9 286 EXTRA ITS DE DIDEROT elles se rendent a un troisieme bassin, au milieu duquel elles s'elevent en jei. La coupe et ces trois bassins sont places les uns au-dessous des autres, en pente, sur une assez longue distance. Le dernier est environnc de vieux tilleuls. lis sont maintenant en fleur; en Ire chaque tilleul on a construit des bancs de pierre : c'est la que je suis a cinq beures. Mes yeux errent sur le plus beau paysage du monde'. C'est une cbaine de inontagnes cn-trecoupees de jardins et de maisons, au bas desquelles serpente un ruisseau qui arrose des pres, et qui, grossi des eaux de la fontaine et de quelques autres, va se perdre dans une plaine. Je passe dans cet endroit des heures a lire, a mediter a contempler la nature, et a rever a mon aniie. Oh! qu'on serait bien trois sur ce banc de pierre! C'est le rendez-vous des ainanls du canton, et le mien. lis y vont lo soir, lorsquo la fin de la journee est venue suspendre leurs travaux, et les rendre les uns aux autres. La journee a du leur paraitre bien longue, et la soiree doit leur paraitre bien courte. Tandis que je suis la, mon frere, ma sa'ur et un ami arrangent nos affaires, II me tarde bien qu'ils aient fait. Voici un trait qui m'a louche, et qui vous touchera. Mon pere avait une amie c'etait une parente pauvre, bonne femme a peu pres de son age ils toiubcnt ma-lades presque en meine lemps mon pere mourul lejour de la Pentecote. Elle apprit sa mort et mourut le lende-main. 11a soeur lui t'erina les yeux, et on les a enterres l'un a cote de l'autre. Fermer les yeux est une expression figures a Paris ici, c'est une action d'luunanilc reelle. Ma sceur me racontait hier qu'un lils, qui etait a cote du lit de son pere expirant, crutqu'il etait temps de lui rendre ce dernier devoir II se, trompa sun pere sentit sa main, rnuvrit les yeux, et lui dit : « Mon tils, dans un instant ». 1. Ll est bon de se rappeler que Diderot est de Langres. CGRFtESPONDANCE. 'AS; 0 mon amie! quelle tache mon pere m'a imposee, si je veux jamais ineriter les homuiages qu'oH rend a sa memnire! II n'y a ici qu'un mauvais portrait de cet homme de bien mais ce n'est pas ma faute. Si les in-firmiles lui eussent permis de venir a Paris, mon des-sein etait de le laire representer a son etahli, dans ses habits d'ouvrier la tete nue, les yeux leves vers le ciel, et la main elendue sur le front de sa pelite-lille, qu'il aurait benie.... Depuis que j'ai quitte cette ville, tous ceux que j'y connaissais sontmorts : je n'y ai retrouve qu'une femme, amie d'une jeune fille crae j'aimais autrefois, et qui n'est plus. J'ai rem cette femme avec joie nous avons un peu cause de notre ancien temps. II faut que je vous raconte d'elle queique chose qui vous touchera. Peu de temps apres la mort de son amie et de la mienite, je tis un voyage en province. Je sortais un jour de chez moi, elle dechez elle : elle m'invita a Paccompagner ii l'egiise je lui donnai le bras. Lorsque nous fumes sur le cime-liere, elle detourna la tete, et me montrn flu doil 1'en-droit oil celle que nous avions aimee l'un el l'autre etait deposee. Jugez de I'impression que son silence et son geste (irent sur moi! Je jouis maintenant un peu plus de mon ame. J'ai fait le bien que je desirais j'ai rapproche mon frere et ma sceur, nous nous sommes embrasses lous les trois leurs larmes se sont melees ils vivront ensemble puis-sent-ils se rendre heureux!