La délinquance en Anjou au XVIII e siècle Author(s): Benoît Garnot Source: Revue Historique, T. 273, Fasc. 2 (554) (AVRIL-JUIN 1985), pp. 305-315 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40954201 Accessed: 06-04-2017 09:45 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Historique This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms La delinquance en Anjou au XVIIP siecle L'Inventaire 450, conserve aux Archives nationales, est une table alphabetique des accuses juges en appel par la Chambre criminelle (la « Tournelle ») du Parlement de Paris, de 1700 a 1790. Nous y avons releve les noms de tous les accuses angevins, au nombre de 1 150, reconnaissables & leur juridiction d'origine (sen£chaussees d'Angers, de Bauge, de Beaufort, de Chateau-Gontier, de La Fleche, et de Saumur). Les renseignements fournis par l'inventaire permettent de connaitre de nombreuses caracteristiques des accuses. On les examinera d'abord globalement, sans tenir compte de la diversite des accusations ; on dressera ensuite une typologie, en fonction des d£lits commis. L'6tude des caracteres generaux des accuses, pris globalement, sera menee successivement en fonction de leur origine geographique, de leur age et de leur sexe, enfin de leur metier. L'Anjou est constitue de plusieurs petits pays aux richesses inegales ; on peut supposer que la criminalite aussi y est inegale. A defaut de localisations precises, que nos sources ne permettent pas (puisque le domicile des accuses n'est presque jamais indique), on peut aborder le probl&me de Torigine geographique des accuses par la repartition entre les juridictions de premiere instance ; on aboutit alors aux proportions suivantes (tableau page suivante) : Revue historique, cclxxiii/2 This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 306 Benott Garnot Tableau 1. - Repartition des accuses entre les juridictions de premiere instance Angers Bauge* Beaufort Chdteau-Gontier La Fleche Saumur 48,1 % 11,7 % 43 % 4,9 % 6,2 % 24,5 % Ces proportions correspondent-elles a la r lation ? Nous connaissons les chiffres et la repartition de la population en Anjou au xviif si&cle, mais par Election1, dont les limites ne coincident pas avec celles des senechaussees (carte page suivante) ; on peut cependant effectuer des regroupements, qui permettent de distinguer deux grandes regions : l'Ouest, sans doute un peu surevalue, et l'Est. Les proportions dans la repartition de la population y demeurent constantes au cours du siecle ; correspondent-elles a celles des accuses ? - k TOuest : 68,8 % de la population2, 57.4 % des accuses3 ; - k l'Est : 31,1 % de la population*, 42.5 % des accuses5. Ainsi, l'ouest de l'Anjou apparait sous-criminalise par rapport & l'Est ; la province est done une region de transition entre une France du Centre surcriminalisee, et une France de TOuest ou les delits semblent moins abondants au vu de la juridiction prevotale6. La situation evolue au cours du siecle ; TAnjou occidental comble une grande partie de son retard, regroupant 50,2 % des accuses en 1700- 1749, et 61,6 % en 1750-1790 ; la hausse est surtout importante dans la senechaussee d'Angers, plus urbanisee. Nous connaissons les ages des quatre cinquiemes des accuses ; l'eventail va de 9 a 79 ans. La repartition par tranche d'ages est la suivante : Tableau 2. - La repartition des accuses par tranche d'dges - > 15 ans 16-25 ans 26-35 ans 36-45 ans 46 ans - > 1,7 % 293 % 32,9 % 21^ % 143 % 1. F. Lebrun, Les hommes et la mort en Anjou aux XVIIe et XVIIIe siecles, Paris-La Haye, 1971, p. 156. 2. Elections de Chateau-Gontier, d'Angers et de Montreuil-Bellay. 3. Se'ne'chausse'es d'Angers, de Beaufort et de Chateau-Gontier. 4. Elections de Bauge*, de La Fleche et de Saumur. 5. Se'ne'chausse'es de Bauge*, de Saumur et de La Fleche. 