LES CUISINES COLLECTIVES: Une pratique sociale innovatrice par et pour des femmes Author(s): Danielle Fournier and Monique Provost Source: Canadian Social Work Review / Revue canadienne de service social, Vol. 17, No. 2 (2000), pp. 189-203 Published by: Canadian Association for Social Work Education (CASWE) Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41669705 Accessed: 06-03-2018 18:30 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms Canadian Association for Social Work Education (CASWE) is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Social Work Review / Revue canadienne de service social This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms LES CUISINES COLLECTIVES Une pratique sociale innovatrice par et pour des femmes Danielle Fournier Monique Provost Abrégé : La pratique des cuisines collectives concourt à Y empowerment individuel et permet de combattre l'exclusion sociale. Pratique de prise en charge individuelle, les cuisines collectives misent sur les forces et les potentialités des individus. Elles ne centrent pas le regard, comme le font trop souvent les interventions sociales, sur les limites et contraintes qu'entraîne la situation de pauvreté. Une telle pratique sociale est, selon nous, source d'inspiration pour le travail social. Nous nous rallions, en effet, à une conception du travail social qui cherche à combattre les inégalités et l'exclusion sociale. Nous souscrivons à des interventions sociales qui tendent à augmenter le pouvoir des individus sur leur vie et démystifie le rôle des experts. Les cuisines collectives s'appuient sur l'expertise et le savoir des participantes, permettent à celles-ci de se prendre en main et de mener à terme une production concrète. Pratique prometteuse, elle est aussi fragile et nécessite pour survivre l'appui d'intervenants qui puissent accompagner son développement. Nous nous appuierons pour présenter la pratique des cuisines collectives sur une recherche-action que nous avons menée avec le Regroupement des cuisines collectives et Relais-Femmes de 1994 à 1998. Abstract: Cooperative kitchens are compatible with individual empowerment and help combat social exclusion. As an individual initiative, cooperative kitchens rest on the strengths and potential of individuals. They do not focus on the limits and constraints imposed by poverty, as do many social interventions. As such, they are a source of inspiration for social work. We embrace a conception of social work that seeks to combat inequity and social exclusion. We subscribe to social interventions that tend to increase the power of individuals over their lives and demystify the role of experts. Cooperative kitchens are supported by the expertise and knowledge of participants and allow them to take charge of and complete a concrete task. While a promising practice, they are also fragile and, to survive, require the support of workers who can facilitate their developDanielle Fournier est professeure à l'École de service social de l'Université de Montréal. Monique Provost est chercheure à l'INRS - Culture et Société à Montréal. Canadian Social Work Review, Volume 17, Number 2 (2000) / Revue canadienne de service social, volume 17, numéro 2 (2000) Printed in Canada / Imprimé au Canada 189 This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 190 Revue canadienne de service social, volume 17, numéro 2 ment. The authors present a view of cooperative kitchens obtained from a participatory research project undertaken between 1994 and 1998. SeRVIŒ SOCIAL et pauvreté sont intimement liés. Même si au fil des ans, la pratique du service social s'est diversifiée, la pauvreté et ses multiples conséquences occupent, encore et toujours, une place centrale dans les interventions des travailleurs sociaux. Pour un groupe de réflexion du Regroupement des unités de formation universitaire en travail social, il s'agit même d'un des enjeux les plus significatifs pour la pratique du travail social : « La pauvreté est au coeur de l'émergence et du développement du travail social. Si, durant une certaine période, on a pensé l'avoir réduit ou à tout le moins atténué ses effets, avec les transformations sociales actuelles, elle est en passe de redevenir le problème social structurant la pratique du travail » (RUFUTS, 1993, p. 21). Depuis 20 ans, la pauvreté est, en effet, redevenue un problème important au Québec, tout comme dans la plupart des pays occidentaux. Les transformations du marché du travail, la fragilisation des liens familiaux et la crise de l' État-Providence ont favorisé le développement de nouvelles pauvretés. Les jeunes sont plus massivement touchés, tant les jeunes familles que les jeunes seuls. Si la pauvreté concerne toujours autant les femmes, il s'agit maintenant plus souvent des jeunes femmes ainsi que des femmes chefs de famille monoparentale (Deniger et Provost, 1992). La pauvreté contemporaine touche des groupes jusqu'ici à l'abri de tels aléas et comporte plus souvent qu'autrefois une dimension d'exclusion professionnelle et