Jean-Arthur Rimbaud (1854-1891) Dormeur du Val C’est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent; où le soleil, de la montagne fière, Luit; c’est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce-le chaudement: il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. Modèle de base pour la description. Atttention, le poème de Rimbaud est en alexandrins, non en décasyllabes, comme le modèle proposé. Etienne Jodelle : Ô Traistres vers 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 1. Ô Traistres vers //, trop traistres contre moy 10 4+6 a M H S V 2. Qui souffle en vous // une immortelle vie, 10 4+6 b F H S V 3. Vous m’appastez // et croissez mon envie, 10 4+6 b F H S V 4. Me déguisant // tout ce que j’aperçoy. 10 4+6 a M H S V 5. Je ne voy rien // dedans elle pourquoy 10 4+6 a M H S V 6. A l’aimer tant // ma rage me convie : 10 4+6 b F H S V 7. Mais nonobstant // ma pauvre ame asservie 10 4+6 b F H S V 8. Ne me la feint // telle que je la voy. 10 4+6 a M H S V 9. C’est donc par vous //, c’est par vous traistres carmes, 10 4+6 c F I R C 10. Qui me liez // moymesme dans mes charmes, 10 4+6 c F I R C 11. Vous son seul fard //, vous son seul ornement, 10 4+6 d M H S V 12. Ja si long temps // faisant d’un Diable un Ange, 10 4+6 e F H S C 13. Vous m’ouvrez l’œil // en l’injuste louange, 10 4+6 e F H S C 14. Et m’aveuglez // en l’injuste tourment. 10 4+6 d M H S V Forme externe Pour une orientation plus aisée dans le poème, nous l'avons transformé en tableau. Entre autre, cette forme nous aide à montrer clairement les parallèles dans la distribution des différentes rimes. Les chiffres que nous pouvons voir dans la première et dans la deuxième colonne présentent le nombre des syllabes (il s'agit d'un décasyllabe) et leur répartition en hémistiches (divisées par la césure //). Il est évident qu'il y a une relation entre la troisième et la quatrième colonne, la disposition des rimes générale et la distribution des rimes féminines (F)/masculines (M), comme le schéma en est le même. La distribution des rimes (colonne 3) est classique, en plus, comme nous l'avons déjà mentionné supra, il s'agit des rimes pour l'œil. La relation entre la cinquième et la sixième colonne, c'est-à-dire entre la distribution des rimes hétérométriques (H)/isométriques (I) et des rimes suffisantes (S)/riches (R), est de même visible. Toutes ces parallèles renforcent le sentiment d'une structure parfaite. Seule la dernière, septième colonne, touchant la distribution des rimes finissant par une voyelle (V) ou consonne (C) reste isolée. Strophes Le poème ci-analysé étant en forme du sonnet italien, il est divisé en deux quatrains et deux tercets. Il n'y a pas d'irrégularités, le poète obéit aux règles poétiques de son époque, ce qui contraste expressivement avec le thème du poème, où il accuse ces mêmes vers d'être « traîtres ». Tout au long du poème il condamne les mêmes principes auxquels il obéit scrupuleusement dans ce même poème, c'est un cercle dans lequel le poète tourne sans cesse et dont il ne peut pas échapper. Si nous élargissons ce cercle par l'objet de ses sentiments, le paradoxe devient encore plus pertinent : il donne la vie aux vers qui le lient à l'illusion, or, il est lui-même la source de l'amour qui le met en esclavage. La femme réelle se trouve en dehors de cette relation, comme il n'y a pas de rapport entre elle et la femme « poétisée ». Dans les deux premiers quatrains, dont la structure est tout à fait identique, nous voyons un changement des protagonistes. Le premier porte sur l'accusation que le poète prononce contre les vers, concernant leur trahison contre lui en tant que leur propre créateur. Le second, par contre change brusquement de thème, le poète cherche à trouver la raison pourquoi il aime une femme et, quoiqu'il n'arrive à rien trouver, son âme reste esclave, « asservie ». Il est remarquable que dans cette strophe, où sa vision de la réalité est la plus nette et libre, le poète est encore plus sous les ordres de la poésie : non seulement la strophe est symétrique, mais il y a même la rime brisée devant la césure, ce que nous avons aussi accentué en caractère gras dans le tableau. Chaque quatrain est constitué d'une seule phrase, ce qui encore ajoute à sa fermeture thématique. Dans les deux tercets, le poète revient au thème des vers qui l'ont trahi. Les rimes, qui jusque-là finissaient par une voyelle, commencent à finir par une consonne, ce qui fait impression d'une fermeture. Ces tercets sont constitués d'une seule phrase, ce qui suscite la question pourquoi ils sont graphiquement divisés. Comme l'auteur dans tout le poème a choisi de commencer par la description de l'état ou de la situation, et seulement après il passe à l'action, dans les tercets il pourrait suivre le même principe de reculement, à l'aide duquel il laisse le lecteur dans l'incertitude encore un peu plus longtemps. Par conséquence, l'atmosphère de l'attente impatiente de quelque évènement est approfondie. Cette attente est en partie laissée insatisfaite, le lecteur ne reçoit pas les réponses à toutes les questions qu'il aurait pu se poser. Le début de la section des tercets « C’est donc par vous, c’est par vous traistres carmes » est suivi par des descriptions de ce que ces traîtres ont fait, mais il n'y a pas d'achèvement de cette phrase (engagé par la conjonction que). Cette affirmation devient plus visible, si nous supprimons tous les vers ayant pour but la description des vers. Ainsi : C’est donc par vous, c’est par vous traistres carmes, ... Vous m’ouvrez l’œil en l’injuste louange, Et m’aveuglez en l’injuste tourment. La question pourquoi l'auteur n'a pas choisi de terminer la phrase plus logiquement s'impose. Il ne nous paraît pas vraisemblable qu'un auteur avec de si hautes qualités poétiques ait commis une faute. La réponse en donc pourrait être que cela était une intention de l'auteur, qui a voulu laisser le suspens de la réponse s'éloigner indéfiniment. Il n'est pourtant pas tout à fait vrai que nous ne connaissons pas la signification de « ce » de la locution « c'est », nous savons, par le poème même, que c'est par les vers, la poésie, que l'auteur est tombé amoureux d'une femme qui ne le méritait pas et il en souffre.