SAINT GEN EST comédien paykn REPRESENTANT LE MARTYRE D'ADRIEN TRAGÉDIE 1646 PBRS0NNAGE3 DIOCLÉTIEN, emperenr. MAXIMIN, empereur. VALERIE, Alle de Dioclétien. CAMILLE, suivante de Valeria. PLANCIEN, préfet. GENEST, comedian. MARCELLE, comedienne. OCTAVE, comédien. SERGESTE, comédien. LENTULE, comédien. ALB IN, comédien. UN DÉCORATEUR. UN GEOLIER. UN PAGE. ADRIEN , représenté par Genest NATALIE, par Marcelli FLA VIE, MAXIMIN, ANTIf ISME, UN GARDE, UN GEOLIER, Buns ds soldais kt gaxdm. par Sergesto. par Octavo, par Lentui*. par Albin. ACTE I, SCENE I. ACTE PREMIER SCENE I VALÉRIE, CAMILLE. CAMILLE. Quoi 1 vons ne sauriez vaincre une frayeur si vaine? Un songe, une yapeur vous cause de la peine, A vous sur qui le Ciel déployant ses trésors, Mit un insigne d'esprit dans un si digne corps ! VALERIE. Le premier des Césars apprit bien que les songes Ne sont pas loujours faux et toujours des mensonges; Et la force d'esprit doni il fut lant vanté, Pour l'avoir conseillé, lui coůta la clarté. Le Ciel, comme il lui plait, nous parle sans obstacle ; S'il veut, la voix d'un songe est celle d'un oracle, Et les songes, surtout tarrt de fois répétés, Ou toujours, ou souvent, disent des vérilés. Déjá cinq ou six nuits á ma triste pensée Ont de ce vil hymen la vision tracée, M'ont fait voir un berger avoir assez d'orgueil Pour prétendre á mon lit, qui serait mon cercueil, El l'empereur, mon pere, avecque violence, De ce présomptueux appuyer l'msoleoce. Je puis, s'il m'est permis, et si la vérité Dispense les enfants á quelque liberté, De sa mauvaise humeur craindre un mauvais office; Je connais son amour, mais je crains son caprice, Et vois qu'en tout rencontre il suit aveuglément La bouillante chaleur d'un premier mouvement. Sut-il considérer, pour son propre hyménée, Sous quel joug il baissait sa téte couronnée, Quand, empereur, il fit sa couche et son État Le prix de quelques pains qu'il emprunta soldat, Et, par une faibíesse á nulle autre seconde, S'associa ma mere á l'empire du monde? Dermis, Rome souffrit et ne réprouva pas Qu il commit un Alcide au fardeau d'un Atlas, Qu'on vit sur l'univers deux tétes souveraineí, 1 202 SAINT GENEST. ACTE II, SCENE II. 293 Iii ACTE DEUXIEME SCENE I (Le thoatre s'ouvre.) GENEST, s'habillanl, et tenant son rfil«; LE DECORATEUR. GENEST. II est beau; mais encore, avec peu de depense, Vous pouviez ajouler ä la magnificence, N'y laisser rien d'aveugle, y mettre plus dejour, Donner plus de hauteur aux travaux d'alenlour, En marbrer les dehors, en jasper les colonnes, Enrichir les lympans, leurs cimes, leurs couronnes, Mettre en vos coloris plus de diversity, En vos carnations- plus de vivacite, Draper raieux ces habiLs, reculer ces paysages, Y lancer des jets d'eau, renfondrer leurs ombrages, Et surtout en la toile oü vous peignez vos cieux Faire un jour naturel au jugement des yeux, Au lieu que la couleur m'en semble un peu meurtrie. i.e DECORATEUB. Le temps nous a manque" plulöt que l'industrie; Joint qu'on voit mieux de loin ces raccourcissemcnts, Ces corps sortant du plan de ces refondrements; L'approcbe ä ces dessins 6te leurs perspectives, En confond les faux jours, rend leurs conleurs moins vives, Et, comme ä la nature, est nuisible ä notre art A qui l'eloignement semble apporter du fard : La grace une autre fois y sera plus entiere. GENEST. Le temps nous presse; allez, pr^parez la lumiere. (Le decorateur sorL) (II lit son rdle.) « Ne delibere plus, Adrien, il est temps « De suivre avec ardeur ces fameux combattants : « Si la gloire te plait, l'occasion est belle; « La querelle du ciel ä ce combat t'appelle ; « La torture, le fer et