Mais cc matin, la douce main de la vie quotidienne n'effacerait pas 1t tourment de la vieüle femme. II piongeait trop creux et il avait la figure trop ancienne. Quelques maigres larraes coulerenl sur ses joues dont chacune scm> blait la d^ciiirer. RINA LASNIER (1915) Pour peu que 1'on s'arrete a considérer son itinéraire entier, Rina Lasnier appnrnll oomrae l'un des meilleurs eí, peut-étre, le plus repiésentatif des poětes québécoll, Dcpuis 1939, eile a public une bonne douzaine de recueils poetiques, quelquM drames lyriques et des essais qui sont tous marqués au coin de la poesie. I )'u| Iivre a 1'autre, !'on peut discerner la continuity ďuae quéte qui eroprunte I In tradition mystique son verbe haut et a un cheminemcnt intérieur dramatiquo II chaleur vitale. Son itinétaire poétique est balisé par les titres suivants: ImnntH et Proses (1941), Madones canadiennes (1944), le Chant de la montée (1947), Escales (1950), Presence de I'absence (1956), Mémoire sans jours (I960), MU roirs (1960), les Oisants (1963), I 'Arbre blanc (1966), Salle des rěves (1971), L'Eckelle des anges (1975) et Les Signes (1976). Les poěmes de Rina LaiflW antcrieurs a 1972 ont été réunis en deux volumes dans la collection du « Ninu phar », chez Fides (Poémes, 1972). Dans un numero dc la revue Liberie (1970)) Marcel Bélanger éerii: « Rina Lasnier continue ďexplorer en toute indépendiiňflt de cceur et ďesprit les grandes voies de la poesie, conciliant et rcconcilialt in elle traditions et innovations, assumant sans doute un heritage humanisté, mult avee une lucidité active. » IMAGES ET PROSES Chanson Tu m'as dit: « J'ai besoin de toi ». Pourtant e'est toi la source, moi le caillou; toi 1'arbre, moi I'ombre; loi le sentier, moi 1'herbe foulee. Moi j'avais soif, j'avais froid, j'6tais perdue; toi tu m'as soutenue, rassuree et cachee dans ton cceur. Pourquoi done aurais-tu besoin de moi? La source a besoin du caillou pour chanter l'arbre a besoin de I'ombre pour rafratchir, le senlier a besoin de 1'herbe foulee pour guider. 622 I'riere Seigneur... déliez mes liens.., Entre la tene et moi, il y a ma haute sandále. Ma sandále defend mon pied de t a morsure de la tcrre; si mon pied était nu, je me souviendrais de mon nom... poussiere. Entre mes fteres et moi, il y a le mirage du bonheur. Mon coeur est une ile loinlaine qu'entoure la mer immense de I'amour; si mon cceur avait quitté sa solitude, je saurais ma faim... la charite. Entre Vous et moi, il y a l'embfiche de ma ferveun Ma vie est un arbre aux multiples desirs, ou palpite une colombe; si ma vie délivrait ľäme captive, je saurais l'ampleur de mon essor... ľinfini. Seigneur... déiicz mes liens. licíiuté Latsse le nenuphar au lac, laisse le poěíe ä sa solitude; le nenuphar n'a pas dédaigné le pre ou le jardin, le poete n'a pas choisi de chanter; méme s'ils baignent dans 1'eau pure de la beauté, ils resteni males ä la boue de la terre par toutes leurs racines. Une goutte d'eau... quand on a soif du lac entier... un poeme... quand on poursuit la beauté absolue... I.^iisse le nenuphar ä la coupe changeante du lac, laisse le poete ä la coupe sans bords du révě... 11 usque je mourrai 1 jorsque j 'aurai iargu6 les voiles et coupe" les amarres, lorsque je quitterai le m61e, lorsque le vaisseau de mon ame appareillera pour rinfini, jc no veux ni pleurs, ni sanglols, mais, douce comme 1'effleurement de la derniere mouette, la benediction d'un coeur par moi nourri d'un grain d'azur.. 623 que prfes de la mer vous m'aurez couchee, cieusez toute la mer a 1'infini pour que mes pas renoncent a la traverser. Lorsque j'aurai fini de regarder ces chemins menant plus loin que la vue et que sous le ciel vous m'aurez couchee, gardez captive 1'aile qui fremii pour que mes yeux consenteni a se fermer. Marie! lorsque j'aurai