« Les choses mysterieuses ne s'expli-quent que par des choses plus mysterieuses encore.» Jean Ray «De la croyance des hommes sont nes les dieux...» Voltaire «II a suffi d'un reve de femme ou de poete pour faire naitre un dieu.» Sterne «Est-ce le sommeil ou la veille qui m'a apporte la verite?» Mrs Blavatsky «Les dieux étaient soumis ä la loi du Destin, ils ne pouvaient rien contre lui.» La mythologie J'ai recopie le manuscrit de Francois Laplante fils, au cas oil je ne pourrais pas le garder. Ce manuscrit est la seule chose qui n'a pas ete detruite lors de l'incendie de la maison Laplante. II semble se deteriorer tres rapidement et les premieres pages ont deja commence a pourrir... Moi, je persiste a croire que toute cette histoire est vraie. On m'a traite de fou, de reveur, de charlatan; les journaux se sont meme empares de 1'affaire et le public a ri tres fort de mes « suppositions». Mais qui, qui, parmi tous ces gens qui rient de moi aujourd'hui, peut me prou-ver que j'ai tort? Qui peut me demontrer que 1'histoire de l'CEuf est fausse et que les deux Francois Laplante ont menti ? Dans un cas comme celui-ci, on ne fait pas appel au bon sens ! Le bon sens n'existe plus, il faut abattre les barrieres de notre entendement lorsqu'on arrive devant un manuscrit comme celui de «La cite dans l'ceuf» et es-sayer de voir plus loin en avouant en toute humilite que «cela est possible». Car «cela est possible»! Le Grand Ailleurs dont Francois Laplante fils pretend avoir explore un des vestibules existe! Des mondes paralleles a notre monde ou voyageant a 1'inverse evoluent autour de nous et peut-etre nous epient! Des etres infiniment plus intel-ligents ou plus ignorants que nous vivent dans le Grand Ailleurs, et se reproduisent, et meurent! Notre monde 23 quadridimensionnel n'a aucune raison d'etre le seul monde existant et possible! Ce manuscrit trouve dans la maison Laplante en fait foi! Je crois sincerement que Francois Laplante fils a visite ce monde effarant qu'il nous decrit et je crois aussi que si on n'a pas retrouve son corps, si on n'a pas retrouve l'CEuf non plus, c'est que les predictions de Wolftung se sont realisees: Francois Laplante a fini par accepter de devenir un Grand Initie et l'CEuf est retourne sur la planete verte qui le rappelait a elle depuis des millenaires. Voici done fidelement recopie ce texte illogique, au style parfois malhabile, monotone et obscur, parfois deli-rant comme un cauchemar, que j'ai decouvert sous les debris calcines de la maison d'Outremont; histoire a la fois horrible et merveilleuse ou les portes de l'lnconnu ont ete entrebaillees pour laisser un humain se faufiler dans un monde tellement different du notre qu'il nous semble impossible, a nous, rationalistes... Liminaire Frangois Laplante pere parle: L'invraisemblable histoire de l'CEuf. N.B. J'ai séparé le manuscrit en différentes parties pour en rendre la lecture plus accessible. Mais c'est la seule retouche que j'ai faite á l'oeuvre de Francois Laplante fils. MT. 24 Le telegramme arriva un lundi, par le courrier du matin. On m'apprenait le plus simplement du monde que mon oncle Charles venait de mourir et que, etant son seul parent, j'heritais de toute sa fortune. Mon oncle Charles? Je ne me connaissais pas d'oncle Charles! Pourtant, le telegramme m'etait bien adresse: M. Francois Laplante, 1833, rue Sainte-Genevieve, Montreal. Mon oncle Charles... voyons... Charles... Non, j'etais bien sür de n'avoir jamais entendu parier d'un Charles dans la famille. II faut dire cependant que je ne connaissais pas tres bien la tou-jours fuyante et etrange famille de ma mere. II etait done plus que probable que ce Charles füt un quelconque parent eloigne du cote de celle-ci... Mais quand meme, bon Dieu, s'il y avait eu un Charles dans la famille, on me l'aurait dit! Surtout un Charles ä heritage ! Moi, des cho-ses comme ca, 9a m'enerve! Je ne dormis pas pendant deux jours. Heureusement, le mercredi matin, arriva une lettre qui expliquait tout. Ou ä peu pres... * * * C'etait mon premier voyage en avion. II fallait bien qu'on me promette une fortune pour que j'aeeepte de monter 27 dans un de ces engins diaboliques ! Surtout a cette epoque ou, quand on quittait la piste, on n'etait jamais certain de pouvoir atterrir a bon port! J'etais en route pour le Paganka. Jamais entendu parler. On m'avait dit que c'etait un petit pays, un tout petit pays. Quelque part en Afri-que... J'avais done pris un billet aller-retour pour quelque part