6. N. Castan, La justice expeditive, Annales ESC, 1976, p. 331-361. This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms La delinquance en Anjou 307 f ELECTLQN-^fpE;^ /Cliateau-Go^'ieV^I4fflgl ^Sw (fj | ELECTIONyC ' ^" ^ Anaers ^< ' ^augeh1 |T 1 1 jlM^ / ^**>*^*%*^' ELECTION v$£^7riLP^ BAUGE '^ ^^z ( ELECTION - 7 ' ^r-- y VJX rt^=:D E =S A U M U 'r-'' ' ..... r,n/^^-^^ ^^f I ..... ELECTLON~DE^^ ZZj ^^ Q *-sT" MONT R^uTl^B EbL A Y=^A (5 ^^ Senechaussee ^w^- "% % y ir j | | d' Angers • Presidial ^ ^^^ V | 1 de Saumur D Senechaussee ' ^} rfTTTI de Bauge ^^ de Beaufort des elections '^ ->^ 11 1 1 II de Chateau-Gontier ^*^^ gs^g de la Fleche This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 308 Benoit Garnot C'est la tranche d'ages des 26-35 ans qui est la plus importante, avec le tiers des accuses. On peut comparer, pour la periode 1775- 1786, grace k l'etude de l'intendant Montyon7, avec l'ensemble du ressort du Parlement de Paris. Tableau 3. - La repartition des accuses par tranche d'dges de 1775 a 1786, dans le ressort du Parlement de Paris, et en Anjou Ages - >- 15 ans 16-25 ans 26-35 ans 36-45 ans 46 ans - >• Ressort du Parlement 4,2 % 31,5 % 32,6 % 24,2 % 7,3 % Anjou 1,6 % 33,1 % 31,1 % 13,9 % 20,0 % Les proportions sont comparables pour les ans et 26-35 ans ; pour le reste, les differences sur les moins de 16 ans, pour lesquels les qua mes. Les tranches superieures sont plus signi angevins sont proportionnellement deux fois la tranche d'ages 36-45 ans que dans l'ensemb ment ; par contre, ils le deviennent trois foi qui regroupe tous les accuses dont 1'age est su a 1'age moyen, il atteint 29 ans dans le resso Les accuses angevins sont done un peu plus ag pourtant, ils ont plutot tendance a rajeunir a moyen est de 33 ans entre 1700 et 1749, et de de 30 ans entre 1750 et 1790. Sur les 1 150 accuses angevins, 225 sont des femmes, soit & peu pres une femme sur cinq accuses, ce qui correspond aux proportions constatees dans d'autres recherches8. Les chiffres globaux sont cependant trompeurs, et ne doivent pas faire croire a un parallelisme rigoureux entre criminalite masculine et criminalite feminine ; sur les 91 annees de la periode, 32, e'est-a-dire un bon tiers, ne voient aucune Angevine passer en jugement devant la Tournelle ; sur les moyennes quinquennales, on remarque de fortes irr£gularit6s : en 1700-1724, 35,7 % des accuses sont des femmes ; en 1750-1754, aucune ; sur les moyennes decennales, les ecarts vont du simple au double, parfois plus : 31 °/o d'accustes en 1720-1729, 12,4 °/o en 1770-1779. Cette 7. J. Lecuir, Criminality et moralite" ; Montyon, statisticien du Parlement de Paris, Revue d'histoire moderne et contemporaine, 1974, p. 445-493. 8. Ibid., ainsi que P. Pe*trovitch, Recherches sur la criminalite a Paris dans la seconde moitfc du XVIII« siecle, Crimes et criminaliti en France, XVII*-XVIII* siecles, Paris, 1971, p. 187-261. This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms La delinquance en Anjou 309 specificite feminine se retrouve egale des accusees, connus dans 73 % des cas, soit moins souvent que pour les hommes. Tableau 4. - - Ages des accusies et des accuses Ages -> 15 arts 16-25 arts 26-35 arts 3645 ans 45 arts - > Hommes 0,6 % 32,1 % 28,4% 25,4 % 133% Femmes 2,0 % 28,5 % 34,0 % 20,5 % 14,5 % Les femmes sont proportionnellement plus n hommes dans les tranches d'ages 16-25 ans et 36 leurs. Lk non plus, il n'y a pas concordance rigo nalit£s masculine et feminine. Nous y reviendrons. HOMMES Ag6S FEMMESb80 ...pjlll5op wMmm In%r .,,^^^^^^^^^ ^^ ^^^^^^^^^^^^^^^^ 1 I ' ' I i l I I I I I I I 0 I i i i 130 110 90 70 50 30 10 0 0 10 30 Pyramide des ages des accuses This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 310 Benoit Garnot Nous connaissons les metiers de 664 accuses sur 1 150. Tableau 5. - Les mitiers des accuses Categories de metiers % Agriculture 30,8 % Artisanat (patrons et salaries) 38,0 Marchands 173 Transports 4,8 Domestiques 4,6 Gardes, soldats 13 Divers 3,5 Les agriculteu effectifs. Les nellement, qu'o tance reelle d parmi les autr ple de nombr l'interieur me « laboureurs » du coq de vill fermiers et d £tonnante est tout porte a croire qu'il s'agit Ik encore d'une simple question de vocabulaire, tel laboureur ou tel becheur pouvant parfaitement cultiver des vignes dans son exploitation ; on retrouve des confusions de denominations comparables dans nombre d'autres regions9. Quant aux simples journaliers, ils fournissent les trois dixiemes des effectifs. Parmi les artisans, les specialistes du textile sont les plus nombreux (39,7 %), suivis de pres par ceux du batiment et de l'outillage (38,3 °/o). Tisserands et fileuses sont les metiers les plus repr^sentes, ce qui n'a rien d'etonnant, compte tenu de l'importance primordiale des activites textiles dans la province10. La proportion des artisans, si elle est la plus importante de toutes les categories professionnelles, est cependant moins grande que dans l'ensemble du ressort du Parlement de Paris k la fin de la periode11. 