Littérature de l’exil : Analyse comparée de L’Énigme du retour de Dany Laferrière et Black Bazaar d’Alain Mabanckou Francouzská literatura VI Klára Halodová, 498496 Le présent travail proposera de faire une analyse comparée des deux œuvres fortement influencées par la thématique qui s’impose dans la littérature francophone depuis les années 50. Il est question, bien évidemment, de l’exil. Plus concrètement, il s’agira du roman L’Énigme du retour de Danny Laferrière et Black Bazaar d’Alain Mabanckou. Comme nous avons choisi deux auteurs, chacun provenant d’une partie différente du monde, cette analyse couvrira deux territoires divers, à savoir Haïti et l’Afrique francophone. Notre réflexion portera donc principalement sur la manière dont l’exil est représenté dans les livres, mais également sur d’autres thèmes ou motifs que nous pouvons y rencontrer. Avant de nous lancer dans notre étude comparative, il sera toutefois nécessaire de nous faire une idée de l’époque et de la vie des écrivains précédemment évoqués, car nous pouvons trouver de nombreux éléments autobiographiques dans leurs ouvrages. Pour cette raison, nous présenterons d’abord le contexte littéraire et historique et présenterons brièvement la biographie des deux auteurs. Ensuite, nous exposerons les résumés des deux œuvres. Finalement, nous verrons les thématiques abordées et les analyserons en fonction de leurs points communs et leurs différences. Contexte littéraire et historique Après l’ère des Indépendances, qui se sont déroulées de manière différente dans chaque pays, un tournant soudain s’est produit. Concernant la littérature francophone africaine, contrairement aux générations précédentes qui faisaient des éloges de leur terre promise (citons par exemple le recueil des poèmes Cahier d’un retour au pays natal de l’écrivain martiniquais Aimé Césaire), la nouvelle génération d’écrivains « prend en effet ses distances avec l’Afrique et privilégie les thématiques liées à l’immigration »[1]. La raison pour laquelle les écrivains ont quitté leur pays d’origine est principalement politique et économique dans la mesure où ceux-ci pensent pouvoir mieux gagner leur vie ailleurs, mais également linguistique étant donné que la plupart des auteurs écrivent leurs œuvres en français pour toucher le public le plus large possible[2]. En fait, le livre représente « un produit de luxe inaccessible à la majorité des Africains qui ne savent ni lire ni écrire en français »[3]. Naturellement, Paris devient ainsi la capitale de la littérature africaine d’expression française. Quant aux romanciers qui restent dans leur pays natal, ils vivent toute sorte d’oppression ou de frustration en essayant de ne pas tomber dans la propagande politique[4]. Comme les intellectuels africains d’expression française quittaient leurs pays natals pour Paris, il en allait de même pour les personnes d’origine antillaise. Cependant, ils ne se sont pas installés en France, mais dans un territoire beaucoup plus proche d’eux – le Canada. La raison était toujours identique, notamment donc politique. En effet, la situation en Haïti, d’où vient entre autres Danny Laferrière, était si tendue que les gens fuyaient le pays à cause du régime de François Duvalier (« Papa Doc »), puis celui de son fils Jean-Claude Duvalier (« Baby Doc »), dont le règne était marqué surtout par l’intimidation, les exécutions et l’envoi en exil des personnes gênantes[5]. Ces littératures, bien que chacune issue d’une partie différente du monde, présentent de nombreux points communs[6]. Premièrement, les auteurs ne s’engagent plus à l’activité politique, ne se battent plus pour les droits de l’homme noir et ne glorifient plus leur pays dans leurs ouvrages. En revanche, leur intérêt se tourne vers eux-mêmes. Ainsi, leurs œuvres sont remplies d’éléments autobiographiques. Deuxièmement, les personnages éprouvent souvent un dédoublement identitaire. En fait, ils sont « coincés » entre deux ou plusieurs mondes, ou bien cultures, et c’est à travers l’écriture que les auteurs essaient d’analyser cette situation ambivalente et de la comprendre. Cette problématique est également liée à la crise d’identité ou au sentiment de « non-appartenance ». Troisièmement, le protagoniste ne représente plus un héros, mais plutôt un « non-héros ». Il réside généralement dans les communautés ghettoïsées et son arrivé dans le pays d’accueil est souvent associé à un voyage clandestin avec les faux papiers. Danny Laferrière Dany Laferrière, baptisé Windsor Klébert Laferrière, est né à Port-au-Prince le 13 avril 1953 comme