en Afrique et je me retrouvais a quatre ou cinq mille pieds dans les airs, avec un vertige de tous les diables et un ocean au grand complet avec tous ses accessoires, monstres et perils, sous mes pieds. Oui, on me promettait une tres grosse fortune. Angus-Anthony-Charles Halsig, un cousin eloigne du cote de ma mere (j'avais done raison), venait de mourir a Keabour en laissant toute sa fortune a Francois Laplante, de Montreal (c'etait moi). Je trouvais l'histoire assez in-vraisemblable, mais quand on vous offre une fortune, fut-ce meme une tres petite fortune, peu vous chaut sa provenance ou ses sources douteuses; vous empochez le magot et bonsoir la compagnie ! Du moins, e'est ce que je me disais en regardant defiler l'ocean a travers les nuages. Je me disais: «Mon p'tit vieux, quand tu auras ta fortune en mains, ne te laisse pas attendrir par le paysage qui t'entoure s'il est beau et ne t'apitoie pas sur lui s'il ne Test pas: prends ton avion et reviens vite a Montreal. Tu n'es pas fait pour l'Afrique et l'Afrique peut probable-ment se passer de toi!» Dans cette lettre, que j'avais recue le mercredi matin, on m'apprenait aussi que mon oncle (c'etait un cousin, mais ils persistaient a l'appeler mon oncle) avait fait fortune dans les mines de graft — encore une chose dont je n'avais jamais entendu parler — et qu'il me lais-sait quelques centaines de milliers de dollars — la, j'avais failli perdre connaissance — une somptueuse villa au bord de la mer... et un village. Oui, j'heritais d'un village de quatre cents ames! On m'apprenait la chose comme s'il s'agissait d'une simple voiture sport... Je ne savais vraiment pas ce que je ferais du village et de ces quatre cents ames, mais je me proposals bien de vendre la somptueuse villa au bord de la mer et de revenir au plus vite dans mon pays! D'ailleurs, il aurait ete tellement plus agreable qu'on m'expedie gentiment toute ma fortune a la maison ! Mais non. Papiers a signer... «Et peut-etre monsieur aimera-t-il notre beau pays ? Peut-etre voudra-t-il y sejourner quelque temps? Les gens du village de monsieur sont tellement desireux de connaitre leur nouveau maftre...» Comme si j'avais jamais eu Fair maitre de quelque chose, moi, le petit Francois Laplante! Non, non, non, une ou deux petites receptions s'ils y tiennent, et puis... * * * Et dire que la veille encore j'etais en pleine civilisation! Comment des etres humains peuvent-ils en arriver a accepter de vivre dans de telles conditions ? On avait beau me dire qu'ils ne connaissaient rien d'autre, ma somptueuse villa au bord de la mer etait la pour le dementir. Je savais tres bien que les habitants du Paganka se rendaient parfaitement compte de leur situation quand ils regar-daient la magnifique maison que mon oncle s'etait fait batir a cote de leur village. Ou, plutot, de son village. Comme ils avaient du le detester leur bien-aime Charles Halsig! (Enfin, moi, j'ai fait ce que j'ai pu. Je leur ai offert de leur rendre leur liberte... je leur ai meme fait 28 29 distribuer des cadeaux ! Et voila que... enfin, n'anticipons pas, cela viendra en son temps...) Je n'ai vraiment jamais vu un pays aussi laid et aussi pauvre que le Paganka. Les gens qui l'habitent sont appeles Hommes bleus a cause de l'affreuse couleur bleuatre de leur peau. Et ils sont sales! Chose curieuse entre toutes, les femmes de cette contree ne se coupent jamais les cheveux. Ni ne les lavent. Les plus vieilles trainent derriere elles une masse de cheveux de plusieurs pieds de long qui ressemble a du fumier seche. C'est vrai! D'ailleurs quelqu'un d'autre que moi a aussi parle de ce pays apres, oh! longtemps apres ce voyage que j'y fis... Quelqu'un a qui la chance sourit beaucoup moins qu'a moi toutefois1... Lorsque j'arrivai a Keabour, la capitale, on me recut comme un roi. Les gens riches sont si rares dans ce coin-la... Je me rendis au plus vite chez le notaire de mon oncle Charles. Le Paganka est un pays bien etrange, mais ses notaires sont en tous points semblables a ceux des autres pays du monde; il serait done inutile de decrire monsieur Youn Zeff. Oui, e'etait la son nom. Monsieur Zeff fut tres gentil, excessivement meme (il ne faut pas oublier que je representais quelque chose comme six ou sept cent mille dollars) et, pour m'etre agreable, il simpli-fia le plus qu'il put les nombreuses formalites que je devais remplir avant de jouir librement de ma fortune. Enfin je pus prendre possession de mes biens. Ce fut un instant inoubliable