9. Par exemple dans le pays chartrain (B. Garnot, Classes populaires urbaines au XV HI* siecle : Vexemple de Chartres, these d'Etat dactylographie*e, Rennes, 1985, 4 vol., 1 144 f.). 10. F. Lebrun, Les hommes..., p. 71. 11. J. Lecuir, Criminality... Les sources ne permettent pas de distinguer entre maitres et compagnons. This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms La delinquance en Anjou 311 Parmi les marchands, le groupe des m betail l'emporte nettement, puisqu'i accuses. Une seule profession s'impo chers constituent a eux seuls un huitieme du total des marchands juges par la Tournelle. Quant aux marchands ambulants, ils forment un septieme des effectifs. Dans les metiers concernant les transports, les bateliers constituent les deux tiers de la categorie, ce qui ne saurait surprendre en Anjou, traverse par plusieurs axes fluviaux, alors tres actifs12. Parmi les domestiques, la proportion des femmes est importante (un tiers). Parmi les metiers classes en « divers », on trouve une majorite relative de professions juridiques (huissiers surtout, ainsi que quelques greffiers et notaires), et tres peu de mendiants, qui relevent d'ailleurs plutot de la juridiction prevotale. Au total, on trouve davantage de paysans et d'hommes de loi, et moins d'artisans et de marchands, que dans l'ensemble du ressort du Parlement de Paris ; c'est bien la une image conforme a la realite sociale de l'Anjou au xviif siecle. Les categories dominantes sont absentes : pratiquement pas de pretres ni de nobles (mais il est vrai qu'ils reinvent d'autres juridictions), pas de bourgeois ni de negotiants ; presque tous les accuses viennent du peuple. II est necessaire de preciser les constatations deja faites, en fonction des types de delits. Les accuses de delits contre les biens, de loin les plus nombreux, seront examines les premiers, avant les violents, et les presumes coupables de delits contre les mceurs. Le vol est le plus souvent un delit d'homme seul ; 13 % seulement des vols sont commis par deux ou plusieurs complices ; les complicity sont surtout de type familial : pere et fils, mari et femme,... Les complices agissent en general a deux, parfois a trois, tres rarement plus nombreux. Si les bandes organisees sont rares, il existe pourtant une hierarchie dans le couple ou le trio de voleurs, bien marquee par les juges, qui distinguent le principal responsable de son ou de ses complices. L'examen des caracteristiques des complices subalternes n'est pas sans interet. Ils sont generalement plus ages que la moyenne des accuses : pres de la moitie ont plus de 35 ans, alors que c'est seulement le cas d'un tiers des accuses, et un sur cinq depasse 45 ans, contre un sur sept en general. D'autre part, les femmes sont relativement nombreuses parmi eux; elles forment le tiers des accuses de complicity de vol, contre un cinquieme des delinquants. Plus femi- 12. F. Lebrun, Les hommes..., p. 173. En 1769, 204 bateliers sont recense*s a Angers. This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 312 Benott Garnot nise et plus age que la moyenne des accuses, le groupe des complices de vol se recrute done parmi les categories sociales les moins crimi- nalisees. On peut voler avec ou sans ef fraction18, de jour ou de nuit ; si le moment precis du vol n'est jamais indique par l'lnventaire 450, nous connaissons la proportion des effractions : un vol sur onze, proportion exactement comparable k celle rencontree a Paris dans la seconde moitie du xvme siecle (Anjou : 8,7 % ; Paris : 8,4 %)14 ; elle n'est pas constante, puisque la frequence a tendance a augmenter au cours du siecle. Quant aux vols accompagnes de violences, ils ne constituent qu'un treizieme du total general. Les voleurs ne volent pas n'importe quoi ; a chaque