sociale. En 1996, au Québec, 21,2 pour cent de la population vit dans la pauvreté. En comparaison, au Canada, 17,6 pour cent des personnes connaissent une telle situation. Le Québec détient le triste record du plus haut taux de pauvreté parmi les provinces canadiennes (CNBES, 1998). Au cours des dernières années et malgré la reprise économique, la situation ne s'est pas améliorée. « Pour dire les choses comme elles sont, les effets de la modeste croissance économique des dernières années ne sont tout simplement pas parvenus jusqu'aux rangs des pauvres» (CNBES, 1998, p. 12). TABLEAU 1 Taux de pauvreté, Québec 1980-1 989-1 996a 1980 1989 1996 Familles 16,5% 13,0% 17,6% Personnes seules 47,8 % 44,2 % 45,0 % Ensemble 18,6% 16,7% 21,2% a Source: CNBES (1998). This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Canadian Social Work Review, Volume 17, Number 2 191 Parmi les familles, le risque de pauvreté le plus élevé est associé à la situation de monoparentalité féminine. Cela s'explique par le fait que dans la majorité des cas, les familles biparentales bénéficient de deux revenus. Par contre, les familles les plus jeunes, celles dont le chef est âgé de moins de 25 ans, ont un risque plus grand que d'autres familles de connaître la pauvreté. Conséquence de la pauvreté plus grande de jeunes familles et des familles monoparentales1, ce sont 22 pour cent des enfants québécois qui vivent dans la pauvreté en 1996. La pauvreté des enfants a très fortement augmenté au cours des 20 dernières années : ainsi, au Canada, en 1980, 14,9 pour cent des enfants étaient pauvres alors qu'en 1996, ils sont 20,9 pour cent à connaître une pareille situa- tion. TABLEAU 2 Taux de pauvreté des enfants Québec/Canada, 1996a Québec Canada Enfants pauvres tout type de famille 22,2 % 20,9 % Enfants pauvres famille avec deux parents de moins de 65 ans 1 3,7 % 1 2,6 % Enfants pauvres mères seules moins de 65 ans a Source : CNBES (1998). Les intervenants sociaux, en particulier les travailleurs sociaux, sont bien sûr confrontés aux conséquences de cet appauvrissement. « L'appel à la bienfaisance refait surface et de plus en plus d'intervenant-e-s sont confronté-e-s à des demandes de dépannage et d'assistance matérielle. Tout ceci pendant que les mutations économiques scindent le marché de l'emploi et menacent l'existence même de nombreuses communautés rurales et de quartiers urbains » (Ninacs, 1996, p. 18). De plus, l'intensité de la pauvreté s'accroît, c'est-à-dire que l'écart avec le seuil de pauvreté s'agrandit pour plusieurs personnes (CNBES, 1998) . De ce fait, la très grande pauvreté et son corollaire la faim ont fait leur réapparition dans notre société. Durant les années 80, différentes ressources de dépannage alimentaire ont été mises sur pied. En 1994, la Fédération des Moissons, le regroupement des sept banques alimentaires régionales au Québec, a constaté la croissance fulgurante tant de l'offre que de la demande d'aide alimentaire depuis la mise sur pied de la première banque alimentaire au Québec (Moisson Montréal en 1984). En 1997, on compte 12 banques alimentaires au Québec et une proportion grandissante de la population a recours à des services d'aide alimentaire pour une durée de plus en plus longue. [ . . . ] Actuellement, les 12 Moissons desservent plus de 900 organismes au Québec. La région de Montréal compte, à elle seule, au-delà de 500 organismes d'aide alimentaire, allant des comptoirs alimentaires de la Saint-Vincent-de-Paul aux restaurants popuThis content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 192 Revue canadienne de service social, volume 17, numéro 2 laires comme le Chic Resto-pop et le Resto-Plateau Mont-Royal. (Beeman, Panet-Raymond et Rouffignat, 1997, p. 43) Les premières cuisines collectives ont aussi été mises sur pied au milieu des années 80. S'attaquant au même problème, celui de la faim et de la pauvreté, les pionnières des cuisines ont dès le départ opté pour la prise en charge par les participantes à travers une activité d'auto-protection. La pratique des cuisines collectives concourt à Y empowerment individuel et permet de combattre l'exclusion sociale. Nous entendons par empowerment un processus qui favorise l'appropriation et l'exercice du pouvoir sur sa vie. Une démarche qui permet l'acquisition d'habiletés à choisir et à agir selon la décision prise (Guberman, Fournier, Lamoureux et al., 1997; Ninacs, 1996). Les cuisines collectives s'appuient sur une pratique de prise en charge individuelle en misant sur les forces et potentialités des liens sociaux. Les cuisines collectives deviennent rapidement pour les participantes des lieux d'appartenance. A ce titre, elles permettent de construire ou de reconstruire des liens sociaux. Pratique de prise en charge individuelle, elles misent sur les forces et les potentialités des individus. Elles ne centrent pas le regard, comme le font trop souvent les interventions sociales, sur les limites et contraintes qu'entraîne la situation de pauvreté. Une telle pratique sociale est, selon nous, source