Louise Labé Sonnets VIII Je vis, je meurs : je me brule et me noye. J’ay chaut estreme en endurant froidure : La vie m’est et trop molle et trop dure. J’ay grans ennuis entremeslez de joye : Tout à un coup je ris et je larmoye, Et en plaisir maint grief tourment j’endure : Mon bien s’en va, et à jamais il dure : Tout en un coup je seiche et je verdoye. Ainsi Amour inconstamment me meine : Et quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me treuve hors de peine. Puis quand je croy ma joye estre certeine, Et estre au haut de mon desiré heur, Il me remet en mon premier malheur. XVII Je fuis la vile, et temples, et tous lieus, Esquels prenant plaisir à t’ouir pleindre, Tu peux, et non sans force, me contreindre De te donner ce qu’estimois le mieux. Masques, tournois, jeux me sont ennuieus, Et rien sans toy de beau ne me puis peindre : Tant que tachant à ce desir estreindre, Et un nouvel objet faire à mes yeus, Et des pensers amoureux me distraire, Des bois espais sui le plus solitaire : Mais j’aperçoy, ayant erré maint tour, Que si je veus de toi estre delivre, Il me convient hors de moymesme vivre, Ou fais encor que loin sois en sejour.