Le bilinguisme chez l'enfant Author(s): Christine de Heredia-Deprez Source: La Linguistique, Vol. 13, Fasc. 2 (1977), pp. 109-130 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/30248876 Accessed: 02-03-2019 19:45 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LA LINGUISTIQUE Vol. 13, Fasc. 2/1977 LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT par Christine de HEREDIA-DEPREZ L'itat actuel de la question Parmi les premieres 6tudes mentionnables sur l'acquisi langage par l'enfant figurent celles dont les observations ont sur des enfants bilingues. Avant Antoine Gr6goire dont les t publi6s en 1937 et 1947 font date encore A present, paral aux observations d'Oscar Bloch, de Maurice Grammont, de Marcel Cohen et de Karl Biihler qui portaient sur des enfants unilingues, il faut citer les travaux de Jules Ronjat en 1913 dont le fils 6tait bilingue franqais-allemand, ceux de Milivoie Pavlovitch en I920 (serbe-franqais), ceux de Clara et William Stern en 1928 (allemand-anglais), ceux de Madorah Smith (de 1931 A 1939) 5 Hawai. Parmi les contemporains de Gr6goire, il faut mentionner Addle Kenyeres qui a 6tudi6 le bilinguisme enfantin hongrois-frangais, Werner Leopold bien sfir en I940 sur l'anglais et l'allemand, Desir6e Tits aussi en I948 (frangais-espagnol). Plus r6cemment, Andr6e Tabouret-Keller avec le cas d'enfants alsaciens et Emilio Alarcos Llorach dont le fils apprit A parler en frangais et en espagnol ont apport6 A partir d'6tudes d'enfants bilingues de tres larges contributions A notre connaissance actuelle de l'acquisition du langage par l'enfant. Le cas du bilinguisme semble apporter un 6clairage particulier fort int6ressant A l'6tude de l'acquisition en g6neral. La question que l'on se posera ici sera done de savoir si une langue seconde s'apprend de la meme fagon ou non qu'une langue premiere et si l'acquisition simultanee (quand elle existe) de deux langues se fait diff6remment de l'acquisition d'une seule langue maternelle. Remarque : on sait que les enfants jeunes apprennent plus facilement une deuxieme langue que les adultes. On a insist6 sur l'id6e que seuls les bilingues pr6coces, bilingues avant leur dixibme ann6e, This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms IIO CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ 6taient de vrais bilingues au sens vant 6tre consider6s comme ay corrobore l'hypoth6se d'une per tique mais seulement propice c tion linguistique d6finitivem acquise 'a 14 ans, selon les neur tion d'une langue seconde qu meme a un age adulte, avec suc preuve suffisante pour admettre distincts. Quelles sont les notions qui ont accompagnf les prem sur le bilinguisme? En prenant comme materiel de la Sorbonne ainsi que les bib Monique B6ziers et Maurice F. Mackey', on s'apergoit que le avant tout 6tudi6 par les linguist de l'emprunt lexical, le plus ap meme est r6v61ateur) se fait ent d'une notion tres importante : ce elles deux un rapport d'in6galit ment, terme positif) une lang terme n6gatif). On 6tudie alor el6ments de l'autre langue, A, (on dit encore de traitement phon6tique. Cette influence ne contact : a la suite du titre du livr terme partout. << Emprunt >>, << influence >>, notions ? Globalement il y a to deux langues en pr6sence qui son dantes. Langue, ici plurisable en courant donn6 ' << langue frang Les langues sont ainsi pos6es co I. Respectivement dans : Bilingualism in guide, Alabama, 1956 ; Le bilinguisme, guid internationale sur le bilinguisme, Quebec, 197 This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT III meme temps personnalis6es ainsi qu'en comme : << la langue emprunte ), << elle ou les notions de << famille>> ou de << pa peut d61imiter les aires d'extensions g La notion d'<< emprunt lexical>>, elle, e ou de non-structuralisme. On n'envisa systmes globalement mais le passage, isol6s d'une langue dans une autre. Bie fait pas dans n'importe quel sens. Il es par des donn6es historiques et 6conom frangais qui, lui, emprunte a l'am6ric derriere la notion d'emprunt il y a cell la langue r6ceptrice, celle de non-cr6 oblige de prendre ailleurs ce qu'on n'es soi-meme. De meme derriere la notion d' sup6riorit6 latente. Il est int6ressant de remarquer que l si6cle, qui font appel a ces trois notion de contact, portent le plus souvent su disparates comme l'anglais et le garo, l et le hausa, l'arabe et le tigre, l'espagn le maltais, le frangais et le creole, etc. une langue de prestige et une langue Dans ces cas-la parler simplement de euphemique. On pose A present les pr parlant non plus d'influence mais de d rialisme linguistiques. Si ce sont toujours et toujours les memes qui empruntent, o mecanisme bien huil6, connu par ailleurs sont, comme nous l'avons vu, les juge situation. Comment voir les choses ci prisent? C'est sans doute le d6veloppement des communications, l'extension des programmes d'apprentissage de langues 6trang6res dans les 6coles et aussi la nouveaut6 des ph6nomhnes migratoires au xxe sidcle qui ne sont plus des mouvements de colonisation mais des transferts de main-d'oeuvre vers les pays les plus industrialis6s qui ont fait evoluer les concepts en usage ' propos du bilinguisme. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms I 2 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ Les &tudes portent plus frequem de deux langues de prestige com aux Etats-Unis, l'arabe et le fr le frangais et l'anglais au Can d'exporter sa langue que d'impo autres, moins d'imposer que de soi. Les travaux sur le bilinguism tion qui peut englober 'a la foi vailleurs immigres et de leurs e pays traditionnellement biling ou la Belgique. Ils prennent al langue mais l'individu qui la par son histoire, son 6conomie, sa pol tiques et politiques &taient evoqud comparee, elles y venaient ta titr on assiste a un renversement. Le comme un simple contact de la peut plus se definir par des crit constamment amend Ba y ajou psychologique, tels que l'apprec tion linguistique, ou sociologiqu ou sociale de tel usage, etc. Pou Tabouret-Keller, la comprehen jours trois facettes indissociables seulement At l'etude structural cons6quences, mais galement a sent la situation de contact et s psychologiques qui touchent locuteurs et aux rapports origi diffdrentes langues >>A. Toutes diff6rences garddes, de l'6tude de l'acquisition du langa Mais, pour ne pas nous 'carter guisme, on retiendra un point - sociologique : on parlera alors << choc >> de langues (le mot 2. Voir notre article Pour une 6tude de migration, Languefranfaise, no 29 (f6vr. 1 3. Andree TABOURET-KELLER, Plurilinguism linguistique, Denoel-Gonthier, 1968, pp. 304 This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT 11 3 en 1972 A propos du Canada) comme on parle de confl choc de cultures. Langues et cultures se retrouvent ass - psychologique : on parlera d'individus bilingues, s d'enfants. Dans leur monographie on utilisera les not motivation, de choix, d'6quilibre psychique, de reaction tives, d'effets sur l'intelligence, de comportement, de cap de d6veloppement mental ou cognitif, de pensee, etc.A - linguistique, mais sous l'angle nouveau d'une parole so c'est-a~-dire de la production d'un discours en situatio Ce qui caractdrise cette nouvelle orientation est son interdisciplinaire et sa perspective dynamique, dialectique tive. << La situation de contact linguistique, de bi- ou de guisme, est dans son principe meme une situation de change << Quelle est la place que le bilinguisme occupe dans la soc tique ? Centrale, car il est la donnes de base des conflits, des de constitution A). << Changement >>, << constitution>>, voilai des termes retrouve pour l'acquisition du langage par l'enfant. On p que l'enfant bilingue est le carrefour, le lieu privil6gi6 d'obs de ces ph6nomenes. Vers une typologie des travaux actuels sur le bilinguisme A la lecture des bibliographies recentes sur le sujet, reconnaitre que les &tudes restent encore assez specialis l'une de ces trois branches (qui toutes recoupent des reflexio catives). L'aspect psychologique a 6te traiti tout particuli par les anglophones, le plus souvent en r6f6rence au pr d'apprentissage (cf. Wallace Lambert, Richard Tucker et aussi les d6veloppements de Renzo Titone dans son d ouvrage)8. En France, c'est le c6t6 sociologisant, dirons-n 4. Voir les travaux de Josuah FISHMAN et de son 6cole. 5. Tous ces termes ont 6t6 releves dans des titres d'articles rdcents tr bilinguisme. 6. Andr6e TABOURET-KELLER, Plurilinguisme : revue des travaux franqais 1973, in La Linguistique, 1975/2, P.U.F., pp. 123-137. 7. Joseph SUMPF, Le bilinguisme, in Ethno-Psychologie, revue de psychologie d juin-sept. 1973, PP. 137-141. 8. Renzo TITONE, Bilinguismepricoce et iducation bilingue, Bruxelles, Dessart, 1 This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms I 14 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ prime sans aucun doute avec l'Pclosion notabl trbs nouveaux courants : - l'un sur les bilinguismes r6gionaux : ceux de l'Alsace, de l'Occitanie et de la Bretagne9 ; - l'autre sur le bilinguisme des immigrsl'0. Le relev6 des contextes dans lesquels apparait le mot bilingue ou bilinguisme donne la liste suivante : << alienation, avantage, assimilation, acculturation, adaptation, biculture, coeducation, destructuration des groupes, ddracinement, domination, facteurs sociaux (age, profession, habitat), fonctions sociales, integration, isolement, industrialisation, identit6 culturelle, insertion sociale, interculture, minorites, marginalit6, marginalisation, pluralisme culturel, privil6ge, r6ussite, relations interculturelles, situations sociales, socialisation >>. C'est cette prise en compte massive des facteurs sociaux qui fait A present s6parer distinctement, a la suite de Charles Ferguson, bilinguisme et diglossie. Essai de typologie des cas de bilinguisme enfantin En s'inspirant du classement propose par Andr6e TabouretKeller dans son article << Plurilinguisme : revue des travaux franAais de 1945 A 1973 >>11, on peut essayer de ranger les diff6rentes etudes en frangais sur le bilinguisme des enfants en fonction de ses conditions d'apparition ; donc avec un critbre social : a) Le bilinguisme exceptionnel, individuel, familial : c'est celui des enfants europ6ens, issus de mariages mixtes ou ayant vecu at l'tranger (pour la carriRre du pare par exemple, enfants de colons ou de militaires) ou ayant une nurse ou une nourrice 6trangire. Tout aussi exceptionnels sont les cas d'enfants scolaris6s tres t6t dans des ecoles internationales ou ayant suivi des exp6riences d'enseignement de l'anglais en classes maternelles. b) Les bilinguismes regionaux ou nationaux : citons, en dehors des etudes sur les p6ripheries de l'hexagone, les travaux sur la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, le Canada et sur nos ex-colonies d'Afrique du Nord, d'Afrique noire ou des Caraibes. 9. Voir les nos 8 et 25 de la revue Languefran;aise sur les << Parlers r6gionaux >> et 1' << Enseignement des langues r6gionales >>. Io. Voir le no 29 de la meme revue consacr6 A 1' < Apprentissage du frangais par les travailleurs immigres >>. ii. Ref6rence ci-dessus. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT I 15 c) Le bilinguisme scolaire : il concerne l'apprentissage d'une deuxikme ou d'une troisibme langue A l'6cole. Notons qu'A la suite des remarques de William Labov sur le << non-standard english >> des Noirs am6ricains et des enfants des guettos apparait l'id6e de considerer le << franqais parlh dans la famille >> surtout parmi les dites << couches defavoris6es>> et le<< frangais parle A l'6cole>> comme deux v6ritables langues ou du moins comme deux vari6tes de langues trbs loignees. On admettrait donc un certain type de diglossie (<< high >>-<< low >>) a l'interieur d'une situation apparemment unilingue. Le cas du bilinguisme des enfants d'immigres rel6ve en fait des trois cat6gories : phenombne individuel par rapport A la situation linguistique du pays d'origine mais aussi ph6nombne social puisque les immigr6s et leurs enfants sont nombreux et souvent regroup6s, ph6nombne scolaire enfin puisque la coupure maison/ecole est encore plus nette ici. La plupart de ces etudes sur le bilinguisme precoce ont encore un caractbre pol6mique ou prescriptif : pour ou contre le maintien des langues minoritaires ? Faut-il ou ne faut-il pas apprendre deux langues aux jeunes enfants ? A partir de quel age ? La langue y est sans cesse reli6e A autre chose qu'on ddfend : l'intelligence, la culture, une repr6sentation sociale. Nous devons remettre ici en question la d6finition restrictive que donne Leonard Bloomfield du bilingue : celui qui maitrise avec une 6gale aisance deux ou plusieurs langues, qui parle deux langues maternelles pour ainsi dire (le fameux<< native-like speaker>>), celui qu'on appelle encore l'6quilingue (<< ambilingual >>). Une enquete effectu6e auprbs d'enfants de travailleurs immigr6s et d'universitaires en France montre les diff6rents cas suivants a partir de l'espagnol, du portugais et de l'arabe : a) L'enfant qui comprend et qui parle les deux langues aussi bien l'une que l'autre (il s'agit souvent d'Espagnols) mais plut6t avec un accent frangais : c'est l'exemple de l'informatrice de notre th6se. b) L'enfant qui comprend ses parents dans leur langue mais qui leur repond en franqais uniquement ou par exemple en frangais et en portugais parfois. c) L'enfant qui commence A oublier, en quelques mois d'ailThis content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms I I6 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ leurs, meme vers 6 ans, sa langue maternelle et qui se voit oblig demander A ses parents pour des objets usuels : Qa comment ca en arabe dija ? d) L'enfant qui comprend le frangais mais qui ne compren la langue maternelle familiale que le << mlange >> parl6 par parents et a des difficult6s A comprendre et A se faire compre au retour dans son pays d'origine e) L'enfant qui parle correctement en frangais et q < melange > en arabe ou en portugais. f) L'enfant qui parle frangais avec de fortes traces de l'a (assez rare), etc. Toutes ces descriptions de cas concrets n'6puisent pas la r6ali Ils sont fonction des experiences de chacun : Age A l'arriv France, duroe de sejour, s6paration des langues dans la fam extension de la famille : frdres, ascendants, module linguist fourni par l'entourage : langue << pure >> ou << m6lang6e >> par parents, les copains, fonction sociale, prestige de chacun langues dans le contexte de l'enfant, etc. L'attitude p6dago des proches compte beaucoup : certains veulent conserver langue d'origine et la transmettre intacte A leurs enfants : << Ic passe la frontibre en franchissant le seuil de la porte >>, disait u mbre immigree espagnole ; d'autres s'efforcent A ne parler frangais, du moins leur frangais, A la maison pour faciliter l'in tion et les 6tudes des enfants en France ; d'autres enfin n'on d'option et parlent n'importe quoi selon les circonstances. blions pas les circonstances personnelles : le bilingue enfant que quiconque a un comportement linguistique statique, fig6 retour meme de courte duroe au pays, un dem6nagement, un ch gement de classe ou d'amities peuvent remodeler les rap pergus entre les langues. Rappelons-nous qu'une langue ma nelle peut se perdre definitivement. En conclusion, tous les enfants places dans des situations oif parle deux langues ne deviennent pas necessairement les m bilingues, certains meme ne le deviennent pas du tout : l'exemple des fils de << pieds-noirs >> en Algerie ou au Maroc. N rejoignons ici la critique de l'impregnation (< exposure >>) qu peut faire pour toute acquisition linguistique : un enfant seul de 12. Exemple des < petits Frangais > du Portugal. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT 117 une radio ou une t6dl n'apprendra pas a parler tout seul sa lan de meme on peut rester, mnme tras jeune, plusieurs ann6es dans pays sans en parler la langue. Etude des productions : point de vue normatif C'est celui qui, sous-tendu implicitement par la conception plus stricte du bilingue (<< native like speaker>>), ideal vers leque tendrait mais qui, s'il l'atteignait, detruirait ce point de vue meme, s6lectionne parmi les productions des apprentis-v bilingues celles qui par rapport 'a la norme de la langue du c6 laquelle on se place constituent des difficultes, des points d'ac pement, des problRmes, des 6carts, des formes deviantes, des inc rections, bref, disons-le sans honte, des fautes ! Cependant, s'il est facile de decrier les conceptions normat il faut bien admettre d'abord qu'il est difficile de s'en degager to lement (changer le critbre de la correction pour celui de la c prehension ne fait que repousser le problkme) et qu'ensuite points de vues normatifs n'ont pas eu que des effets ndgat l'antinorme se fonde sur la norme - un bel exemple, le livr H. Frei ! - et si on a une visde pedagogique on est bien oblig se situer par rapport B la langue dominante 'a maitriser, dans no cas, le frangais. Une enquete qui a 6t6 effectuee ' Aubervilliers dans la banl parisienne13 dans cette perspective sur les productions d'une taine d'enfants &trangers, suppos6s alors bilingues, maghreb espagnols et portugais, donne matibre B une reflexion nouv Menee au d6part en vue de mieux cerner les problemes e autres pedagogiques et linguistiques de ces enfants, l'enquete pour corpus les enregistrements d'entretiens semi-directifs avec psychologue 9 l'acole, situation certes critiquable mais somm toute assez proche de la situation scolaire habituelle. Tou enfants, sauf ceux des classes d'initiation, etaient en France d plusieurs annees : certains, Maghrebins, &taient n6s en Fran n'avaient jamais connu le pays de leurs parents, ce qui, aussi p doxal que cela puisse paraitre B premiere vue, ne les avanta gubre sur le plan de l'expression en frangais par rapport 't l camarades espagnols par exemple. I3. A.T.P. sur << Les problmes psychopedagogiques et midico-sociaux des enfan travailleurs migrants >>, 1973. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms I IS8 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ Les difficult6s phon6tiques et phonologiques rencontr6es so mineures quand elles existent. On remarque chez tous les enfa c'est-i-dire ind6pendamment de leur origine, des difficult6s les voyelles nasales et les voyelles dites secondaires du frangais. Le problRmes avec les consonnes sont en gn&tral eph6mbres, sauf po l'opposition I/s/-z/ chez les Espagnols. Mais c'est la courbe md dique de la phrase frangaise qui est souvent mal reproduite entraine une gene (l6gere) dans la communication. Plus interessantes sont les observations faites sur la premi articulation. Pour la morphologie nominale on a remarqu6 to specialement les difficultes concernant le genre de l'article ou l'adjectif : un chambre, un poule, la courage, une arbre, la stylo, c'es petite copain, toutes les samedis, la petit salle, de l'eau chaud ; les am games : ' les pour aux, a le pour au ; les variations du pronom sonnel : il/elle (confusions trbs fr6quentes) et le/lui :je le fais rien, le donne une till, me laisser taper (la) ; ou on a omission ou reducti le seulement ; les d6coupages : les lassiettes, il a taqui, le noiseau, splose. Pour la morphologie verbale, on observe des confusions trbs frequentes entre etre et avoir : il a reste, il a parti, il a venu, j'ai monti, ils ont pas espagnols ; des confusions entre les personnes : je m'assis, j'iras, on dorme ; des neutralisations de l'emploi du subjonctif : elle veut que je lis fa, il dit que c'est bien que je pars. Notons que nos observations sur les verbes sont trbs largement recoup6es par celles de Dalila Morsly et de Marie-Th&rese Vasseur tiries de corpus d'adultes4~. On remarque ces mbmes fautes chez tous les enfants quelle que soit leur langue suppos6e maternelle, y compris chez les enfants frangais (peut-&tre avec un decalage d'Age ?). Les adultes frangais unilingues n'en sont eux-memes pas exempts si l'on en croit (et on a toutes raisons de le faire) les 6tudes de Henri Frei et les corpus de Denise Frangois. Tout ceci nous incite a voir a l'origine de ces fautes la pression du systhme frangais lui-meme et non pas l'influence d'une autre langue en contact : sur le systhme frangais s'opbrent des structurations << logiques >> parfois abusives par rapport a la norme. Ce qui est cons6quent avec la d6finition martinetienne de la morphologie adoptee ici : tous les choix non pertinents du point de vue de la 14. In Languefranfaise, no 29 : < L'emploi des verbes frangais par des travailleurs immigres arabophones et portugais >, pp. 8o-92. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CIIEZ L ENFANT I 19 premiere articulation. La o0i il y a identit6 de pertinents) il y a reconnaissance d'6quivalence paradigmatiques, d'oit confusions frequentes. En ce qui touche au lexique des enfants 6trange a le juger en gendral trop pauvre, sans savoir comment on peut mesurer le vocabulaire d savoir non plus si cette pauvret6 est due 'a la autre langue que le frangais ou au milieu socio facteur aussi important pour les enfants de migr ment fils de diplomates ! Dans notre enquete entretien individuel en milieu scolaire avec u inconnu ne permet en aucune maniere de me vocabulaire d'un enfant, meme en le comparan gais plac6s dans la << meme >> situation"5. En se l des productions des enfants, on fait trois obse a) La pr6sence de mots non comprehensibles phone unilingue, comme loquer, courdeur, janelle pasguette (marocain), bugna, tufer, grougrou, ch (informatrice espagnole de 4 ans) ; b) L'aveu du manque : sais pas il s'appelle com s'appelle en frangais (portugais), je sais pas dir (portugais) ; c) De tres nombreux termes approch6s, sur lesquels il est interessant de travailler : je vas debout pour je me lIve, dire pour demander, balance pour balangoire, grand pour loin, salle a coucher pour chambre, courir (voiture) pour rouler, faire la douche pour prendre une douche, j'ai descendu pour je me suis baissi, invitants pour invitis, parler pour dire, sifter pour souffler (dans une trompette), il fait vite venu, bavarder pour parler, jour pour mois, deviner pour inventer, beaucoup pour tres, partir pour passer (en sixieme). Ces premiers exemples sont tires des entretiens avec les enfants maghrebins, les suivants avec les enfants portugais : vient pour revient, apporte pour rapporte, faire pour avoir (7 ans), va pour rentre, vouloir plus mieux pour prifirer, montre pour riveil, tres pour trop, monnaie pour argent, entendre pour icouter, electrophone pour magnitophone, dire pour demander, manger pour boire, pleuvoir pour 1tre mouille', beaucoup pour longtemps, beaucoup pour trWs, voir pour lire, voir pour regarder, mettre pour faire (la guerre),four pourfeu, rien pour personne, les mangers pour les repas. 15. Voir a ce sujet les r6ticences de William Labov et de Cazden. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 120 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ Les derniers exemples sont tires espagnole de 4 ans : longue pour gra pour fermer (les yeux), voir pour r pour copier, imiter, entendre pour ec venir pour aller, parler pour dire, v flate, faire pour donner (des fessdes pour dire. La plupart des termes << remplac6s >> sont attestes dans le reste des corpus A la meme epoque, ce qui dlimine l'hypoth6se de la lacune pure et simple. A partir de cette longue liste d'exemples on remarquera qu'aucun n'est sp6cifique aux bilingues (sauf les premiers) meme si leurs fautes semblent plus constantes et plus fr6quentes que pour les petits Franqais dans certains domaines. a) Les exemples a) nous placent dans le cadre non de la pauvret6 mais dans celui de l'enrichissement soit par l'emprunt (janelle pour fenetre, en portugais janela), soit par la creation pure (voir les exemples de la petite Espagnole). b) L'aveu du manque est rAvilateur quand il porte sur des mots usuels chez des enfants dji. age's (chez notre informatrice de4 ans il portait sur des lexemes comme : couturiere, fusie, caramel, facteur, carotte). On nous a rapport6 l'anecdote d'une fillette espagnole de cours preparatoire qui ignorait le mot frangais riz alors qu'elle en mangeait souvent. L'aveu du manque est alors l'indice d'un cloisonnement des langues dans des usages specifiques : l'espagnol parli e la maison (arroz) et le frangais parlk dans la rue ou l'"cole, avec une s6paration nette des themes : on ne parle pas de cuisine en classe. D'oui l'ambiguit6 de l'institution scolaire : on a tendance a faire comme si l'enfant ne savait rien de sa propre langue en arrivant B l'6cole et en meme temps on suppose un savoir exterieur B l'acole sur lequel on ne revient pas. Il faut done distinguer entre l'aveu du manque qui apparait comme une abscence de r6ponse A une question pr6cise de l'adulte et le manque luimeme auquel il peut etre supplh6 dans la conversation spontante par une p6riphrase. c) Pour ces derniers exemples, on comprend facilement comment se fait le passage d'un terme A l'autre : il y a toujours entre le mot produit et celui qu'il remplace quelque chose de commun : ils font partir du m6me champ s6mantique : montre/riveil, argent/monnaie, dire/demander. On peut essayer sur les bases d'une This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L9ENFANT 121 analyse classique en s6mes de retrouver le trait com rouler : le mouvement, descendre et se baisser : mouv tout de suite et bientot : proximit6 dans le temps, rien tion. Il s'agirait alors d'une difficulte 'A combiner le tiques (tout comme on peut avoir une mauvaise traits phonologiques dans [potol] pour moto com E. Alarcos-Llorachls : rien = neg + nom-hum. ; p + hum. ; dire = parole + fait ; demander = parol simplement de mauvaises combinatoires au niveau syntaxiques n6cessaires (exemple : beaucoup loin ou t D'autres confusions comme celle de faire pour remplacement d'un terme sp6cifique comme bavarde plus general comme parler (< hyponymie >>) ont fai hypotheses : i) Selon E. A. Levenston et Shoshana Blum"' l'hyponymie correspond a un manque en d6but d'apprentissage : l'enfant ne connait pas le terme sp6cialis6, il utilise le terme gen6ral qui peut s'employer dans un plus grand nombre de contextes. Plus tard, quand l'hypothese du manque devient improbable l'hyponymie apparait par influence des premieres acquisitions, les plus < pr6gnantes >>, en fonction de l'experience personnelle, tres importante si l'acquisition se fait sur le tas, ou pour 6viter des productions consid&r6es comme difficiles (prononciation, irregularites morphologiques, non-existence d'un equivalent s6mantique en L.M., etc.). 2) M. Van Overbeke's, lui, fait une hypoth6se plus generale selon laquelle les bilingues plus portes A l'6conomie que les unilingues utiliseraient un vocabulaire plus polyvalent, plus << utile >>, plus susceptible de participer au plus grand nombre d'emplois : on trouverait chez eux moins de diversite et de sp6cificit6 dans les termes. Il nous renvoie ainsi a une problematique de la valence lexicale : en presence de deux vocabulaires a memoriser, les bilingues auraient int&ret ne retenir que le moins de mots possible, done seulement les termes les plus generaux (ex. du verbefaire ou I6. Dans Le langage de la Plkiade (sous la dir. d'Andre MARTINET), 1968 : << L'acquisition du langage par l'enfant >>, pp. 323-366. 17. E. A. LEVENSTON et S. BLUM, Aspects of lexical simplification in the speech and writing of advanced adult learners, communication au Ve Colloque de Linguistique appliqute de NeuchAtel sur << The notion of simplification > du 20 au 22 mai 1976 (12 p.). 18. Entropie et valence de la parole bilingue, in Actes du Ier Colloque AIMA V de Bruxelles (S3-25 septembre 197o), Didier, g971. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 122 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ du machin passe-partout) ou les comme venir en frangais et en v6rifier scientifiquement"'. De question des contraintes combinat sont ceux, on le sait, qui apport partir du moment oif la foncti confusions portent pr6f6rentiel 33 exemples sur 56), verbe ta la support comme certains fonctio lences pergues, les contraintes c contraire, peu gen6ralisables, do une. Leur faible rendement (pred ideaux pour les enfants. On a ic signifies qui portent uniquement c6te de traits s6miques. En conclusion : aprbs l'essor d critique de l'analyse des prod d'erreurs a de6ja 6t6 largement fa rons ici deux l16ments : a) La langue cible y est system ce sont les difficultes fonction mises en relief plus que l'inaptit notre cas est prioritaire : on se d6fini comme d'une grille, d'u productions des enfants et au tr b) L'analyse d'erreurs oeuvre d pas un processus dynamique de c nication mais un produit fini. O l'objet (A connaitre) non du suj Ces points n&vralgiques pour n cation des analyses d'erreurs et directions des analyses complhm Etude des productions : les in Pour parler des interf6rences, l'article de Claude Debyser, << L 19. R. LowIE en 1945 parlait d6j& de manq de vocabulaire trop gineral dans A case of This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT 123 interf6rences >>20, et d'y relever deux problkmes fond nous afin de mieux cerner le parti que nous pouv type d'etude en toute rigueur. a) Bien que visible, materialis~e dans la parole au message acheve, lindaire, l'interf6rence est explique L'accent est mis sur la langue et non pas sur l'individu de la grammaire compar6e et surtout des structuralist la linguistique contrastive coupe la langue de son u juxtaposant simplement des descriptions formelles, et rences essentiellement en terme de presence ou d'a pour la marque du genre par exemple). La linguistiq dite aussi diff6rentielle, exteriorise la langue du confronte sur le papier deux systemes standards, en f celui du frangais et celui de l'espagnol, mettons, a l'individu et surtout pour l'enfant bilingue les ch autrement. Sinon, pourquoi les deux questions sui raient-elles en suspens ? Pourquoi doit-on toujours distingo entre fautes potentielles et fautes r6alisees coincident pas exactement ? Et pourquoi tous le contact des deux memes langues ne realisent-ils p fautes ? Pourquoi le meme contact produit-il des effet Le bilingue est d'abord detenteur d'un idiolec (L,) qui ne s'identifie pas avec la langue Li des gram se voit confront6 ' des 6chantillons plus ou moins v ghnes de L, qui ne s'identifient pas non plus avec l les grammairiens vont prendre comme objet de co dans le cas de l'acquisition d'une seconde langue ; po prdcoces, voir infra). Or, dans la plupart des cas, grande meconnaissance des vari6tes reellement en c individu donne. D'o i il s'avere que la comparaison standards, meme si elle est s6duisante parce qu'uni plan p6dagogique (en didactique des langues), est i meme occultante pour nous. Une mauvaise connai tames reellement en presence s'accompagne souvent tion incomplkte ou erronee de ceux-ci. Ainsi la simp des systhmes phon6tiques du franqais et du portugais de comprendre pourquoi les enfants portugais confond qais le /s/ et le /f/ puisque dans les deux langues 20. In Languefran;aise, no 8 : << Frangais, langue 6trangre >>. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 124 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ existent. Seule une analyse phonologique, abo tions, permet de comprendre leur identifica l'un pour l'autre. Autre exemple : pourquoi roulent-ils le [u] frangais alors que le [-a] d'a (le << ghayn >>) ? Deux r6ponses sont possib n'existe pas dans l'idiolecte de l'enfant, ce q bien s'il existe, encore faut-il tenir compte historiques, etc. du [r] (<< ra >>) et du [-a] (<< g contraire, une th6orie forte doit tre predict nologique de l'espagnol permet par le r6itabl tions de comprendre des productions comm [nwaf] pour nuage, puisque les sons [f] et [ espagnol. b) L'explication des difficultis en terme d'interf6rences suppose un appareil th6orique et metalinguistique assez general et assez unitaire pour rendre compte d'objets diff6rents. Si les deux langues confrontees sont proches, comme le frangais et le portugais, la tAche est aisie puisque la base analogique minima est assuree. Mais lorsque les langues n'ont aucun lien de parent6 entre elles et n'ont que des points de ressemblance fortuits, on peut penser que c'est tout le systhme des representations, du domaine du sens (toute la <> dirait Benjamin Lee Whorf) qui est ibranlke meme si cela ne se traduit en surface que par des fautes de grammaire. Ainsi la confrontation d'un systeme verbal a dominante aspectuelle avec un systhme verbal a dominante temporelle n'engendrera apparemment qu'un maniement un peu difficile des conjugaisons et des regles de concordance des temps avec quelques phrases jug6es << bizarres >> ou << gauches >> par rapport au contexte, des phrases qu'un unilingue n'aurait pas dites ; pourtant, en profondeur que s'est-il passe ? Prenons le cas de langues trbs diff6rentes comme le frangais et le bambara (langue du groupe mand6 parlee au Mali). Si on se contente de plaquer notre moddle descriptif habituel sur cette langue on risquera les erreurs de nos precurseurs2' qui, n'ayant pas pergu les diff6rences tonales, en ont fait une langue a vocabulaire r'duit, tres polysemique. La ou il y avait deux ou trois mots diff6rents qui se distinguaient clairement pour les bambarophones par leur ton, ils n'en voyaient qu'un qu'ils chargeaient de toutes les significations des autres r6unis. 2i. Voir le Dictionnaire de Mgr BAZIN de 90o6. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT I25 Le cadre que pose Weinreich22 pour le suivant : << - d6crire les divers systhmes en contact ; << - rechercher dans les diff6rences entre systhmes quelles sont les sources de difficult&s qui surgissent ' propos du double contr6le ainsi que pr6voir les formes d'interf6rences que le contact des systemes entre eux est susceptible de produire ; << - et enfin decrire dans le comportement des bilingues des d6viations des normes unilingues qui seraient dues 'a leur bilinguisme. >> De ce plan de travail se d6gage une impression finalement un peu n6gativiste, le bilinguisme y &tant present6 comme producteur de difficult&s et de d6viations et l'unilingue comme le d6tenteur de la norme. Si on restreint l'interf6rence "a ses applications seulement possibles, entre systemes comparables, a ses consequences negatives (fautes), sa valeur explicative, meme dans ce cadre est faible ou difficilement exploitable : tous les etrangers butent en frangais sur l'emploi des genres (arbitraires), sur le partitif, sur la morphologie verbale (verbes irriguliers) sur l'emploi juste de pr6positions polyfonctionnelles peu semantisees, etc. Et ce, quelle que soit leur langue maternelle23. Des 6tudes men6es par Ferguson et d'autres Am&ricains sur les pidgins nes du contact de langues tres variees et sur les<< foreigners talk>> tendent ta faire apparaitre des <> que l'on retrouve partout. En voici quelques exemples : omission de l'article, de l'accord, de la copule, procedes de parataxe privil6gies par rapport t l'hypotaxe, avec elimination des conjonctions, etc., remplacement de mon par de moi ; pronom sujet = pronom complement : je = me = moi, reduction des categories verbales : les formes qu'on identifie comme infinitives sont tres fr6quentes ; l'interrogation se fait exclusivement par l'intonation montante, jamais par inversion, etc.24. Les similitudes sont 22. In Le langage de la Pliade (op. cit) :<< Unilinguisme et multilinguisme>, pp. 647- 684. 