d'inspiration pour le travail social. Nous nous rallions, en effet, à une conception du travail social qui cherche à combattre les inégalités et l'exclusion sociale. Nous souscrivons à des interventions sociales qui tendent à augmenter le pouvoir des individus sur leur vie et démystifient le rôle des experts. Les cuisines collectives s'appuient sur l'expertise et le savoir des participantes, permettent à celles-ci de se prendre en main et de mener à terme une production concrète. Pratique prometteuse, elle est aussi fragile et nécessite pour survivre l'appui d'intervenants qui puissent accompagner son développement. Nous nous appuierons pour présenter la pratique des cuisines collectives sur une recherche-action que nous avons menée avec le Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ) et Relais-Femmes de 1994 à 1998. L'ensemble de la démarche a été coordonné par un comité d'encadrement qui s'est assuré de l'atteinte des objectifs et des liens contants à maintenir entre la recherche et l'action. Ce comité était composé de deux représentantes du RCCQ, d'une représentante de RelaisFemmes, d'une chercheuse de l'Université de Montréal, d'une agente de recherche ainsi que d'une étudiante, assistante de recherche. Durant la première année, une chercheuse de l'Université Laval a aussi participé à l'ensemble de la démarche. Une première étape de cueillette de données a été réalisée grâce à une fiche d'information. Cette fiche a été conçue afin de répondre plus particulièrement à l'objectif qui visait à dresser un profil socio-économique et démographique représentatif des cuisines collectives au Québec. A l'automne 1995, nous avons envoyé les This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Canadian Social Work Review, Volume 17, Number 2 193 fiches d'information à 497 groupes de cuisines collectives à travers le Québec. De ces groupes (correspondant à la liste d'envoi du Regroupement des cuisines collectives), 60 pour cent nous ont retourné la fiche complétée, ce qui constitue un excellent taux de réponse. Sans prétendre à une parfaite représentativité, nous croyons que l'information recueillie permet de tracer un portrait juste et valable des cuisines à travers le Québec. Une seconde étape de cueillette de données a consisté à réaliser une douzaine d'observations participantes dans autant de groupes de cuisines collectives dans le but d'approfondir la connaissance de leurs modèles d'organisation. Des entrevues dirigées menées auprès de personnes ayant joué un rôle significatif dans la mise en place et l'histoire des cuisines collectives ont constitué la troisième étape de cueillette de données. Ces entrevues avaient pour but de rassembler différents éléments de l'histoire des cuisines collectives et de cerner certains enjeux d'importance à l'heure actuelle2. Origine des cuisines collectives En 1986, trois intervenantes du Carrefour familial Hochelaga-Maisonneuve font du porte à porte pour cerner les besoins du quartier et les initiatives des personnes pour s'en sortir. C'est dans le cadre de cette tournée qu'elles recontrent madame Jacyn the Ouellette et découvrent par hasard son initiative. Elles trouvent une mère isolée, coincée entre de lourds sentiments de honte, d'impuissance et un entêtement à garantir à ses enfants une alimentation suffisante et agréable, malgré un revenu qui se limite à des prestations d'aide sociale et des allocations familiales. Jacynthe Ouellette a proposé à sa soeur un moyen simple pour tenter de se débrouiller convenablement face à l'angoisse quotidienne des repas. Il s'agit de mettre en commun un montant d'argent, d'acheter collectivement des produits alimentaires et de préparer des repas. Quelquefois, une voisine va se joindre à elles. Les deux soeurs débutent cette activité en mai 1985 dans la cuisine de madame Ouellette. Elles découvrent rapidement le plaisir de cuisiner ensemble. Elles se sent une fois par mois et cuisinent une vingtaine de plats pour des deux familles. Les intervenantes du Carrefour familial, en particulier Louise Garnier, trouvant l'initiative formidable et tentent de convaincre madame Ouellette de partager cette expérience avec d'autres femmes du quartier. Il faudra plusieurs rencontres pour vaincre les réticences de madame Ouellette. Il y a la crainte que l'aide sociale apprenne qu'elle sauve quelques dollars par mois et coupe son chèque d'autant. Mais surtout, parler de cette entraide, c'est avouer sa pauvreté, ses limites comme femme et comme mère. This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 194 Revue canadienne de service social, volume 17, numéro 2 Fort heureusement, madame Ouellette accepte de partager cette pratique. Cela se fait lors d'une rencontre organisée dans le cadre de la Fête du 8 mars. Après des rencontres au Carrefour familial HochelagaMaisonneuve et à la maison des femmes La Marie-Debout, plusieurs femmes se montrent intéressées à démarrer une cuisine collective. C'est le début officiel d'une nouvelle pratique populaire qui fera boule de neige. A ses débuts, la Cuisine