type de larcin correspond un type de delinquant. Pour certains delits, les caracteristiques vont de soi : ainsi pour les vols domestiques15, d'ailleurs peu nombreux (14 affaires); ainsi egalement pour les prevarications16. Pour les autres categories de voleurs, la repartition s'effectue ainsi : - Les voleurs de tissus (un tiers des effectifs) sont tres souvent des artisans du textile pour les vols de fils, de draps, de lin, d'etoffes, de linge... Les voleurs de vetements sont moins nettement caracterises, d'autres categories professionnelles etant representees, de plus en plus d'ailleurs au cours du siecle. - Le vol d'animaux est un delit de specialistes des animaux ; les uns exercent une profession en rapport avec l'agriculture (laboureurs surtout), les autres sont des marchands d'animaux ou des bouchers. Les voleurs exergant d'autres professions ne representent qu'un quart de l'ensemble17. - Les voleurs d'argent (18 %) sont caracterises par leur age et par leurs metiers. La moitie des accuses sont des mineurs (moins de 25 ans), le tiers a entre 15 et 19 ans ; inversement, un autre tiers a 40 ans et plus ; souvent, ils agissent en bandes. La plupart d'entre eux disent exercer des metiers qui sont au plus bas de l'echelle sociale : petits artisans (cardeurs, filassiers,...), colporteurs, journaliers, domestiques,... Souvent tres jeunes, parfois relativement ages, de niveau social tres bas, les voleurs d'argent sont bien des d£linquants tres types. 13. Les vols avec effraction « peuvent etre faits avec ef fraction des portes, des maisons, toits et fenetres exte*rieurs ; ou simplement en brisant des coffres et armoires ; ou en volant des choses qui sont attaches a fer et a clou » (Jousse, Trait £ de la justice criminelle de France, Paris, 1771, vol. IV, p. 215). 14. Petrovitch. Recherches... 15. Peuvent e"tre accuses de « vol domestique » tous ceux qui, vivant dans une maison, commettent un larcin au detriment du chef de famille (Jousse, Traiti, p. 202-203). 16. La prevarication est un faux commis par un off icier {ibid., p. 768). 17. Les voleurs d'animaux forment 30 % des voleurs. This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms La delinquance en Anjou 313 - Les voleurs d'aliments (6,9 %) sont caracterises par leur age, leurs metiers et la frequence des complicites. L'age des accuses est eleve ; plus de la moitie ont depasse 40 ans, et parmi eux plusieurs ont plus de 60 ans ; leur age moyen depasse 40 ans. Plus de la moiti£ exercent une profession en rapport avec la vie agricole ; mais l'essentiel est la predominance des categories sociales les plus pauvres : les trois quarts des cultivateurs ainsi accuses sont de simples journaliers ; quant aux artisans, preque tous sont des tissiers, des filassiers ou des f ileuses. Le taux de complicity est tres eleve, une affaire impliquant, en 1772, huit accuses. Nos voleurs d'aliments sont les plus vulnerables des Angevins du xviiP siecle ; pauvres, relativement ages, ils sont extremement sensibles aux hausses des prix des grains, qui constituent l'essentiel de leur nourriture ; leur pauvrete et leur age font leur faiblesse ; ils les amenent aussi a se grouper pour trouver de la nourriture. - Les faussaires sont aussi des delinquants tres types ; ils sont souvent ages, puisque tous, a une seule exception, ont plus de trente ans, et les trois quarts au moins quarante ans, contre un quart seulement pour l'ensemble des delinquants angevins. C'est un delit d'homme ou de femme d'age mur, parfois meme de vieillard. La moitie des accuses exercent des professions intellectuelles, et souvent juridiques : pretres, notaires, huissiers,... Pour les autres, il s'agit de petits notables ruraux (meuniers par exemple), ou urbains, ou de delinquants probablement lettres (sur les trois marchands accuses, deux sont des marchands d'images). On rencontre de veritables bandes organisees. - Les voleurs par effraction exercent, pour la moitie d'entre eux, un metier en rapport avec les activites agricoles ; un quart sont des marchands ambulants, etrangers a l'Anjou, quelques-uns exercent un metier des transports. Ils sont done assez caracterises : paysans ou gens de passage. Dans Tensemble, on