Zkouška 2, 1/6/2021, překlad s komentářem Miguel Bonnefoy, Héritage (2020) s. 38-39 - Ce n’est pas un médecin qu’il te faut, c’est un machi, déclara-t-il. En ce temps-là, exerçait à Santiago un machi célèbre, un guérisseur mapuche, appelé Aukan, qui fascinait les foules autant qu’il repoussait les scientifiques. Cet homme étrange, promis à jouer un rôle essentiel dans l’histoire familiale, disait être né dans la Tierra del Fuego, issu d’une interminable descendance de sorciers et d’ensorceleurs. Il avait traversé l’Araucanie à pied, fuyant les missionnaires et les frères jésuites qui fondaient des communautés, où il avait gagné sa vie en se livrant à des prescriptions de médecine surnaturelle, là où la médecine naturelle avait échoué. Il avait dans son sourire un soupçon de malice, des anneaux aux poignets et une bague à son index trouvée dans l’estomac d’un poisson. Son dos était comme un chêne large, sur lequel tombaient de longs cheveux noirs, attachés avec une barrette indigène. Toujours vêtu d’un poncho qui laissait à découvert son épaule gauche, il portait un épais ceinturon d’argent, adorné de grappes de cascabelles, et un pantalon en peau de vigogne dont le pli effleurait la chaussure. Quand il souriait, ses dents avaient une lueur bleuâtre et, quand il parlait, des paroles étranges aux inflexions mystiques, avec un accent insituable, semblaient venir non pas tant d’un autre pays, mais d’un autre temps, d’une langue si singulière qu’on n’aurait su dire si elle existait ou s’il l’inventait sur-lechamp. Quand Aukan traversa le salon, et qu’il vit cet homme consumé par la fièvre, habité de délires et de râles, il jeta par la fenêtre la tour de médicaments qui s’était formée sur sa table, tira les rideaux et affirma avec une solennité théâtrale : – Les remèdes tuent plus d’hommes que les maladies.