II. Charles de Coster (1827-1879) C’est dans ce contexte littéraire qu’apparaît Charles De Coster sur lequel repose symboliquement toute la littérature francophone de Belgique. Oeuvre majeure : La légende et les aventures héroiques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et d’ailleurs. 2.1. Biographie[1] Charles De Coster est né en aout 1827 `a Munich d’une mere wallonne et d’un pere flamand. Sa famille n’est pas bourgeoise : ses parents travaillent tous deux comme domestiques. La mere étant de nouveau enceinte et le climat de Munich leur déplaisant, les De Coster décident de rentrer `a Bruxelles en avril 1831, alors que Charles a seulement trois ans. C’est dans cette ville qu’il va suivre l’enseignement des Jésuites. A 17 ans, ayant terminé ses humanités, il travaille `a la Société Générale. En septembre 1847, il fonde, avec quelques amis un cercle littéraire : la Société des Joyeux qui survivra jusque vers 1858. Lors des réunions du cercle, les membres discutaient des mérites respectifs du classicisme et du romantisme. Ils organisaient aussi des lectures de texte : c’est dans ce cadre que De Coster va commencer `a s’adonner de maniere tâtonnante `a l’écriture ; chez les Joyeux, il aura son premier public et ses premiers critiques. En décembre 1850, il commence des études de droit `a l’Université Libre de Bruxelles. Il s’y fait de nouveaux amis comme Octave Pirmez (romantique) et Félicien Rops, qui se révelera peintre et graveur de tendance plutôt réaliste. Des 1851, il délaisse quelque peu les Joyeux pour se lancer dans le projet de la Revue Nouvelle dans laquelle il publie des textes : il continue ainsi `a chercher son style. La revue disparaît assez rapidement, en 1852. Mais cette disparition ne l’affecte pas particulierement, trop occupé par son amour pour Élisa, jeune bourgeoise qui ne le comprend guere. Cet amour va l’aider `a s’affirmer ainsi que la fondation, en 1856, par son ami Félicien Rops de la revue Ulenspiegel `a laquelle il collabore des le début. Le journal « se voulait expression des lettres belges et était résolu `a se soustraire `a la réverbération de l’esprit français ». Dans les pages de cette revue, De Coster défend une esthétique réaliste. Il va y publier des textes qui seront repris plus tard dans Les Légendes Flamandes qui paraissent en 1858. Ce livre s’inspire des vieilles légendes flamandes et des peintres comme Brueghel l’Ancien et Jérôme Bosch ou, plus pres de lui, de Rops et Dillens. La volonté de De Coster de renouveler l’écriture narrative est sensible : il introduit ds archaismes évocateurs, des emprunts au français du XVIeme s., des visions fantastiques. Son style va heurter les lecteurs et les critiques littéraires qui voient, dans cette nouvelle façon d’écrire, un pastiche de Rabelais et Montaigne et qui conseillent au jeune auteur de ne pas persévérer dans cette voie. En 1861, il publie les Contes brabançons simultanément `a Bruxelles, Paris et Leipzig. Pour cette parution, De Coster a suivi les conseils des critiques : il a renoncé `a l’archaisme des Légendes flamandes pour revenir `a un français moderne. Sous le voile des symboles et des allégories, les Contes brabançons révelent les sympathies et les aversions de De Coster : la haine des tyrans, son amour de la liberté et du peuple, sa foi dans le progres, son respect pour la femme. Mais l’œuvre a moins de charme que les Légendes, le style plus plat, l’ensemble est inégal. Cependant, elle plaît davantage `a certains critiques car elle surprend moins ; d’autres seront moins conciliants. De Coster connaît donc pour la seconde fois un demi-succes. A la fin du volume des Contes brabançons, De Coster annonce une œuvre en préparation c’est-`a-dire Ulenspiegel. Le roman ne sera publié qu’en 1867. De Coster qui voit dans cette œuvre un aboutissement attend avec impatience la reconnaissance, mais il se heurte une fois de plus `a l’incompréhension de ses contemporains. Il croit pouvoir remporter le Prix Quinquennal mais celui-ci lui échappe, le jury ayant préféré une œuvre de facture plus classique. Les critiques sont pour la plupart négatives. Il va encore publier deux romans mineurs, Le voyage de noces (1872) et Caprices de femme (1875). Le 1^er septembre 1870, il est nommé professeur d’histoire générale et de littérature française `a l’École de guerre et répétiteur des belles-lettres `a l’École militaire (ou il aura Eeckhoud comme éleve). En 1879, il meurt dans la solitude et la pauvreté. La Belgique ne reconnaîtra la valeur de son œuvre qu’apres sa mort : la génération d’écrivains suivante va voir en Charles De Coster un auteur majeur mais ne parviendra pas encore `a l’imposer au public. ------------------------------- [1] Cfr Trousson, De Coster ; Joiret, Anthologie, p. 22-26.