorte de hotte plate munie de deux bretelles en vacoa. 188 OCEAN INDIEN TEXTE N"57- Chants amgeb£s ClMANDEF mes Htnbes ont perdu la darte" de ton nom toute case arbore ses cases les plus rouges est-ce la mer promise est-ce la mascareigne cette annonce du soufre au grand brule' lunaire" la transe de 1'oiseau en ta main transparente 6 ma cime en allee au souffle d'un champborne6 adieu evanescente en ta barque de songe et voici le trace de la concession et la serre holocauste aux comes du vent largue la mer qui reenfante une afrique insulaire qui suis-je moutonnade au service du mattre et rouge grenadier ou vague sa machete qui suis-je son folklore et Tor sans millesime mulct mozambrunc a son mylord^ son double simiesque le doublon de sa cassette et vrai pure perte de mattre et qui parte d'amour zozogri* crucifie sur le mont gogouW moi j'ai sous le chabouc^ creuse mon oubliette nulle redemption 6 freres pour 1'esclave son ame a torr^fier la-haut sur I'argamasse'' et ce vieux serre file aile sa chiourme en Hesse dieu pour recuperer roupie sicca' sur l'ongle la came colonic maudite de ses lombes Rahariane 6 face suppliciee enfance lacer^e je serai sur ton mal le baiser du vent pur que se taise le mot qui ne mene a tendresse que se taise le mot qui ramene a gehenne je ne te rendrai pas a toi meme et voici la mer lanceolee aux passes de m6moire T^toile qui stridule au redan-' des redoutes le grelet* qui parfile aux ombres leur misaine dormir entre tes bras est un acte nouveau [...] He amante sulfuree d'un jet de salamandres il est temps de renaitre aux ties de salut magicienne contant la nudite" des greves sans poussiere a tes pieds ni stigmates des siecles sirene sans miroir ni desir ni memoire i! est temps d'arreter la ronde de tes reves que le vent decime la plage du mystere CHAP. 3. LA REUNION I •TEXTE N°59- Mn n i feste de la Créolie lies! lie Maurice sceur de mon íle, elle-méme sceur-des-autres-íles. Mauritius, sí altiěre et presque chauvine... avec ľoiseau-dodo épinglé au biason de son índépendance. Et ľ autre lä-bas, la plus grande, ľíle rouge de laterite déchirée, masques et lambas frémissants, migrations venues de l'Est... et cet unique paradis de coeiacanthes, de lucioles et de íémuriens. Comores, si diverses rivales, sultanes musulmanes. Et dans notre Nord, au droit fH de ľ aiguille aimantée, ces íles apparentées... iles Seychelles, iles des íles, íles de granit et de sable... ííes de cocotiers et de fonšts équatoriales qui trem-pent leurs pieds dans le cristal-turquoise des lagons. íles! Et toi aussi la Grande íle, la malagasy écla-boussée de nos expeditions, ensemble nous chante-rons nos poemes de reconciliation. íles, vous étes aux carrefours de l'Océan et des peuples, des langues et des nations. lies, vous étes notre matrice de Créolie dont la mémoire s'origine en milíe mémoires et dont les races s'enfantent de milie races. íles sauvées des déchéances, ce n'est pas assez de survivre de vos antiques combats. D'avoir vaincu ľesclavage immonde aux commerces fratricides, puissiez-vous remporter encore d'autres victoires! Dans la merne lignée! Car vous étes ä vous-mémes et la source et le devenir. íles! íle de créolie. Reunion, mon íle entre toutes! tu es la plus rude ä ľécrin des parures, la plus sau-vage en des sites indomptés, la plus fascinante par la palette des sourires et des visages aux couleurs de i'arc-en-ciel! he plus créole que le créole qui ne concoit de genealógie que dans la blanchitude des colonies tropicales. íle-programme-Réunion, et non pas Caraibe, car ici nous sommes tous fils et filles de la Créolie. Ici nous vivons de Créolie comme ailleurs de négritude ou d'Occitanie. Gilbert Aubry, Créolie, Saint-Denis de la Reunion, UDIR, 1978.