remarque une tendance a une certaine specialisation du vol au cours du xviif siecle en Anjou. Le pourcentage des effractions augmente ; la gravite des delits s'accentue parallelement : davantage de vols d'animaux par exemple, qui sont souvent l'affaire de professionnels, alors que les vols alimentaires, commis par des delinquants occasionnels, sont en baisse. La diversite des delits augmente aussi ; on vole de plus en plus des objets divers ; c'est que, pour le voleur de profession, tout objet vole est monnayable. Pourtant, la delinquance occasionnelle, qui se contente de larcins de faible valeur et probablement non premedites, reste largement majoritaire ; elle Test cependant plus en 1700 qu'en 1790. This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 314 Benolt Garnot Les accuses de delits contre les personnes sont en Normandie, au debut du xvme siecle, pour l'essentiel « de jeunes males »18. En est-il de meme en Anjou ? Quant h l'age, il n'en est rien. L'age des accuses est en moyenne legerement plus eleve que celui de l'ensemble des delinquants angevins au xviif siecle ; un cinquieme seulement a entre 15 et 24 ans, et un sur six a plus de 35 ans ; pour l'ensemble des violents, il n'y a pas vraiment d'age privilegie. Quant au sexe, Angevins et Normands coupables de violence sont bien, en trfes grande majority, de sexe masculin, pour 95 %. La violence est un delit essentiellement mas- culin. On trouve tous les metiers parmi les accuses. Certains sont cependant nettement surrepresentes, comme les gardes et soldats (1,3 % du total des delinquants angevins, mais 10 % des homicides) ; inversement, les domestiques sont presque absents. Pour les autres categories de metiers, les differences sont negligeables par rapport a leur place dans l'ensemble de la criminalite angevine. II n'y a done pas de veritable originalite des accuses de violences dans l'ensemble de la population delinquante, sauf en ce qui concerne le sexe des accuses. Une exception cependant : les coupables de menaces et d'injures ont une moyenne d'age elevee, superieure & 40 ans ; l'injure se substitue aux coups quand l'age augmente. Parmi les delits contre les moeurs, on distinguera d'une part viol et prostitution, d'autre part l'infanticide. Les violeurs juges sont une dizaine seulement, ce qui est insuffisant pour les caracteriser. Pour les prostituees et maquerelles, e'est l'age qui etablit la repartition des activites ; les prostituees ont toutes moins de 40 ans, la moitie entre 15 et 25 ans ; elles se disent toutes salaries, generalement fileuses ; a partir de 35 ans en partie, et toujours au-del& de 40 ans, les accusees sont jugees pour « maquerelage » ; les hommes sont alors aussi nombreux que les femmes19, les ages etant parfois eleves. Les femmes accusees de « suppression de part », e'est-k-dire d'infanticide, sont faciles a decrire ; leur age, comme leur situation matrimoniale, sont caracteristiques. Toutes sont jeunes : elles ont entre 20 et 30 ans, le plus souvent de 24 h 26 ans. Dix-sept accusees sur vingt sont celibataires ; de plus, parmi les trois mariees, l'une est 18. E. Le Roy Ladurie, Histoire de la France rurale, t. II, p. 548. 19. Le « maquere*lage » est le « crime de ceux ou de celles qui favorisent la de*bauche, en procurant des femmes, ou qui attirent des jeunes gens dans des lieux de d£bauche et de prostitution » (Jousse, Traite"..., p. 810). This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms La delinquance en Anjou 315 veuve. Elles appartiennent toutes a d urbaines ou rurales pour la moitie, do de d61it est done bien le fait des milieux les plus faibles : sans argent, isolees, ces femmes n'ont plus que le recours de Tinfanticide. A chaque type de delit correspond done bien un type d'accus^s. II est probable que, a quelques nuances pres, l'exemple angevin pourrait etre elargi a l'ensemble du royaume20. Benoit Garnot. 20. Pour une 6tude precise des debits et des peines, voir B. Garnot, Dalits et chatiments en Anjou au XVIIIe siecle, Annales de Bretagne et des pays de VOuest, 1981, n° 3, p. 283-304. This content downloaded from 147.251.237.225 on Thu, 06 Apr 2017 09:45:15 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms