CLÉMENT MAROT DE CAHORS Varlet de chambre du Roy AUX LECTEURS. Entre tous les bons livres imprimez de la langue françoise ne s'en veoit ung si incorrect ne si lourdement corrompu que celluy de Villon, et m'esbahy (veu que c'est le meilleur Poète parisien qui se trouve) comment les imprimeurs de Paris et les enfans de la ville n'en ont eu plus grand soing. Je ne suis (certes) en rien son voysin; mais, pour l'amour de son gentil entendement, et en recompense de ce que je puys avoir aprins de luy en lisant ses Oeuvres, j'ai faict à icelles ce que je vouldroys estre faict aux miennes, si elles estaient tombées en semblable inconvénient. Tant y ay trouvé de broillerie en l'ordre des coupletz et des vers, en mesure, en langaige, en la ryme et en la raison, que je ne sçay duquel je doy plus avoir pitié, ou de l'oeuvre ainsi oultrement gastée, ou de l'ignorance de ceux qui l'imprimèrent; et, pour en faire preuve, me suys advisé (Lecteurs) de vous mettre icy ung des couplets incorrects du mal imprimé Villon, qui vous fera exemple et tesmoing d'ung grand nombre d'autres autant broillez et gastez que luy, lequel est tel : Or est vray qu'après plainctz et pleurs Et angoisseux gemissemens, Apres tristesses et douleurs Labeurs et griefz cheminemens Travaille mes lubres sentemens Aguysez ronds, comme une pelote Monstrent plus que les commens En sens moral de Aristote. Qui est celluy qui vouldroit nyer le sens n'en estre grandement corrompu? Ainsi, pour vray, l'ay-je trouvé aux vieilles impressions, et encores pis aux nouvelles. Or, voyez maintenant comment il a esté r'abillé, et en jugez gratieusement : Or est vray qu'après plainctz et pleurs Et angoisseux gemissemens, Apres tristesses et douleurs, Labeurs et griefz cheminemens, Travail mes lubres sentements Aguysa (ronds comme pelote), Me monstrant plus que les comments Sur le sens moral d'Aristote. Voylà comment il me semble que l'autheur l'entendoit; et vous suffise ce petit amendement pour vous rendre advertiz de ce que puys avoir amendé en mille autres passages, dont les aucuns me ont esté aisez et les autres très difficiles. Toutesfoys, partie avecques les vieulx imprimez, partie avecques l'ayde de bons vieillards qui en sçavent par cueur, et partie par deviner avecques jugement naturel, a esté reduict nostre Villon en meilleure et plus entière forme qu'on ne l'a veu de nos aages, et ce sans avoir touché à l'antiquité de son parler, à a façon de rimer, à ses meslées et longues parenthèses, à la quantité de ses sillabes, ne à ses couppes, tant féminines que masculines; esquelles choses il n'a suffisamment observé les vrayes reigles de françoise poésie, et ne suys d'advis que en cela les jeunes Poetes l'ensuyvent, mais bien qu'ilz cueillent ses sentences comme belles fleurs, qu'ils contemplent l'esprit qu'il avoit, que de luy apreignent à proprement descrire, et qu'ils contrefacent sa veine, mesmement celle dont il use en ses Ballades, qui est vrayment belle et héroïque, et ne fay double qu'il n'eust emporté le chapeau de laurier devant tous les Poètes de son temps, s'il eust esté nourry en la Court des Roys et des Princes, là où les jugemens se amendent et les langaiges se pollissent. Quant à l'industrie des lays qu'il feit en ses Testamens, pour suffisamment la congnoistre et entendre il fauldroit avoir esté de son temps à Paris, et avoir congneu les lieux, les choses et les hommes dont il parle: la mémoire desquelz tant plus se passera, tant moins se congnoistra icelle industrie de ses lays dictz. Pour ceste cause, qui vouldra faire une oeuvre de longue durée ne preigne son soubject sur telles choses basses et particulières. Le reste des Oeuvres de nostre Villon (hors cela) est de tel artifice, tant plain de bonne doctrine et tellement painct de mille belles couleurs, que le temps, qui tout efface, jusques icy ne l'a sceu effacer; et moins encor l'effacera ores et d'icy en avant, que les bonnes escriptures françoises sont et seront mieulx congneues et recueillies que jamais. Et pour ce (comme j'ay dit) que je n'ay touché à son antique façon de parler, je vous ay exposé sur la marge, avecques les annotations, ce qui m'a semblé le plus dur à entendre, laissant le reste à vos promptes intelligences, comme ly Roys pour le Roy, homs pour homme , compaing pour compaignon; aussi force pluriers pour singuliers, et plusieurs autres incongruitez dont estait plain le langaige mal lymé d'icelluy temps. Après, quand il s'est trouvé faulte de vers entiers, j'ay prins peine de les refaire au plus près (selon mon possible) de l'intention de l'autheur, et les trouverez expressément marquez de cette marque +, afin que ceulx qui les sçauront en la sorte que Villon les fist effacent les nouveaulx pour faire place aux vieulx. Oultre plus, les termes et les vers qui estaient interposez, trouverez reduictz en leurs places; les lignes trop courtes, allongées; les trop longues acoursies; les mots obmys, remys; les adjoutez ostez, et les tiltres myeulx attiltrez. Finalement, j'ay changé l'ordre du livre, et m'a semblé plus raisonnable de le faire commencer par le Petit Testament, d'autant qu'il fut faict cinq ans avant l'autre. Touchant le Jargon, je le laisse à corriger et exposer aux successeurs de Villon en l'art de la pinse et du croq. Et si quelqu'un d'adventure veult dire que tout ne soit racoustré ainsi qu'il appartient, je luy respons dès maintenant que, s'il estait autant navré en sa personne comme j'ay trouvé Villon blessé en ses Oeuvres, il n'y a si expert chirurgien qui le sceust panser sans apparence de cicatrice; et me suffira que le labeur qu'en ce j'ay employé soit agréable au Roy mon souverain, qui est cause et motif de ceste emprise et de l'exécution d'icelle, pour l'avoir veu voulentiers escouter et par très bon jugement estimer plusieurs passages des Oeuvres qui s'ensuyvent. MAROT AU ROY FRANÇOIS Ier. Si à Villon on treuve encor à dire, S'il n'est reduict ainsi qu'ay prétendu, A moy tout seul en soit le blasme (Sire), Qui plus y ay travaillé qu'entendu; Et s'il est mieux en son ordre estendu Que paravant, de sorte qu'on l'en prise, Le gré à vous en doyt estre rendu, Qui fustes seul cause de l'entreprise. LE PETIT TESTAMENT DE MAISTRE FRANÇOIS VILLON (Le lais) FAIT L'AN 1456. I L'an quatre cens cinquante six, Je, Françoy Villon, escollier, Considerant, de sens rassis, Le frain aux dens, franc au collier, Qu'on doit ses euvres conseillier, Comme Vegece le racompte, Sage Rommain, grant conseillier, Ou autrement on se mescompte... II En ce temps que j'ay dit devant, Sur Noël, morte saison, Que les loups se vivent du vent Et qu'on se tient en sa maison, pour le frimas, pres du tyson, Me vint ung vouloir de briser La tres amoureuse prison Qui faisoit mon cueur debriser. III Je le feiz en telle façon, Voyant celle devant mes yeult Consentant a ma deffaçon, Sans ce que ja luy en fust mieulx ; Dont je me dueil et plains aux cieulx, En requerant d'elle vengance A tous les dieux venerïeux, Et du grief d'amours allegence. IV Et se j'ay prins en ma faveur Ces doulx regars et beaux semblans De tres decevante saveur Me tresparsans jusques aux flans, Bien ils ont vers moy les piés blancs Et me faillent au grant besoing : Planter me fault aultres complans Et frapper en ung aultre coing. V Le regard de celle m'apris qui m'a esté fellone et dur ; Sans ce qu'en riens j'aye mesprins, Veult et ordonne que j'endure La mort, et que plus je ne dure. Si n'y vois secours que fouïr ; Rompre veult la vive soudure Sans mes pitieux regrets ouïr. VI Pour obvier a ses dangiers, Mon mieulx est, ce croy, de partir. A Dieu ! Je m'en vois a Angers, Puis qu'el ne me veult impartir Sa grace ne me departir. Par elle meurs, les membres sains ; Au fort, je suys amant martir, Du nombre des amoureux sains. VII Combien que le depart me soit Dur, si fault il que je l'eslongne ; Comme mon povre sens consoit, Aultre que moy est en quelongne, Dont oncques soret de Boulongne Ne fut plus alteré d'humeur. C'est pour moy piteuse besongne : Dieu en vueille ou˙r ma clameur ! VIII Et puys que departir me fault Et du retour ne suis certain (Je ne suis homme sans deffault, Ne qu'aultre d'assier ne d'estain ; Vivre aux humains est incertain Et aprés mort n'y a relaiz) - Je m'en vois en pays lointain -, Si establit ce present laiz. IX Premierement, ou nom du Pere, Du Filz et Saint Esperit, Et de sa glorïeuse Mere Par qui grace riens ne perit, Je laisse, de par Dieu, mon bruyt A maistre Guillaume Villon, Qui en l'onneur de son nom bruyt, Mes tentes et mon pavillon. X Item, a celle que j'ay dit Qui si durement m'a chassé Que je suis de joye interdit Et de tout plaisir dechassé, Je laisse mon cueur enchassé, Palle, pitieux, mort et transy. Elle m'a ce mal pourchassé, Mais Dieu luy en face mercy ! XI Item, a maistre Ythier Merchant, Auquel je me sens tres tenu, Laisse mon branc d'acier tranchant, Et a maistre Jehan le Cornu, Qui est en gaige detenu Pour ung escot sept solz montant ; Je veul, selon le contenu, Qu'on leur livre... en le rachetant ! XII Item, je laisse a Sainct Amant Le Cheval blanc avec la Mule, Et a Blaru mon d˙amant Et l'Asne royé qui reculle. Et le decret qui articulle Omnis utriusque sexus Contre la Carmeliste bulle Laisse aux curés, pour mettre sus. XIII Et a maistre Robert Valee, Povre clergot en Parlement, Qui n'entend ne mont ne valee, J'ordonne principalement Qu'on luy baille legierement Mes brayes, estans aux Trumillieres, Pour coyffer plus honnestement S'amye Jehanne de Milliers. XIV Pour ce qu'il est de lieu honneste Fault qu'il soit mieulx recompensé, Car le Saint Esperit l'adomoneste, Obstant ce qu'il est insensé. Pour ce, je me suis pourpensé, Puis qu'il n'a sens ne qu'une aulmoire, A recouvrer sur Mau pensé, Qu'on lui baille, l'Art de memoire. XV Item, pour assigner la vie Du dessus dit maitre Robert, Pour Dieu, n'y aiés point d'envye, Mes parents, vendés mon haubert, Et que l'argent, ou la plus part, Soit emploié, dedans ces Pasques A acheter a ce poupart Une fenestre emprés Saint Jacques. XVI Item, laisse et donne en pur don Mes gans et ma houcque de soye A mon amy Jacques Cardon, Le glan aussi d'une saulsoye, Et tous les jours une grasse oye Et ung chappon de haule gresse, Dix muys de vin blanc comme croye, Et deux procés, que trop n'engresse. XVII Item, je lessë a noble homme Regnier de Montigny, trois chiens ; Aussi a Jehan Raguier la somme De cent frans prins sur tous mes biens ; Mais quoy ? Je n'y comprens en riens Ce que je pourray acquerir : L'en ne doit trop prendre des siens, Ne ses amys trop surquerir. XVIII Item, au seigneur de Grigny Laisse la garde de Nygon Et six chiens plus qu'a Montigny, Vicestre, chastel