que celui ou je pus me dire que j'etais presque millionnaire! Moi, Francois Laplante, a peine contremaitre d'une fabrique de produits pharmaceu-tiques (et quand je dis contremaitre d'une fabrique, il faut 1. Voir Conies pour buveurs attardes, « L'oeil de l'idole». entendre contremaitre d'un des laboratoires de la fabrique), en trois jours j'etais devenu le richissime proprie-taire de deux mines de graft, d'une fabuleuse villa au bord de la mer et le chef supreme d'un village africain de quatre cents ames. Sublime instant! (J'avais d'ailleurs songe a acheter l'usine ou je tra-vaillais juste pour faire suer mes patrons et mes camara-des de travail, mais j'ai prefere donner ma demission a mes chefs en leur laissant sentir que je pourrais les acheter quand je voudrais, et inviter mes compagnons de travail a diner dans la maison magnifique (avec deux piscines!) que j'avais acquise des mon retour a Montreal... Ils ont sue autant et je ne me suis pas embarrasse d'une stupide fabrique de produits pharmaceutiques...) Done, j'etais immensement riche et non moins heu-reux. On m'offrit de visiter mon village et j'ai deja dit ce que j'en avais pense. J'ai tout de suite remarque que mes gens me regardaient d'une etrange facon et j'ai compris qu'ils me hai'ssaient deja. Quand ils me parlaient du bien-aime Charles Halsig, je savais ou plutot, je sentais ce qui transpirait sous ces mots charmants et je me disais que je ne tarderais sans doute pas a devenir moi aussi leur «bien-aime Francois Laplante » ! Je resolus done de rester le moins longtemps possible a Lounia (e'etait le nom du village) et de revenir tout droit a Montreal par le premier avion (via Le Caire, Paris, New York, evidemment). * * * Des que j'eus pose le pied dans ma villa, on me presenta une photographie du bien-aime Charles Halsig. J'avoue en toute franchise que ce portrait ne me reconcilia pas du 30 31 tout avec la famille de ma mere, dont on m'avait dit tant de mal et que j'avais fini par détester plus par habitude que pour des raisons bien precises. Mon oncle Charles arborait une de ces mines patibulaires qu'on ne rencontre ordinairement qu'au cinema; une de ces mines dont on préfěre s'imaginer qu'elles n'existent pas réellement, qu'elles sont l'oeuvre de maquilleurs experts... Lorsqu'on raccrocha la photo du bien-aimé á sa place, je me promis de la descendre á la premiere occasion, ce que je fis d'ailleurs de grand coeur. Mon oncle Charles avait dú étre, á en juger par cette photo, un fieffé bandit! Ma villa était vraiment třes belle. Elle avait dú cou-ter une fortune et je me demandais bien qui pourrait l'acheter dans ce pays galeux... D'ailleurs, elle est encore á vendre, je crois ! Si elle existe toujours. J'ai déjá dit que les habitants du Paganka sont tres sales, mais je n'en ai jamais vu un qui ne se soit essuyé les pieds au moins deux minutes avant de pénétrer dans la villa. La villa était sacrée pour eux. C'etait le sanctuaire, l'eglise du village. On la vénérait. II faut aussi dire que c'etait la seule belle chose que ces pauvres gens possédaient. Je m'installai done dans ma proprietě pour trois jours et j'y passai cinq mois! Des mois bien agréables, je dois l'avouer. Les jours s'ecoulaient entre les bains de mer, les plantureux repas, exotiques pour moi et que j'avais fini par adorer, et les souvenirs de mon oncle Charles... Ce dernier avait rapporté de ses voyages autour du monde un nombre imposant de souvenirs et de trophées de chasse: de longues sarbacanes, armes meurtrieres d'Amerique du Sud, avec quelques fléchettes empoison-nées; une defense ďéléphant dont le bout s'etait brisé, peut-étre dans la lutte; toute une famille de sarigues em-paillées avec leurs queues emmélées et dont la mere avait pris un air severe pour proteger ses petits; une etrange panoplie dont je n'aurais pu definir l'origine: des sabres larges et recourbes qui venaient peut-etre d'Asie, ou du nord de l'Afrique; des poupees japonaises multicolores et minuscules; un boomerang (que j'ai essaye, d'ailleurs, et que je n'ai jamais retrouve apres 1'avoir lance de toutes mes forces en direction de la mer); une dent, tres grosse, blanche comme la craie, une dent effrayante dont je pre-ferais ne pas imaginer la provenance; un vase grec aux dessins erotiques a demi effaces; une Tanagra, peut-etre fausse, mais tres belle (je dis peut-etre fausse parce qu'elle etait intacte et que les Tanagras intactes...); un extraordinaire collier inca, incroyable de couleurs et tres