23. Voi aussi les catalogues de fautes singulibrement concordants releves par Pierre ALEXANDRE et Jacques CHAMPION en Afrique pour l'anglais et le frangais. Notons cependant que dans les milieux immigr6s les enfants peuvent apprendre d'un autre 6tranger des formes d'interfdrences, sans les cr6er lui-meme, par rp6ptition. 24. In Dell HYMES (ed. by), Pidginisation and creolisation of languages, Cambridge University Press, 1971, 530 p. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 126 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ frappantes avec notre parler b6b6 (tata gent n~gre (toi aller parler patron). Il semble qu'il y ait des strat6gies d'acquis ment lides aux modules, qui rel6vent peu de sensu. La conception selon laquelle on n'app seconde comme une langue maternelle, 6tablie l'acquisition de la L2 se fait comme un r6f6rence au cadre de la L.M. de faqon plus spontanee, est peut- tre B reviser. Faut-il al notion d'interf6rence et l'idee de r6alisatio locuteur d'une L.M. donnee ? Non, car ce serait contraire aux plus d16mentaires observations. Si notre informatrice, pour prendre plusieurs exemples enfantins, dit : rote' pour cassi perre pour chien c'est bien par analogie avec les termes espagnols : roto et perro de signifies B peu pres identiques a ceux du frangais et c'est bien parce que cette analogie a fonctionn6 dans de tres nombreux cas avec de bons r6sultats. Le processus d'interf6rence, a base analogique, se r6alise partout et pas seulement 1 o0t la faute le rend manifeste. R6ciproquement, la petite Espagnole dira lourdo pour pesado et pulas pour gallinas. Plus intkressantes sont les interf6rences lexicales avec changement de signifi6. L'existence d'un terme unique dia en espagnol face a la distinction frangaise entre jour et journie amine l'enfant ta produire un enonc6 comme :<< Oui il vient pas tous les journees >> ot l'explication de Weinreich est fort adaptie : < Quand pour des raisons s6mantiques g6nerales un bilingue a l'occasion de rapprocher un mot de L. Source d'un mot de L. Cible, il est vraisemblable qu'il fera participer le mot C aux privileges syntaxiques et aux limitations du mot S avec lequel il a etabli 1'6quivalence, bien souvent au mepris des ragles de C >>25 Ici la rtgle alg6brique << si a = b et c = b, a = c >> joue avec les mots : si journde = dia et si jour = dia alors journe'e =jour. Dans le domaine morpho-syntaxique les exemples sont plus douteux il est vrai et en l'absence de comparaison valable avec des enfants franqais et espagnols unilingues, il est parfois difficile 25. Op. cit. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT 127 d'attribuer au contact d'une autre langue ce qui pourra pondre qu'A une 6tape d'acquisition interne. Par oppositions : parce que / pourquoi face A l'esp. porque, co face A como, para/por face au frangais pour, peuvent d'6nonc6s comme : << non, pourquoi je fais des des jolis >>, << es por sepillarse >>, << comme je vais le met Mais peut-etre pourrait-on les entendre dans la bou unilingues ? Dans d'autres cas le contact peut se r6 Notre informatrice maniait sans probl6me l'opposi peut- tre renforcee par l'opposition sobre/dibajo, plus tiquement en espagnol, . l'age ou les unilingues fraploient qu'avec difficult6. Par ailleurs, que penser d subjonctif avant 4 ans ? Il reste que les interf6rences l et les plus nombreuses (400 exemples relev6s sur 6 situent chez les enfants au niveau lexical. Dans les autres domaines on ne sait ce qu'il faut attribuer a une phase de constitution ou a une influence exterieure. Ainsi en phonologie, les interf6rences dans la langue espagnole portaient justement sur les phonemes acquis tardivement par les unilingues : la jota, la distinction /r/-/r/, ou celle entre Is] et 10/. Chez l'enfant, plus encore que chez tout autre, la notion d'interf6rence est utile mais difficile a manier car on ne peut identifier chez le bilingue precoce, avant 4 ans, deux pBles linguistiques diff6rents et pergus comme diff6rents, qui se heurteraient dans sa tete. Chacune des deux langues est en constitution et, s'il est vrai que les premieres 6tapes du dcveloppement linguistique sont parallkles chez tous les enfants du monde, chacune d'entre elles est en cours de diffdrenciation. r a-t-il une langue dominante chez les enfants ? Il nous a 6t6 impossible de d6gager chez notre informatrice sur des criteres linguistiques internes une langue dominante et une langue secondaire (sur le moddle qu'on propose en pedagogie : langue source et langue cible) meme dans une situation de communication isolable et rep6t6e (meme cadre, memes interlocuteurs). Le frangais semble l'emporter pour ce qui est de la seconde articulation mais c'est la morphologie et la syntaxe espagnoles qui sont les plus puissantes. Pour le vocabulaire, les emprunts purs et simples se font plut6t dans le sens franqais-espagnol mais les mots This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms I28 