et donjon ; Et a ce malostre changon, Moutonnier, qui le tient en procés, Laisse troys coups d'ung escourgon Et coucher paix et aise es ceps. XIX Item, au Chevalier du guet, Le Hëaulme luy establis, Et aux pietons qui vont d'aguet Tastonnant par ces establis, Je leur laissë ung beau riblis, La Lanterne a la Pierre au Let, Voire, mes j'aray les Troys Lis, S'ilz me mainent en Chastellet. XX Et a maistre Jaques Raguier Laisse l'Abeuvroir Popin, Paiches, poires - sucré, figuier-, Tous jours le choiz d'ung bon loppin, Le trou de la Pomme de Pin, Cloz et couvert, au feu la plante, Emmailloté en jacopin, Et qui vouldra planter si plante ! XXI Item, a maistre Jehan Mautaint Et maistre Pierre Basannier, Le gré du seigneur qui attainct Troubles, forfaiz, sans espargnier ; Et a mon procureur Fournier, Bonnetz cours, chausses semelees, Taillees sur mon cordouennier, Pour porter durant ces gelees. XXII Item, a Jehan Trouvé, boucher, Laisse le Mouton franc et tendre, Et ung tacon pour esmouchier Le Beuf Couronné qu'on veult vendre, Et la Vache, qui pourra prendre Le vilain qui la trousse au col : S'il ne la rend, qu'on le puist pendre Et estrangler d'un bon licol ! XXIII Item, a Perrenet Merchant, Qu'on dit le Bastard de la Barre, Pour ce qu'il est ung bon merchant, Luy laisse trois gluyons de feurre Pour estendre dessus la terre A faire l'amoureux mestier, Ou il luy fauldra sa vie querre, Car il ne scet autre mestier. XXIV Item, au Loup et a Cholet Je laisse a la fois ung canart Prins sur les murs comme on souloit, Envers les fossés, sur le tart, Et a chascun ung grant tabart De cordelier jusques aux piez, Busche, charbon et poys au lart, Et mes houseaulx sans avantpiez. XXV Item, je laissë, pitié A trois petis enffans tous nudz Nommés en ce present traictié, - Povres orphelins impourveuz, Tous deschaussez, tous despourveuz, Et desnuez comme le ver (J'ordonne qu'ilz seront pourveuz, Au moins pour passer cest yver) - , XXVI Premierement, Colin Laurens, Girard Gossouïn, Jehan Marceau, Desprins de biens et de parens, Qui n'ont vaillant l'anse d'un seau, Chascun de mes biens ung fesseau Ou quatre blans, s'ilz l'aiment mieulx ; Ilz mengeront maint bon morceau, Les enffans, quand je seray vieulx. XXVII Item, ma nomination, Que j'ay de l'Université, Laisse par resignation, Pour seclurre d'aversité Povres clers de cest cité Soubz cest intendit contenus ; Charité m'y a incité Et Nature, les voyans nudz. XXVIII C'est maistre Guillaume Cottin Et maistre Thibault de Vittry, Deux povres clers parlans latin, Humbles, biens chantans au lectry, Paisibles enffans sans estry : Je leur laisse sans recevoir Sur la maison Guillot Gueutry, En attendant de mieulx avoir. XXIX Item, et j'adjoinctz a la crosse Celle de la rue Saint Anthoine, Ou ung billart de quoy on crosse, Et tous les jours plain pot de Seine Aux pigons qui sont en l'essoyne, Ensserés soubz trappe voliere, Mon miroüer bel et ydoyne Et la grace de la geolliere. XXX Item, je laisse aux hospitaux Mes chassis tissus d'arignie, Et aux gisans soubz les estaulx, Chascun sur l'eul une grognee, Trambler a chiere renfrongnee, Megres, velus et morfondus, Chausses courts, robe rongnee, Gelez, murdriz et enfondus. XXXI Item, je laisse a mon barbier Les rongnures de mes cheveux, Plainement et sans destourbier ; Au savetier mes souliers vieulx, Et au freppier mes habitz tieulx Que quant du tout je les delaisse ; Pour mains qu'ilz ne cousterent neufz Charitablement je leur laisse. XXXII Item, je laisse aux Mendïans, Aux Filles Dieu et aux Beguines, Savoureux morceaulx et fryans, Chappons, flaons, grasses gelines, Et puis prescher les .XV. signes Et abatre pain a deux mains. Carmes chevauchent noz voisines, Mais cela, ce n'est que du mains. XXXIII Item, laisse le Mortier d'or A Jehan, l'espicier, de la Garde, Une potence de sainct Mor, Pour faire ung broyer a moustarde. Et celluy qui fist l'avantgarde Pour faire sur moy griefz exploiz : De par moy, saint Anthoine l'arde ! - Je ne luy feray autre laiz. XXXIV Item, je lesse a Mirebeuf Et a Nicolas de Louviers, A chacun l'escaille d'un oeuf Plaine de francs et d'escus vieulx. Quant au concierge de Gouvieulx, Pierre de Rousseville, ordonne, Pour le donner entendre mieulx, Escus telz que le Prince donne. XXXV Finablement, en escripvant, Ce soir, seulet, estant en bonne, Dictant ces laiz et descripvant, J'ouys la cloche de Serbonne, Qui tous jours a neuf heures sonne Le salut que l'ange predit ; Si suspendis et mis en bonne Pour prier comme le cueur dit. XXXVI Ce faisant, je m'entroubliay, Non pas par force de vin boire, Mon esperit comme l˙é. Lors je sentis dame Memoire Reprendre et mectre en son aulmoire Ses especes colaterales, Oppinative faulse et voire Et autres intellectualles, XXXVII Et meismement l'estimative, Par quoy prospective nous vient, Simulative, formative, Desquelles souvent il advient Que, par leur trouble, homme devient Fol et lunatique par moys ; Je l'ay leu, se bien m'en souvient, En Aristote aucunesfois. XXXVIII Dont le sensitif s'esvailla Et esvertua Fantaisie, Qui les organes resveilla, Et tint la souveraine partie En suspens et comme mortie Par oppression d'oubliance, Qui en moy s'estoit espartie Pour monstrer de Sens la liance. XXXIX Puis que mon sens fut a repos Et l'entendement desmellé, Je cuiday finer mon propos, Mais mon ancrë trouvay gelé Et mon cierge trouvay soufflé ; De feu je n'eusse peu finer, Si m'endormis, tout enmouflé, Et ne peuz autrement finer. XL Fait au temps de ladite datte Par le bien renommé Villon, Qui ne mengue figue ne datte, Sec et noir comme escouvillon ; Il n'a tente ne pavillon Qu'il n'ait lessié a ses amis, Et n'a mais q'un peu de billon Qui sera tantost a fin mis. Source: http://www.poesies.net LE GRAND TESTAMENT DE FRANÇOIS VILLON FAIT EN 1461. Ballade des dames du temps jadis Ballade des seignneurs du temps jadis Ballade en vieil langage françoys Les regrets de la belle Heaulmière Ballade de la belle Heaulmière aux filles de joie Double ballade sur le même propos Ballade que Villon feist a la requeste de sa mere pour prier Nostre Dame Ballade de Villon à s'amye Rondeau Ballade et oraison Ballade pour Robert d'Estouville Ballade des langues ennuyeuses Ballade Les contreditz de Franc Gontier Ballade des femmes de Paris Ballade de la Grosse Margot Belle leçon de Villon aux enfans perduz Ballade de bonne doctrine à ceux de mauvaise vie Chanson EPITAPHE VERSET ou rondeau Ballade de mercy Ballade de conclusion I En l'an de mon trentiesme aage, Que toutes mes hontes j'euz beues, Ne du tout fol, ne du tout saige Non obstant maintes peines eues, Lesquelles j'ay toutes receues Soubz la main Thibault d'Aucigny S'esvesque il est, signant les rues, Qu'il soit le mien je le regny. II Mon seigneur n'est ne mon evesque, Soubz luy ne tiens, s'il n'est en friche ; Foy ne luy doy n'ommaige avecque, Je ne suis son serf ne sa biche. Peu m'a d'une petite miche Et de froide eaue tout ung esté ; Large ou estroit, moult me fut chiche : Tel luy soit Dieu qu'il m'a esté ! III Et s'aucun me vouloit reprendre Et dire que je le mauldiz, Non faiz, se bien me scet comprendre ; En riens de luy je ne mesdiz. Vecy tout le mal que j'en dis : S'il m'a esté misericors, Jhesus, le roy de paradis, Tel luy soit a l'ame et au corps. IV Et s'esté m'a dur ne cruel, Trop plus que cy je ne raconte, Je veul que le Dieu eternel Luy soit dont semblable a ce compte. Et l'Eglise nous dit et compte Que prions pour noz annemys ; Je vous diray j'ay tort et honte, Quoi qu'il m'aist fait, a Dieu remys. V Sy prieray pour luy de bon cueur, Pour l'ame du bon feu Cotart ; Mais quoy ! ce sera donc par cueur, Car de lire je suis fetart. Priere en feray de picart; S'il ne le scet, voise l'apprendre, S'il m'en croit, ains qu'il soit plus tart, A Douay ou a L'Ysle en Flandre ! VI Combien, s'or veult que l'on prie Pour luy, foy que doy mon baptesme, Obstant qu'a chacun ne le crye, Il ne fauldra pas a son esme : Ou psaultier prens, quant suis a mesme, Qui n'est de beuf ne cordouen, Le verset escript septiesme Du psëaulme Deus laudem. VII Si prie au benoist filz de Dieu, Qu'a tous mes besoings je reclame, Que ma povre priere ait lieu Vers luy, de qui tiens corps et ame, Qui m'a preservé de maint blasme Et franchy de ville puissance. Loué soit Il, et Nostre Dame, Et Lo˙s, le bon roy de France, VIII Auquel doint Dieu l'eur de Jacob Et de Salmon l'onneur et gloire Quant de prouesse, il en a trop, De force aussi, par m'ame, voire , En ce monde cy transsitoire Tant qu'il a de long ne de lé, Afin que de lui soit memoire, Vivre autant que Mathussalé, IX Et douze beaux enffans, tous masles, Veoir de son cher sang royal, Aussi preux que fut le grant Charles, Conceuz en ventre nuptial, Bons comme fut saint Martial. Ainsi en preigne au feu dauphin ! Je ne luy soubzhaicte autre mal, Et puis paradis en la fin. X Pour ce que foible je me sens Trop plus de biens que de sancté, Tant que je suis en mon plain sens, Sy peu que Dieu m'en a presté, Car d'autre ne l'ay emprunté, J'ay ce testament tres estable Fait, de derreniere voulenté, Seul pour tout et inrevocable, XI Escript l'ay l'an soixante et ung, Lors que le roy me delivra De la dure prison de Mehum, Et que vie me recouvra, Dont suis, tant que mon cueur vivra, Tenu vers luy m'usmilier, Ce que feray jusqu'il mourra : Bienfait ne se doit oublier. XII Or est vray qu'aprés plains et pleurs Et angoisseux gemissemens, Aprés tritresses et douleurs, Labeurs et griefz cheminemens, Travail mes lubres sentemens, Esguisez comme une pelocte, M'ouvrist plus que tous les commens D'Averro˙s sur Arristote. XIII Combien, au plus fort de mes maulx, En cheminant sans croix ne pille, Dieu, qui les perlins d'Esmaulx Conforta, ce dit l'Euvangille, Me monstra une bonne ville Et pourveut du don d'esperance : Combien que pechiez soit ville, Riens ne het que perseverance. XIV Je suis pecheur, je le sçay bien, Pourtant ne veult pas Dieu ma mort, Mais convertisse et vive en bien, Et tout autre que pechié mort. Combien qu'en pechié soye mort, Dieu vit, et sa misericorde, Se constience me remort, Par sa grace pardon m'acorde. XV Et, comme le noble Roumant De la Rose dit et confesse En son premier commancement C'on doit jeune cueur en jenuesse, Quant on le voit viel en viellesse, Excuser, helas ! il dit voir ; Ceulx dont qui me font telle presse En meureté ne me vouldroient voir. XVI Se pour ma mort le bien publicque D'aucune chose vaulsist mieulx, A mourir comme ung homme inique Je me jugasse, ainsi m'est Dieux ! Griefz ne faiz a jeunes ne vieux, Soie sur piez ou soy en biere : Les mons ne bougent de leurs lieux Pour ung povre, n'avant n'arriere. XVII Ou temps qu'Alixandre regna, Ungs homs nommé Diomedés Devant lui on lui admena, Engrillonnné pousses et detz Comme larron, car il fut des Escumeurs que voyons courir ; Sy fut mis devant ce cadés Pour estre jugiez a mourir. XVIII L'empereur si l'araisonna : " Pourquoy es tu laron en mer ?" L'autre responce lui donna : " Pourquoy laron me faiz clamer ? Pour ce qu'on me voit escumer En une petiote fuste ? Se comme toy me peusse armer, Comme toy empereur je feusse. XIX Mais que veulx tu ! de ma fortune, Contre qui ne puis bonnement, Qui si faulcement me fortune, Me vient tout ce gouvernement. Excusez moy aucunement Et saichiez qu'en grant poverté, Ce mot se dit communement, Ne gist pas grande loyaulté. " XX Quant l'empereur ot remiré De Diomedés tout le dit: " Ta fortune je te mueray Mauvaise en bonne ", ce lui dist. Si fist il ; onc puis ne mesdit A personne, mais fut vray homme ; Valere pour vray le bauldit Qui fut nommé le Grant a Romme XXI Se Dieu m'eust donné rencontrer Ung autre pitieux Alixandre Qui m'eust fait en bon eur entrer, Et lors qui m'eust veu condescendre A mal, estre ars et mis en cendre Jugié me feusse de ma voys. Necessité fait gens mesprendre Et fain saillir le loup du boys. XXII Je plains le temps de ma jeunesse, Ouquel j'ay plus qu'autre gallé Jusqu'a l'entrée de vieillesse, Qui son partement m'a cellé : Il ne s'en est a pié alé N'a cheval : helas ! comment don ? Soudainement s'en est vollé Et ne m'a laissié quelque don. XXIII Allé s'en est, et je demeure, Povre de sens et de savoir, Triste, failly, plus noir que meure, Qui n'ay ne cens, rente n'avoir; Des miens le mendre, je dy voir, De me desavouer s'avance, Oubliant naturel devoir Par faulte d'un peu de chevance. XXIV Si ne crains avoir despendu Par friander ne par lescher ; Par trop amer n'ay riens vendu Qu'amis me peussent reprouchier, Au moins qui leur couste moulte cher ; Je le dy et ne croy mesdire. De ce je me puis revanchier : Qui n'a meffait ne le doit dire. XXV Bien est verté que j'é aymé Et aymeroye voulentiers ; Mais triste cueur, ventre affamé Qui n'est rassasié au tiers, M'oste des amoureux sentiers. Au fort, quelc'um s'en recompence Qui est ramply sur les chantiers, Car la dance vient de la pance ! XXVI Bien sçay, se j'eusse estudié Ou temps de ma jeunesse folle Et a bonnes meurs dedié, J'eusse maison et couche molle Mais quoy ! je fuyoie l'escolle Comme fait le mauvaiz enffant. En escripvant ceste parolle, A peu que le cueur ne me fent. XXVII Le dit du Saige trop lui feiz Favourable, bien en puis mais ! Qui dist : " Esjois toy, mon filz, En ton adolescence ", mes Ailleurs sert bien d'ung autre mes, Car " Jeunesse et adolessance C'est son parler, ne moins ne mes Ne sont qu'abuz et ygnorance ". XXVIII Mes jours s'en sont alez errant, Comme, dit Job, d'une touaille Font les filletz, quant tixerant En son poing tient ardente paille : Lors s'il y a nul bout qui saille, Soudainement il le ravit. Sy ne crains plus que riens m'assaille, Car a la mort tout s'assouvit. XXIV Ou sont les gratieux galans Que je suivoye ou temps jadiz, Si bien chantans, si bien parlans, Sy plaisans en faiz et en diz ? Les aucunes sont morts et roidiz, D'eulx n'est il plus riens maintenant Respit aient en paradis, Et Dieu saulve le remenant ! XXX Et les autres sont devenuz, Dieu mercy, grans seigneurs et maistres ; Les autres mendient tous nuz Et pain ne voient qu'aux fenestres ; Les autres sont entrez en cloistres De Celestins et de Chartreux, Bostés, houlséz, com pescheurs d'oestres. Voyez l'estat divers d'entre'eux. XXXI Aux grans maistres Dieu doint bien fere, Vivans en paix et en requoy ; En eulx il n'y a que reffaire, Si s'en fait bon taire tout quoy. Mais aux povres qui n'ont de quoy, Comme moy, Dieu doint pastience. Aux autres ne fault qui ne quoy, Car assez ont pain et pictence. XXXII Bons vins ont, souvent embrochez, Saulces, brouestz et groz poissons, Tartes, flans, oefz fritz et pochetz, Perduz et en toutes façons. Pas ne ressemblent les maçons Que servir fault a si grant peine : Ilz ne veulent nulz eschançons, De soy verser chacun se paine. XXXIII En cest incident me suis mis, Qui de riens ne sert a mon fait. Je ne suis juge ne commis Pour pugnir n'absouldre meffait : De tous suis le plus imparfait ; Loué soit le doulx Jhesu Crist ! Que par moy leur soit satisffait : Ce que j'ay escript est escript. XXXIV Laissons le moustier ou il est, Parlons de chose plus plaisante ; Ceste matiere a tous ne plest, Ennuieuse est et desplaisante. Povreté, chagrine, doulente, Tousjours, despiteuse et rebelle, Dit quelque parolle cuisante ; S'elle n'ose, si le pense elle. XXXV Povre je suis de ma jeunesse, De povre et de peticte extrasse ; Mon pere n'eust oncq grant richesse, Ne son ayeul, nommé Orrace ; Povreté tous nous suit et trace. Sur les tumbeaux de mes ancestres, Les ames desquelz Dieu embrasse, On n'y voit couronnes ne ceptres. XXXVI De povreté me grementant, Souventeffoiz me dit le cueur : " Homme, ne te doulouse tant Et ne demaine tel douleur ! Se tu n'as tant qu'eust Jaques Cueur, Mieulx vault vivre soubz gros bureau Povre, qu'avoir esté seigneur Et pourrir soubz riche tumbeau. " XXXVII Qu'avoir esté seigneur Que dis ? Seigneur, lasse ! ne l'est il mais ? Selon les davitiques diz, Son lieu ne congnoistra jamaiz. Quant du seurplus, je m'en desmez Il n'appartient a moy, pecheur ; Aux theologiens le remectz, Car c'est office de prescheur. XXXVIII Si ne suis, bien le considere, Filz d'ange, portant dyademe D'estoille ne d'autre sidere. Mon pere est mort, Dieu en ait l'ame; Quant est du corps, il gist soubz lame . . J'entens que ma mere mourra, Et le scet bien, la povre femme Et le filz pas ne demourra. XXXIX Je congnois que povres et riches, Sages et folz, prestres et laiz, Nobles, villains, larges et chiches, Petiz et grans, et beaulx et laiz, Dames à rebrassez collez, De quelconque condicion, Protans atours et bourrelez, Mort saisit sans exception. XL Et meure Paris et Helaine, Quiconques meurt, meurt à douleur Telle qu'il pert vent et alaine; Son fiel se creve sur son cuer, Puis sue, Dieu scet quelle sueur! Et n'est qui de ses maulx l'alege: Car enfant n'a, frere ne seur, Qui lors voulsist estre son plege. XLI La mort le fait fremir, pallir, Le nez courber, les vaines tendre, Le col enfler, la chair mollir, Joinctes et nerfs croistre et estendre. Corps femenin, qui tant est tendre, Poly, souef, si precieux, Te fauldra il ces maulx attendre? Oy, ou tout vif aller es cieulx. Ballade des dames du temps jadis Dites moi où, n'en quel pays, Est Flora la belle Romaine, Archipiades, ni Thais, Qui fut sa cousine germaine, Écho parlant quand bruit on mène Dessus rivière ou sur étang, Qui beauté eut trop plus qu'humaine Mais où sont les neiges d'antan? Où est la très sage Hélois, Pour qui fut châtré et puis moine Pierre Abelard à Saint Denis? Pour son amour eut cette essoine. Semblablement, où est la reine Qui commanda que Buridan Fut jeté en un sac en Seine? Mais où sont les neiges d'antan? La reine Blanche comme lis Qui chantait à voix de sirène, Berthe au grand pied, Bietris, Alis, Haremburgis qui tint le Maine, Et Jeanne la bonne Lorraine Qu'Anglais brűlèrent à Rouen; Où sont ils, où, Vierge souvraine? Mais où sont les neiges d'antan? Prince, n'enquerez de semaine Où elles sont, ne de cest an, Qu'à ce refrain ne vous remaine: Mais où sont les neiges d'antan? Ballade des seigneurs du temps jadis Qui plus, ou est ly tiers Calixte, Derrenier decedé de ce nom, Quy quatre ans tint le papalixte ? Alfonce le roy d'Arragon, Le gratieux duc de Bourbon, Et Artus le duc de Bretaigne, Et Charles septiesme le bon ? Mais ou est le preux Charlemaigne ? Semblablement, le roy scotiste Qui demy face ot, ce dit on, Vermaille comme une emastiste Depuis le front jusqu'au menton, Le roy de Chippre de renom, Helas ! et le bon roy d'Espaigne Duquel je ne sçay pas le nom ? Mais ou est le preux Charlemaigne ? D'en plus parler je me desiste, Le monde n'est qu'abusion ; Il n'est qui contre mort resiste Ne qui treuve provision. Encore faiz une question : Lancellot, le roy de Behaygne, Ou est il ? Ou est son tayon ? Mais ou est le preux Charlemaigne ? Ou est Clacquin le bon Breton, Ou est le conte daulphin d'Auvergne, Et le bon feu duc d'Alençon ? Mais ou est le preux Charlemaigne ? Ballade en vieil langage françoys Car ou soit ly sains appostolles, D'aubes vestuz, d'amys coeffez, Qui ne seint fors saintes estolles Dont par le col prent ly mauffez De mal talant tout eschauffez. Aussi bien meurt que cilz servans, De ceste vie cy buffez : Autant en emporte ly vens ! Voire, ou soit de Constantinobles L'emperieres au poing dorez, Ou de France le roy tres nobles Sur tous autres roys decorez, Qui pour ly grant Dieux adorez Batist eglises et couvens, S'en son temps il fut honnorez, Autant en emporte ly vens ! Ou soit de Vienne et de Grenobles Ly Dauphin, ly preux, ly senez, Ou de Dijon, Salins et Dolles, Ly sires filz le plus esnez Ou autant de leurs gens prenez Hereaux, trompectes, poursuivans, Ont ilz bien boutez soubz le nez, Autant en emporte ly vens ! Princes a mort sont destinez, Et tous autres qui sont vivnans ; S'ilz en sont courcez n'atinez, Autant en emporte ly vens ! XLII Puisque pappes, roys, filz de roys Et conceuz en ventre de roynes, Sont enseveliz mors et froys En autlruy mains passent leurs regnes Moy, povre marcerot de regnes, Morrai ge pas? Oy se Dieu plaist ! Mais que j'aye fait mes estraines, Honneste mort ne me desplaist. XLIII Ce monde n'est perpetuel, Quoy que pense riche pillart ; Tous sommes soubz mortel coustel : Ce confort prens, povre viellart, Lequel d'estre plaisant raillart Ot le bruit, lors que jeune estoit, C'on tendroit a fol et paillart Si, viel, a raillier se mestoit. XLIV Car s'en jeunesse il fut plaisant, Ores plus riens ne dit qui plaise Tousjours viel singe est desplaisant, Moue ne fait qui ne desplaise ; S'il se taist, affin qu'il complaise, Il est tenu pour fol recreu ; S'il parle, on lui dist qu'il se taise Et qu'en son prunier n'a pas creu. XLV Or lui convient il mendier, Car ad ce force le contrainct ; Regrectë huy sa mort et hier, Tristesse son cueur si estraint ! Se, souvent, n'estoit Dieu qu'il craint, Il feroit ung orrible fait, Et advient qu'en ce Dieu enffraint Et que lui mesme se deffait. XLVI Aussi ces povres famelettes Qui vielles sont et n'ont de quoy, Quant ilz voient ces pucellettes Empruncter elles a requoy, Ilz demandent a Dieu pourquoy Sy tost nacquirent n'a quel droit. Nostre Seigneur se taist tout quoy, Car au tancer il le perdroit. Les Regrets de la belle Heaulmiere XLVII Advis m'est que j'oy regreter La belle qui fut hëaulmiere, Soy jeune fille soushaicter Et parler en telle maniere: `Ha! viellesse felonne et fiere, Pourquoi m'as si tost abatue Qui me tient? Qui? que ne me fiere? Et qu'a ce coup je ne me tue? XLVIII "Tollu m'as la haulte franchise Que beaulté m'avoit ordonné Sur clers, marchans et gens d'Eglise: Car lors, il n'estoit homme né Qui tout le sien ne m'eust donné, Quoi qu'il en fust des repentailles, Mais que luy eusse habandonné Ce que reffusent truandailles. XLIX "A maint homme l'ay reffusé, Que n'estoit à moy grant sagesse, Pour l'amour d'ung garson rusé, Auquel j'en faisoie largesse. A qui que je feisse finesse, Par m'ame, je l'amoye bien! Or ne me faisoit que rudesse, Et ne m'amoit que pour le mien. L "Si ne me sceut tant detrayner, Fouler au piez, que ne l'amasse, Et m'eust il fait les rains trayner, Si m'eust dit que je le baisasse, Que tous mes maulx je n'oubliasse. Le glouton, de mal entechié, M'embrassoit . J'en suis bien plus grasse! Que m'en reste il? Honte et pechié. LI "Or est il mort, passé trente ans, Et je remains vielle, chenue. Quant je pense, lasse! au bon temps, Quelle fus, quelle devenue; Quant me regarde toute nue, Et je me voy si tres changée, Povre, seiche, mesgre, menue, Je suis presque toute enragée. LII "Qu'est devenu ce front poly, Ces cheveulx blons, sourcilz voultiz, Grant entroeil, le regart joly, Dont prenoie les plus soubtilz; Ce beau nez droit, grant ne petit; Ces petites joinctes oreilles, Menton fourchu, cler vis traictiz, Et ces belles levres vermeilles? LIII "Ces gentes espaulles menues; Ces bras longs et ces mains traictisses; Petiz tetins, hanches charnues, Eslevées, propres, faictisses A tenir amoureuses lisses; Ces larges rains, ce sadinet Assis sur grosses fermes cuisses, Dedens son petit jardinet? LIV "Le front ridé, les cheveux gris, Les sourcilz cheuz, les yeulz estains, Qui faisoient regars et ris, Dont mains marchans furent attains; Nez courbes, de beaulté loingtains; Oreilles pendans et moussues; Le vis pally, mort et destains; Menton froncé, levres peaussues: LV "C'est d'umaine beaulté l'yssue! Les bras cours et les mains contraites, Les espaulles toutes bossues; Mamelles, quoy! toutes retraites; Telles les hanches que les tetes. Du sadinet, fy! Quant des cuisses, Cuisses ne sont plus, mais cuissetes, Grivelées comme saulcisses. LVI "Ainsi le bon temps regretons Entre nous, povres vielles sotes, Assises bas, à crouppetons, Tout en ung tas comme pelotes, A petit feu de chenevotes Tost allumées, tost estaintes; Et jadis fusmes si mignotes! Ainsi emprent à mains et maintes." Ballade de la belle Heaulmiere aux filles de joie « Or y pensez, belle Gantiere Qui escoliere souliez estre, Et vous, Blanche la Savetiere, Or est il temps de vous cognoistre : Prenez a destre et a senestre, N'espargniez homme, je vous prie, Car vielles n'ont ne cours ne estre Ne que monnoye qu'on descrye. « Et vous, la gente Saulcissiere, Qui de dancer estes adestre, Guillemete la Tappiciere, Ne mesprenez vers vostre maistre : Tost vous fauldra clore fenestre ; Quant deviendrez, vielle, fleterye, Plus ne servirez q'un viel prestre Ne que monnoye c'on descrye. « Jehanneton la Chapperonniere, Gardez qu'amy ne vous empestre ; Et Katherine la Bourciere, N'envoyez plus les hommes paistre, Car qui belle n'est ne perpestre Leur male grace mais leur rie, Laide viellesse amour n'impestre Ne que monnoye c'on descrye. « Filles, vueilliez vous entremectre D'escouter pourquoy pleure et crye : Pource que je ne me puis mectre Ne que monnoye c'on descrye.» LVII Ceste leçon icy leur baille La belle et bonne de jadiz. Bien dit ou mal, vaille que vaille, Enregistrer j'ay fait ses diz Par mon clerc Fremin l'estourdiz, Aussi rassiz que je pense estre, S'il me desment, je le mauldiz : Selon le clerc est deu le maistre. LVIII Sy aperçoy le grant danger Ouquel omme amoureux se boute. Et qui me vouldroit laidanger De ce mot, en disant : « Escoute ! Se d'amer t'estrange et reboute Le barrat de celles nommees, Tu faiz une bien folle doubte, Car ce sont femmes diffamees. LIX S'ilz n'ayment fors que pour l'argent, On ne les ayme que pour l'eure ; Rondement ayment toute gent Et rient lors quant bourse pleure. De celles cy n'est qui ne queure ; Mais en femmes d'onneur et nom Franc homme, se Dieu me sequeure, Se doit emploier; ailleurs non. » LX Je prens qu'aucune dye cecy, Sy ne me contente il en rien. En effect il conclud ainsi, Et je le cuide entendre bien, Qu'on doit amer en lieu de bien. Assavoir mon se ces fillectes Qu'en parolles toute jour tien, Ne furent ilz femmes honnestes ? LXI Honnestes si furent vrayment, Sans avoir reprouches ne blasmes. Sy est vray qu'au commencement Une chacune de ces femmes Lors prindrent, ainsi qu'eussent diffames. L'une ung clerc, ung lay, l'autre ung moyne, Pour estaindre d'amours les flasmes Plus chaudes que feu saint Antoyne. LXII Or firent selon ce decret Leurs amys, et bien y appert : Ilz amoient en lieu secret, Car autre d'eulx n'avoit part. Touteffoiz ceste amour se part, Car celle qui n'en avoit q'um De celluy s'eslongne et depart Et ayme mieulx aymer chascun. LXIII Qui les meut a ce ? G'ymagine, Sans l'onneur des dames blasmer, Que c'est nature femininne Qui tout unyement veult amer. Autre chose n'y sçay rimer Fors qu'on dit a Rains et a Troys, Voire a L'Isle et a Saint Omer, Que six ouvriers font plus que trois. LXIV Or ont ces folz amans le bont Et les dames prins la vollee ; C'est le droit loier qu'amans ont, Toute foy y est viollee, Quelque doulx baisier n'acollee. De chiens, d'oiseaulx, d'armes, d'amours, C'est pure verité devollee Pour ung joye cent doulours. Double ballade Pour ce, aimez tant que vouldrez, Suyvez assemblées et festes, En la fin ja mieulx n'en vauldrez Et si n'y romprez que vos testes: Folles amours font les gens bestes; Salmon en ydolatria; Samson en perdit ses lunetes. Bien est eureux qui riens n'y a! Orpheüs, le doux menestrier, Jouant de fleustes et musetes, En fut en danger de murtrier Chien Cerberus à quatre testes; Et Narcisus, le bel honnestes, En ung parfont puis se noya, Pour l'amour de ses amouretes Bien est eureux qui riens n'y a! Sardana, le preux chevalier, Qui conquist le regne de Cretes, En voulut devenir moullier Et filler entre pucelletes. David le roy, sage prophetes, Crainte de Dieu en oublia, Voyant laver cuisses bien faites Bien est eureux qui riens n'y a! Amon en voulst deshonnourer, Faignant de menger tarteletes, Sa seur Thamar, et desflourer, Qui fut inceste deshonnestes; Herodes pas ne sont sornetes Saint Jean Baptiste en decola Pour dances, saulx, et chansonnetes Bien est eureux qui riens n'y a! De moy, povre, je vueil parler; J'en fuz batu, comme à ru toiles, Tout nu, ja ne le quiers celer. Qui me feist mascher ces groselles, Fors Katherine de Vausselles? Noel le tiers est, qui fut là. Mitaines à ces nopces telles, Bien est eureux qui riens n'y a! Mais que ce jeune bachelier Laissast ces jeunes bacheletes, Non! et, le deust on vif brusler Comme ung chevaucheur d'escouvetes, Plus doulces luy sont que civetes. Mais toutesfoys fol s'y fya: Soient blanches, soient brunetes, Bien est eureux qui riens n'y a! LXV Se celle que jadiz servoye De si bon cueur et loyaulment, Dont tant de maulx et griefz j'avoye Et souffroye tant de tourment, Se dit m'eust au commencement, Sa voulenté, mais nennil, las ! J'eusse mis paine aucunement De moy retraire de ses las. LXVI Quoy que je lui voulsisse dire, Elle estoit preste d'escouter Sans m'acorder ne contredire. Qui plus, me souffroit acouter Joignant d'elle, près sacouter Et ainsi m'aloit amusant Et me souffroit tout raconter, Mais ce n'estoit qu'en m'abusant. LXVII Abusé m'a et fait entendre Tousjours d'un que ce feust ung aultre : De farine que ce feut cendre, D'un mortier ung chappel de faultre, De viel machefer que feust peaultre, D'ambesars que c'estoient ternes Tousjours trompeur autruy engautre Et rent vecyes pour lanternes, LXVIII Du ciel, une paille d'arrain, Des nues une peau de veau, Du main que c'estoit le serain, D'ung troignon de chou, ung naviau, D'ordre servoyse vin nouveau, D'une truye ung molin a vent Et d'une hart ung escheveau, D'ung graz abé ung poursuivant. LXIX Ainsi m'ont Amours abusé Et pourmené de l'uys au pesle. Je croy qu'omme n'est si rusé, Fust fin com argent de coupelle, Qui n'y laissat linge, drappelle, Mais qu'il fut ainsi manié Comme moy, qui partout m'appelle L'amant remys et regné. LXX Je regnye Amours et despite Et deffie a feu et a sang. Mort par elles me precepicte, Et ne leur en chault pas d'un blanc. Ma vielle ay mis soubz le banc, Amans je ne suiveray ja maiz ; Se jadiz je fuz de leur renc, Je declaire que n'en suis maiz ; LXXI Car j'ay mis le plumail au vent : Or les suive qui a actente ! De ce me taiz doresnavent, Car poursuivre je vueil mon entente. Et s'aucun m'interrogue ou tente Comment d'Amours j'ose mesdire, Ceste parolle le contente : « Qui meurt a ses loix de tout dire » . LXXII Je congnois approucher ma seuf, Je crache blanc comme coton Jacoppins groz comme ung esteuf. Qu'esse a dire ? que Jehanneton Plus ne me tient pour valleton, Mais pour ung viel usé rocquart : De viel porte voix et le ton, Et ne suis q'un jeune cocquart. LXIII Dieu mercy et Tacque Thibault, Qui tant d'eaue froide m'a fait boire, En ung bas, non pas en ung hault, Menger d'angoisse mainte poire, Enferré Quant j'en ay memoire, Je prie pour luy, et relicqua , Que Dieu luy doint, et voire voire, Ce qui je pense, et cetera. LXXIV Toutesfoiz, je n'y pense mal Pour lui, et pour son lieutenant, Aussi pour son offitial Qui est paisant et advenant, Que faire n'ay du remenant Mais du petit maistre Robert : Je les ayme tout d'un tenant, Ainsi que fait Dieu le Lombart. LXXV Sy me souvient bien, Dieu mercis, Que je feiz a mon partement Certains laiz, l'an cinquante six, Qu'aucuns, sans mon consentement, Voulurent nommer testament ; Leur plaisir fut, non pas le myen. Mais quoy ! on dit communement Q'ung chacun n'est maistre du sien. LXXVI Pour les revocquer ne le diz, Et y courrust toute ma terre. De pictié ne suis reffroydiz Envers le bastart de la Barre : Parmy ses troys gluyons de feurre Je lui donne mes vieilles nattes ; Bonnes seront pour tenir serre Et soy soustenir sur les pates. LXXVII S'ainsi estoit qu'aucun n'eust pas Receu le laiz que je lui mande, J'ordonne qu'aprés mon trespas A mes hoirs en face demande. Mais qui sont ilz ? Si le demande Morreau, Prouvins, Robin Turgis : De moy, dictes que je leur mande, Ont eu jusqu'au lit ou je gis. LXVIII Somme, plus ne diray qu'un mot, Car commencer vueil a tester. Devant mon clerc Fremin qui m'ot, S'il ne dort, je vueil protester Que n'entens homme detester En ceste presente ordonnance, Et ne la vueil manifester Synon ou royaume de France. LXXIX Je sens mon cueur qui s'affoiblist Et plus je ne puis papier. Fremin, siez toy pres de mon lit, Que l'en m'y viengne espier. Pren ancre tost, plume et pappier, Ce que nomme escriptz vistement, Puis fay le partout coppier. Et vecy le commencement. LXXX Ou nom de Dieu, Pere eternel, Et du Filz que vierge parit, Dieu au Pere coeternel Ensemble et le Saint Esperit, Qui sauva ce qu'Adam perit Et du pery parre les cyeulx Qui bien ce croit peu ne merit, Gens mors estre faiz petiz dieux. LXXXI Mors estoient et corps et ames, En dampnee perdition, Corps pourriz et ames en flasmes, De quelconcque condition. Toutesffoiz fais exception Des patriarches et prophectes, Car, selon ma conception, Oncques grant chault n'eurent aux fesses. LXXXII Qui me diroit : « Qui vous fait mectre Si tres avant ceste parolle, Qui n'estes en theologie maistre ? A vous est presumption folle », C'est de Jhesus la parabolle Touchant du riche ensevely En feu, non pas en couche molle, Et du ladre de dessus ly. LXXXIII Se du ladre eust veu le doyt ardre; Ja n'en eust requis reffrigere N'au bout d'icelluy doiz aerdre Pour raffreschir sa machoüoire. P˙ons y feront macte chierre, Qui boyvent pourpoint et chemise ! Puis que boiture y est si chiere. Dieux nous garde de la main mise ! LXXXIV Ou nom de Dieu, comme j'ay dit, Et de sa glorieuse Mere, Sans pechié soit parfait ce dit Par moy, plus maigre que chimere; Se je n'ay eu fievre enfumere, Ce m'a fait divine clemence ; Mais d'autre dueil et perte amere Je me tais, et ainsi commence. LXXXV Premier doue de ma povre ame La glorieuse Trinité, Et la commande a Nostre Dame, Chambre de la divinité, Priant toute la charité Des dignes neuf ordres des cieulx Que par eulx soit ce dont porté Devant le trosne pretieulx. LXXXVI Item, mon corps j'ordonne et laisse A nostre grant mere la terre ; Les vers n'y trouveront grant gresse, Trop lui a fait fain dure guerre. Or luy soit delivré grant erre, De terre vint, en terre tourne ! Toute chose, se par trop n'erre, Voulentiers en son lieu retourne. LXXXVII Item, et a mon plus que pere, Maistre Guillaume de Villon, Qui esté m'a plus doulx que mere, Enffant eslevé de maillon Degecté m'a de maint boullon Et de cestuy pas ne s'esjoye ; Sy lui requier a genoullon Qu'il m'en laisse toute la joye , LXXXVIII Je luy donne ma librairye Et le roumant du Pet au Deable, Lequel maistre Guy Tabarye Grossa, qui est homs veritable. Par cayeulx est soubz une table ; Combien qu'il soit rudement fait, La matiere est si tres notable Qu'elle admende tout le meffait. LXXXIX Item, donne a ma povre mere, Pour saluer nostre Maistresse, Qui pour moy ot douleur amere, Dieu le scet, et mainte tristesse Autre chastel n'ay ne forteresse Ou me retraye corps ne ame Quant sur moy court malle destresse, Ne ma mere, la povre femme . Ballade que Villon feit à la requeste de sa mere pour prier Nostre Dame Dame des cieulx, regente terrienne, Emperiere des infernaux paluz, Recevez moy, vostre humble chrestienne, Que comprinse soye entre vos esleuz, Ce non obstant qu'oncques rien ne valuz. Les biens de vous, ma dame et ma maistresse, Sont trop plus grans que ne suis pecheresse, Sans lesquelz biens ame ne peut merir N'avoir les cieulx, je n'en suis jungleresse. En ceste foi je vueil vivre et mourir. A vostre Filz dictes que je suis sienne; De luy soyent mes pechiez aboluz: Pardonne moy comme a l'Egipcienne, Ou comme il feist au clerc Théophilus, Lequel par vous fut quitte et absoluz, Combien qu'il eust au deable fait promesse. Preservez moy, que ne face jamais ce, Vierge portant, sans rompure encourir Le sacrement qu'on celebre à la messe. En ceste foy je vueil vivre et mourir. Femme je suis povrette et ancienne, Qui riens ne sçay; oncques lettre ne leuz; Au moustier voy dont suis paroissienne Paradis paint, où sont harpes et luz, Et ung enfer où dampnez sont boulluz: L'ung me fait paour, l'autre joye et liesse, La joye avoir me fay, haulte Deesse, A qui pecheurs doivent tous recourir, Comblez de foy, sans fainte ne paresse. En ceste foy je vueil vivre et mourir. ENVOI Vous portastes, digne Vierge, princesse, Iesus regnant, qui n'a ne fin ne cesse. Le Tout Puissant, prenant nostre foiblesse, Laissa les cieulx et nous vint secourir, Offrit à mort sa tres chiere jeunesse. Nostre Seigneur tel est, tel le confesse, En ceste foy je vueil vivre et mourir. XC Item, m'amour, ma chiere rose, Ne luy laisse ne cueur ne foye ; Elle aymeroit mieulx aultre chose, Combien qu'elle ait assés monnoye Quoy ? une grant bourse de soye, Plaine d'escuz, parfonde et large. Mais pendu soit il, qui je soye, Qui luy laira escu ne targe ; XCI Car elle en a, sans moy, assés. Mais de cela il ne m'en chault, Mes plus grans dueilz en sont passés, Plus n'en ay le croppion chault. Si m'en desmez aux hoirs Michault, Qui fut nommé le Bon Fouterre ; Priés pour luy, faictes ung sault, A Sainct Sathur gist soubz Sancerre. XCII Ce non obstant, pour m'acquicter _Envers Amours plus qu'envers elle, Car onques n'y peulz acquester D'espoir une seule estincelle : Je ne sçay s'a tous si rebelle A esté, ce m'est grant esmoy, Mais, par saintce Marie la belle, Je n'y voy que rire pour moy , XCIII Ceste ballade luy envoye Qui se termine tout par erre. Qui luy portera ? Que je voye Ce sera Pernet de la Barre, Pourveu, s'il rencontre en son erre Ma damoiselle au nez tortu, Il luy dira, sans plus enquerre : « Orde paillarde, dont viens tu ? » Ballade de Villon à s'amye Faulse beaulté qui tant me couste chier, Rude en effect, ypocrite doulceur, Amour dure plus que fer a macher, Nommer que puis, de ma deffaçon seur, Cherme felon, la mort d'un povre cueur, Orgueil mussé qui gens met au mourir, Yeulx sans pitié, ne veult droit de rigueur, Sans empirer, ung povre secourir ? Mieulx m'eust valu avoir esté serchier Ailleurs secours : ç'eust esté mon honneur. Riens ne m'eust sceu hors de ce fait hacher : Trocter m'en fault en fuyte et deshonneur. Haro, haro, le grant et le mineur ! Et qu'esse cy ? Mourray sans coup ferir ? Ou pictié veult, selon ceste teneur, Sans empirer, ung povre secourir ? Ung temps viendra qui fera dessechier, Jaunyr, flectrir vostre espanye fleur. Je m'en reisse, se tant peusse mascher Lors, mais nennil, ce seroit donc folleur : Viel je seray, vous laide, sans couleur. Or buvez fort, tant que ru peult courir ; Ne donnez pas a tous ceste douleur : Sans empirer, ung povre secourir. Prince amoureux, des amans le greigneur, Vostre mal gré ne vouldroye encourir, Mais tout franc cueur doit, par Nostre Seigneur, Sans empirer, ung povre secourir. XCIV Item, a maistre Ythier Marchant, Auquel mon branc laissay jadiz, Donne, mais qu'il le mecte en chant, Ce lay contenant des vers dix, Et au luz ung De profundiz Pour ses antiennes amours, Desquelles le nom je ne diz, Car il me hairoit a tousjours. Rondeau Mort, j'appelle de ta rigueur, Qui m'a ma maistresse ravie, Et n'es pas encore assouvie, Se tu ne me tiens en langueur. Onc puis n'eus force ne vigueur; Mais que te nuysoit elle en vie, Mort? Deux estions, et n'avions qu'ung cuer; S'il est mort, force est que devie, Voire, ou que je vive sans vie, Comme les images, par cuer, Mort! XCV Item, a maistre Jehan Cornu Autre nouveau laiz lui vueil faire, Car il m'a tousjours subvenu A mon grant besoing et affaire. Pour ce, le jardin lui transffaire Que maistre Pierre Bobignon M'arenta, en faisant reffaire L'uys et redrecier le pignon. XCVI Par faulte d'ung huys g'y perdiz Ung grez et ung manche de houe. Alors, huit faucons, non pas dix, N'y eussent pas prins une aloue : L'ostel est seur, mais qu'on le cloue. Pour enseigne y mis ung havet, Qui que l'ait prins, point ne m'en loue : Sanglante nuyt et bas chevet ! XCVII Item, et pour ce que la femme De maistre Piere Saint Amant Combien, se coulpe y a a l'ame, Dieu luy pardonne doulcement ! Me myt ou ranc de ca˙mant, Pour le Cheval Blanc qui ne bouge Luy changë a une jument Et la Mulle a ung asne rouge. XCVIII Item, donne a sire Denis Hyncelin, esleu de Paris, Quatorze muys de vins d'Aulnys Prins sur Turgis a mes perilz ; S'il en buvoit tant que periz En fust son sens et sa raison, Qu'on mecte de l'eaue es bariz : Vin pert mainte bonne maison. XCIX Item, donne a mon advocat, Maistre Guillaume Charüau, Quoy ? que Marchant ot pour estat, Mon branc ; je me taiz du fourreau. Il aura avec ce ung reau En change, affin que sa bource enffle, Prins sur la chaussee et carreau De la grant costure du Temple. C Item, mon procureur Fournier Aura pour toutes ses corvees Simple sera de l'espargnier En ma bource quatre havees, Car maintes causes m'a saulvees, Justes, ainsi Jhesuchrist m'aide ; Comme telles se sont trouvees, Mais bon droit a bon mestier d'aide. CI Item, je donne a maistre Jacques Raguier le Grand Godet de Greve, Pourveu qu'il paiera quatre placques, Deust il vendre, quoy qu'il luy griesve, Ce dont on coeuvre mol et greve, Aler nues jambes, en chappin, Se sans moy boyt, assiet ne lieve Au trou de la Pomme de Pin . CII Item, quant est de Merebuef Et de Nicolas de Louviers, Vache ne leur donne ne beuf, Car vachiers ne sont bouviers, Mais gans a porter espreviers Ne cuidez pas que je me joue, Et pour prendre perdrys, ploviers, Sans faillir sur la Machecoue. CIII Item, viengne Robert Turgis A moy, je luy paieray son vin ; Combien, s'il treuve mon logis, Plus fort fera que le devin. Le droit luy donne d'eschevin Que j'ay comme enffant de Paris. Se je parle ung poy poictevin, Ice m'ont deux dames apris. CIV Illes sont tres belles et gentes, Demourans a Saint Generou Prez Saint Julien de Voventes, Marche de Bretaigne a Poictou. Mais i ne di proprment ou Yquelles pensent tous les jours ; M'arme ! i ne suy moy si treffou, Car i vueil celer mes amours. CV Item, a Jehan Raguier je donne, Qui est sergent, voire des Douze, Tant qu'il vivra, ainsi l'ordonne, Tous les jours une tallemouze Pour boutter et fourrer sa mouse, Prinse a la table de Bailly ; A Maubué sa gorge arrouse, Car au mengier n'a pas failly. CVI Item, et au Prince des Sotz Pour ung bon sot Michault du Four, Qui a la foyz dit de bons motz Et chante bien « Ma doulce amour », Je lui donne, avec le bon jour ; Brief, mais qu'il fust ung peu en point, Il est ung droit sot de sejour Et est plaisant ou il n'est point. CVII Item, aux Unze Vingts sergens Donne car leur fait est honneste Et sont bonnes et doulces gens Denis Richier et Jehan Valecte A chascun une grant cornecte Pour pendre a leurs chappeaux de faultres, J'entens a ceulx a pié, hohecte ! Car je n'ay que faire des autres. CVIII De rechief donne a Perrenet, J'entens le bastart de la Barre, Pource qu'il est beau filz et net, En son escu, en lieu de barre, Trois dez plombez de bonne quarre Et ung beau joly jeu de cartes. Mais quoy ! s'on l'ot vecir ne poire, En oultre aura les fievres quartes. CIX Item, ne vueil plus que Chollet Dolle, trenche douve ne boise, Relie broc ne tonnelet, Mais tous ses houstiz changer voise A une espee lionnoise, Et retiengne le hutinet : Combien qu'il n'ayme bruyt ne noise, Sy lui plaist il ung tantinet. CX Item, je donne a Jehan le Lou, Homme de bien et bon merchant, Pource qu'il est linget et flou Et que Cholet est mal serchant Ung beau petit chiennet couchant, Qu'il ne laira poulaille en voye. Le long tabart est bien cachant Pour les mucer, qu'on ne les voye. CXI Item, a l'Orfevre de Boys Donne cent clouz, queues et testes, De gingembre sarrazionys, Non pas pour accouppler ses boictes, Mais pour joindre cuz et couëctes Et couldre jambons et andoulles, Tant que le let en monte aux tectes Et le sang en devalle aux coulles. CXII Au cappitaine Jehan Riou, Tant pour lui que pour ses archiers, Je donne six hures de lou, Qui n'est pas viande a porchiers, Prins a groz matins de bouchiers Et cuictes en vin de buffet ; Pour manger de ces morceaulx chiers, On en feroit bien ung mauffait. CXIII C'est viande ung peu plus pesante Que duvet n'est, plume ne liege ; Elle est bonne a porter en tante Ou pour user en quelque siege. S'ilz estoiënt prins en un piege, Que ces matins ne seussent courre, J'ordonne, moy qui suis son miege, Que des peaulx sur l'iver se fourre. CXIV Item, a Robinet Trouscaille, Qui en service, c'est bien fait, A pié ne va comme une caille Mais sur roncin gras et reffait, Je lui donne de mon buffet une jacte, qu'emprunter n'ose ; Sy aura mesnage parfait, Plus ne lui failloit autre chose. CXV Item, donne a Perrot Girard, Barbier juré du Bourg la Royne, Deux bacins et ung cocquemart, Puis qu'a gaignier mect telle peine. Des ans y a demye douzaine Qu'en son hostel de cochons gras M'apatella une sepmaine, Tesmoing l'abesse de Pourras. CXVI Item, aux Freres mendians, Aux Devotes et aux Beguines, Tant de Paris que d'Orleans, Tant Turlupins que Turlupines De graces souppes jacoppines Et flans leur faiz oblation; Et puis aprés, soubz ces courtines, Parler de contemplation. CXVII Ce ne suis je pas qui leur donne, Mais de tous enffans sont les meres, Et Dieu, qui ainsi les guerdonne, Pour quy seuffrent peines ameres. Il faut qu'il vivent, les beaulx peres, Et mesmement ceulx de Paris, S'ilz font plaisir a noz commeres, Ilz ayment ainsi leurs marys. CXVIII Quoy que maistre Jehan de Poullieu En voulsist dire et relicqua , Contraint et en publicque lieu Honteusement s'en revocqua. Maistre Jehan de Meun s'en mocqua De leur façon si fist Mathieu ; Mais on doit honnorer ce qu'a Honnoré l'Eglise de Dieu. CXIX Sy me soubzmectz, leur serviteur Et tout ce que puis faire et dire, A les honnorer de bon cueur Et obeir sans contredire. L'omme bien fol est d'en mesdire, Car soit a part ou en prescher Ou ailleurs, il ne fault pas dire, Ces gens sont pour eulx revanchier. CXX Item, je donne a frere Baude, Demourant en l'ostel des Carmes, Portant chierre hardie et baude, Une sallade et deux guisarmes, Que Detusca et ses gens d'armes Ne lui riblent sa caige vert ; Viel est : s'il ne se rent aux armes, C'est bien le deable de Vauvert. CXXI Item, pour ce que le seelleur Maint estront de mouche a machié, Donne, car homme est de valleur, Son seau d'avantaige crachié, Et qu'il ait le poulce escachié Pour tout empreindre a une voye ; J'entens celuy de l'Eveschié, Car les autres, Dieu les pourvoye ! CXXII Quant des auditeurs messeigneurs, Leur granche ilz auront lambroissee, Et ceulx qui ont les culz rongneux, Chacun une chaize persee, Mais qu'a la petite Macee D'Orleans, qui ot ma seinture, L'amende en soit bien hault tauxee, Elle est une mauvaise ordure. CXIII Item, donne a maistre Françoys, Promocteur, de la Vacquerie, Ung hault gorgerin d'Escossoys, Toutefoys sans orfaverie, Car, quant receut chevallerye, Il maugrea Dieu et saint George Parler n'en oit qui ne s'en rie Comme enragié, a plaine gorge. CXXIV Item, a maistre Jehan Laurens, Qui a les povres yeulx si rouges Pour le pechié de ses parens Qui boivent en baris et courges, Je donne l'envers de mes bouges Pour tous les matins les torchier ; S'il fust arcevesque de Bourges, Du cendail eust, mais il est cher. CXXV Item, a maistre Jehan Cotart, Mon procureur en court d'Eglise, Devoye environ ung patart, Car a present bien m'en advise Quant chicaner me feist Denise, Disant que l'avoye mauldicte. Pour son ame, qu'es cieulx soit mise, Ceste orroison j'ay cy escripte. Ballade et oraison Pere Noé, qui plantastes la vigne, Vous aussi, Loth, qui bustes ou rocher Par tel party qu'Amours, qui gens engingne, De voz filles si vous fist approucher Pas ne le dy pour le vous reproucher , Archedeclin qui bien seustes cest art, Tous trois vous pry que vous vueilliez prescher L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart. Jadis extraict il fut de vostre ligne Lui qui buvoit du meilleur et plus cher, Et ne deust il avoir vaillant ung pigne, Certes, sur tous c'estoit ung bon archer ; On ne luy sceust pot des mains arracher ; De bien boire ne feut oncques fetart. Nobles seigneurs, ne souffrez empescher L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart. Comme homme beu qui chancelle et trepigne L'ay veu souvent, quant il s'alloit coucher, Et une foiz il se fist une bigne, Bien m'en souvient, pour la pie juchier. Brief, on n'eust sceu en ce monde sercher Meilleur pion, pour boire tost et tart. Faictes entrer, quant vous orrez hucher, L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart. Prince, il n'eust sceu jusqu'a terre cracher. Tousjours crioit: « Haro, la gorge m'art ! » Et si ne sceust onc sa seuf estancher L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart. CXXVI Item, vueil que le jeune Marle Desormaiz gouverne mon change, Car de changer enviz me mesle, Pourveu que tousjours baille en change, Soit a privé soit a estrange, Pour troys escus six brectes targes, Pour deux angelotz ung grant ange, Car amans doivent estre larges. CXXVII Item, j'ay sceu en ce voyaige Que mes troys povres orphelins Sont creuz et deviennent en aage Et n'ont pas tetes de belins, Et qu'enffants d'icy a Salins N'a mieulx saichant leur tour d'escolle. Or, par l'ordre des Mathelins, Telle jeunesse n'est pas folle. CXXVIII Sy vueil qu'ilz voisent a l'estude ; Ou ? sur maistre Pierre Richier. Le Donat est pour eulx trop rude, Ja ne les y vueil empescher ; Ilz sauront, je l'ayme plus cher, Ave salus, tiby decus, Sans plus grans lettres enserichier : Tousjours n'ont pas clercs l'au dessus. CXXIX Cecy estudiënt, et ho ! Plus proceder je leur deffens. Quant d'entendre la grant Credo, Trop forte elle est pour telz enffans. Mon grand tabart en long je fens, Sy vueil que la moictié s'en vende Pour eulx en acheter des flans, Car jeunesse est ung peu friande. CXXX Sy vueil qu'ilz soient informez En meurs, quoy que couste basture. Chapperons aront enformez Et les poulces sur la sainture, Humbles a toute creature, Disans: « Han ? Quoy ? Il n'en est rien ! » Si diront gens, par adventure : « Vecy enffants de lieu de bien ! » CXXXI Item, a mes povres clergons, Ausquelz mes tiltres resigné Beaulx enfans et droiz comme joncs Les voyant m'en dessaisiné , Sans recevoir leur assigné, Seur comme qui l'aroit en paulme, A ung certain jour consigné, Sur l'ostel de Gueuldry Guillaume. CXXXII Quoy que jeunes et esbatans Soiënt, en riens ne me desplaist : Dedens trente ans ou quarante ans Bien autres seront, se Dieu plaist ! Il fait mal qui ne leur complest ; Ilz sont tres beaulx enfans et gens, Et qui les bat ne fiert fol est, Car enffans si deviennent gens. CXXXIII Les bources des Dix et Huit Clers Aront, je m'y vueil traveillier ; Pas ilz ne dorment comme loirs, Qui troys moys sont sans resveillier. Auffort, triste est le sommeillier, Qui fait aise jeune en jeunesse, Tant qu'en fin lui faille veillier Quant reposer deust en viellesse. CXXXIV Sy en rescriptz au collateur Lettres semblables et parreilles ; Or prient pour leur bien faicteur Ou qu'on leur tire les orreilles ! Aucunes gens ont grans merveilles Que tant m'encline vers ces deulx, Mais, foy que doy festes et veilles, Oncques ne vy les meres d'eulx. CXXXV Item, donne a Michault Cul d'Ou Et a sire Charlot Tarrenne Cent solz s'ilz demandent : « Prins ou ? » Ne leur chaille, ilz vendront de manne Et une houlse de basenne, Autant empeigne que semelle, Pourveu qu'ilz me salueront Jehanne, Et autant une autre comme elle. CXXXVI Item, au seigneur de Grigny, Auquel jadiz lessay Vissextre, Je donne la tour de Billy, Pourveu, se huys y a ne fenestre Qui soit ne debout ne en estre, Qu'il mecte tres bien tout a point ; Face argent a destre et senestre, Il m'en fault et il n'en a point. CXXXVII Item, a Thibault de la Garde .. Thibault ? je mens ; il a nom Jehan, Que luy donrai ge que ne perde ? Assez j'ay perdu tout cest an, Dieu y vueille pourvoir, amen ! Le Barillet ? Par m'ame, voire, Genevoys est plus antien Et plus beau nez a pour y boire. CXXXVIII Item, je donne a Basennier, Noctaire et greffier criminel, De giroffle plain ung pannier Prins sur maistre Jehan de Rüeil, Tant a Mautaint, tant a Rosnel, Et, avec ce dont de girofle, Servir de cueur gent et ysnel Le seigneur qui sert saint Christofle, CXXXIX Auquel ceste ballade donne Pour sa dame, qui tous bien a. S'Amour ainsi tous ne guerdonne, Je ne m'esbays de cela, Car au pas conquester l'ala Que tint Regnier, roi de Cecille, Ou si bien fist et peu parla C'onques Hector fist ne Troille. Ballade pour Robert d'Estouville Au point du jour, que l'esprevier s'esbat, Meu de plaisir et par noble coustume, Bruyt la mauviz et de joyë s'esbat, Reçoyt son per et se joinct a sa plume, Offrir vous vueil, ad ce desir m'alume, Joyeusement ce qu'aux amans bon semble : Sachiez qu'Amour l'escript en sa volume, Et c'est la fin pourquoy sommes ensemble. Dame serez de mon cueur sans debat, Entierement, jusques mort me consume, Lorrier soüef qui pour mon droit combat, Olivier franc m'otant toute amertume, Raison ne veult que je desacoustume, Et en ce vueil avec elle m'assemble De vous servir, mais que m'y acoustume, Et c'est la fin pourquoy sommes ensemble. Et qui plus est, quant dueil sur moy s'embat Par Fortune qui souvent si se fume, Vostre doulx oeil sa malice rabat Ne plus ne moins que le vent fait la fume. Sy ne pers pas la graine que je sume En vostre champ, quant le fruyt me ressemble ; Dieu m'ordonne que le fou˙sse et fume, Et c'est la fin pourquoy sommes ensemble. Princesse, oëz ce que cy vous resume : Que le mien cueur du vostre desassemble Ja ne sera ; tant de vous en presume, Et c'est la fin pourquoy sommes ensemble. CXL Item, a sire Jehan Perdriel, r Riens, n'a Françoy, son second frere ; Sy m'ont voulu tousjours aidier Et de leurs biens faire confrere, Combien que Françoys, mon compere, Langues cuisans, flambans et rouges, My commandement my priere, Me commanda fort a Bourges. CXLI Sy alé voir en Taillevent Ou chappitre de fricassure, Tout au long, derriere et devant, Lequel n'en parle jus ne sure ; Mais Macquaire, je vous asseure, A tout le poil cuisans ung deable Afin qu'il sentist bon l'arseure, Ce recipe m'escript sans fable : Ballade des langues ennuyeuses En riagar, en alcenic rochier, En orpiment, en salpestre et chaulx vive, En plomb boullant pour mieulx les esmorcher, En suye et poix destrempee de lessive Faicte d'estrons et de pissat de Juisve, En lavailles de jambes a meseaux, En raclure de piez et vieulx houzeaux, En sang d'aspic et drocques venimeuses, En fiel de loups, de regnars et blereaux, Soient frictes ces langues ennuyeuses ! En servelle de chat qui hait peschier, Noir et si viel qu'il n'ait dent en gencyve, D'un viel matin, qui vault bien aussi chier, Tout enragié, en sa bave et sallive, En l'escume d'une mulle poussive, Detrenchée menue a bons cyseaulx, En eaue ou ratz plungent groins et museaux, Regnes, crappaulx et bestes dangereuses, Serpens, laissars et telz nobles oiseaux, Soient frictes ces langues ennuyeuses ! En sublimé, dangereux a toucher Et ou nombril d'une couleuvre vive, En sang c'on voit es poillectes sechier Sur ces babriers, quant plaine lune arrive, Dont l'un est noir, l'autre plus vert que cyve, En chancre et fix et en ces ors cuveaulx Ou nourrisses essangent leurs drappeaux, En petits baings de filles amoureuses Qui ne m'entant n'ay suivy les bordeaux Soient frictes ces langues ennuyeuses ! Prince, passez tous ces frians morceaux, S'estamine, sacz n'avez ne bluteaux, Parmy le fons d'unes brayes breneuses, Mais paravant en estronc de pourceaux Soient frictes ces langues ennuyeuses ! CXLII Item, a maistre Andry Courault Les Contreditz Franc Gontier mande ; Quant du tirant seant en hault, A cestuy la riens ne demande : Le Saige ne veult que contende Contre puissant povre homme las, Affin que ses filletz ne tende Et qu'il ne trebuche en ses las. CXLIII Gautier ne crains : il n'a nulz hommes, Et mieulx que moy n'est herité ; Mais en ce debat cy nous sommes, Car il louë sa povreté, Estre povre yver et esté, Et a felicité reppute Ce que tiens a maleureté. Lequel a tort ? Or en discute. Ballade Les contreditz de Franc Gontier Sur mol duvet assiz, ung gras chanoine, Lez ung brasier, en chambre bien natee, A son costé gisant dame Sidoine, Blanche, tendre, polye et attintee, Boire ypocras a jour et a nuytée, Rire, jouer, mignonner et baiser, Et nud a nud, pour mieulx des corps s'aisier, Les vy tous deux par ung trou de mortaise. Lors je cogneuz que, pour dueil appaisier, Il n'est tresor que de vivre a son aise. Se Franc Gontier et sa compaigne Elayne Eussent ceste doulce vie hantee, D'oignons, cyvotz, qui causent forte alaine, N'acontassent une bise tostee. Tout leur maton ne toute leur potee, Ne prise ung ail, je le dy sans noisier. S'ilz se vantent couchier soubz le rosier. Lequel vault mieulx ? Lit costoyé de cheze ? Qu'en dictes vous ? Fault il ad ce muser ? Il n'est tresor que de vivre a son aise. De groz pain bis vivent, d'orge et avoyne, Et boyvent eaue tout au long de l'annee ; Tous les oyseaulx de cy en Babiloyne A tel escot une seulle journee Ne me tendroient, non une matinee. Or s'esbate, de par Dieu, Franc Goutier, Helayne o luy, soubz le bel esglantier ; Se bien leur est, cause n'ay qu'il me poise, Mais quoy que soit du laboureux mestier, Il n'est tresor que de vivre a son aise. Prince, jugiez, pour tost nous accorder ! Quant est moy, mais qu'a nulz ne desplaise, Petit enffant, j'ay o˙ recorder : Il n'est tresor que de vivre a son aise. CXLIV Item, pour ce que scet sa Bille Ma damoiselle de Bruyeres, Donne prescher hors l'Evangille A celle et a ses bachelieres, Pour retraire ces villotieres Qui ont le bec si affilé, Mais que ce soit hors cymetieres, Trop bien au Merchié au fillé. Ballade des femmes de Paris Quoy qu'on tient belles langagieres Florentines, Veniciennes, Assez pour estre messagieres, Et mesmement les anciennes; Mais, soient Lombardes, Rommaines, Genevoises, à mes perilz, Pimontoises, Savoisiennes, Il n'est bon bec que de Paris. De tres beau parler tiennent chayeres, Se dit on, les Neapolitaines, Et sont tres bonnes caquetieres Allemandes et Pruciennes; Soient Grecques, Egipciennes, De Hongrie ou d'autre pays, Espaignolles ou Castellaines, Il n'est bon bec que de Paris. Brettes, Suysses, n'y sçavent gueres, Gasconnes, n'aussi Toulousaines; De Petit Pont deux harangieres Les concluront; et les Lorraines, Engloises et Calaisiennes, Ay je beaucoup de lieux compris? Picardes de Valenciennes; Il n'est bon bec que de Paris. ENVOI Prince, aux dames Parisiennes De beau parler donne le pris; Quoy qu'on die d'Italiennes, Il n'est bon bec que de Paris. CXLV Regarde m'en deux, troys assises Sur le bas du ply de leurs robes En ces moustiers, en ces eglises ; Tire t'en près et ne te hobes ; Tu trouveras la que Macrobes Oncques ne fist telz jugemens. Entens, quelque chose en desrobes : Ce sont tous beaulx enseignemens. CXLVI Item, et au mont de Montmartre, Qui est ung lieu moult antien, Je lui donne et adjoincts le tertre Qu'on dit de mont Valerien, Et oultre plus un quartier d'an Du pardon qu'apportay de Romme ; Sy yra maint bon chrestien En l'abbaye ou il n'entre homme. CXLVII Item, varletz et chamberieres De bons hostelz riens ne me unyt ! Feront tartes, flans et goyeres Et grans raliatz a mye nuyt Riens n'y font sept pintes ne huit Tant que gisent seigneur et dame , Puis aprés, sans mener grant bruyt, Je leur ramentoy le jeu d'asne. CXLVIII Item, et a filles de bien, Qui ont peres, meres et antes, Par m'ame, je ne donne rien, Car j'ay tout donné aux servantes. Sy feussent ilz de peu contentes Grant bien leur feissent mains loppins, Aux povres filles, ennementes, Qui se perdent aux Jacoppins, CXLIX Aux Celestins et aux Chartreux ; Quoy que vie mainent estroicte, Sy ont ilz largement entre eulx Dont povres filles ont souffrecte; Tesmoing Jacqueline, et Perrecte, Et Ysabeau qui dit : « Enné ! ». Puis qu'ilz en ont telle disecte, A peine en seroit on dampné. CL Item, a la Grosse Margot, Tres doulce face et pourtraicture, Foy que doy, brulare bigot, A si devocte creature, Je l'ayme de propre nature, Et elle moy, la doulce sade , Qui la trouvera d'aventure, Qu'on lui lise ceste ballade. Ballade de la Grosse Margot Se j'ayme et sers la belle de bon het, M'en devez vous tenir ne vil ne sot ? Elle a en soy des biens affin soubzhet ; Pour son amour seins boucler et passot. Quant viennent gens, je cours et happe ung pot, Au vin m'en voys, sans demener grant bruyt ; Je leur tens eaue, froumaige, pain et fruyt. S'ilz paient bien, je leur diz : «Bene stat, Retournez cy, quant vous serez en ruyt, En ce bordeau ou tenons nostre estat. » Mais adoncques, il y a grant deshet, Quant sans argent s'en vient coucher Mergot ; Voir ne la puis, mon cueur a mort la het. Sa robe prens, demy seint et seurcot, Sy luy jure qu'il tendra pour l'escot. Par les costez se prent, c'est Antecrist, Crye et jure, par la mort Jhesucrist Que non fera. Lors empoingne ung esclat, Dessus son nez lui en faiz ung escript, En ce bordeau ou tenons nostre estat. Puis paix se fait, et me fait ung groz pet, Plus enffle qu'un velimeux escarbot. Riant, m'assiet son poing sur mon sommet, Gogo me dit, et me fiert le jambot ; Tous deux yvres dormons comme ung sabot. Et au resveil, quant le ventre lui bruyt, Monte sur moy, que ne gaste son fruyt, Soubz elle geins, plus qu'un aiz me fait plat ; De paillarder tout elle me destruyt, En ce bordeau ou tenons nostre estat. Vente, gresle, gesle, j'ay mon pain cuyt. Je suis paillart, la paillarde me suyt. Lequel vault mieulx ? Chascun bien s'entressuyt, L'un vault l'autre, c'est a mau rat mau chat. Ordure aimons, ordure nous affuyt; Nous deffuyons honneur, il nous deffuyt, En ce bordeau ou tenons nostre estat. CLI Item, a Marion l'Idolle Et la grant Jehanne de Bretaigne Donne tenir publicque escolle Ou l'escollier le maistre enseigne. Lieu n'est ou ce merchié ne tiengne, Synom a la grisle de Meun ; De quoy je diz: « Fy de l'enseigne, Puisque l'ouvrage est si commun ! » CLII Item, et a Noel Jolis, Autre chose je ne lui donne Fors plain poing d'oziers frez cueilliz En mon jardin je l'abandonne : Chastoy est une belle aumosne, Ame n'en doit estre marry : Unze vings coups luy en ordnne Livrez par les mains de Henry. CLIII Item, ne sçay qu'a l'Ostel Dieu Donner, n'a povres hospitaulx. Bourdes n'ont icy temps ne lieu, Car povres gens ont assez maulx. Chacun leur envoyë leurs oz : Les Mendians ont eu mon oye ; Au fort, ilz en auront lez oz ; A meunes gens menue monnoye. CLIV Item, je donne a mon barbier, Qui se nomme Colin Galerne, Pres voisin d'Angelot l'erbier, Ung gros glaçon prins ou ? en Marne , Afin qu'a son aise s'yverne. De l'estomac le tiengne pres : Se l'iver ainsi se gouverne, Il aura chault l'esté d'aprés. CLV Item, riens aux Enffans Trouvés, Mais les perduz falut que consolle ; Sy doivent estre retrouvez, Par droit sur Marion l'Idolle. Une lecon de ma escolle Leur liray, qui ne dure guerre ; Teste n'ayent dure ne folle, Escoutent ! et car c'est la derniere. Belle leçon de Villon aux enfans perduz CLVI «Beaulx enfants, vous perdez la plus Belle roze de vo chappeau ; Mes clercs pres prenans comme glus, Se vous alez a Montpipeau Ou a Rüel, gardez la peau, Car pour s'esbatre en ces deux lieux, Cuidant que vaulsist le rappeau, Le perdyt Colin de Cayeulx. CLVII «Ce n'est pas ung jeu de troys mailles, Ou va corps, et peult estre l'ame. Qui pert, riens n'y font repantailles C'on n'en meurre a honte et diffame, Et qui gaigne n'a pas a femme Dido, la royne de Cartaige. L'omme est donc bien fol et infame Qui pour si peu couche tel gaige. CLVIII «Q'un chacun encores m'escoute : On dit, et il est verité, Que charecterie se boit toute, Au feu l'ivre, au boys l'esté: S'argent avez, il n'est quicté, Mais le despendez tost et viste ; Qui en voyez vous herité ? Jamais mal acquest ne proufficte. Ballade de bonne doctrine à ceux de mauvaise vie Car ou soies porteur de bulles, Pipeur ou hasardeur de dez, Tailleur de faulx coings, tu te brusles, Comme ceulx qui sont eschaudez, Traistres parjurs, de foy vuydez; Soies larron, ravis ou pilles: Où en va l'acquest, que cuidez? Tout aux tavernes et aux filles. Ryme, raille, cymballe, luttes, Comme fol, fainctif, eshontez; Farce, broulle, joue des fleustes; Fais, es villes et es citez, Farces, jeux et moralitez; Gaigne au berlanc, au glic, aux quilles. Aussi bien va or escoutez Tout aux tavernes et aux filles. De telz ordures te reculles; Laboure, fauche champs et prez; Sers et pense chevaulx et mulles; S'aucunement tu n'es lettrez; Assez auras, se prens en grez. Mais se chanvre broyes ou tilles, Ne tens ton labour qu'as ouvrez Tout aux tavernes et aux filles. ENVOI Chausses, pourpoins esguilletez, Robes, et toutes voz drappilles, Ains que vous fassiez pis, portez Tout aux tavernes et aux filles. CLIX «A vous parle, compains de galle, Mal des amers et bien du corps : Gardez vous tous de ce mau halle Qui noircist les gens quant sont mors ; Eschevez le, c'est ung mal mors. Passez vous au mieulx que pourrez Et, pour Dieu, soiez tous recors : Une foyz viendra que mourrez.» CLX Item, je donne aux .XV. Vings Qu'autant vauldroit nommer Troys Cens De Paris, non pas de Prouvins, Car a eulx tenu je me sens ; Ilz auront, et je m'y consens, Sans les estuiz, mes grans lunectes, Pour mectre a part, aux Innocens, Les gens de bien des deshonnestes. CLXI Icy n'y a ne riz ne jeu. Que leur valut avoir chevances N'en grans liz de parements jeu, Engloutir vins, engrossir pances, Mener joyes, festes et dances, Et de ce fere prest a toute heure ? Toutes faillent telles plaisances, Et la coulpe si en demeure. CLXII Quand je considere ces testes Entassées en charniers, Tous furent maistres des Requestes, Au moins de la Chambre aux deniers, Ou tous furent portepaniers ; Autant puis l'un que l'autre dire, Car d'esveques ou lanterniers Je n'y congnois rien a reddire. CLXIII Et icelles qui s'enclinoient Unes contre autres en leurs vies, Desquelles les unes regnoient Des autres craintes et servies, La les voy toutes assouvies, Ensemble en ung tas, pesle mesle ; Seigneuries leur sont ravies, Clerc ne maistre ne s'i appelle. CLXIV Or sont ilz morz, Dieu ait leurs ames ! Quant est des corps, ilz sont pourriz, Aient esté seigneurs ou dames, Souëf et tendrement nourriz De cresme, froumentee ou riz, Et les oz declinent en pouldre, Auxquelz ne chault d'esbatz ne riz. Plaise au doulx Jhesus les assouldre ! CLXV Aux trespassez je faiz ce laiz Et icelluy je communicque A regens cours, sieges, palaiz, Hayneurs d'avarice l'inicque, Lesquelz pour la chose publicque Se seichent les oz et les corps : De Dieu et de saint Dominicque Soient sbsolz, quant seront mors ! CLXVI Item, riens a Jacquet Cardon, Car je n'ay riens pour luy d'onneste Non pas que le gecte habandon Synon ceste bergeronnecte ; S'elle eust le chant Marionnecte Fait pour Marion la Peautarde, Ou d'Ouvrez vostre huys Guillemete, Elle alast bien a la moustarde. Chanson Au retour de dure prison Ou j'ai laissé presque la vie, Se Fortune a sur moy envie, Jugiez s'elle fait mesprison. Il me semble que, par raison, Elle deust bien estre assouvye, Au retour. Se sy plaine est de desraison Que vueille que du tout desvie, Plaise a Dieu que l'ame ravye En soit lassus en sa maison ! Au retour! CLXVII Item, donne a maistre Lomer, Comme extraict que je suis de fee, Qu'il soit bien amé mais d'amer Fille en chief ou femme coeffee, Ja n'en ayt la teste eschauffee ! Et qu'il ne ly couste une noix Faire ung soir cent fois la faffee, En despit d'Augier le Danois. CLXVIII Item, donne aux amans enfermes, Sans le laiz Alain Chartier, A leurs chevetz de pleurs et lermes Trestout fin plain ung benoistier, Et ung petit brain d'esglantier En tous temps vert pour guepillon, Pourveu qu'ilz diront ung psaultier Pour l'ame du povre Villon. CLXIX Item, a maistre Jacques James, Qui se tue d'amasser biens, Donner fiancer tant de femmes Qu'il vouldra, mais d'espouser, riens ! Pour quy amasse il ? Pour les sciens ; Il ne plaint fors que ses morceaux ; Ce qui fust aux truyes, je tiens Qu'il doit de droit estre aux pourceaux. CLXX Item, le camus Seneschal, Qui uneffoys paia mes debtes, En recompence mareschal Sera pour ferrer oyes, canectes. En luy envoyant ces sornectes Pour soy desennuyer; combien, S'il veult, face en des alumectes : De beau chanter s'ennuyt on bien. CLXXI Item, au Chevalier du guet Je donne deux beaux petiz paiges, Philbert et le gros Marcquet, Lesquelz servy, dont sont plus saiges, La plus partie de leurs aages, Ont le prevost des mareschaulx. Helas ! s'ilz sont cassez de gaiges, Aller les fauldra tous deschaulx. CLXXII Item, a Chappelin je laisse Ma chappelle a simple tonsure, Chagree d'une seiche messe Ou il ne fault pas grant lecture. Resiné lui eusse ma cure, Mais point ne veult de charge d'ames ; De confesser, ce dit, n'a cure, Synon chamberieres et dames. CLXXIII Pource que scet bien mon entente Jehan de Calaiz, honnorable homme, Qui ne me vist des ans a trente Et ne scet comment on me nomme, De tout ce testament, en somme, S'aucun y a difficulté, L'oster jusqu'au rez d'une pomme Je lui en donne faculté. CLXXIV De le gloser et commenter, De le diffinir et descripre, Diminuer ou augmenter, De le canceller et prescripre De sa main, et ne sceut escripre, Interpreter et donner sens A son plaisir, meilleur ou pire, A tout cecy je m'y consens. CLXXV Et s'aucun, dont n'ay congnoissance, Estoit alé de mort a vie, Je vueil et luy donne puissance, Affin que l'ordre soit suyvie Pour estre mieulx parassouvye, Que ceste aulmosne ailleurs tranporte, Car s'il l'applicquoit par envye, A son ame je m'en rapporte. CLXXVI Item, j'ordonne a Saincte Avoye, Et non ailleurs, ma sepuluture ; Et affin qu'un chascun me voye, Non pas en char, mais en painture, Que l'en tire mon estature D'encre, s'il ne coustoit trop cher ; De tombel, riens, je n'en ay cure, Car il greveroit le planchier. CLXXVII Item, vueil qu'autour de ma fosse Ce qui s'enssuit, sans autre histoire, Soit escript en lectre assez grosse Qui n'auroit point d'escriptouoire, De charbon ou de pierre noire Sans en riens entamer le plastre ; Au moins sera de moi memoire, Telle qu'elle est d'un bon follastre : EPITAPHE CLXXVIII CY GIST ET DORT EN CE SOLLIER, QU'AMOURS OCCIST DE SON RAILLON, UNG POVRE PETIT ESCOLLIER, QUI FUST NOMÉ FRANÇOYS VILLON. ONCQUES DE TERRE N'EUT SILLON. IL DONNA TOUT, CHASCUN LE SCET: TABLES, TRESTEAULX, PAIN, CORBEILLON. GALLANS, DICTES EN CE VERSET: VERSET ou rondeau Repos eternel, donne à cil, Sire, et clarté perpetuelle, Qui vaillant plat ni escuelle N'eut oncques, n'ung brain de percil. Il fut rez, chief, barbe et sourcil, Comme ung navet qu'on ret ou pelle. Repos eternel donne à cil. Rigueur le transmit en exil, Et luy frappa au cul la pelle, Non obstant qu'il dit: "J'en appelle!" Qui n'est pas terme trop subtil. Repos eternel donne à cil. CLXXIX Item, je vueil qu'on sonne a bransle Le gros beffroy, qui est de voirre, Combien qu'il n'est cueur qui ne tremble Quant de sonner est a son erre. Sauvé a mainte belle terre, Le temps passé, chascun le scet : Fussent gens d'armes ou tonnoirre, Au son de luy, tout mal cessoit. CLXXX Les sonneurs auront quatre miches, Et se c'est peu, demye douzaine Autant n'en donnent les plus riches Mais ilz seront de saint Estienne. Volant est homme de grant peine : L'un en sera ; quant g'y regarde, Il en vivra une sepmaine. Et l'autre ? Auffort, Jehan de la Garde. CLXXXI Pour tout ce fournir et parfaire, J'ordonne mes executeurs Ausquelz fait bon avoir affaire Et contentent bien leurs debteurs. Ilz ne sont pas moult grans vanteurs Et ont bien de quoy, Dieu mercys ! De ce fait seront directeurs. Escryptz : je t'en nommeray six. CLXXXII C'est maistre Mertin Bellefoye, Lieutenant du cas criminel. Qui sera l'autre ? G'y pensoye : Ce sera sire Colombel ; S'il lui plaist et il lui est bel, Il entreprendra ceste charge. Et l'autre ? Michel Juvenel. Ces trois seulz et pour tout j'en charge. CLXXXIII Mais, ou cas qu'ilz s'en excusassent En redoubtant les premiers fraiz, Ou totallement reffusassent, Ceulx qui s'enssuivent cy aprés Insitue, gens de biens tres : Phelippe Bruneau, noble escuier ; Et l'autre ? Son voisin d'emprés, Sy est maistre Jaques Raiguier. CLXXXIVI Et l'autre ? Maistre Jacques James : Troys hommes de biens et d'onneur, Desirans de sauver leurs ames Et doubtants Dieu nostre seigneur. Plus tost y mecteront du leur Que ceste ordonnance ne baillent ; Point n'auront de contreroleur, Mais a leur seul plaisir en taillent. CLXXXV Des testamens qu'on dit le Maistre De mon fait n'orra quy ne quot, Mais ce fera ung jeune prestre Qui est nommé Thomas Tricqot. Voulentiers busse a son escot, Et qu'il me coutast ma cornecte ; S'il sceust jouer en ung tryppot, Il eust de moy le Trou Perrecte. CLXXXVI Quant au regard du luminaire, Guillaume du Ru j'y commectz ; Pour porter les coings du suaire, Aux executeurs le remectz. Trop plus me font mal c'onques maiz Barbe, cheveux, penil, sourcys ; Mal me presse, temps desormaiz Que crye a toutes gens mercys. Ballade de mercy A Chartreux et a Celestins, A Mendians et a Devoctes, A musars et clacque patins, A servans et filles mignoctes Portans seurcoz et justes coctes, A cuidereaux d'amour transsiz Chauçans sans mehain fauves boctes, Je crye a toutes gens mercys. A fillectes monstrans tetins Pour avoir plus largement hostes, A ribleurs, menneurs de hutins, A batelleurs, trayans mermoctes, A folz, folles, a sotz, a soctes, Qui s'en vont cyfflant six a six, A vecyes et mariotes, Je crye a toutes gens mercys. Synon aux traitres chiens matins Qui m'ont fait ronger dures crostes, Macher mains soirs et mains matins, Que ores je ne crains trois croctes. Je feisse pour eulx petz et roctes; Je ne puis, car je suis assiz. Auffort, pour esviter rioctes, Je crye a toutes gens mercys. C'on leur froisse les quinze costes De groz mailletz, fors et massiz, De plombees et telz peloctes ! Je crye a toutes gens mercys. Ballade de conclusion Icy se clost le testament Et finist du povre Villon Venez a son enterrement, Quand vous orez le carrillon, Vestuz rouge come vermeillon, Car en amours mourut martir ; Ce jura il sur son coullon, Quant de ce monde voult partir. Et je croy bien que pas n'en ment ; Car chassié fut comme ung soullon, De ses amours hayneusement, Tant que, d'icy a Roussillon Brosses n'y a ne brossillon Qui n'eust, ce dit il sans mentir, Ung lambeau de son cotillon, Quant de ce monde voult partir. Il est ainsi et tellement : Quant mourut n'avoit qu'un haillon ; Qui plus, en mourant, mallement L'espoignoit d'Amours l'esguillon ; Plus agu que le ranguillon D'ung baudrier lui faisoit sentir C'est de quoy nous esmerveillon , Quant de ce monde voult partir. Prince gent comme esmerillon, Saichiez qu'il fist au departir : Ung traict but de vin morillon, Quant de ce monde voult partir. Source: http://www.poesies.net