collective de Hochelaga-Maisonneuve reçoit un appui du Resto-pop pour son expérimentation. Pendant près de deux ans (1987-1988), le Resto-pop met ses équipements à la disposition des premiers groupes de cuisines collectives et soutient leur mise en place. Trois groupes cuisinent les fins de semaine. Par la suite, le Centre Etienne-Pernet, appartenant aux petites soeurs de l'Assomption, leur ouvre les portes, leur prête une cuisine et soutient en collaboration avec des intervenantes du CLSC leur démarche d'autonomie. A l'automne 1989, la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve est officiellem incorporée. Quel esprit anime les pionnières des cuisines? Pour celles-ci, une c sine collective doit répondre aux objectifs suivants : 1) la création de réseaux d'entraide face au problème de l'alimen tion, par le regroupement de familles en noyaux de quatre ou cin 2) la priorité aux familles à faible revenu; 3) la mise en valeur du savoir des femmes et la mise en commun de c savoir : budgéter, planifier et réaliser des repas nourrissants sur u base mensuelle3. Les pionnières de Hochelaga-Maisonneuve n'ont jamais imagin l'engouement que susciterait leur projet4. Très rapidement, la nouve s'est répandue comme une traînée de poudre. Les cuisines collecti répondent à des besoins immédiats en proposant une démar soucieuse de préserver la dignité des participantes et leur permettan d'expérimenter une prise en charge collective sur la base de leurs acq historiques dans le « prendre soin » et le « nourrir ». En mai 1986, Diane Norman, nutritionniste au CLSC Centre-Sud, apprend l'existence de l'expérience de Hochelaga-Maisonneuve et en informe quelques femmes avec qui elle intervient. Celles-ci décident au printemps 1987 de rencontrer la Cuisine collective de HochelagaMaisonneuve. Suite à cette rencontre, elles décident d'adapter à leur milieu et à leurs besoins la fameuse formule. Près d'une année plus tard, 15 groupes de cuisines collectives fonctionnent dans Centre-Sud. A la même époque, des cuisines collectives naissent dans plusieurs quartiers de Montréal, à Pointe St-Charles, dans St-Michel et sur le Plateau Mont- Royal. A l'automne 1988, la Fédération des CLSC décerne le prix André-Tétrault aux Cuisines collectives de Centre-Sud. Cette reconnaissance officielle de l'organisation populaire et originale des cuisines colThis content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Canadian Social Work Review, Volume 17, Number 2 195 lectives entrarne une publicité dans plusieurs milieux et particulièrement dans les CLSC. Déjà, il ne se passait pas une semaine sans qu Hochelaga-Maisonneuve et Centre-Sud ne soient sollicités pour d demandes d'information et de soutien au développement de cuisin collectives. Suite à ce prix, les demandes d'information, de document tion, de rencontres se multiplient: elles viennent d'intervenantes CLSC et d'organismes communautaires de Montréal surtout, ma bientôt c'est des quatres coins du Québec qu'elles affluent. Dès 1989, des responsables de cuisines collectives de Montréal et de quelques régions se réunissent de façon informelle pour échanger l'information et partager leurs expériences. Elles veulent que les cuisines collectives demeurent des lieux de socialisation, de soutien, de prise de confiance et de prise en charge. C'est d'ailleurs la défense de cette philosophie qui sera à l'origine de la mise sur pied d'un regroupement provincial quelques années plus tard. Les pionnières des cuisines, en particulier Jacyn the Ouellette, ne se doutaient pas de l'ampleur que prendrait le mouvement. En effet, 10 ans plus tard, il y a plus de 500 cuisines collectives au Québec et un regroupement provincial. La naissance des cuisines collectives dans plusieurs milieux est souvent le résultat d'une collaboration étroite de plusieurs intervenantes et militantes provenant d'organismes différents, groupes communautaires ou CLSC. L'émergence des cuisines collectives nous démontre comment les forces vives d'un milieu, malgré certaines divergences, sont capables de travailler ensemble et de mettre en place des pratiques qui collent aux vrais besoins de la population. Le développement des cuisines est réellement issu du milieu et non d'un mot d'ordre général, encore moins d'une quelconque politique. Une aide alimentaire différente Comment situer les cuisines collectives par rapport aux banques alimentaires? Les cuisines n'ont pas d'abord pour objectif le dépannage alimentaire. Il faut, pour y participer, s'impliquer concrètement et de façon continue. Dans les banques alimentaires, il s'agit véritablement de dépannage, de réponses à des besoins urgents. Dépannage alimentaire, aide alimentaire, action communautaire en alimentation, où situer les cuisines collectives? Si les cuisines collectives peuvent être une alternative offerte aux usagers des banques alimentaires, elles ne sont pas une réponse pour quelqu'un qui vit une crise, qui a besoin de répit. Avant de participer à une cuisine, il faut qu'un minimum soit acquis (logement et sécurité, par