lourd; et un ceuf de verre. J'arrive ici au point le plus important de mon recit: l'ceuf de verre. L'oeuf qui devait declencher toute cette invraisemblable histoire de monstres, de planete verte et de je ne sais quoi encore... Je l'avais trouve au fond d'un coffre, enfoui dans la poche d'un kimono japonais. Je ne crois pas qu'on l'y avait cache, non, je pense seulement qu'on l'avait oublie la comme une chose sans importance. Pourtant... Je me demande si Charles Halsig savait la peur que provoquait chez les Louniens la seule vue de cet ceuf... II n'etait pas tres gros, de la grosseur du poing, peut-etre, et il avait du rouler au fond de la poche du kimono sans que mon oncle songe a aller l'y denicher. J'aimais beaucoup cet ceuf. Ce n'etait toutefois pas sa beaute qui m'attirait, non, c'etait plutot son etrangete... J'ai dit que c'etait un ceuf de verre mais je n'ai jamais ete certain qu'il fut en verre. Aujour-d'hui encore je suis tente de croire qu'il est fait d'une substance inconnue... Je ne saurais dire... J'ai souvent essaye de le briser, ou, tout au moins, de l'egratigner, sans 32 33 jamais y parvenir. Sa substance est plus dure, plus écla-tante aussi que le verre. J'ai déjä pensé que ce pouvait étre un diamant, mais un diamant de cette grosseur est une chose inconcevable. Et le diamant est quand méme une substance friable... Ce qui m'attirait le plus dans cet oeuf et me faisait réver, c'était ľépaisse vapeur verte dont il semblait étre rempli. Je suis sur que c'est une vapeur parce que cela se meut lentement comme une fumée... Je me demandais comment on avait pu introduire de la vapeur dans un oeuf aussi dur ! Je passais des heures et des heures devant mon oeuf, ä ľexaminer, ä le peser, ä réver de son origine... Je n'étais done plus pressé de revenir ä Montreal, heureux que j'étais au milieu des souvenirs de mon onele et de ceux que j'étais en train de me fabriquer. Je m'étais aussi pris de passion pour le Paganka, moi qui n'avais jamais connu la plus petite passion pour quoi que ce soit! J'avais visité mes mines de graft et vite compris que la fortune de mon oncle ne provenait pas de la parce que le graft est un metal absolument sans valeur. Mais cela m'avait permis de rencontrer nombre de sujets du Paganka, des gens que j'avais trouvé sympathiques et qui n'avaient pas semblé me détester. On disait de moi ä Kéabour que j'étais plus doux, plus gentil que feu Charles Halsig et que mes «sujets» commencaient ä m'aimer... Je me proposals done de passer dans mon nouveau pays une perióde indéterminée, ä me balader de Lounia ä mes mines, ä visiter les quelques amis que je m'étais faits ä Kéabour et ä me prélasser dans ma villa au bord de la mer, lorsque la chose se produisit... C'était ä peine une semaine aprěs que j'eus offert aux habitants de Lounia de leur rendre leur liberté. (lis avaient été trěs touches, s'étaient prosternés jusqu'ä terre comme e'est la coutume chez eux, mais avaient categori-quement refuse. lis m'aimaient beaucoup, disaient-ils, parce que j'etais un chef doux et raisonnable, et ils avaient peur de tomber entre les mains d'un brigand si jamais ils recouvraient leur liberte... Je n'avais pas dis-cute. Apres tout, j'avais fait ce que j'avais pu. S'ils etaient heureux avec moi, tant mieux. Pour ma part, j'etais tout a fait heureux avec eux. J'avais done fait distribuer des cadeaux a tout le monde pour sceller a jamais le pacte d'amitie qui devait desormais nous unir les Louniens et moi et je m'etais a nouveau replonge dans les souvenirs de mon oncle; souvenirs que je lui inventais grace a ses trophees de chasse et qui ne tarderent pas a devenir les vestiges de mes chasses a moi, de mes voyages a moi...) Un matin, au retour du premier bain de mer de la journee, je m'etais installe dans un fauteuil du salon et j'avais sorti l'oeuf de verre de l'etui ou je le tenais depuis le jour de sa decouverte. Je revassais en le contemplant, je l'approchais pres de mes yeux et parfois je le regardais de loin en le tournant en tous sens. Je me demandais pour la centieme fois au moins de quelle contree secrete provenait cet etrange caillou lorsqu'un de mes serviteurs entra dans le salon sans frapper. II etait tres rare qu'on me derangeat de la sorte et, sous le choc que produisit en moi mon retour brutal a la realite, j'echappai l'oeuf qui roula aux pieds du serviteur. Celui-ci, confus, le ramassa sans lui porter attention et me le rendit en s'excusant. Mais des que j'eus en mains l'oeuf de verre, le serviteur sembla l'apercevoir pour la premiere fois ; il blemit, poussa un cri de terreur, me regarda avec des yeux remplis de frayeur et sortit de la villa en courant. Je me levai et le regardai s'eloigner: il criait comme un fou en se dirigeant vers le village. II disparut derriere la premiere maison de Lounia. 34 35 Trouble par ce bizarre incident, je revins m'asseoir dans mon fauteuil. Ce serviteur connaissait done l'oeuf! Et d'ou venait cette terreur qui s'etait peinte sur son visage quand il l'avait apercu? L'oeuf etait-il un objet tabou du Paganka? Toutes ces questions m'assaillaient et je commencais a ressentir un serieux mal de tete lorsque j'entendis un brouhaha a l'exterieur de la villa. Toute la population de Lounia s'etait massee devant ma porte. On se battait presque pour regarder par la fenetre du salon. Lorsque je parus dans l'encadrement de cette fenetre et que je levai le bras en signe d'amitie, la foule se mit a hurler. On brandissait des haches, on me criait des injures, quelques enfants qui se tenaient derriere lancerent meme des pierres dans ma direction. Stupefait, j'essayai de prendre la parole, mais la foule redoubla de cris et d'injures. A la fin, excede, je hurlai de toutes mes forces: « Silence ! Arretez de crier ainsi et expliquez-moi ce qui se passe, bon Dieu !» Je m'apercus alors que je tenais encore l'oeuf mysterieux dans ma main droite. Tous les regards etaient braques sur lui et e'est a lui que semblaient s'adresser cris, pierres et injures. « Attendez une petite seconde, dis-je, je vais sortir de la villa et nous allons nous expliquer.» Je fourrai l'oeuf dans une poche de mon pantalon et je sortis. Je ne savais pas alors que je ne remettrais plus jamais les pieds dans ma villa... * * J'eus peine a me tenir debout et a reprimer les frissons que je sentais naitre le long de mon echine lorsque je m'apercus combien la foule etait en colere. Et contre l'oeuf et contre moi. On me réclamait l'oeuf avec force cris et force menaces. Mais, chose curieuse, on n'osait pas m'approcher! Je ne savais pas pourquoi mais les Louniens gardaient leur distance tout en me menacant. Un cercle de villageois s'etait forme autour de moi, mais pas un seul homme n'osait s'approcher á moins de dix pieds. Lorsque je tournais sur moi-meme je ne voyais partout que visages menacants et regards haineux, mais je sentais tout de méme une pointe de terreur sur ces visages et dans ces regards. Les Louniens semblaient avoir aussi peur que moi! J'avais tout de suite répondu que je ne voulais pas me séparer de l'oeuf, qu'il avait appartenu á mon oncle et que je voulais le garder en souvenir... J'aurais bien pu tout bonnement le leur donner, mais sans trop comprendre pourquoi et malgré la peur qui me torturait j'avais decide de leur tenir téte. « Pourquoi voulez-vous cet oeuf?» leur demandai-je en prenant mon courage á deux mains. « Mon oncle vous l'aurait-il volé?» — Non, répondit un vieillard, il ne l'a pas volé. II a du le trouver la ou nos ancétres l'avaient jeté: dans la mer. Cet (Euf n'est pas bon, maitre, il faut le rendre á la mer! — Que voulez-vous dire ? demandai-je encore. — Ne pose pas de questions et jette cet (Euf á la mer, me fut-il répondu. M'ghara le reclame et il faut le lui rendre! Tu vas attirer sur nous la colěre des dieux, maitre ! Tu tiens dans ta main le pouvoir des hommes de la pláněte verte! — Qui sont ces hommes et qui est ce M'ghara? demandai-je á nouveau. Et quelle est cette histoire de planete verte? II y eut un long silence avant que le vieillard me réponde: 36 37 — Je ne peux rien te dire. M'ghara pourrait m'entendre... Ces hommes sont des anges venus du passe et cet CEuf... — Tais-toi, vieillard, cria une femme, ne devoile pas le secret de l'CEuf! Ne crains-tu pas de voir les etres d'Ailleurs revenir? En entendant ces mots le vieillard recula. II trem-blait. La foule semblait etre sous I'emprise d'une telle frayeur que cela calma un peu mon angoisse. J'avais done un avantage sur eux: ils ne m'attaqueraient pas tant que j'aurais l'oeuf en ma possession. Ils voulaient que je jette l'ceuf a la mer, mais ils ne voulaient sous aucun pretexte le toucher... Je sortis l'oeuf de ma poche et je commencai a avancer vers les Louniens. Toute ma peur disparut d'un coup lorsque je vis la foule reculer a mesure que j'avan-cais vers elle. J'&ais toujours encercle mais le cercle se deplacait avec moi. Je commencais a etre tout a fait ras-sure lorsqu'un petit garcon eut la malencontreuse idee de