Maurice Scève Microcosme Dieu, qui trine en un fus, triple es, et trois seras, Et, comme tes Eleus nous eterniseras, De ton divin Esprit enflamme mon courage Pour descrire ton Homme, et louër ton ouvrage, Ouvrage vrayement chef d’œuvre de ta main : A ton image fait et divin, et humain. Premier en son Rien clos se celoit en son Tout, Commencement de soy sans principe, et sans bout, Inconnu, fors à soy connoissant toute chose, Comme toute de soy, par soy, en soy enclose : Masse de Deïté en soymesme amassee, Sans lieu, et sans espace en terme compassee, Qui ailleurs ne se peut, qu’en son propre tenir Sans aucun tems prescrit, passé, ou avenir, Le present seulement continuant present Son estre de jeunesse, et de vieillesse exent : Essence pleine en soy d’infinité latente, Qui seule en soy se plait, et seule se contente Non agente, impassible, immuable, invisible Dans son Eternité, comme incomprehensible, Et qui de soy en soy estant sa jouïssance Consistoit en Bonté, Sapience, et Puissance. Mais tant enceinte fut de sa trine unité. Que, quand lui plut, soudain par sa Divinité Son grand Chaos s’ouvrit en visible lumiere D’arbres non encor verds mignonnement garnie, A celle fin qu’ainsi par plaines, monts, et vaux Pust diversifier tous terrestres travaux. (…) L’Homme premeditant par l’imaginative, Et estimant recors par la memorative, Seul ratiocinant en son entendement, Prevoyant et jugeant à quoy, pourquoy, comment, Dictant, et inventant, et sans comparaison Seul sur tous animaux capable de raison, Qui le conduira seule, et le redressera Parvenu filosofe : et lors point ne sera En vieillart Samien de son sens encombré Attestant un nombrant le nombre du nombré Tous Atomes sachans, cheveux non perissables, Toutes gouttes des eaux, et tous grains de leurs sables : Qui rien ne veut perir, ains nous perdus sauver, Et de son doux Nectar en son Ciel abbrever : La forme perissant, et non point la matiere Son estre ayant receu de l’essence premiere : Et moins l’Homme rempli de nature divine, Que mortel a formé, mais de la raison dine, De Dieu similitude, et de son fils image Caduque pour un tems, non point à son dommage, Ains pour se reünir, immortels ame, et corps Assés plus uniment, qu’en ces charnels accors : Ausquels ayant langui leur aage limité Remonteront là sus en leur eternité, Eternité estant un estre non mourant, Mais sans fin, et en soy tousjours tousjours durant, Lieu de beatitude, ou l’Eternel demeure en sa perpetuelle, et presente demeure : Où quant et soy, seul Dieu, et pere essential A eu son fils, son Christ, son consubstancial, Esprit des deux vivant en trine Deïté Ensemblément unis à perpetuité : Dieu si bon, qu’au peché, qu’avons ingrats commis, Aura son propre fils pour nous cy bas transmis Cassant la loy de mort, de peché, et rigueur Par la sienne de vie en foy, grace, et vigueur : Qui restituera son Homme à Dieu, son pere Nous adoptant en part de son regne prospere : Nostre vie par mort sur terre finissant, Nostre mort par la sienne à luy nous unissant, A luy, qui, se monstrant la voye, et verité, Et la vie eternelle à ceste humanité, Commencement, et fin principiant son bout. Son Rien, son Microcosme, unira à son Tout. Icy Adam cloant sa bouche profetique Se r’asseure esperant en son saint pronostique : Et de son bien certain oubliant sa tristesse, Eve tourna ses pleurs en larmes de liesse Louans celuy, qui fut, qui est, et qui sera, Et, comme ses Eleus, nous eternisera. Universelle paix appaisoit l’univers L’An que ce Microcosme en trois livres divers Fut ainsi mal tracé de trois mille, et trois vers.