Un exemple du modèle national défensif peut être identifié dans certaines méditations du Huron-Wendat Jean Sioui : J’avais un bel arbre devant ma maison je méditais à l’ombre de ses branches un grand vent brusque l’a fait tomber Il m’a manqué longtemps Aujourd’hui je me souviens de lui en regardant les pousses nouvelles à l’endroit même où il était Mon peuple est semblable je sais qu’il survivra (J’avais un bel arbre) Dans ces temps on nous donne des droits artificiels sous réserve Dans nos temps on possédait des droits naturels sans réserve (Dans ces temps)^^[1] Myra Cree « Mon pays rêvé ou la PAX CANATA ». Mon pays rêvé commence, à l’évidence, au lendemain d’un ultime référendum, une fois le « verduct rendi » pour écrire comme l’ineffable Jean Chrétien parle. L’autonomie est acquise, nous avons notre propre Parlement, il y a dorénavant trois visions de ce pays. Au Québec on est copains comme cochons avec la communauté francophone qui s’est mise à l’étude des langues autochtones. Nos réserves, sur lesquelles nous en émettions tant, sont devenues des colonies de vacances et nos chefs, qui se répartissent également entre hommes et femmes, de gentils organisateurs. À Kanesatake, où j’habite, y’a du bouleau et du pin pour tout le monde. Le terrain de golf a disparu et tous, Blancs et Peaux-Rouges (je rêve en couleurs) peuvent, tel qu’autrefois, profiter de ce site enchanteur. Nos jeunes ne boivent plus, ne se droguent pas, la scolarisation a fait un bond prodigieux. Tout va tellement bien dans nos familles (il n’y a plus de trace de violence) que l’association Femmes autochtones du Québec s’est recyclée en cercle littéraire. Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir vient d’être traduit en mohawk; l’XY de l’identité masculine d’Elizabeth Badinter, devrait l’être en montagnais pour le Salon du livre qui se tiendra à Kanawake, et L’Amant de Duras, en iniktikut (ça va dégivrer sec dans les igloos). […] je me pince pour y croire, trop fort sans doute, car c’est à ce moment-là que je me suis réveillée. Avec mes meilleurs voeux, que l’an prochain, si nous ne sommes pas plus, nous ne soyons moins.^^[2] Wendate Éléonore Sioui le constate avec un détachement ironique de celle qui contemple ses blessures. Le poème s’intitule « Autochtonicité » : Dans un verre De vin blanc Déposez deux ou trois gouttes De sang indien Ajoutez-y une once de pollution Brassez à l’européenne Et vous aurez un mélange de deuxième classe Puis fermentez le résidu de l’élixir Qui vous procurera une troisième classe Dont la dilution deviendra L’Amérindien Contaminé dans son authenticité. Make big plans, aim high in hope and work Do not make little plan as it gives no magic stir. (Autochtonicité)^^[3] Italo-Québécois Antonio d’Alfonso : Nativo di Montréal élevé comme Québécois forced to learn the tongue of power viví en Mexico como alternativa figlio del sole et della campagna par les francs-parleurs aimé finding thousands like me suffering […]. (L’Autre Rivage)^^[4] ________________________________ ^^[1] Sioui, Jean. Le pas de l’Indien. Pensées wendates. Québec : Le Loup de Gouttière, 1997, pp. 54, 73. Cité d’après Gatti, Maurizio. Littérature amérindienne du Québec. Écrits de langue française. Montréal : Hurtubise, 2004, pp. 108, 109. Cette anthologie contient tous les poèmes cités dans ce sous-chapitre. ^^[2] « Mon pays rêvé ou la PAX CANATA » a été publié dans la revue Terres en vue 3, 4, 1995. Cité d’après Gatti, Maurizio. Littérature amérindienne du Québec, pp. 104-106. ^^[3] Soui, Éléonore. « Autochtonicité ». In Femme de l’île. Rillieux : Sur le dos de la tortue, numéro spécial, 1990, p. 12. Cité d’après Gatti, Maurizio. Littérature amérindienne du Québec, p. 89. ^^[4] Alfonso, Antonio d’. « L’Autre Rivage ». Cité d’après Dumont, François. La Poésie québécoise. Montréal : Boréal, 1999, p. 102.