exemple). A long terme cependant, elles permettent davantage de développer l'autonomie, la prise en charge que ne le font les ressources de dépannage et ce, compte tenu de la nature même des deux pra- tiques. This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 196 Revue canadienne de service social, volume 17, numéro 2 Noraz (1995) croit que l'objectif de prise on charge dans la cuisine collective de Hochelaga-Maisonneuve qu'elle a étudiée est une démarche exigeante. « La majorité des membres de la cuisine collective, à leur arrivée dans l'organisme, sont dans un processus de dépendance à l'égard du dépannage alimentaire. Ils sont "structurés" par le dépannage qu'ils considèrent comme normal ». Symbole par excellence de la dépendance à l'égard de l'aide alimentaire, la distribution de paniers de provisions est objet de débats : dans les groupes tout comme au sein du regroupement des cuisines. Doit-on ou non conjuguer cuisine collective et distribution de panier de provisions? Le tiers des groupes de cuisines distribuent aux participantes un panier de provisions après la cuisine. Pour les deux tiers des groupes, donc, il y a clairement un choix de ne pas offrir d'aide alimentaire sous cette forme. Pour le tiers des groupes qui conjuguent cuisine collective et distribution de denrées, le fait même de conjuguer les deux activités suppose une intervention différente de celle des banques alimentaires traditionnelles. Les cuisines collectives sont une alternative à l'aide alimentaire même si cela se présente de façon variable selon les groupes de cuisine et les objectifs poursuivis. Qu'est-ce que la pratique des cuisines collectives? Les cuisines collectives sont une pratique sociale initiée par et pour des femmes. Il s'agit d'un lieu proche de l'univers domestique et donc de l'univers féminin. Soixante pour cent des groupes de cuisines sont composés uniquement de femmes alors que les autres sont des groupes mixtes. Dans ces groupes, toutefois, les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes. Dans notre échantillon3, 1 442 personnes participent aux groupes de cuisines. Ce sont des femmes d'âge moyen, « québécoises de souche », ayant des enfants, peu scolarisées et vivant de l'aide sociale. Les femmes ont traditionnellement développé des savoirs qui touchent la sphère domestique, les soins et la nourriture. Elles les utilisent dans les cuisines collectives. Souvent, dans les groupes, on requalifie des savoirs invisibles qui ont été déqualifiés et dévalorisés. Les objectifs poursuivis par les groupes de cuisines sont multiples. Ils sont bien sûr économiques, mais ce ne sont pas les seuls. Ces objectifs - d'éducation, d'entraide, de briser l'isolement - visent la prise en charge individuelle, par une activité de groupe avec une composante de production collective ancrée dans le savoir-faire appris au fil du quotidien. Une activité collective qui soutient l'empowerment des participantes. Les objectifs identifiés sont centrés sur les individus, sur leur prise en charge et leur autonomie sans, dans la grande majorité des cas, la perspective d'une action collective. This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Canadian Social Work Review, Volume 17, Number 2 197 Figure 1 Structure organisationnelle des groupe de cuisine Globalement, au plan organisationnel, on distingue deux types de groupes de cuisines : les groupes rattachés à un organisme autonome et les groupes rattachés à des organismes communautaires, bénévoles ou publics/ parapublics. Les premiers sont rattachés à des organismes dont la mission est centrée essentiellement sur la cuisine collective. Ceux-ci forment le tiers des groupes de notre échantillon. Pour les deux tiers des groupes, cependant, le rattachement institutionnel est autre. Ceux-ci sont rattachés à des organismes qui interviennent dans toutes les sphères du mouvement communautaire et bénévole ou encore à des CLSC ou des commissions scolaires. Quel que soit le modèle, la défintion des rôles et le type de rattachement institutionnel, les cuisines fonctionnent, de façon générale, avec beaucoup de souplesse, peu de formalisation des règles et des statuts. Le fonctionnement d'une cuisine collective se rapproche de celui d'une cuisine familiale. Il y a peu de hiérarchie, la production est à l'usage domestique. Les trois quarts des groupes cuisinent le jour, le plus souvent une fois par mois, ce qui demande généralement deux rencontres aux participantes, une pour la planification, l'autre pour la cuisson. Les activités se déroulent presque toujours dans un local non résidentiel (sous-sol d'église, salle communautaire) et s'interrompent durant l'été. Dans la majorité des groupes, les participantes rapportent chez elles de trois à cinq plats cuisinés. Le coût de ces plats est relativement faible et est, dans près de 40 pour cent des groupes, en partie subventionné. De plus, une majorité de groupes reçoivent des dons d'aliments, le plus souvent d'une banque alimentaire. Ces aliments - souvent des fruits et des légumes - ne sont toutefois pas donnés sur une base régulière. This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 198 Revue canadienne de service social, volume 17, numéro 2 Participer à une cuisine collective demande aux femmes temps, disponibilité et organisation. Cuisiner en groupe une fois par mois demande au moins dix heures aux participantes. La garde des enfants doit être organisée. Si des groupes offrent des services de halte-garderie, les participantes doivent souvent prendre leurs propres arrangements pour faire garder leurs enfants. Le transport peut aussi être source de problèmes. Participer à une cuisine veut dire voyager avec les enfants, apporter des plats, parfois les achats faits pour la cuisine et rapporter à la maison les plats cuisinés. Les participantes sont très impliquées dans les décisions concernant les plats à cuisiner. Elles apportent souvent des recettes et décident du choix des plats à préparer. Leurs goûts et ceux de leur famille sont un des critères essentiels pour le choix des mets. Dans le trois quarts des groupes, ce sont les participantes qui effectuent les achats, dans les magasins de leur ville ou de leur quartier. La caractéristique principale de la réalisation d'une cuisine collective est la grande souplesse autant de la planification que de la cuisson. De même, les groupes fonctionnent avec des règles souples qui concernent d'abord et avant tout l'hygiène. Les participantes sont acceptées comme elles sont et pour ce qu'elles sont. Il y a beaucoup de tolérance. Bien sûr, les groupes étant relativement homogènes (en termes d'âge, d'origine ethnique, de caractéristiques socio-économiques), cela facilite sans doute la tolérance et la place laissée à chacune. Il y a trois groupes d'actrices au sein des cuisines collectives : les participantes, les bénévoles et les intervenantes. Les participantes sont celles qui participent concrètement à l'activité. Elles planifient (sauf exception) les menus, préparent la nourriture et la rapportent à la maison. Elles sont fortement impliquées dans la production : elles ont chacune la responsabilité d'une recette. Les tâches - la vaisselle, le ménage - sont partagées équitablement. Les bénévoles sont en général des femmes que l'on retrouve à différentes étapes de la réalisation d'une cuisine. Il peut s'agir, par exemple, d'assurer un support technique au niveau culinaire, d'offrir le transport aux participantes ou encore d'aider à la distribution des aliments en provenance des banques alimentaires. Enfin, les intervenantes ou personnes responsables représentent la catégorie la plus difficile à cerner. Notre recherche démontre que la coordination des activités dans une cuisine collective est une réalité multiforme et complexe. Il n'y a pas un modèle de personne responsable, il n'y a pas une seule façon de faire. Cependant, les personnes responsables jouent un rôle central dans le fonctionnement des cuisines. Ce sont des salariées dans près de la moitié des groupes. Elles peuvent aussi être des bénévoles ou des participantes à des programmes d'employabilité. Elles font surtout de la supervision des activités, elles ne sont pas les This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Canadian Social Work Review, Volume 17, Number 2 199 « boss » mais plutôt cies facilitatrices. Plusieurs d'entre elles ont en com mun une formation en organisation communautaire. Un des ingrédients indispensables au succès d'une cuisine : le plaisir Les participantes nous l'ont écrit, dit et montré : il est important que femmes aient du plaisir à être ensemble, puissent rire, se parler, potin Si on n'a pas de plaisir, si seule demeure l'exigence, les femmes n reviennent pas. Une pratique d'insertion sociale Si l'on parle d'insertion sociale en regard de la pratique des cuisines col lectives, c'est en fonction des caractéristiques des participantes qui son peu nombreuses à être sur le marché du travail, la majorité étant assist sociale ou encore retraitée. Pour autant, les participantes des cuisines collectives sont-elles des personnes exclues? Difficile de répondre sim plement à une telle question. Nous avons observé des réalités multipl dans les cuisines où nous avons fait des observations participantes. Le participantes n'ont pas toutes les mêmes caractéristiques, ni ne viven des problèmes similaires. Certaines apparaissent avoir des problèm personnels et familiaux importants, un réseau social peu présent et pe soutenant alors que d'autres vivent beaucoup d'insécurité au pla matériel et économique tout en ayant un solide réseau de suppor Compte tenu de la nature de nos données, nous ne pouvons quantifie ces différents profils. Il est cependant important de retenir que toute les participantes des cuisines n'ont pas les mêmes besoins au plan rela tionnel et au plan du support social. Cependant, quels que soient l besoins, il importe de rappeler que les impacts sociaux et relationnel d'une participation aux cuisines ont souvent été mentionnés comme d apports importants. Les retombées et les impacts d'une participation une cuisine