fils d’un dissident politique contraint à l’exil par le régime de François Duvalier (Papa Doc). Laferrière a été envoyé comme un enfant chez sa grand-mère maternelle Da, qui est d’ailleurs l’une des figures majeures dans ses œuvres, dans le village côtier haïtien de Petit-Goâve où il passe son enfance. À onze ans, il retourne vivre avec le reste de sa famille à Port-au-Prince, où il fait ses études secondaires. Par la suite, il travaille en tant que chroniqueur culturel à l’hebdomadaire Le Petit Samedi Soir et à Radio Haïti-Inter. Avec la succession de Jean-Claude Duvalier (Baby Doc), sa situation devient précaire, et en 1976, après l’assassinat d’un collègue, Laferrière immigre au Canada et s’installe à Montréal n’informant personne de son départ, à l’exception de sa mère. Après être arrivé au Canada, il travaille dans des usines jusqu’en 1985, année où est publié son premier roman – Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer. Cette œuvre connait de nombreux succès et sera traduit dans de multiples langues. De plus, une version cinématographique sera réalisée par Jacques Benoît. Ensuite, il travaille pour des stations de télévision en tant que « chroniqueur et présentateur météo à la condition de pouvoir parler de tout sauf de météo, ce qui l’amène à faire partie de La Bande des six, émission de Radio-Canada ». Le 12 décembre 2013, il est élu à l’Académie française, devenant ainsi le premier homme d’Haïti et du Canada à y siéger. Parmi ses œuvres, nous pouvons mentionner par exemple Pays sans chapeau (1996), Le Cri des oiseaux fous (2000), Je suis un écrivain japonais (2008) ou les livres plus récents Petit Traité sur le racisme de 2021 et L’enfant qui regarde de 2022. Alain Mabanckou Alain Mabanckou est né le 24 février 1966 en tant qu’enfant unique à Pointe-Noire, la capitale économique de la république du Congo située au sud du pays. Il suit ses études en achevant cette période par un baccalauréat en Lettres et Philosophie au lycée Karl-Marx. Il continue ses études dans le domaine du droit à Brazzaville parce que sa mère souhaitant qu’il devienne magistrat ou avocat. À 22 ans, il obtient une bourse d’études et s’envole pour la France où il obtient un DEA (diplôme d’études approfondies) en Droit des affaires. Après ses études, il commence à travailler comme conseiller pour une dizaine d’années dans le groupe Suez-Lyonnaise des eaux, qui est une entreprise spécialisée dans la distribution d’eau. En même temps, il se consacre de plus en plus à l’écriture avec la parution de son premier roman Bleu-Blanc-Rouge publié aux éditions Présence Africaine en 1998 et qui lui vaut le Grand prix littéraire d’Afrique noire. Sa notoriété auprès d’un public plus large n’arrive qu’avec le livre Verre cassé publié en 2005. En 2006, il publie les Mémoires de porc-épic qui connait également un grand succès et qui lui vaut l’obtention du prix Renaudot. Durant ce temps, il quitte définitivement son ancien emploi à Paris pour assumer le poste de Professeur des littératures francophones à l’Université du Michigan. Depuis 2006 jusqu’à présent, il travaille à l’Université de Californie comme Professeur titulaire de littératures francophones. L’œuvre d’Alain Mabanckou a été jusqu’à ce jour traduite dans beaucoup de langue. Pourtant, seuls deux de ses ouvrages ont été traduits en tchèque, à savoir le livre Verre Cassé en 2015 sous le titre Prasklej sklenička et Mémoires de porc-épic en 2018 sous le titre Paměti dikobraza. Les deux livres ont été traduit par Tomáš Havel dans la maison d’édition Dauphin. L’Énigme du retour L’Énigme du retour est une œuvre écrite par écrivain haïtien Danny Laferrière. Il est paru le 2 septembre 2009 aux éditions du Boréal ayant reçu le prix Médicis la même année. Il s’agit d’un roman anhistorique avec les éléments autobiographiques. Le livre est divisé en deux grands chapitres principaux, chacun avec plusieurs sous-chapitres. Concernant la forme, la prose altère avec la poésie, plus concrètement avec le vers libre. Les paragraphes écris en prose sont plutôt des passages descriptifs et explicatifs. Par contre, les parties poétiques sont très subjectives. Le personnage principal, Windsor Laferrière, est un écrivain haïtien exilé, contraint de fuir son pays en tant que dissident politique. Il vit à Montréal depuis trente-trois ans. Son père qui porte le même nom vient de mourir à New York, où il a lui-même vécu en tant qu’émigré. Windsor décide donc de se rendre en Haïti à travers New York pour assister aux funérailles et informer sa mère du décès. À New York, il retrouve les deux oncles qui ont fourni un appartement à son père, et après la cérémonie funéraire, il rencontre le meilleur ami de son père. Puis, il part pour Port-au-Prince afin d’annoncer la terrible nouvelle à sa famille. Dès son arrivé en Haïti, Windsor est confronté à la triste réalité de la vie dans son pays natal – les problèmes sociaux, l’omniprésence de la mort, la pauvreté et la famine. Après que Windsor a rendu visite à sa mère, il reprend la trace des amis d’enfance de son père. Par la suite, il part pour Baradères, la ville natale de son père. Laferrière y découvre le charme de son lieu de naissance grâce à l’hospitalité des villageois qui le traitent avec la gentillesse. Finalement, nous nous demandons si Windsor Laferrière le fils n’a pas effectué ce dernier retour dans son pays natal pour y mourir à la place de son père. Black Bazaar Black Bazaar est une œuvre écrite par écrivain congolais Alain Mabanckou. Il est paru le 8 janvier 2009 aux éditions du Seuil. Il s’agit d’un roman qui, dans sa forme, ressemble à un journal personnel à la fois du personnage principal et du narrateur du récit – Fessologue, un immigré congolais qui vit depuis 15 ans à Paris et qui, à travers son écriture sur une vielle machine à écrire, nous dévoile l’histoire de sa vie. Le livre est composé d’un prologue, de quatre grands chapitres principaux avec plusieurs sous-chapitres, et d’un épilogue. Fessologue (surnom en raison de son intérêt pour les fesses féminines) est malheureux parce qu’il a été quitté par sa femme appelée « Couleur d’origine » qui s’est décidée de partir avec son cousin L’Hybride. Elle part pour le Congo et prend également leur fille Henriette avec eux. De ce fait, il vit les jours difficiles. De plus, il est espionné par son voisin raciste, monsieur Hippocrate – lui-même un Martiniquais qui ne se considère pas noir. Il a donc envie de quitter la ville mais, au lieu de cela, il commence à visiter de plus en plus un bar afro-cubain nommé « Jip’s » où il se rencontre avec ses amis qui sont également les immigrés. Tous ensemble, ils passent leur temps notamment par observant les filles qui se promènent dans la rue, ils discutent sur des formes de fesses, ils les jugent. Au fur et à mesure, nous découvrons l’histoire de sa femme – comment elle est arrivée à Paris, ou par exemple comment elle est tombée enceinte. Nous apprenons également que l’Hybride, qui habitaient chez eux, a été emprisonné pour avoir eu une relation sexuelle avec une mineure. En fait, il s’agissait de Couleur d’origine avec qui il avait affaire. Fessologue commence donc à soupçonner L’Hybride d’être le vrai père d’Henriette et c’est la vraie raison pour laquelle Couleur d’origine décide de le quitter pour le Congo. Il aborde également le sujet de la migration clandestine et les raisons pourquoi il est arrivé en France – c’était notamment à cause de la situation politique des deux Congo et à cause de la guerre en Angola. Tout cela est entremêlé avec la situation politique réelle au Congo et avec les dictatures africaines. Finalement, une année et demie après la rupture avec Couleur d’origine, Fessologue surmonte cette crise grâce à une nouvelle connaissance qu’il a fait avec une fille blanche Sarah. Avec elle, il se plonge dans son écriture et découvre la littérature française et belge. Il arrête également de boire et quitte son emploie à l’imprimerie. Grâce à elle, il commence vraiment à vivre. Voyage Le thème qui accompagne indubitablement les deux œuvres analysées est celui du voyage. Cela va de pair avec le déplacement, qui est plus accentué et présent dans Énigme du retour que dans Black Bazaar. En effet, le personnage principal, Windsor Laferrière, doit entreprendre une aventure difficile du Canada à travers New York pour retrouver finalement sa terre natale, donc l’Haïti. En revanche, Fessologue, qui est arrivé à Paris en tant que jeune immigré, demeurera dans cette métropole européenne, alors qu’il souhaitait initialement retourner dans son pays natal, le Congo. Une température si chaude à New York alors qu’on gèle encore à Montréal. (ER, p. 41) En fait je cherche maintenant à déménager d’ici. J’en ai assez du comportement de mon voisin monsieur Hippocrate qui ne me fait plus de cadeaux, qui m’épie lorsque je descends en sous-sol dans le local des poubelles et qui m’accuse de tous les maux de la terre. (BB, p. 9) Afin de mettre en lumière la situation de Fessologue et la raison pour laquelle il a voulu quitter Paris dans un premier temps, nous devons mentionner un autre personnage de ce roman – monsieur Hippocrate. En tant que son voisin, il lui rend la vie encore plus difficile. Il ne cesse de le traquer, de le houspiller et d’exprimer ses sympathies pour les colonies belges. Paradoxalement, il fait constamment des allusions racistes, alors qu’il est lui-même originaire de la Martinique. Néanmoins, il ne se considéré pas du tout être noir. Tu es contre les colons ou quoi ? Moi je dis que les pauvres colons il faut les rendre hommage ! (BB, p. 16) Espèce de Congolais ! Ta femme est partie ! Retourne chez toi ! (BB, p. 41) Mais au lieu de quitter Paris, il commence à fréquenter de plus en plus son bar afro-cubain préféré, Jip’s, où il retrouve ses amis expatriés. Toutefois, c’était la fille nommée Sarah dont Fessologue est tombé amoureux qui l’a fait rester dans cette ville. J’attendais que tu finisses enfin ton livre pour te le dire : j’aimerais que tu viennes habiter avec moi… (BB, p. 265) Comme déjà mentionné, Windsor a tendance à voyager, ou bien à se déplacer davantage que Fessologue. Quant à lui, il quitte le Canada plus ou moins volontairement en raison de la mort de son père qui vivait à New York, et de la nécessité d’annoncer cette triste nouvelle à sa famille qui habite en Haïti. Mais ce voyage fréquent n’a pas seulement lieu dans le monde réel à Windsor. Effectivement, cela est également dû au fait qu’il a recours au sommeil parce qu’il l’aide à échapper la réalité. Par la réalité, nous comprenons généralement le Canada, le lieu de sa résidence. Mais le sommeil lui permet de traverser les frontières à la fois géographiques et temporelles, de rejoindre son enfance et son pays natal – l’Haïti. Le rêve est donc pour Windsor associé à ses souvenirs, et c’est grâce à eux qu’il peut voyager au-delà du monde réel. Aujourd’hui, je dors plutôt / afin de quitter mon corps / et de calmer ma soif des visages d’autrefois. / Le petit avion passe sans sourciller / sous le grand sablier / qui efface le ruban de la mémoire. / Me voilà devant une vie neuve. / Il n’est pas donné à tout le monde de renaître. / Je tourne au coin d’une rue de Montréal / et sans transition / je tombe dans Port-au-Prince. (ER, p. 14) Néanmoins, ils ne sont pas confrontés à un voyage difficile au sens propre du terme, mais plutôt à un voyage de « découverte de soi », dont nous parlerons ci-dessous. Exil et ses conséquences La question de l’exil fait également partie intégrante des œuvres analysées. Windsor et Fessologue ont tous deux décidé de quitter leur pays natal principalement en raison de l’instabilité de la situation politique dans leur pays d’origine. Les œuvres Énigme du retour et Black Bazaar évoquent des situations bien réelles telles que le règne de « Papa Doc » et de son fils « Baby Doc », la colonisation et la décolonisation, les dictatures africaines, la situation des deux Congos et la guerre en Angola. Bien que tous ces moments historiques soient inscrits dans les œuvres, nous considérons que ces deux romans sont plutôt anhistoriques étant donné que certaines situations sont présentées de manière plutôt anecdotique. Laferrière et Mabanckou ne sont pas engagés politiquement dans leurs ouvrages et ainsi, ils préfèrent de raconter une histoire remplie d’éléments autobiographiques. Les années noires. La police sanguinaire d’un régime barbare. Cette amertume vient peut-être du fait qu’ils ont cru à un changement après le départ de Baby Doc. Rien de pire qu’un espoir trahi. (ED, p. 143) Mais voilà qu’au pays où nous imposait d’aller en Angola pour faire la guerre – on maquillait ça en disant qu’on y allait pour le service militaire, on devait être prêt au cas où nos voisins les Zaïrois qui sont bien plus nombreux nous attaqueraient pour nous piquer notre pétrole, notre bois, voire notre océan Atlantique. (BB, p. 193) En tant qu’immigrants, Windsor et Fessologue doivent tous deux faire face dans leur pays d’accueil à une culture, une tradition ou une société qui ne leur sont pas propres. En conséquence, ils éprouvent le sentiment de « non-appartenance ». Ce phénomène est particulièrement évident chez Windsor lorsqu’il retourne dans son pays natal – au lieu de se sentir « chez lui », il se perçoit et est perçu comme un étranger. Il se sent donc toujours exilé au Canada et se prend pour un étranger dans son pays d’origine. Ainsi, il se trouve coincé entre deux mondes sans vraiment appartenir à l’un ou l’autre. Le vendeur de journaux qui se tient devant l’hôtel tente de me faire payer l’exemplaire au prix d’un abonnement mensuel. Je lui montre pourtant ma photo dans le numéro du jour. Sans ciller, il me refait le même prix exorbitant. […] Comment savez-vous que je ne suis pas d’ici ? Vous êtes à l’hôtel. C’est mon affaire. Pour moi vous êtes un étranger comme n’importe quel autre étranger. (ED, p. 108) L’exil suscite chez eux une sorte de crise identitaire. Bien que clandestinement muni de faux papiers, Fessologue arrive en France en vue de gagner mieux la vie. Cependant, c’est après la rupture avec la Couleur d’origine qu’il subit cette crise où il se retrouve livré à lui-même dans une ville inconnue. Finalement, il la surmonte en faisant une nouvelle connaissance avec Sarah, la fille franco-belge. […] c’était comme si j’avais perdu mon charme, et je me demandais où étaient passées les neiges d’antan. J’étais presque devenu un homme du passé. Les vauriens nouaient mieux la cravate que moi, et ils étaient plus entreprenants. J’avais le sentiment que mon malheur se lisait sur mon front ou que Couleur d’origine m’avait jeté un sort. (BB, p. 169) Intégration Avec l’exil vient aussi l’intégration, qui est également présente tout au long des œuvres. Dans Black Bazaar, Fessologue s’intègre progressivement à la société parisienne. Au début, il passe du temps dans un bar avec des amis qui sont eux-mêmes des immigrés africains et antillais. Il survit dans cette « bulle » jusqu’à ce qu’il rencontre la susmentionnée Sarah, grâce à laquelle il commence à vivre pleinement sa vie en France tout en acceptant son identité particulière. Il quitte son ancien emploi à l’imprimerie, arrête de boire et se plonge dans le monde de la littérature. Je vais régulièrement au Jip’s, le bar afro-cubain, près de la fontaine des Halles dans le I^e arrondissement, je peux même dire que j’y vais maintenant plus que d’habitude. (BB, p. 12) Dans le cas de Windsor, nous parlons plutôt de réintégration étant donné qu’en arrivant en Haïti, il n’est rien d’autre qu’un touriste dans son pays natal. Malgré sa peur de se sentir étranger dans son propre pays, il se rend plutôt dans un hôtel que rester avec sa mère. De même, l’Haïti qu’il connaissait par ses souvenirs n’est plus celui qu’il se rappelait. Au contraire, le pays est marqué par la pauvreté et la faim. Il se demande donc si c’est le pays qui a changé ou si ce n’est que sa perception. Par conséquence, il doit accepter cette nouvelle réalité et se réintégrer dans la communauté haïtienne. Ni les jeunes motards qui s’abattent comme des sauterelles sur ce quartier des hôtels et des galeries d’art que fréquentent les rares étrangers qui prennent le risque de visiter ce pays. Si je ne m’éloigne pas trop du cercle doré, c’est pour ne pas me sentir étranger dans ma propre ville. Je repousse chaque fois le moment de cette confrontation. (ED, p. 123) Écriture Afin d’échapper au monde réel, dans lequel ils se sentent plutôt mal acceptés par la nouvelle société qui les entoure, Windsor et Fessologue se mettent à écrire. En effet, l’écriture et la lecture sont l’un des autres thèmes communs à ces œuvres qui représentent aussi une sorte d’échappatoire pour les deux immigrés. Dans Énigme du retour, Windsor écrit son propre roman, mais il n’en est pas beaucoup question. D’une entrevue avec une journaliste, nous apprenons seulement que Windsor est probablement en train d’écrire une autobiographie, mais il doute qu’il se serait lancé dans l’écriture s’il n’avait pas lui-même vécu hors de son pays natal. En fin de compte vous n’écrivez que sur l’identité ? Je n’écris que sur moi-même. (ED, p. 21) Ce qui est sûr c’est que / je n’aurais pas écrit ainsi si j’étais resté là-bas. / Peut-être que je n’aurais pas écrit du tout. / Écrit-on hors de son pays pour se consoler ? / Je doute de toute vocation d’écrivain en exil. (ED, p. 22) Pour lui, l’écriture représente plutôt une sorte de soulagement et de repos. Il écrit donc un roman pour lui-même plutôt que pour un public. Je recommence à écrire comme / d’autres recommencent à fumer. / Sans oser le dire à personne. / Avec cette impression de faire une / chose qui n’est pas bonne pour moi / mais à laquelle il m’est impossible / de résister plus longtemps. (ED, p. 15) Mais ce qu’il trouve apaisant, outre l’écriture, c’est la lecture elle-même. Plus précisément, la lecture de l’œuvre d’Aimé Césaire Cahier d’un retour au pays natal l’aide à trouver sa vraie identité et son passé culturel et à vivre en exil, bref, comprendre cette vie d’un exilé. Il lit souvent ce recueil de poèmes en prenant un bain chaud et en buvant une bouteille de rhum. Ce lien entre l’eau et la lecture lui évoque à la fois sa mère et son père. D’un côté, ce symbole de bain et de l’eau représente le ventre maternel. En d’autres termes, cela fait rappeler à la figure d’une mère enceinte où Windsor se trouve dans le rôle de fœtus. D’un autre côté, Aimé Césaire pour Windsor incarne une sorte de figure paternelle qu’il n’a jamais vraiment connue. Le seul endroit où je me sens parfaitement chez moi, c’est dans cette eau brûlante qui achève de me ramollir les os. La bouteille de rhum à portée de main, jamais trop loin du recueil de poèmes de Césaire. J’alterne les gorgées de rhum et les pages du Cahier jusqu’à ce que le livre glisse sur le plancher. Tout se passe au ralenti. Dans mon rêve, Césaire se superpose à mon père. (ED, p. 21) Dans Black Bazaar, Fessologue mentionne dès le début du livre qu’il est en train d’écrire un roman portant le même nom que cet ouvrage. Il s’agit donc d’une forme de métafiction. Ses amis du bar Jip’s sont plutôt critiques à son égard et pensent qu’il n’est pas assez talentueux pour être écrivain. Paul du grand Congo m’a appris que tu écris des trucs et que ça s’appelle « Black Bazar » ! C’est quoi cette arnaque que tu nous prépares ? Pourquoi écris-tu ? Tu crois que c’est tout le monde qui peut écrire des histoires , hein ? Est-ce que c’est pas par hasard une nouvelle astuce que tu as dénichée pour te mettre au chômage, passer entre les mailles des filets du système, piquer les allocations, creuser au passage le trou de la sécu et mettre en panne l’ascenseur social de la Gaule ? (BB, p. 13) Toutefois, cela ne l’empêche pas de le mener à bien. Avec l’aide de son ami haïtien Louis-Phillipe, lui aussi écrivain passionné, qui lui donne de précieux conseils, il s’immerge complètement dans l’écriture. Tu ne comprends rien à rien ! J’écris comme je vis, je passe du coq à l’âne et de l’âne au coq, c’est ça aussi vivre si tu ne le sais pas. […] Moi j’ai un vrai pote qui m’écoute, c’est Louis-Philippe, il est haïtien. (BB, p. 20) J’allais passer du temps avec Louis-Philippe qui me répétait : Écris, écris ce que tu ressens… (BB, p. 144) De plus, la fille blanche Sarah, comme Louis-Phillipe, introduit Fessologue dans le monde de la littérature. […] grande dame de la littérature belge qu’elle me fait découvrir depuis parce qu’elle était agacée que je ne lise que du Simenon et les romans latino-américains que me prête Louis-Philippe. - Il faut que tu te libères un peu de la fascination que tu as à l’égard de Louis-Philippe ! Tu ne lis que ce qu’il te dit de lire. La littérature ne s’arrête pas en Amérique latine… (BB, p. 259) Comme dans Énigme du retour, nous pouvons observer des allusions aux œuvres d’Aimé Césaire et ses convictions. Cependant, dans cet ouvrage, elles ne sont pas si fréquentes. […] je sais qu’il y a l’autre-là, Aimé Césaire qu’il s’appelle, il voulait casser la baraque de la colonisation dans son livre […]. (BB, p. 228) Traces de la culture d’origine Dans chacune de ces œuvres analysées, nous pouvons trouver des références particulières à la culture ou aux traditions associées à l’Haïti ou au Congo. Ce que nous pouvons relever dans Énigme du retour, c’est d’abord la question du fantastique, notamment les références à la religion vaudou, que nous ne trouvons malheureusement pas dans Black Bazaar. Cependant, cette œuvre n’est pas entièrement fantastique. Nous pensons qu’il s’agit plutôt d’un roman autobiographique avec des éléments fantastiques. Windsor commence à se lier d’amitié avec les amis de son père à un moment donné de son séjour. L’un d’eux, un vieux médecin et ancien ministre, lui prête sa voiture et son chauffeur, Jérôme, pour rendre visite à un autre ami de son père, François. Lui, il s’est réfugié à la campagne pour y cultiver du riz. Tu crois connaître un type que tu vois chaque jour pendant des années et brusquement il t’annonce qu’il doit retourner dans les ténèbres parce qu’un dieu lare le réclame. (ED, p. 153) Pendant cette visite, Windsor reçoit une poule noire de la part de François dont il ne se séparera plus. En fait, cette poule qui sert de ce moment-là comme un « protecteur », est peut-être la raison pourquoi Windsor commence à être associé à l’un des dieux de la religion vaudou – Legba, qui garde la frontière entre le monde des humains et le monde surnaturel. À quel signe avez-vous reconnu Legba ? La poule noire. La poule ? Oui, la poule noire. Bien sûr, la poule noire. (ED, p. 198) Après, Dany libère le chauffeur et poursuit son voyage tout seul. Il traverse un petit cimetière où il passe la nuit. C’est justement là, en reposant sur une tombe, qu’un homme l’associe avec cette divinité. Il me confond avec le dieu qui se tient à la frontière du monde visible et du monde invisible. Celui qui vous permet de passer d’un monde à l’autre. (ED, p. 198) Nous pouvons expliquer ce rapport entre cet esprit vaudou mystérieux et Windsor en disant que Legba se tient à la frontière du monde visible, donc le monde des humains, et le monde invisible, le monde surnaturel. Il « autorise » le passage d’un monde à l’autre. Et effectivement, comme Legba, Windsor lui-même se tient à la frontière à la fois entre la réalité et le rêve, et à la frontière entre son pays natal et l’exil au Canada. Ainsi, il traverse ces frontières comme Legba. Nous pouvons également enregistrer que cette frontière est également visible dans la forme, où la prose altère avec le vers libre. Une autre manifestation de la culture haïtienne peut être les nombreuses références au peintre et écrivain haïtien Frankétienne, qui, entre autres, est loin d’être un personnage de fiction. Malgré l’heure tardive on fait un crochet par la route de Delmas voir Frankétienne. […] Frankétienne est un artiste si prolifique qu’il peut ruiner un collectionneur. (ED, p. 154) En outre, lorsque Windsor est à Montréal, les souvenirs et les pensées de son pays natal lui viennent à l’esprit. Cependant, une fois rentré en Haïti, il doit faire face à la triste réalité. La nourriture est la plus terrifiante des drogues. On y revient toujours : pour certains au moins trois fois par jour, pour d’autres une fois de temps en temps. […] Ce qui nous a donné le sentiment qu’on ne sera jamais les auteurs du grand roman haïtien dont le sujet ne peut être que la faim. (ED, p. 97) Dans Black Bazaar, nous pouvons remarquer que lorsque Fessologue annonce qu’il écrit un roman, ses amis, qui sont également des immigrants d’Afrique, s’étonnent qu’un homme noir se lance dans une telle activité qui n’est pas du tout propre aux Africains. Écoute, mon gars, soit réaliste ! Laisse tomber tes histoires de t’asseoir et d’écrire tous les jours il y a des gens plus calés pour ça […] ils sont nés pour ça, ils ont été élevés dans ça […] alors que nous autres les nègres, c’est pas notre dada, l’écriture. Nous c’est l’oralité des ancêtres, nous c’est les contes de la brousse et de la forêt […] En plus on a un accent bizarre, ça se lit aussi dans ce que nous écrivons, or les gens n’aiment pas ça. (BB, pp. 13-14) Un autre élément typique des Noirs qui est représenté dans ce livre est le phénomène appelé SAPE, donc la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes. Il s’agit d’une mode vestimentaire qui s’est popularisée aux « deux Congos » autour des années 60[7]. Si je suis toujours habillée au costard c’est qu’il faut « maintenir la pression » comme on dit dans notre milieu […], la SAPE, une invention de chez nous, née dans le quartier Bacongo […] C’est nous qui avons exporté la Sape à Paris, qu’on ne me raconte pas le contraire […]. (BB, p. 43) Fessologue ne rencontre que les immigrants d’Afrique et des Caraïbes tels que Louis-Phillipe, Roger Le Franco-Ivoirien, Yves « L’Ivoirien tout court », Vladimir Le Camerounais, Paul du grand Congo, ou bien arabe du coin. Par conséquent, il n’a pas d’amis blancs, à l’exception de Sarah. Si ce fait nous montre que les immigrés dans le pays d’accueil forment leurs propres groupes et ne recherchent pas particulièrement le contact avec les Européens, la plupart d’entre eux, paradoxalement, ont le désir de ressembler aux Blancs et achètent donc des produits d’éclaircissement de la peau. Au bout de quelques mois, elle a tiré la conclusion que nous autres on dépensait des sommes faramineuses pour nous blanchir la peau. On préférait mourir de faim plutôt que de coltiner une peau foncée. (BB, p. 81) Regardez-vous, on dirait un singe ! Ces cheveux lissés c’est pour ressembler au Blanc ou quoi ? (BB, p. 245) Conclusion Dans ce travail, nous avons tenté d’analyser deux œuvres francophones, à savoir Énigme du retour de Danny Laferrière et Black Bazaar d’Alain Mabanckou, dans une perspective comparative. Tout d’abord, nous avons expliqué le contexte littéraire et historique et présenté les auteurs eux-mêmes. Puis, nous avons brièvement résumé les histoires des deux livres. Finalement, nous avons comparé les deux œuvres sur le plan thématique. Nous avons mis en évidence leurs caractéristiques communes et leurs différences. Les deux œuvres sont basées sur le thème omniprésent de voyage et d’exil. Les personnages principaux quittent leur pays natal en raison de la mauvaise situation politique. Ils s’installent dans les grandes métropoles, où ils ne se sentent pas intégrés. Cependant, à partir de ce point, les livres commencent à diverger un peu. Si Fessologue de Black Bazaar s’adapte au fil du temps et s’installe définitivement à Paris, Windsor d’Énigme du retour retourne dans son pays de naissance, et nous soupçonnons qu’il y restera probablement jusqu’à la fin de ses jours, même s’il doit se réintégrer dans la société haïtienne. Bien que les deux œuvres puissent être considérées comme des romans avec des éléments autobiographiques, nous pouvons également découvrir des aspects du fantastique dans Énigme du retour, qui sont représentés par la spiritualité vaudou. Nous pouvons trouver de nombreux thèmes communs dans les ouvrages, parmi les plus importants nous pouvons mentionner, par exemple, la passion pour la lecture et l’écriture elle-même. Néanmoins, ce qui unit vraiment ces livres, c’est le thème de l’exil et tout ce qui y est lié. Bibliographie Alain Mabanckou. In : Wikipedia: the free encyclopedia [en ligne]. San Francisco (CA): Wikimedia Foundation, 2001-2022 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Mabanckou ALBERT, Christiane. (2004). Review of [CAZENAVE Odile, Afrique sur Seine. Une nouvelle génération de romanciers africains à Paris. Paris-Budapest-Torino, L’Harmattan, coll. Critiques littéraires, 2003, 311 p., bibl. - ISBN 2-7475-4455-9]. Études littéraires africaines, (17), 62–64. https://doi.org/10.7202/1041519ar Black Bazar. In : Wikipedia: the free encyclopedia [en ligne]. San Francisco (CA): Wikimedia Foundation, 2001-2022 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Black_Bazar CAZENAVE, Odile. Afrique sur Seine : Une nouvelle génération de romanciers africains à Paris. L’Harmattan, Paris, 2003. Dany Laferrière : Haitian-born Canadian author. In : Britannica [en ligne]. 2022 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://www.britannica.com/biography/Dany-Laferriere Dany Laferrière. In : Wikipedia: the free encyclopedia [en ligne]. San Francisco (CA): Wikimedia Foundation, 2001-2022 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dany_Laferri%C3%A8re Dějiny Haiti. In : Wikipedia: the free encyclopedia [en ligne]. San Francisco (CA): Wikimedia Foundation, 2001-2022 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://cs.wikipedia.org/wiki/D%C4%9Bjiny_Haiti La SAPE, c’est quoi?. In : La Plume Francophone [en ligne]. 2015 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://la-plume-francophone.com/2015/11/17/la-sape-cest-quoi/ LAFERRIÈRE, Dany. L’Énigme du retour [en ligne]. Montréal : Boréal, 2009 [consulté 022-05-18]. Disponible sur : https://1lib.cz/book/4343353/b3d015 L’Énigme du retour. In : Wikipedia: the free encyclopedia [en ligne]. San Francisco (CA): Wikimedia Foundation, 2001-2022 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89nigme_du_retour Mabanckou Alain. In : iLiteratura.cz [en ligne]. 2006 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://www.iliteratura.cz/Clanek/19801/mabanckou-alain MABANCKOU, Alain. Black Bazar [en ligne]. Paris : Éditions du Seuil, 2009 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur: https://archive.org/details/blackbazarroman0000maba_z9e5 MUSANJI-NGALASSO, Mwatha. L’exil dans la littérature africaine écrite en français. In: Écritures de l’exil [en ligne]. Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux, 2009 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://books.openedition.org/pub/39997 ________________________________ [1] Christiane ALBERT. (2004). Review of [CAZENAVE Odile, Afrique sur Seine. Une nouvelle génération de romanciers africains à Paris. Paris-Budapest-Torino, L’Harmattan, coll. Critiques littéraires, 2003, 311 p., bibl. - ISBN 2-7475-4455-9]. Études littéraires africaines, (17), 62–64. https://doi.org/10.7202/1041519ar [2] Mwatha MUSANJI-NGALASSO. L’exil dans la littérature africaine écrite en français. In: Écritures de l’exil [en ligne]. Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux, 2009 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://books.openedition.org/pub/39997 [3] Ibidem. [4] Ibidem. [5] Dějiny Haiti. In : Wikipedia: the free encyclopedia [en ligne]. San Francisco (CA): Wikimedia Foundation, 2001-2022 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://cs.wikipedia.org/wiki/D%C4%9Bjiny_Haiti [6] Odile CAZENAVE. Afrique sur Seine : Une nouvelle génération de romanciers africains à Paris. L’Harmattan, Paris, 2003. [7] La SAPE, c’est quoi?. In : La Plume Francophone [en ligne]. 2015 [consulté 2022-05-18]. Disponible sur : https://la-plume-francophone.com/2015/11/17/la-sape-cest-quoi/