fini d'errer pour Ues amours plus pures que la vie, que pres d'une croix on m'aura couchee, que son ombre sur tnoi soit allongee pour que mon coeur cesse d'aimer jusqu'a la lie! LE CHANT DE LA MONTEE Sommeil de Rachel Ne m'eveillez pas! Je voudrais dormir sur la pierre chaude de rutin enfanoe; l'huile de mille soleils y coule ct loutes mes pensees sont des legemlM d'or; les mille pas de la plute y bondissent, Iapluie plus impatience que I'orllfl du danseur; tous mes desirs sont des jeux que je ne peux quitter sans quiiter tiiofl entance. Quand jc portais mes cheveux sur rncs epaules, comme un trou|irnu d'agneaux qui se laisse choir, !es jours jaillissaient sur les champs d'innocencc; je buvais les jourN iuii fontaines du rire sans cause. La douce agnelle haussee sur mes spades, sous la frondaison dc iiim cheveux, la derniere agnelle a trouve les herbes de senteur et la saveur du Ht)|, J Je voudrais dormir sous mes cheveux comme un vaisseau sous ses vol|fl|l sans m^p rises! Pourquoi les calmes colombes de mes jeunes annees se de"noueni-dl«# de mon poing? Existe-t-il done un arbre moins soucieux de ses fruits que l'amandlcr tl#] mon jardin? un colombier plus rose de matin et plus tiede que mes deux maltm? Mes colombes fugitives ont derobe le grain sacr^ de mon couur! Je voudrais dormir sur mon coeur comrne un colombcau qui h'm pni deplie son aile! f>2f> Je sais toutes les chansons des pasteurs, mais je ne sais pas celle du chamelier; je sais rassembler les brebis, mais je ne sais pas courir au-devanl de r^tranger. Quand je chante, mes larmes deviennent une rosee sur la rose de mon sourire. Je voudrais dormir sur ma chanson comme le chasseur sur sa fieche neuve. Deja jc ne vois plus le tourbillon de mes oiseaux; mes oiseaux sont des lies en fete avec mon cceur a la derive. Mes agnelles n'inclincni plus leur front sur l'eau basse des outres; mes agnelles boivent a meme les pluies hautes; elles on! trouve la grande pierre bieue du ciel! Les bergers n'aspirent plus dans leurs chalumeaux la candeur de mes chansons; ma jeunesse a tremble sur leurs levres muettes. Pourquoi, pourquoi? Ne m 'eveiliez pas, je dors, separ^e du jour par le songe de mon enfance... U' haiser Maintenant que ton baiser, 6 Bien-Aim6, a reveille l'eau secrete de I'amour longlemps couchee sur la pierre du silence, maintenant que cede eau ardente, amassee goutte a goutte dans l'outre de la terre, s'est li£e en une source irrepressible. laissc-Ia jaillir! eolonne candide et sonore enhre les parois des ciels proches. & fille humble, te voila delivree du piege obscur de 1'argile, ic voila debout et droile comme la vierge sous 1'amphore; parce que tu as 6t6 remuee par 1'esprit du ddsir, tu ne dormiras jamais plus. Ijc Bien-Aime vient de t'engager dans le cycle terrible de la soif! Soif de la bouche et du coeur; 6 fleuve de frafcheur sur la rive des levres! Soif torrensiellc de la parole creatrice, folle de communiquer la Sagesse! Soif dessechee de Tame demandant la coupe de la mort a vider d'un scul coup! (i Bien-Aim6! vcille cettc fille plus clairc que l'epee; die s'c"Ieve seule pour sdparcr le ciel de la terre et se separer du limon, oubliant que toutes les eaux ont des ratines de terre! Ai pilie1 car elle ignore la rose transparente de l'aube favorisant son sein innocent; clle n'a point mcU: a sa trame sans couleur les fils d'or des soleils de midi, ni rc<;u sur sa face les baisers fardfs et faux des couchants excessifs. Mile est douce ct sans gcsle; cilc n'a pas appris [es manages des houles 11 i les hauteurs des miirces bruissanles. 627 Elle est sauvage et nulle herbe marine n'a lie" ses poignets et set chevilles; elle est vierge comme le lin mis a s€cher sui le champ pour la premiere fois. elle est plus pure que les blanches roseraics de la lumiere! 6 Bien-Aim6, comment mettras-tu dans la conque de ton coeur cette eau jaillissante, car Famour recommence I'amour et Feau recommence la soif. Rduniras-tu en toi tous les mondes confus, tous les paradis en errancc, afm qu'elle aime tout en toi sans mesure? Quand elle chantera (res tard pour consoler les tristes salles de !a nuit du vol des colombes enfuies, sauras-tu la consoler de son enfance oil les etoiles s'enfon^aient en elle par cinq blessures bleues? Comment rempecheras-tu de sc courber comme un lis de pitte suf 1'epaule de la tcrre? La terre voudra la reprendre pour qu'elle cesse de jouer avec les astres; elle voudra l'employer a la feconditd charnelle des seves et des germea, pour tarir en elle 1'elan spirituel de la soif! 6 Bien-Aime", toi qui as delie" 1'eau de I'amour de ta ddscsperance de la pierre, sauras-tu la lier a la soif des dieux? ESCALES L'arbre J'avais un grand arbre vert Oii nichait mon enfance ail£e, Un arbre grand troue de lumiere Qui remplissait le haut de mon 3me, J'avais de douces branches vertes Ou chantait mon enfance triste, Des branches vertes et sonores Qui re"p£taient les chagrins de mon ame. J'avais milk feuilles vertes Ou palpitait l'e"lan de mon enfance, Des feuilles lisses et captives Comme les oiseaux de mon 3me. J'avais un grand arbre vert Oii se denouait la fleur de mon enfance, Pour quel printemps, pour quelle abeille? Pour quelle joie, pour quelle souffranee? Avant-neige Cette noblesse grise, cette vigile de neige Et je ne sais d'oii lui vient son ampleur; Cette premiere neige qui ne descend pas, Et le petit bois a leve" tous ses bras! Le petit bois n'a plus que ses bras (II a efface" sa braise et ses fe"ies) Pour accoler cette imminence grise; Et la neige attardee aux etoiles Avec son eclat dfisespeie le petit bois... Le palmier Cette longue mature nue de voiles, Cette meche prise dans le silence, Cet elan sans tendresse de branches, Tres haut J'eclatement vert d'une 6toiie. Entre le vent et les astres cette corbeille, Ce buisson d'oraison pour eprouver le ciel, Cette fusfie fixee au bout de son extase, L'ermite tient son ame comme une palme... Tendresse de l'herbe Quand I 'herbe refuscra de hausser La sandale des reines, de courber Sous la faim de Tagnelle sa saveur; Quand elle ne liera plus sa fraicheur Aux lassitudes des pelerins egar£s; Quand il n'y aura plus ces mains de tendresse Pour tcnir ensemble la terre sechee; Quand toute seve sera une tristesse, Quand enfin l'herbe descendra humilicr Les ardeurs des amants longtemps jakmses; Nous qui serons une moisson d'amour Embaumant la rdserve des derniers jours; Nous qui aurons perdu la terre sans trouver Le ciel, parce que nous aurons ete couches Sans etoile pour garder la nuit eveillee; Veux-tu, quand toulc pilic" et toute priere Refuscront de descend re avec la neige, Ou de sc rdpiiiulrc iivcc I'lierbe d'un jour, Le roi de jade est cette gloire de graviers verts, cette magie endormie sur une bague, II est cette amuJette ecaillee de son sceptre, cette pesee sur toute aventure; Corame tout ce qui quitte le centre soluble il a fixe" et pare" sa propre solitude. Nul au roi de loin ne s'assemble; il n'a pas voulu d'une etoile pour s 'entendre avec la nuit; Pour reduire son Sme avec sa peine il n'a pas voulu des lannes descenducs en terre, Pour re lever i'espace de sa tente il n'a pas voulu de la travee des bras ouverts, II n'a pas voulu du sable doux de la poussiere les os blanchis dont les arts font une cendre adoucie; Dans le ventre de la terre tl n'a pas voulu de la fraternity des morts, II n'a pas voulu des pas pieux de la Reine, il n'a pas de faniSme pour l'appeler dehors. * * Rose noire, fantome de rose rouge l'herbe trembleuse la releve, L'arbre s'il se penche, epris de sa ressemblance, prend forme de reve autant que de seve, Plus