ramasser une pierre et de la jeter dans ma direction... Les Louniens, en voyant cela, eurent tous la meme idee et Ton commenca a me lapider de la plus belle facon. La peur me reprit. Je fourrai l'oeuf dans ma poche et me tournai vers la mer qui semblait etre le seul moyen de fuite qui me restait. A moins de deux cents brasses du rivage je vis une barque, toutes voiles dehors, qui se dirigeait vers Kea-bour. Les hommes qui etaient a son bord s'etaient rendu compte que j'etais en tres mauvaise posture et ils me fai-saient de grands signaux. Je me mis alors a courir dans la direction de la mer, trebuchant sur les cailloux de la plage, titubant sous les douleurs que me causaient les pierres lancees a toute volee par mes sujets. Je parvins enfin a entrer dans l'eau. Personne ne chercha a me rejoindre. Tous mes poursuivants resterent sur la greve, esperant sans doute que je me noie et que je rapporte ainsi l'oeuf a M'ghara. Mais je suis un maitre nageur et au bout de quelques minutes a peine j'avais rejoint la barque. Je me rappellerai toujours la stupefaction qui se peignit sur le visage des Louniens lorsqu'ils virent que j'etais sauve et que j'emportais l'oeuf sacre de M'ghara avec moi. Ils resterent deux bonnes minutes silencieux, petrifies, les yeux hagards, puis, soudain, ils se mirent a hurler et a gemir comme des fous en attaquant sur la plage une feroce danse de guerre. * * C'est de cette ridicule facon que je suis entre ou plutot que je suis reste en possession de l'oeuf de verre. Je ne suis jamais retourne en Afrique. J'ai essaye de faire transporter a Montreal les souvenirs de mon oncle Charles, mais on m'a dit que les Louniens les avaient voles. On n'avait pas touche a la villa elle-meme, mais on avait fait main basse sur tous les trophees de chasse de Charles Halsig et on les avait jetes a la mer avec tous les meubles et tout ce qui se trouvait a l'interieur de la mai-son. J'appris par la suite que les Louniens s'etaient ven-dus a un chasseur d'elephants et qu'ils avaient demenage en masse parce qu'ils avaient peur de la vengeance des dieux. Evidemment, je ne suis jamais arrive a vendre la somptueuse villa au bord de la mer. De toute facon, avec les annees, elle a du perdre toute sa beaute et toute sa valeur. Qui sait, elle n'existe peut-etre plus du tout. 38 39 Mais moi, j'ai garde ľoeuf de verre et je me de-mande bien pourquoi. Ainsi s'acheve l'histoire que me raconta des centaines de fois mon pere, jadis. J'étais un petit gar§on, alors, et l'OEuf exercait sur moi une réelle fascination. Mon pere Premiere partie me ľavait donne. Je ľavais posé sur ma table de chevet et chaque soir avant de m'endormir je le regardais, je ľobservais ä la loupe, je scrutais la brume verdätre qui Avant cachait ce qu'il contenait, si toutefois il contenait quelque chose. Et je révais. Mais peut-étre les gens du Paganka avaient-ils menti, peut-étre l'CEuf était-il vide? La femme hurla. Ses yeux se convulserent. Son corps se tordit. «Jamais! Jamais !» souffla-t-elle. Alors Charles Halsig s'empara du tisonnier chauffe a blanc et l'approcha des yeux de la femme. Juste avant de perdre connaissance, au paroxysme de la douleur, la Mexicaine avoua a Charles Halsig ou elle avait cache l'CEuf. Cinquieme quartier Ismonde et M'ghara 172 Le dernier quartier de la Cite resonne dans ma tete comme une tempete de sons de gong. Je revois le palais de plomb a moitie detruit, les innombrables pieces vides que le vent faisait mugir comme un jeu d'orgue, la salle du trone fendue en deux par une fissure, plaie beante temoignant de la fin des dieux, et Ismonde, la mere de tous les dieux, debout sur l'autel des sacrifices, qui frappait comme une folle sur le gong de la Mort. Je revois la detresse dans les yeux d'Ismonde. Je revois la detresse dans l'ceil unique de M'ghara. Et les larmes sur le visage de la deesse. Je suis arrive au chateau de M'ghara extenue, pres-que mort de fatigue et de peur. J'avais couru a travers la Cite, au milieu des palais qui s'ecroulaient, des rues qui se defoncaient sous mes pieds, evitant parfois de justesse un mur ou une maison entiere qui s'abattait devant moi dans le chemin, trebuchant mille fois, tombant, me relevant, pleurant de frayeur comme lorsqu'on se reveille d'un cauchemar. Le ciel au-dessus de moi etait devenu noir comme de l'encre. Je n'y voyais presque rien et n'eut ete les lampes de M'ghara et les sons du gong, je crois que je n'aurais jamais atteint le palais de plomb. J'ai traverse des couloirs