collective sont nombreux. Les participantes réalisent d économies et développent leur réseau social. La participation à une cu sine apporte à la famille de la participante support, soutien et répit. L'activité de cuisine permet de développer une appartenance au group et de s'impliquer dans son milieu. Rappelons-le, les cuisines sont d lieux conviviaux où les participantes ont du plaisir et trouvent agréab de se retrouver en groupe, d'échanger, de potiner et de popoter! Par ailleurs, participer aux cuisines collectives demande temps, éne gie et effort. S'il y a support mutuel, entraide entre participantes, il y aussi production, tâches à accomplir, décisions à prendre. Par une tel pratique, on échappe à l'univers de l'assistance, de la dépendanc (réelle ou ressentie) qui accompagne trop souvent le vécu des pe sonnes pauvres et en particulier celui des personnes assistées sociales Faut-il rappeler la fierté des participantes à la fin d'une journée de cu sine! Une pratique comme celle des cuisines collectives encourag l'autonomie et comporte plusieurs des dimensions qui définisse This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 200 Revue canadienne de service social, volume 17, numéro 2 I' empowerment (Ninacs, 1996) : la participation, la compétence technique, l'estime de soi. Seule, la dimension conscience critique n'est pas toujours aussi développée dans les objectifs ou les pratiques des cuisines collectives. Cette contribution à l'empowerment personnel est un autre élément important qui font des cuisines un outil d'insertion sociale. Insister sur l'impact des cuisines au plan social, c'est aussi mettre en évidence que le seul caractère économique de l'activité n'est pas suffisant pour en assurer la réussite. Pour le dire autrement, sans apport au plan relationnel, sans plaisir d'être ensemble, les économies réalisées ne sont pas assez significatives pour passer outre aux inconvénients (compromis à faire pour cuisiner en groupe, par exemple) et aux efforts nécessaires. Enfin, les cuisines ne sont pas, sauf exception, des vecteurs d'intégration socio-professionnelle, et ce, parce que la majorité des groupes ne développent pas d'activités en ce sens. Bien sûr, il y a ici des exceptions qui, peut-être, se multiplieront dans l'avenir. Cependant, il est important de rappeler que les impacts actuels des cuisines au plan socio-relationnel ne sont pas négligeables. Pour plusieurs personnes, il ne pourra y avoir d'insertion économique sans au préalable une insertion sociale; pour d'autres, les perspectives d'intégration au marché du travail sont peu nombreuses. Dans un tel contexte, l'apport d'un groupe comme celui d'une cuisine collective est d'autant plus important. Les lieux où se retrouvent les personnes exclues du travail sont peu nombreux. Ils sont importants à préserver surtout quant ils sont, comme le sont les cuisines, des lieux peu formalisés, d'entraide, de support mutuel et de plaisir par- tagé. En guise de conclusion Les cuisines collectives sont d'abord et avant tout des groupes d'entraide économique (Ninacs, 1995). Elles ont adapté leurs activités (production de plats) aux besoins des participantes. Surtout, les cuisines collectives permettent l'expérimentation de la démocratie et sont un lieu de construction du lien social. Face à la pauvreté et à l'exclusion qui empêchent l'exercice effectif de la citoyenneté, elles permettent d'agir sur certains effets symboliques d'une situation vécue comme marginalisante et stig- matisante. Comme groupe d'entraide économique, les cuisines collectives ont une place dans le développement de l'économie sociale et du développement local6. Si l'on opte pour une définition réductrice de l'économie sociale, la pratique des cuisines collectives ne peut y trouver sa place. Par contre, comme le dit Josée Belleau (1997), la production de l'économie sociale diffère de celle de l'économie traditionnelle : « Nous optons pour une conception moins réductrice du service qui s'enracine à même une logique de solidarité et de démocratie; partage, équité, égalité ». On This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Canadian Social Work Review, Volume 17, Number 2 201 peut parler ici de production sociale, une production que Ton peut retrouver dans les cuisines collectives. «Le service ainsi orienté peut englober ou soutenir un ensemble d'activités, de relations humaines et sociales non marchandes, qui contribuent à rendre accessibles ou à améliorer les conditions de vie et de travail, la santé, l'éducation, la culture, la citoyenneté» (Belleau, 1997, p. 7). Les pratiques développées par les cuisines collectives s'inscrivent très bien dans cette vision de l'économie sociale. Les cuisines collectives travaillent concrètement à cet local', celui de la revitalisation des liens sociaux. Ainsi, même si les cuisines ne développent pas de projets visant la création d'entreprise ou d'emploi, leurs actions sont des lieux importants pour le développement de l'économie solidaire. Il s'agit pourtant d'une pratique sociale fragile