que 1 'ombre exacte t'est fidele la pierre usee sur le doigt; Les am ants ont saigne couches dans v absence, les rois ont ri en marchant dans leur arroi. Quand le bien-aime dormira sous fe tertre mal desherb£, quand le bien-aim€ veillera avec des yeux brouillfe, Je verrai ses yeux entr'ouverts corame l'oree du petit bois, ses yeux pleins d'allees et du gibier de nos baisers, Car il m'aura choisie pour capture d'ombre je l'aurai choisi pour roi-fantdme; Nous serons doux et sevr€s comme l'esp£rance doux et disassembles comme la paille et le chaume; Mais il n'aura plus besoin de la couvee de mon ombre ni du voeu de ma bouche descellee, Quand il sera le roi et !a pierre de ma bague severe, quand je serai l'hoir et la reine de sa main haut levee! MEMOIRE SANS JOURS La malemer L 'homme cherche sa density et non pas son bonheur. Saint-Exup£ry Je descendrai jusque sous la malemer ou la nuit jouxtc la nuit—jusqu' au aeuset ou la mer forme elle-meme son malheur, sous cette amnesique nuit de la malemer qui ne se souvient plus de I'circintc de la terre, ni de celle de la lumiere quand les eaux naissaient au chaos flexueux dc 1'air, quand Dieu les couvrait du firmament de ses deux mains — availt la contradiction du Souffle sur les eaux, avant ce baiser sur la mer pour dessouder la mer d'avec la mer ■— avant le frai poissonneux de la Parole au ventre de 1'eau la plus basse, avant la division des eaux par la lame de la lumiere — avant l'antago-nisrae des eaux par I'avarice de la lumiere. Toute salive refoulee de silence —je regoOterai aux eaux condamnees de ma naissance; eau fautive de la naissance cernant 1'innocence du sang — et tu pends I la vie comme le fruit dc I 'arbre contredil; est-il nuit plus nouvoile que la naissance — est-il jour plus ancien que 1'flmc? maternity myst£rieuse de la chair — asile ouvert aux portes du premier cri, et la mort plus maternclle encore! Face fiancde de la haute mer axce sur la spirale du souffle — malemer s6queslr6e aux fosses marines de la recondite; haute mer! oeil fard£ du bleu des legendes — moire des images et des etoiles eteintes; eau joyeuse au trfibuchet des ruisseaux — danseuse au nonchaloir des fontaines; chair plastique de ta danse — parole aventuriere de ta danse et phenix dc ton esprit voyager par la flamme verte de la danse; amoureuse livree au vertige des cataractes et tes lentes noces au lit des fleuves — fidele a la seule alliance zodiacale comme a ta hauteur originellej eau circulaire et sans autre joug que le jeu de tes voies rondes — c'est toi I'erre de nos fables et la sechcresse de notre bouche; a l'envers des nuages, nous avons vu tes metamorphoses — et ton som-meil de cristal, 6 momie couchee sur les poles; eau ascensionnelle — j'ai entendu la rumeur de ton mensonge redescendre dans l'oreille etroite de la conque; tu joues aux osselets avec les coquillages — tes mains jouent sur toutes les greves du monde avec le bois mort des cadavres; sur toutes les tables de sable — tu prends l'aunage de la puissance el de ton ddferlement; tentative du guet des falaises — j'ai vu 1'epaulee feminine de tes marces pour effriter leur refus de pierre; fiancee flucnte des vents durs et precaires — comment te d£lieras-tu do la fatality de ton obeissance? Purifi6e par l'eau la plus lointaine — comment te laveras-tu de la saluro des morts? Haute mer! je refuse ta rose d'argent dispersee sur les sables — cl ton essor disperse en ecume; je ne serai plus la mouette de tes miroirs — ni l'hippocampe droit de tes parnasses houleux; haute mer! je salue la croix du sud renversee sur ton sein — ct je tlen* cends amerement sous la nuit oceanique de la malemer! * Malemer, mer stable et fermee a la foudre comme a Paile — mer pr6-gnante et aveugle a ce que tu enfantes, emporte-mot loin du courant de la mdmoire — el de la longue flottaison des souvenirs; hale-moi dans ta nuit tactile — plus loin dans ton opacite que la double cecit6 de Poeil et de l'oreille; malemer, toi qui ne monies plus sur la touffe fleurie des pres — comme une pensee fatigued des images, toi qui ne laboures plus les greves au cliquetis des cailloux — remuement de pcnsdes au hasard des vocables, toi que n'enchatne plus la chatne des marecs — ni le bref honneur des rcvoltes verticales, que je sois en toi ce nageur rituel et couche — comme un secret aux plis des etoffes sourdes; sans foulee calculee — que je circule par tes chemins sans arrivages, malemer — rature mon visage et noie cette larme ou se refont des clartes, que j'oublie en loi les frontieres ambigues de mon propre jour — et la lucide distance du soleil. * * * Naissance obscure du poeme Comme l'amante endormie dans l'ardente captivite — immobile dans la |MHirpre muette de l'amant, lluente et nocturne a la base du d6sir — obscurcie de sommeil et travestie «l' innocence, scs cheveux ouverts a la confidence — telles les algues du songe dans In mer ecoutante, la femme omnipresente dans la fabulation de la chair — la femme fugitive dans la fabulation de la mort, et l'amant pris au sillagc 6lroit du souffle — loin de 1'usage viril des litres couranl sur des ruincs dc feu, elle dort pres de 1'arbrc polyplcr des mots medus6s — par l'dtreinte de I'hommc A la c&ssure du dicu en Uii. r par cette lame dure et droite de la conscience — void 1'homme de'double" de douleur, voici la seule intimity de la blessure — l'impasse blonde de la chair sans parite; void l'evocairicc de ta nuit fondamentale, malemer — la nuit vivante et soustraite aux essaims dcs signcs, malemer, mer redproque & ton equivoque profondeur — mer inchangee entre les herbes ameres tes p&ques closes, toute Pargile des mots est venitiennc et marine au limon vert — tout poeme est obscur au limon de la me*moire; malemer, lent conseil d'ombre — efface les images, o grande nuit ico-noclaste! le vent n'a point de sifflement dans ton herbage —- la pluie est sur toi suaire de silence, veille la parole sdquestree dans Feci air — faussaire de tes silences cat6-goriques, tu l'entendtas draguer tes &oi!es gisantes, les soleils tout de"roaill6s — la haute mer Jui portera ferveur, pleureuse de la peine anonyme — la nuit lui est remise a large brassee amere, chanteuse encore mal assuree ■— et c'est toi socle et cothurne inspire", fermentation de la paroie en bulles vives — roses hauturieres et blanches pour une reine aveugle. * Malemer, aveugle-née du mal de la lumiěre — comment sais-tu ta nuit sinon par I'oeil circuiaire et sans repos de paupiěre? pierrerie myriadatre de 1'oeil jamais clos — malemer, tu es une tapisserie de regards te crucifiant sur ton mal; comment saurais-tu ta iumiere noire et sans intimitě — sinon par le poěme hermétique de tes tribus poissonneuses? o rime puerile des cíages du son — voici 3'assonance sinueuse et la parité vivante, voici Popacité ocelíce par I'oeil et 1'écaille — voici la nuit veillée par l'insomnie et 1'étincelle; entre les deux mers, voici le vivier sans servitude — et le sillage effilé du poěme phosphorescent, mime fantomatique du poéme inactuel — encore á distance de rose ou de reine, toute la race du sang devenue plancton de mots — et la plus haute mémoire devenue cécité vague; pierre a musique de la face des morts — frayěre frémissaníe du songo et de la souvenance; malemer, quel schisme du silence a creusé ta babel d'eau — negation a quels eloges prophétiqucs? assises du silence sur le basalte el le granit — et sur les sinai's noirs de tes montagnes sans revelation, Densite Qui done avant nous a fait vceu au large de la nuit — sans route ni courant vers le bruissernent de l'aube? qui done a fait vceu d'enfance et d'images — par la mer portante? vceu de risque et de plenitude — par la mer submergeante? par Pechelle liquide, croisement d'ailes et de monstres — manifestation de Petoile par Paraignee d'eau et l'asterie, lassitude des naissances de haute mer — par le sel des sargasses atlan-liques, surfaces mensongeres des metropoles e'loile'es — feux froids de feurs reflets nocturnes, d'avoir touche" serre, la mer a louche" le mensonge — la foudre 3a nettoie des images riveraines, tendue dans l'orage par ses nerfe vegetaux —- la mer se lave avec ses mains brisees, par le miel viril de ses varechs — elle se guerit des odeure terriennes, ni rives ni miroirs — mais Je seul faltage marin des bras lev£s; que la mer haute aille a la mer basse — qu'elles brOlent ensemble dans les aromates incorruptibles! ni le venl ni le soldi nc secheront la mer, maree sur maree — ni le gibicr des songes, bane sur hunc, ni la mer ne sortira du sei et du foudroiement — ni le poeme de la chair et de la figuration du verbe; bois ta döfaite avec 1c sable echoue' — refuse le calfat des mots pour tes coques crevees; cecite" sacree d'une charge de lumieie — ouvre tes yeux sur les cavemes de ta nuit, ni le soleil ni le vent n'ordonnent la terre — mais la rose"e nee de la parfaite pre"carit6, ni la lumiere ni 1'opacity n'ordonnent la mer— mais ta perle nee de l'antagonisme des eaux, maria, nom pluriel des eaux — usage dense du sein et nativity du feu. Les rogations Nous vous en prions, saints et saintes des litanies, levez-vous du dfisccuvrement de vos lits, sortez de la futaie de vos chefs surcharges, 6 saints patrons, dieux lares de nos deTriches! Quiltez Papparat de vos gloires publiques, redescendez dans la vigueur de vos reliques, car voici le temps de resaler toute la terre par les plaies saintes et sages du soleil; voici le temps de la corneille incredule, le temps de la poussiere que le soleil bouscule, voici le temps de nos processions majeures et voici les hauls-iieux de nos stations, voici le grand labour de nos rogadons pour le pain sans sable et le vin sans aigreur. L'enfant poete II y aura toujours la table L'enfant accoude" ä son silence Les yeux ouverts en etoiles Et qui brülent tout par delivrancc II y aura toujours la nuit La douleur tranquille des €toiles Le bleu qui brüle tant de nuit Le bleu qui remue tant de sable II y aura toujours Tenia nee Qui choisit le feu par innocence Le bleu dc 1'eau par attirancc Le debris des mots par impuissance Tes yeux de jour Comme le soleil qui n'a rien soupese' Comme le soleil qui a tout regards Sur mon regard, ton regard a re"gne sans peine Comme I'eau life par Tor le plus simple. Tous tes regards de jour sur moi jetes Je n'en ai fait ni neige ni poussiere Mais la preuve de Tor lc plus vierge Quand e"cktera la pierre d'eternite\ Je cherche la passe de tes yeux ouverts Je cherche le gue" etroil vers ta lumiere, Toute la mer rouge du sang a traverser Pour le pays de ta presence recuse. Comme le jour allume sur un bücher bas Comme le jour tue sur un autre bücher Nos yeux ouverts avivent des dons söpares Lambeaux de flammes que nous ne touchons pas., Tes yeux fermes... Quand sera passe" le flat de tes yeux ouverts, Quand nous n'aurons plus pour asile la iumiere, Quand le sel dur et blanc tirera tes paupieres Comme la premiere gelee qui fend la pierre; Quand sera sech€e l'eau qui gu^rissait la vie Et noyee la pierrerie qui llargissait la nuit; Quand tu auras deiaisse ton propre visage Comme un vaisseau deiaisse son sillage; Quand tu dormiras detourae* de ton regard Comme au plus lointain d'elle-mSmc la mer la plus noire, Quand je ne serai plus qu'une attente etroite Comme une dalle qui ne change plus de nom; Mes yeux verront la peine de mort que nous suivions Et les chemins d'amour que nous dressions en croix..