sans fins, des salles deser-tes, des terrasses demolies ou gisaient des cadavres de gardes en armure, j'ai gravi des escaliers tortueux et som- 175 bres et j'ai passé dans des galeries envahies par l'eau avant de trouver la salle du tróne, immense piece de plomb, nue et chaude oú ľagonie des dieux avait déjä commence. M'ghara était debout derriére le tróne, ses six bras disposes autour de lui en queue de paon, et priait ä voix haute. Mais ä qui done s'adressaient ces priéres? Qui un dieu tout-puissant peut-il ainsi appeler ä son aide ? Existe-t-il un dieu plus grand que M'ghara, un dieu omnipotent, maitre de l'Univers entier et gardien du Destin de toute la Creation? J'ai vu le plus puissant des dieux de la Cite, désespéré, appeler ä son secours un étre inconnu qui ne répondait pas! Ismonde était montée sur ľautel des sacrifices et elle frappait de toutes ses forces sur un gong avec un marteau de metal qu'elle tenait dans ses pinces d'or. Des qu'ils me virent entrer, Ismonde et M'ghara traversérent en courant la salle du tróne et se jetérent sur moi comme des oiseaux de proie. Les yeux d'Ismonde, énormes, globuleux, étaient sortis de leurs orbites et lan-caient des eclairs. Elle me prit ä la gorge avec ses deux pinces d'or pendant que M'ghara me criait: «11 faut que tu ailles tuer Ghô! Immédiatement! II ne reste plus que quelques minutes! Et ramene les Suppliantes ici! Pas ailleurs ! Raméne-les ici!» Les sons de gong continuaient ä résonner dans le palais, répétés ä l'infini par ľécho, amplifies par les salles immenses et vides. Un mur com-plet de la salle du tróne s'écroula tout ä coup dans un vacarme infernal. Ismonde lächa prise et se mit ä hurler en courant en tous sens. M'ghara commenga ä divaguer, répétant sans cesse des mots sans suite en me fixant de son ceil unique. Un autre pan de mur s'écrasa quelque part dans le palais. Ismonde s'arréta soudain de crier et de courir. Elle me regarda longuement. Elle s'approcha cal-mement de moi, posa ses deux pinces sur mes épaules et murmura: « Voilä. II est trop tard. C'est la fin des dieux. » Elle se dirigea en titubant vers le gong, prit le marteau et frappa sept coups. Les sons de gong étaient trés différents de ceux qui résonnaient encore ä mon oreille. Cela avait les accents tragiques de l'extinction d'une grande chose, cela retentissait comme ľultime cri ďun monde désespéré qui va mourir. Les sept coups du Destin avaient été frap-pés par la mere des dieux elle-méme. Ismonde s'appuya sur un montant du gong et pleura. M'ghara s'approcha d'elle en continuant ses divagations. II reprit sa place derriére la mere des dieux, ses six bras disposes autour de lui en queue de paon, son ceil désespéré fixé sur moi. L'obscurité se fit lentement autour de nous. Des pans de ténébres s'abattaient sur le palais et le noyaient. Lorsqu'il ne resta qu'une faible lueur sur les dieux déchus et fous, le palais de plomb fut traverse par un long frisson; un vent glacé s'engouffra dans la salle du tróne, renversant Ismonde et M'ghara qui s'écroulérent en silence sur le sol de plomb. Ghô hurlait d'une voix triomphante: «11 n'en reste plus que deux !» * * * Un grand silence s'était abattu sur la Cité aprés le cri de Ghô. Les murs avaient cessé de s'écrouler, les sons de gong s'étaient interrompus brusquement, le vent s'était calmé. On aurait dit que la Cité entiére s'était arrétée de vivre quelques secondes pour bien prendre conscience de ľatrocité du moment. Moi-méme je ne bougeais plus. 176 177 J'attendais la catastrophe. Au bout d'un moment cepen-dant, je réalisai qu'il me restait quelques minutes avant la mort des deux derniěres Suppliantes et que j'avais peut-étre le temps de faire quelque chose pour empécher le nain de détruire l'CEuf... Lorsque je suis sorti du palais de plomb, des mil-liers d'oiseaux-hyenes parcouraient le ciel de verre en hurlant. Cela ressemblait á une sorte de signal, comme si les oiseaux de pierre avaient survolé la Cite pour prévenir ses habitants d'un grand danger. Je remarquai également qu'un brouillard vert semblait tomber peu á peu du ciel; un brouillard si dense que les oiseaux-hyěnes ne pou-vaient pas le traverser et étaient obliges de descendre vers la Cite avec lui. lis évitěrent tous de se poser pres du palais, cependant. Lorsqu'ils furent á une cinquantaine de pieds du sol, ils partirent en bandes compactes et bruyan-tes vers le quartier des dieux de la Guerre, écrasés par le brouillard qui descendait toujours. Tout fut noyé dans