la Hamme t'attend : « Olfre ä leurs cruautes un cceurferme et constant; « Laisse ä de laches cceurs verser d'indignes larmes, « Tendre aux tyrans les mains et mettre bas les armes; o Offre ta gorge aufer, vois-en couler ton sang, « Et meurs sans t'ebtranler, debout et dans ton rang. (II rcp6te encore ces quatre derniers vers.) « Laisse a de laches coeurs verser d'indignes larmes, « Tendre aux lyrans les mains et mettre bas les armes; « Offre ta gorge au fer, vois-en couler ton sang, « Et meurs sans t'ebranler, debout et dans ton rang. » SCENE II MARCELLE, aclicvant de s'habiller, et tenant son role; GENEST. MARCELLE. Dieux! comment en ce lieu faire la comedie? De combien d'importuns j'ai la tele etourdiel Combien, a les ouir, je fais de languissants I Par combien d'attentats j'entreprends sur les sens! Ma voix rendrait les bois et les rochers sensibles; Mes plus simples regards sont des meurtres visibles; Je foule autant de coeurs que je marche de pas; La troupe, en me perdant, perdrait tous ses appas. Enfin, s'ils disent vrai, j'ai lieu d'Stre bien vaine. De ces faux courtisans toute ma loge est pleine; Et, lasse au dernier point d'entendre leurs douceurs, Je les en ai laisses ansolus possesseurs. Je crains plus que la mortcette engeance idolatre De lutins imporluns qu'engendre le theatre, Et que la quality de la profession Nous oblige a souffrir avec discretion. GENEST. Outre le vieil usage ou nous trouvons le monde, Les vanit^s encor dont votre sexe abonde Yous font avec plaisir supporter cet ennui, Par qui tout votre temps devient le temps d'autrui. Avez-vous repass^ cet endroit path^tique Oii Flavie en sortant vous donne la replique, Et vous souvenez-vous qu'il s'y faut exciter? MARCELLE, lui donnant son rdle. J'en prendrais votre avis, oyez-moi reciter : (Kile repttc.) « J'ose a present, 6 Ciel, d'une vue assured, « Contempler les brillanls de tavoute azur^e, « Et nier ces faux dieux qui n'ont jamais foul6 294 SAINT GENEST. « De ce palais roulant le lambris eloile. « A ton pouvoir, Seigneur, mon epoux rend hommagej « II prof esse ta foi, ses fers t'en sont un gage ; « Ce redoutable fleau des dieux sur les Chretiens, « Ce lion altere du sacre sang des tiens, « Qui de tant d'innocents crut la mort legitime, « De ministre qu'il fut, s'offre enfin pour victime, « -Et, patient agneau, tend a ses ennemis « Un col a ton saint joug heureusemenl soumis. » GENEST. Outre que dans la cour qtie vous avez charmee On sait quevotre estime est assez confirmee, Ce r6cit me surprend, et vous peut acquerir Un renom au theatre a ne jamais mourir. MARCELLB. Vous m'en croyez bien plus que je ne m'en presume. GENEST. La cour viendra bientot; commandez qu'on allume. (Miircclle sort.) (II repasse son role.) .« 11 serait, Adrien, honteux d'etre vaincu; « Si ton Dieu veut ta mort, c'est deja trop v6cu; « J'ai vu, Ciel, tnle sais par le nombre des ames « Que j'osai t'envoyer par des chemins de flammes, « Dessus les grils ardents et dedans les taureaux « Chanter les condamnes et trembler les boiirreaux. (II repete ees qnatre derniers vers.) « J'ai vu, Ciel, tu le sais par le nombre des ames « Que j'osais t'envoyer par des chemins de flammes, « Dessus les grils ardents et dedans les taureaux « Chanter les condamnes et trembler les bourreaux. » Dieux, prenez contre moi ma defense et la v6tre; D'effet comme de nom je me trouve etre un autre; Je feins moins Adrien que je ne le deviens, Et prends avec son nom des sentiments Chretiens. Je sais, pour l'6prouver, que par un long 6tude L'art de nous transformer nous passe en habitude; Mais il semble qu'ici des verit6s sans fard Passent et