qui fait face à de nombreuses difficultés. Elle repose trop souvent exclusivement sur les épaules des participantes et des bénévoles. La mobilité de la participantes menace la survie de plusieurs groupes. Elle s'explique par les conditions socio-économiques difficiles vécues par plusieurs participantes qui les empêchent de poursuivre leur implication dans le groupe. Pensons en particulier aux déménagements, à l'inscription dans les programmes d'employabilité et aux problèmes de santé, par exemple. La mobilité peut aussi s'expliquer par le groupe lui-même. C'est un défi exigeant que celui de l'articulation entre la tâche à réaliser et la vie socio-affectif du groupe. Le sous-financement est aussi un problème important, en particulier pour les cuisines rattachées à des organismes autonomes. Ce sousfinancement entraîne bien sûr de nombreux problèmes. La recherche de financement exige beaucoup d'énergie et de temps dépensé et ce, pour de maigres résultats. L'instabilité du personnel, d'animation et d'encadrement entraîne à son tour un perpétuel recommencement de la formation de celui-ci. Couplée avec la mobilité de la participation, cela constitue une limite sérieuse, un frein au développement. Les cuisines font des miracles avec le peu de budget dont elles disposent. Cela démontre la débrouillardise, le goût de ces femmes d'être ensemble, la place centrale des participantes. Cependant, on pourrait continuer à promouvoir la place centrale des femmes dans la prise de décisions tout en assurant une plus grande stabilité de l'encadrement (rôle accru dans la gestion des conflits, transmission de la philosophie). Il n'y a pas antinomie entre souplesse, diversité des modèles organisationnels et financement stable. Le travail social peut tirer quelques leçons de cette pratique innovatrice. Les femmes impliquées dans une cuisine collective en sont les véritables «actrices». En s'appuyant sur leurs savoirs, elles s'inscrivent dans un projet où le processus et le résultat vont de pair. Il y a une prise en charge collective des participantes pour réaliser des repas pour leurs This content downloaded from 147.251.230.61 on Tue, 06 Mar 2018 18:30:43 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 202 Revue canadienne de service social, volume 17, numéro 2 familles. Les impacts d'une telle participation rapportent des dividendes sur plusieurs plans: support économique, développement d'un réseau social, développement d'habiletés sociales, valorisation de soi. Cette pratique vise une transformation, une revitalisation, une prise en charge et une auto-organisation par les participantes. Cette pratique sociale s'inspire des stratégies d'organisation communautaire (Doucet et Favreau, 1991, p. 62-63) parce qu'elle encourage les personnes et les organisations à devenir les moteurs du changement. Une forte participation, le contrôle par les personnes habituellement sans pouvoir sont donc des moyens pour atteindre les objectifs visés. Le travail social se doit de promouvoir, de soutenir et d'accompagner les pratiques qui s'inscrivent dans une intervention de type communautaire, c'est-à-dire des pratiques issues d'un milieu visant l'amélioration des conditions de vie et la prise en charge collective d'une population. Cette façon de faire permet le développement de pratiques qui interviennent sur le problème de la pauvreté et non sur le pauvre comme individu. Enfin, cette approche s'inscrit en faux contre toute tentative de valoriser à outrance la responsabilité individuelle au détriment d'une responsabilité collective. NOTES 1 Au Québec en 1996, 184000 enfants pauvres vivent dans des familles biparentales tre 167 000 dans des familles monoparentales (CNBES, 1998). 2 Pour plus d'informations, voir le rapport de recherche, Fournier, Provost et Goud (1998) et Goudreault (1997) pour une analyse détaillée des observations participan 3 Tiré d'un document écrit par Lucie Bélanger non daté. 4 Nous avons interrogé quelques-unes de ces pionnières. Voir Fournier et al. ( 1998) . 5 Rappelons que nous avons reçu des informations concernant 301 groupes de cuisi 6 Nous adhérons à la vision du développement local contenue dans la déclaration lors des rencontres mondiales du développement local tenues à Sherbrooke en oct 1998 : « Le développement local doit contribuer à l'émergence de nouvelles façons produire et de partager les richesses, de vérifier la participation citoyenne, de f grandir la démocratie, pour que chacun et chacune ait à la fois de quoi vivre e raisons de vivre ». 7 Ces rencontres se sont tenues à Sherbrooke en octobre 1998. Elles ont réuni plus de 800 personnes des 5 continents tous et toutes acteurs et actrices du développement local. Voir Vice-Versa ( 1999) . RÉFÉRENCES Beeman,J.,J. Panet-Raymond etj. Rouffignat (1997). Du dépannage alimentaire au développement communautaire: des pratiques alternatives , Montréal, Université de Montréal, Ecole de service social. Bélanger, L. (s.d.). « Les cuisines collectives chez nous », S.l. 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