le Vert, tout á coup. Je ne voyais plus rien. Une pesante rosée perlait mon corps de gouttes froides et dures et j'avais peine á bouger. Soudain, le brouillard ondoya autour de moi, des spirales vertes se mirent á tourner á une vitesse folle et je me sentis léger... léger... Une fois de plus je fus projeté dans l'espace. Je ne voyais rien sous moi, que le brouillard, mais un atroce vertige me secouait comme si j'avais été á une hauteur incalculable. J'allais de plus en plus vite, comme si... oui, comme si l'CEuf me vomissait! Juste avant de perdre connaissance, j'ai entendu le cri strident des deux derniěres Khjoens et je me suis bou-ché les oreilles. Je ne pouvais plus rien pour la Cite. * Je me suis reveille a l'endroit meme ou je me trouvais lorsque j'avais reussi a penetrer dans l'CEuf. Un rai de lumiere barrait l'horizon. La lune se mourait derriere un nuage. Elle n'etait plus a son plein... 178 179 Epilogue Oui, Ismonde a crie mon nom! Vingt-cinq jours se sont ecoules depuis mon retour et la Lune est de nouveau ronde comme un ceil malefi-que ! La vie reprend peu a peu dans l'CEuf sacre et tous les dieux m'attendent, la rage au cceur! Si Gho a assassine un Grand Pretre a chaque ceremonie depuis mon depart, il n'en reste plus qu'un ! J'ai entendu la voix de la deesse-mere et je sais que les Warugoth-Shalas vont venir me chercher! J'ai peur! Je veux sauver la Cite, je veux devenir un Grand Initie, connaitre les secrets de tous les Mondes existants et sur-tout sauver la Terre, mais comment ferais-je pour attein-dre le quartier de Wolftung avant qu'il ne soit trop tard? Si Gho tue les deux Suppliantes avant que j'aie pu Ten empecher, le Monde entier est condamne a mourir dans 1'ignorance! Et si Gho s'empare de moi et m'oblige a le ramener sur la Terre apres avoir detruit l'CEuf sacre de M'ghara, la planete entiere est condamnee a perir sous son joug! Dieu ! Les Warugoth-Shalas! Je les entends venir! Ma maison tremble! Je suis perdu! Mais qui sont ces etres... Les Grands Pretres ! Gho n'a pas reussi a les tuer ! lis viennent pour me sauver! Ah ! Les Warugoth-Shalas viennent derriere eux ! Ce vacarme! Cet ouragan: Ismonde 183 a encore crie! Une bataille epouvantable s'est engagee entre les Grands Pretres et les Warugoth-Shalas! Ma maison est pleine d'etres etranges et monstrueux qui se battent pour s'emparer de moi! Et par-dessus tout cela, les Khjcens hurlent! Ismonde a encore crie mon nom ! Dieu tout-puissant, vous qui dirigez la destinee de la Creation entiere, vous que M'ghara lui-meme appelait a son secours dans le palais de plomb, si vous existez quel-que part, ayez pitie de moi! FIN Acapulco, janvier-mars 1968 Chronologie 1942 Le 25 juin, Michel Tremblay nait a Montreal (Plateau Mont-Royal), d'Armand Tremblay, pressier, et de Rheauna Rathier. 1948-1959 Etudes primaires et secondaires dans son quartier jusqu'a la onzieme annee. 1959-1966 II exerce divers metiers: livreur au Ty-Coq B.B.Q., typographe a l'lmprimerie judiciaire de Montreal. II etudie aussi aux Arts graphi-ques. 1964 II remporte le premier prix au Concours des Jeunes Auteurs de Radio-Canada pour Le train, drame en un acte, ecrit au printemps de 1959, telediffuse le 7 juin a Radio-Canada, dans une realisation de Charles Dumas, et represente au petit theatre de la Place-Ville-Marie, du 14 au 24 septembre 1965, dans une mise en scene de Pascal Desgranges. 1965 Premiere version des Belles-soeurs. 1966 Du 16 decembre au 20 Janvier 1967, sous le titre «Cinq», six pieces en un acte sont montees au Patriote par le Mouvement con-temporain. 185 Table Presentation 7 LA CITE DANS L'CEUF Preambule 21 Liminaire 25 Premiere partie: Avant 41 Intercalate 63 Deuxiěme partie: La Cité 69 Intercalate 81 Premier quartier: Ghö 85 Intercalate 117 Deuxiěme quartier: Lounia 123 Intercalate 137 Troisiěme quartier: Anaghwalep-Waptuolep 141 Intercalate 151 Quatriěme quartier: Wolftung 155 Intercalate 169 Cinquiěme quartier: Ismonde et M'ghara 173 Epilogue 181 Parus dans la Bibliothěque québécoise Chronologie 185 Bibliographie 195 Jean-Pierre April Chocs baroques Hubert Aquin Journal 1948-1971 L'antiphonaire Trou de memoire Melanges litte'raires I. Profession: e'crivain Melanges litte'raires II. Comprendre dangereusement Point de fuite Prochain episode Bernard Assinlwt Fakes votre vin vous-meme Philippe Aubert de Caspe fils ^influence d'un livre Philippe Aubert de Caspe Les anciens Canadiens Noel Audet Quand la voile faseille Honore Beaugrand La chasse-galerie 206