l'habitude et la force de l'art, Et que Christ me propose une gloire eternelle Contre qui ma defense est vaine et criminelle; J'ai pour suspects vos noms de dieux et d'immortels, Je r^pugne aux respects qu'on rend a vos autcls; Mon esprit, h vos lois secretement rebelle, 296 ACTE II, SCENE III. En congoit un mepris qui fait mourir son zele, Et, comme de profane enfin sanotifie, Semble se declarer pour un crucifie. Mais oh va ma pensee, et par quel privilege Presque insensiblement passe-je au sacrilege, Et du pouvoir des dieux perds-je le souvenir? 11 s'agit d'imiter et non de devenir. (Le ciel s'ouvre avec des flammes.) UNE VOIX, Poursuis, Genest, ton personnage; Tu n'imiteras point en vain ; Ton salut ne depend que d'un peu de courage. Et Dieu t'y pretera la main. GENEST. Qu'entends-je, juste Ciel, etpar quelle meryeille, Pour me toucher le coeur, me frappes-tu l'oreille? Souffle doux et sacr(5 qui me viens enflammer, Esprit saint et divin qui me viens animer, Et qui, me souhaitant, m'inspires le courage, Travaille a mon salut, acheve ton ouvrage, Guide mes pas douteux dans le chemin des cieux, Et pour me les ouvrir dessilje-moi les yeux. Mais, 6 vaine creance et frivole pensee, Que du ciel cette voix me doive etre adress6e ! Quelqu'un, s'apercevant du caprice ou j'etois, S'est voulu divertir par celle feinle voix. Qui d'un si prompt effet m'excite tant de flamme, Et qui m'a penelre jusgu'au profond de Tame. Prenez, dieux, contre Christ, prenez votre parti, Dont ce rebelle coeur s'est presque d6parti; Et toi contre les dieux, 6 Christ, prends ta defense, Puisqu'a tes lois ce Goeur fait encor resistance, Et dans l'onde agitSe ou floltent mes esprits Terminez votre guerre, et m'en faites le prix. Rendez-moi le repos dont ce trouble me prive. SCENE III LE DEKORATEUR, venant «Homer les chandelles, GENEST. LE PECORATEÜB. Hätez-vous, il est temps; toute la cour arrive. GENEST. Allons, tu m'as distrait d'un röle glorieux m 1 1 11 SAINT GENEST, Que je représentais devant la coar des cieux, Et de qui Taction est d'importance extreme, Et n'a pas un objet moindre que le ciel méma. Préparons la musique, et laissons-les placer. LI5 dégorateur, i part. II repassait son rule et s'y vent surpasser. (lis sortent.j SCENE IV DIOCLÉTÍEN, MAXIMÍN, VALÉRIE, CAMHXE, PLANCIEN, sol dats, gardes. valérie. Mon goůt, quoi qu'il en soit, est pour la tragédie : L'objet en esL plus haut, Taction plus hardie, Et les pensers pompeux et pleins de majesté Lui donnent plus de poids et plus ďautorité. maxi.vi in. Elle Temporte enfin paries illustres marques D'exempte des biros, d'orneraent des lnonarques, De regle et de mesure ä leurs affections, Par ses événements et par ses actions. PLANCIEN. Le theatre aujourd'hui, superbe en sa structure, Admirable en son art, et riche en sa peinture, Promet pour le sujet de mémes qualités. maximin. Les effels en sont beaux, s'ils sont bien imités. Vous verrez un des miens, ďune insolente audace, Au mépris de la part qu'il s'acquit en ma grace, Au luépris de ses jours, au mépris de nos dieux, Affronter le pouvoir de la lerre et des cieux, Et faire ä mon amour suecéder tant de baine Que, bien loin d'en souffrir le spectacle avec peine, Je verrai d'un esprit tranquille et satisfait De son zéle obstmé le deplorable effet, Et remourir ce traitre aprěs sa sepulture, Sinon en sa personne, au moins en sa figure. dioclétíen. Pour le bien figurer, Genest n'oubliera rien : Ecotitons seulement et tröve ä Tentretien. (Od cutenil uiie voii aceumpagnée d'un luth.) (la piece commence.) 