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ hybrides ou bitards (du genre cava) se font sens de l'espagnol vers le franqais. La maitr l'autre systhme ne permet pas non plus de t jug6 le critbre quantitatif (la proportion 6tait contre un tiers d'espagnol) insuffisant 6tant d'enregistrement (en France, avec une Fran On voit mal d'ailleurs comment l'enfan s6parer nettement des langues en cours d'a comment il pourrait identifier clairement appartenant a telle ou telle langue, alors que so ne le fait pas toujours : les melanges de lang ment frequents dans les familles immigre confront6 a deux sources d'6noncis : ceux du milieu scolaire ou de la rue en g6neral : franqais avec plusieurs registres (cours de recreation, salle de classe, t6levision, etc.), ceux du milieu familial oii on parle soit l'espagnol, soit un m6lange de frangais et d'espagnol, soit un << frangais approch6 >>2. Si les modules en contact ont d6jat des ressemblances entre eux comme c'est le cas pour le franqais et l'espagnol, le portugais et m~me l'arabe dialectal, la reconnaissance precoce de deux systhmes nettement s6par6s est inconcevable. L'enfant en t6moigne elle-meme de deux faqons : a) Elle a du mal a traduire ' la demande, alors qu'elle le fait de faqon spontan6e, et 't identifier un mot (ou une personne ce qui revient au meme) comme franqais ou espagnol. Voici deux extraits de notre corpus enregistr6s le meme mois : Q. - Elle est Frangaise ou elle est Espagnole Carmen ? R. - [slespajAl] Q. - Elle parle espagnol ? R. - [we] Q. - Et toi tu parles quoi ? R. - [mwa lo Failse] Q. - Et la maitresse ? R. - [la meta~s de Fwa ,paulle lespa:jol] Q. - Elle parle en espagnol ? R. - [wi la metnes] 26. Voir l'article de Colette NOYAU, in Languefranfaise, no 29 (PP. 45-60). This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE BILINGUISME CHEZ L'ENFANT 129 Les deux dernibres r6ponses sont manifestement fausse l'6poque la maitresse ignorait que l'enfant n'6tait pas franq Q. - Tu eres espafiola o francesa ? R.-... Q. - Y tu madre es espafiola o franc R. - [epaJ~Qla] Q. - Y la abuela ? R. - [ile Fu~ses] Q. - La abuela que ? R. - [ele Fuainses] Q. - Elle est Franqaise la abuela ? Pourquoi ? R. - [pasko pasko pasko wi] Q. - Et moi ? R. - [Fanide] (?) Q. - Et toi tu sais parler fran ? R. - [n6] Il est parfois difficile de savoir quelle langue elle parle, par exemple dans : pero no se t'as pas vu celui-la ? si se veia pero le he dicho a la maitresse qu'elles itaient neuves, non no c'est pas vrai no son iguales me me gustan los libros que que de pas dessiner attends, je vais sacar las otras. L'interf6rence stricto sensu qui decoule de la distinction claire de deux systemes est donc a 6carter ou alors elle ne serait qu'un moddle explicatifabstrait qui ne correspondrait pas A ce qui se passe dans la tate de l'enfant. Bien mani6e au contraire elle est la preuve de l'existence d'une structuration plut6t que d'une structure d'un processus d'acquisition actif qui porte sur ce qui peut etre actif : les combinaisons, les structures, et non pas sur les formes qui, elles, sont donnies de fagon exterieure, passive, par le milieu, avec une tendance a l'dlargissement (g6neralisation). Toute donn6e linguistique nouvelle est confrontee aux acquis linguistiques faits anterieurement. Si le sujet est unilingue et ne connait donc que sa langue maternelle, tout 6nonc6 nouveau sera interpr&te par lui linguistiquement (nous dliminons ici le r61le de la situation bien stir) en fonction du systtme de sa L.M. qu'il s'est constitu6 " ce stade et y sera int6gr6 dans un processus continu de destructurations et de restructurations successives, ce qui explique les phenombnes de r6gressions, de passage A vide. Si aucune interpr6tation n'est possible en L.M. l'6nonc6 nouveau est rejet6 par LA LINOUISTIQUE, 2 5 This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms I30 CHRISTINE DE HEREDIA-DEPREZ incompr6hension : ce n'est pas frangais. Par les ni6 : << C'est du charabia ga ! > et ils se metten leur parle une langue 6trangbre : pour eux l s'identifie encore A l'utilisation de leur pr enfants bilingues selon Titone7 :<< La coexisten linguistiques diff6rents determine une nou structures linguistiques en rapports transsy cat6gories d'6nonces que produisent leurs e mettent de construire un systhme complexe notions << troncs , des rkgles d'6quivalences d'equivalences plus souples, de correspondan entrainant des modifications du signifiant nous appelons << reglesA fonctionnent com permettent la production d'6nonces mais ce ne que des hypotheses puisqu'elles pourront &tre r enonces nouveaux < d6structurants >> ou a des corrections 6manant de l'entourage. En ce qui concerne les notions que nous appelons << troncs>>, il peut s'agir de notions de type > et par universel nous entendons produit par des conditions genitiques, perceptives et sociales identiques (dans le cadre d'un constructivisme piag6tien par exemple) comme les notions d'actants, de procs, de determination, etc., ou bien il peut s'agir de categories plus pr6cises comme le sujet ou l'adjectif ou meme de traductions mot a mot (bouteille = botella, merci = gracias) selon l'apparenti des langues et le stade d'acquisition de l'enfant28. Il ne s'agit pas ai de r6cuperer la coupure traditionnelle entre bilinguisme compos6 et bilinguisme coordonn6 mais de voir que fondamentalement le mecanisme d'acquisition est le meme pour un enfant unilingue que pour un enfant bilingue, pour une langue maternelle ou pour une langue seconde, qu'il porte simplement sur des materiaux diff&rents, structurables diff6remment. 27. Op. cit. 28. Ce module est inspire de celui que pr6sente Pit Corder. This content downloaded from 147.251.6.77 on Sat, 02 Mar 2019 19:45:33 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms