Mes grands-parents sont venus quelques semaines aprěs la nais-sance. Tu aurais vu leur fierté de se promener avec la poussette sur les bords de Marne. C'est la que j'ai pris conscience de la distance qui me séparé de ma famille, la distance physique, plus de mille kilometres. J'ai eu la nostalgie de toutes les balades dominicales en famille qui n'auront pas lieu. Au retour de la promenade, ma grand-měre s'etonna du nombre de gens de couleur partout dans les rues. « U y a tant de domestiques ici ? » Alors je lui ai raconté l'accouchement: le docteur venait d'lnde, une infirmiěre de Guadeloupe, l'autre du Maroc, un jeune stagiaire obs-tétricien parlait avec un fort accent espagnol, et la mere, moi, j'etais tchěque. A part Jean-Louis, le seul á peu pres francais dans la salle c'etait le nouveau-né, Alexandre. La France est ainsi... le métissage des gens, des cultures, elle s'est construite comme ga et continue á le faire. La surprise de ma grand-mere était sincere. Elle ne savait pas, dans ma ville natale il n'y a que des « nous ». Elle pourrait ětre une de ces mamies que tu rencontres á Prague. Elle aime aussi le bleu pour les garcons. J'y pense, ga doit ětre le « code couleur », justement, qui aide les gens á s'orienter dans la vie. Si tu ne leur signales pas d'avance par la couleur bleue que c'est un gargon, ils sont perdus. A quoi se fier dans ce cas-lá ? Un bébé, c'est juste beau. Je regarde ce petit ětre, je ne m'en lasse pas de le regarder (c'est vrai que mon fils est aussi le plus beau bébé du monde), et des questions, des millions de questions se bousculent dans ma téte... Nous sommes partis faire un « tour de France » en voiture, charges comme des mules des affaires du bébé. Mais on prenait le temps, on descendait tout doucement par les petites routes dessinées en couleur jaune sur la carte, voire en blanc ou inexistantes... Bien súr, on n'a vu qu'un tout petit, petit, petit bout de la France. Les cartes ďétat-major de Roger se sont avérées plus qu'utiles. Tu te rappelles, une fois tu disais que les Tchěques réduisaient la France á Paris sous les palmiers au bord de la Cóte d'Azur ? Moi je n'en crois pas mes yeux de la diver-sité de la France, de ces paysages, architectures, accents (je les entends et reconnais de mieux en mieux), recettes de cuisine... enfin, on sait tout cela, mais ďune maniěre théorique. C'est en découvrant sur place, que toute cette France diverse et variée devient réelle et que le puzzle se construit. Chartres, les autres rives de la Loire (elle est si longue!), Nantes, l'Atlantique — paisible lá —, la Vendée, fiěre et toujours roya-liste - au moins au bistrot dans lequel nous nous sommes arrétés pour manger, sur les murs il y avait les arbres généalogiques de la famille royale á coté des photos du club de football local...Puis Saintes, Angouléme, Cognac - en Tchéquie on boit le cognac avec deux K, La Rochelle ... Cétait intéressant de voir cette partie de la France encore plus tournée vers l'Ouest, vers le large -c'est probablement dú á la presence anglaise qui est toujours sensible lá-bas.