291 ACTE II, SCENE V. SCENE V . LES MÉMES, assis j ADRIEN, sur un Ihéátre élevé, rcpréseulé par GENEST. adriex. Ne déliběre plus, Adrien, il est temps De suivre avec ardeur ces fameux combaltants : Si la gloire te plait, Toccasion est belle; La querelle du ciel á ce combat ťappelle; La torture, le fer et la flamme ťattend; Offre á leurs cruautés un cceur ferme et constant; Laisse á de lácbes cceurs verser ďindignes larmes, Tendre aux tyrans les mains etmettre bas les armes; Offre ta gorge au fer, vois-en couler ton sang, Et meurs sans ťébranler, debout et dans ton rang. La faveur de César, qu'un peuple entier ťenvic, Ne peut durer au plus que le cours de sa vie; De celle de ton Dieu, non plus que de ses jours, Jamais nul accident ne hornera le cours : Déjá de ce tyran la puissance irritée, Si ton zěle te dure, a ta perte arrétée. II serait, Adrien, bonteux d'etre vaincu; Si ton Dieu veut ta mort, e'est déjá trop vécu. J'ai vu, Ciél, tu le sais par le nombredes ámes Que j'osai ťenvoyer par des ebemins de flammes, Dessus les grils ardehts et dedans les taureaux, Chanter les condamnés et trembler les bourreaux; J'ai vu tendre aux enfants une gorge assurée A la sanglante mort qu'ils voyaient préparée, Et tomber sous le coup d'un trépas glorie ux Ces fruits á peine éclos, déjá můrs pour les cieux. J'en ai vu que le temps preserit par la nature Était pres de pousser dedans la sepulture, Dessus les échafauds presser ce dernier pas, Et d'un jeune courage affronter le trépas. J'ai vu mille beautés en la fleur de leur áge, A qui, jusqu'aux tyrans, chacun rendait hommage, Voir avecque plaisir meurtris et déchirés Leurs membres précieux de tant ďyeux adores. Vous Tavez vu, mes yeux, et vous eraindriez sans honle Ce que tout sexe brave et que tout age affronte I Cette vigueur peut-Mre est un effort numain? II 1 i J 3\ Sj3 SAINT GBNJEST. Oil les plus innocents ne sont point sans supplices, Dont le plus ferme elat est toujours insconstant, Dont l'Slre el le non-Stre ont presque un mSme instant, Et pour qui toutefois la nature aveuglee Inspire a ses enfants une ardeur deregl^e, Qui les fait si souvent, au peril du trepas, Suivre la vanite de ses trompeurs appas. Ce qu'un siecle y produit, un moment le consomme. Porte les yeux plus haut, Adrien; parais homme: Combats, souftre et t'acquiers, en mourant en chrelicn, Par un moment de mal, reternite" d'un bien. ADRIEN. Adieu, je cours, je vole au bonheur qui m'arrive ; L'effet en est trop lent, l'beure en est trop tardive! L'ennui seul que j'emporte, 6 gtmereuse soeur, Et qui de mon attente allere la douceur, Est que la loi, contraire au Dieu que je professe, Tc prive par ma mort du bien que je te laisse, Et, Tacquerant au fisc, die a ton noble sang Le soutien de sa gloire et l'appui de son rang. NATALIE. Quoi! le vol que tu prends vers les celestes plaines Souffre encor tes regards sur les cboses bumaines? Si d^pouille du monde et si pres d'en partir, Tu peux parler en homme et non pas en martyr ? Qu'un si faible intent ne le soil point sensible; Tiens au Ciel, tiens a Dieu d'une force invincible; Conserve-moi ta gloire, et je me puis vanter D'un tresor precieux que rien ne peut rn'&ter. Une femme possede une ricbesse extreme, Qui poss6de un epoux possesseur de Dieu m&mc. Toi, qui de ta doctrine assistes les Chretiens, Approcbe, cher Anthisme, et joins tes vceux aux miens. SCfeNE IV ANTHISME, ADRIEN, NATALIE. ANTHISME. Un bruit, qui par la ville a frappe mon oreille, De la conversion m'apprenant la merveille Et le noble mepris que tu fais de tes jours, M'amene a ton combat, plul6t qu'a ion secours. Je sais combien Cesar t'esl un faible adversaire ; Je sais ce qu'un chr^lien doit et souifrir et faire, ACTE IV, SCENE IV. ais Et je sais que jamais, pour la peur du trepas, Un cceur toucbé de Christ n'a rehroussé ses pas. Va done, beureux ami, va presenter ta téte Moins au coup qui ťattend qu'au laurier qu'on t'apprete; Va de tes saints propos éclore les effets; De tous les cbceurs des cieux va remplir les soubaits. Et vous, hfltes du ciel, saintes legions d'anges, Qui du nom trois fois saint célébrez les louanges, Sans interrupLion de vos sacrés concerts, A son aveuglement tenez les cieux ouverts. ADRIEN. Mes vceux arriveront á lenr comble supreme, Si, lavant mes péchés de l'eau du saint baptéme, Tu m'enroles au rang de tant d'heureux soldats Qui sous ménie étendard ont rendu des combats. Confirme, eber Antbisme, avec cette eau sacrée Par qui presque en tous lieux la croix est arborée, En ce fragile sein le projet glorieux De combaltre la terre et conquérir les cieux. ANTHISME. Sans besoin, Adrien, de celte eau salulaire, Ton sang t'imprimera ce sacré caractěre : Conserve seulement une invincible foi, El, combatlant pour Dieu, Dieu combattra pour toi. ADRIEN, apres avoir ré»é quelque temps. Ah! Lentule! en l'ardeur dont mon áme est pressée, II faut lever le masque et t'ouvrir ma pensée: Le Dieu que j'ai hai m'inspire son amour; Adrien a parlé, Genest parle á son tour. Ce n'est plus Adrien, e'est Genest qui respire La grace du baptéme et l'honneur du martyre ; Mais Cbrist n'a point commis á vos profanes mains Ce sceau mystérieux dont il marque ses saints. (Regardaut au ciel, d'ou I'ou jette quelques flamraes.) Un ministře celeste, avec une eau sacrée, Pourlaver mes forfaits fend la voůte azurée; Sa clarté m'environne, et l'air de tontes parts Résonne de concerts, el brille á mes regai'ds. Descends, celeste acteur; tum'atlends, tu m'appelles. Attends, mon zěle ardent me fournira des ailes; Du Dieu qui t'a commis dépars-moi les bontés. (II montc deux ou trois inarches et pssse derriěre la tapisscrie.) MARCELLE, qui représentait Natalie. Ma rčplique a manqué; ces vers sont ajoutés. I 320 Saint genéžt. LENTÜLE, qui représentait Änlhisme. II les fait sur-le-champ, et, Sanš suivre ľhistoirej Croit couvrir en rentrant son défaut de memoire. dioclétietí. Voyez avec quel art Genest sait aujourďhui Passer de la figure aux sentiments d'autrui. valérie. Pour tromper l'auditeur, abuser ľacteur merne, De son metier, sans doute, est ľadressé Supreme. SCÉNE V LES MÉMES; FLAVIE, gabdes. FLAVIE. Ce moment dure trop, trouvons-le promptemenl; Cesar nous voudra mal de ce retardement; Je sais sa violence et redoute sa haine. un soldat. Ceux qu'on mande ä la mort ne marchentpas sans peine. marchlle. Get homme si célébre en sa profession, Genest, que vous cherchez, a trouble Taction, Et, confus qu'il s'est vu, nous a quitté la place. flavie. Le plus heureux parfois tombe en cette disgrace, L'ardeur de réussir doit le faire excuser. camille, á Valérie. Comme son art, madame, a su les abuser I SCÉNE VI GENEST, SERGESTE, LENTULE, MARCELLE, gardes, DIOCLÉTIEN, VALERIE, etc. GENEST, regardant le ciel. Supreme Majesté, qui jetles dans les ämes, Avec deux gouttes d'eau, de si sensibles Hammes, Acbéve tes bontés, représente avec rnoi Les saints progrés des coeurs convertis ä ta foi! Faisons voir dans ľ amour dont le feu nous consomme, Toi le pouvoir ďun Dien, moi le devoir ďun homme; Toi l'accueil d'un vainqueur sensible au repenlir, Et moi, Seigneur, la force et l'ardeur d'un martyr. ACTE iv, SCENE VI. maximin. II feint comme anim6 des graces du baplfinw. valerie. . Sa feinte passerait pour la verite" mime. PLANCIEN. Certes, ou ce spectacle est une verite, Ou jamais rien de faux ne fut mieux imite. genest. Et vous, chers compagnons de la basse fortune Qui m'a rendu la vie avecque vous commune, Marcelle, et vous, Sergeste, avec qui tant de ibis J'ai du Dieu des cbretiens scandabse les lois, Si je puis vous prescrire un avis salutaire, Cruels, adorez-en jusqu'au moindre mystere, Et cessez d'attacher avec de nouveaux clous Un Dieu qui sur la croix daigne mourir pour vous; Mon cceur, illumin6 d'une grace celeste... marcelle. II ne dit pas un mot du couplet qui lui reste. sergeste. Comment, se preparant avecque tant de soin... LENTULE, regardant derrierc la tapisserie. Hola, qui tient la piece? genest. II n'en est plus besoin. Dedans cette action, oil le Ciel s'interesse, Un ange tient la piece, un ange me redresse; Uu ange, par son ordre, a combte mes souhaits, Et de 1 eau du bapteme efface mes forfaits. Ce monde perissable et sa gloire frivole Est une comedie ou j'ignorais mon r61e. J'ignorais de quel feu mon cceur devait brftler; Le demon me dictait quand Dieu voulait parler; Mais, depuis que le soin d'un esprit angelique Me conduit, me redresse et m'apprend ma replique J'ai corrige mon rdle, et le demon confus, M'en voyant mieux instruit, ne me suggere plus. J'ai pleure mes pecMs, le Ciel a vu mes larmes; Dedans celte action il a trouv6 des charmes, M'a departi sa grace, est mon approbateur, Me propose des prix, et m'a fait son acteur. lentule. Quoiqu'il manque au sujet, jamais il ne hesite. 321 21 I ■ ff ' Í1 Ii m css 324 SAINT GENEST. MARCELLE, ä genoul. Si la pitie, Seigneur... DIOCLÉTIEN. La piété plus forte Réprimera ľaudace oti son erreur ľemporte. PLAN CIEN. Repassant cette erreur ďun esprit plus remis... DIOCLÉTIEN. Acquittez-Yons du soin que je vous ai commis, CAMJLLB, ä Genest. Simple, ainsi de César tu méprises la grace I GENEST. J'acquiers celie de Dieu. (DioclÉtien, Msiiinin, Valérie et CamiUe, sortení,) SCENE VII OCTAVE, LE DECORATEUR, MARCELLE, PLANCIEN, iiaHDiis. OCTAVE. Quel mystere se passe? MARCELLE. L'empereur abandonne aux rigueurs de la loi Genest, qui des Chretiens a professe" la foi. OCTAVE. Nos priores peut-etre... MARCELLE. Elles ont ete vaines. PLANCIEN. UN GARDE. Gardes! Seigneur ? PLANCIEN. Menez Genest, chargé de chained, Dans le fond d'un cachot attendre son arret. GENEST. ie t'en rends grace, 6 Ciel 1 allons, me voilä prôt: Les anges, quelquo jour, des fers que tu m'ordonnes Dans ce palais d'azur me feront des couronnes. ACTE IV, SCĚNlí VIII. das SCENE VIII LES MEMES ; SERGESTE, LENTULE, ALRIN, gardes. PLANCIEN, assis. Son audace est coupable, autant que son erreur, D'en oser faire gloire aux yens de l'empereur. Et vous, qui sous meme art conrez m6me fortune, Sa foi, comme son art, vous est-elle commune? Et comme un mal souvent devient contagieux... MARCELLE. Le ciel m'en garde, helas! OCTAVE. M'en preservent les dieux I SERGESTE. Que plulot mille morts... LENTULE. Que plutotmille flammes... PLANCIEN, a Marcelle. Que repr6sentiez-vous ?' MARCELLE. Vous l'avez vu, les femmes, Si, selon Ie sujet, quelqne deguisement Ne m'obligeait parfois au travestissement. PLANCIEN, a Octave, ' Et vous? OCTAVE. Parfois les rois, et parfois les esclaves. PLANCIEN, a Sergeste. Vous? SERGESTE. Les extravagants, les furieux, les braves. PLANCIEN, a Lentule. Ce vieillard? LENTULE. Les docteurs sans lettres ni sans lois, Parfois les confidents, et les traitres parfois. PLANCIEN, a Albjn, Ettoi? albin. Les assistants. PLANCIEN, se levsnt. Leur franchise ingeuufi I i : :1 I '1 i M ■j! 4 í Bf' a,- Ii Ii if 322 SAINT GENEST. acte iv, sc&frte VI. 323 k II il'i L II III II; II ri';*": St: 8i ge-nest-. Dieu m'appi'eni! sur-le-champ ce que 3% vous r^efte, Et vous m entendez mal, si dans cette action Mon rSle passe eucbr pour une ftcti'&n. DI0CLET1EN. Voire desordre enfin force ma patience : Songez-vous qiie ce jeu se passe en ma presence ? Et puis-je rien comprendre au trouble oh je vous voi? . genest. Excusez-Ies, Seigneur, la faute en est a moi ■; Mais mon s'alut depend de cet diustre crime: Ce n'est plus Adrien, c'est Genest qui s'exprime * Ce jeu n est plus un jeu, mais une ve>ile Oil par mon action, je suis represenle, Oil moi-meme, i'objet et 1'acteur. de moi-meme, Purge" denies forfaits par l'eau da saint bapt£m&, Qu'une celeste main m'a daignej confe>er, Je professe une loi que je dois declarer. Ecoutez done, Cedars, et vous., troupes romaines, La gloire et la terreur des puissances humaines, Mais faibles ennemis d'uh pouvoir souverain Qui foule a'ux piecls I'orgiiei et le'sceptre romam : Aveugle" de reireur adht renter you's mfecte, Comme vous des Chretiens j'ai d&es'te la secte, Et si pen que mon art pouvait executer, Tout monoettr coiisistait a les persecuter : Pour les fuir et ehez vous suivre I'Sdol&trfe-, J'ai laisse me's parents, j'ai quitte ma patrfe, Et fait chotx ;a desSein dun &rt pfett 'glorfeox Pour mieux les difiamer et les frferfdre bdieUx : Mais, par une bonte* qui fi'a point de pareflle, Et par une incroyalrie et sou'daine merveille Dont le pouvoir VTtm Dlett petit seul gtre Tauieur, Je deviens leur rival de leur pets£cutfeur, Et soumets a la loi que j'ai larft reprOUv6e Une ame heureusement de tant deeUfeils sttnvfi'e Au milieu de 1'orage ou -rn'oxposait le Sort, Un ange par la main m% conduit dans le port, M'a fait sur un papier Voir mes fauteS passtes Par l'eau qu'il me versaita rih'starit efla'ce^es; Et cette salutaire et celeste liqueur, Loin de me refroidir, m'a c'onstnftg le ccetrr. Je renonce a la haine et deteste l'envie Qui m'a fait des chr'Sttens persecuter la vie $ Leur creance est ma fbi, Bear espoir est le mien; C'est leur Dieu que j'adore; enfin je suis cbr&ieti. Qnelque effort qui s1 oppose a 1'ardeur qui m'enflanuue, Les interns du corps cedent a tseux de Tame. Deployez vos rigtteiirs, fcrttlez, tdupez, tt*aiitt)iez: Mes maux seront encor moindres que mes peches. le sais de quel repos 'cette peine est survie, Et ne crains point la mort qui couduit a la vie. J'ai souhaite longtemps d'agreer a vos yeirx; Aujourd'hui je veux plaire a l'«mpereur des cieui; Je vous ai diver'tis, j%i cbanK vtfe louaiigfes'; II est temps maintenant de rejouir les anges, II est temps de pr^tendre a des prix inimortels, II est temps de passer du theatre aux antels. Si je l'ai merits, qu'on me mene au martyre : Mon role est acheve, J* ii'ai plus rien a dire. DIOCLETIEN. Ta feinte passe enfin pour imporlttnite. 1SENEST. Elle vous doit passer pour une ve"rite. VALEBIE. Parle-t-il de bon sens? MAXIMIN. Croirai-^e mes oreilles? &ewbst, Le bras qui m'a touch6 fait bien d'aufcres merveilles. dkj'gmj tien. Quoi! tu renonees, traitt-e^ au culte de nos dieux ? GBHESt. Et les tiens aussi faux qu'ils me sont odieux. Sept d'entre eux ne sont pJas qu?e des lumieres sombres Dont la faible clarte perce a peine les ombres, Quoiqu'ils trompent encor votre credulite ; Et dels1*!*!^ le *om a pfeme en est ¥este". OloT-r-RTIEN, te Tevant. 0 blaspheme execrable I fl 'sacrilege impie, Et dont tfotrs i*ep'6n*'oHB, $t ?on sang rfe rexpiel Prefet, prene?. ce sorft, 'et de cet insolent Fermez les aetimfe par to *ete s^siglatit Qui des dieux irritSs satisfasse la haine : Qui vecut au theatre expire dans la scene; Et si quelqu'autre, atteint du mfeme aveuglement, A part en son forfait, qu'il l'ait en son tourmenU