5e seance (vendredi 24 mars 2006) : Le postmoderne I: ľapparition de la notion U APPARITION DE LA NOTION Genese de la notion - une mise en perspective historique Tel le prefixe « méta-» ayant hanté les milieux intellectuels il y a quelques dizaines ďannées, le prefixe « post- » est devenu, dans le dernier tiers1 du siěcle passé, un moyen de créer de nouveaux termes á la mode dans la mesure ou nous sommes entrés á ľépoque du « post-humanisme », á ľépoque « post-héroique », « post-historique », « post-industrielle », et qu'on parle du « post-fonctionnalisme », « post-structuralisme », « post-positivisme », « post-rationalisme », « post-communisme », etc. La liste peut finalement aboutir á la notion globale de « postmodernisme », ou plutôt « post-modernisme », ou bien « postmodernité » ou « post-moderne ». Bref, la multitude de denominations que nous entendons, et peut-étre procurons á ľépoque contemporaine, est enivrante, mais aussi bien accablante, ne serait-ce que pour une certaine incapacité á distinguer de facon rigoureuse entre les différents critěres classificatoires produisant tant de notions. La situation est devenue á ce point critique qu'elle a incite D. Davis, théoricien américain, á rédiger en 1980 une etude intitulée Post-everything (Post-tout), ainsi que le philosophe tchéque Miroslav Petrusek a publié ľessai 'Post-co' vlastně?2 ('Post-quoľ en effet ?), une dizaine d'années plus tard. Notre propos sera alors d'essayer d'opérer une classification des definitions données ou proposées par des auteurs, qu'ils soient philosophes, esthéticiens, sociologues, critiques littéraires ou historiens ď art. Plutôt que de donner une definition unique et sans reserve, ce qui serait, d'ailleurs, une täche irréalisable, il s'agira d'esquisser des points de vue majeurs sur la problématique et d'en tirer des consequences pour notre projet qui est d'éclaircir les raisons qu'il y a de qualifier de «postmoderne» ľécriture d'un romancier contemporain. Bien que nous adoptions pour hypothěse de travail le postulát que le dernier quart du XXe siěcle revét les traits du postmoderne, en quelque sorte indéfinissable d'aprés certains et, par consequent, dépourvu de tout point de repěre, nous aurons recours, pour nous mieux situer dans ľavalanche des opinions, á des definitions, car méme le constat caractérisant une époque comme dépourvue de definitions est aussi une definition, füt-elle la negation d'elle-méme. La place de la notion de postmoderne pármi les autres « post- » est spécifique. Sa portée atteint de nombreux domaines de ľactivité humaine. Ainsi, on parle de la culture postmoderne, de la littérature postmoderne, de la philosophie postmoderne, de la société postmoderne (méme si la sociologie se montre réticente), du monde postmoderne. Cette notion acquiert son statut de « discours sur le postmoderne »3 qui se développe á partir des années 1950 et s'accélére dans les années 1980. Elle se fonde sur une relation spécifique á la modernité, définie comme formation culturelle liée á ľ industrialisation et aux projets ď emancipation de ľhumanité. La position du postmoderne par rapport á la modernité pourrait étre caractérisée comme ľune de ses interpretations, comme une approche de la culture du moderně. Reste á définir si cette approche est critique, si eile est la continuation de la modernité ou son abandon. En ce sens, le postmoderne apparait sous une lumiěre différente de celle des positions antimodernes. Celles-ci sont la negation et de refus de la question moderne. Ici, une mise en perspective historique se révěle nécessaire si ľon veut saisir le sens du terme dans sa globalité et notamment lorsqu'on se propose de relativiser des points de vue opposes á la notion qui ne reflětent, assez souvent, qu'un seul trait correspondant á ľune des phases de son evolution. 1 En parlant du contexte européen. 2 Miroslav Petrusek, « 'Post-co' vlastne? », Tvar, N° 6, 1990, pp. 1 et 5. 3 Stanislav Hubík, Postmoderní kultura. Úvod do problematiky, Olomouc, Mladé umění k lidem, 1991, p. 3. 1 Naissance de la notion (1880-1946) La notion de postmoderne est née comme un besoin de distanciation par rapport á la modernitě et au modernisme. Or, ľobstacle majeur apparaít au moment de définir le postmoderne par comparaison. II est possible de distinguer trois phases de « mürissement », qui se recoupent avec trois acceptions de la notion. La premiere phase va de 1880 á 1946. Le terme apparaít en Angleterre sous la plume du peintre Chapman qui s'en sert pour designer une peinture qu'il prétendaitplus moderně que celle des modernes, c'est-á-dire celie des impressionnistes francais.4 En 1917, Rudolf Panwitz publie ľétude Die Krisis der europäischen Kultur5 oú, sous ľinfluence du nietzschéisme, il développe ľidée de ľ« homme postmoderne », censé étre doué pour les sports, forme par la raison, dressé par la discipline militaire, plein ď assurance et prepare au niveau religieux, bref un homme né du tourbillon de la decadence et du nihilisme européen, entre barbarie et decadence. Ces caractéristiques vont retentir encore á de nombreuses reprises. La notion de postmoderne, sous forme de « postmodernisme », surgit une troisiéme fois dans le domaine de ľhistoire littéraire. Cette fois-ci pour la reaction de la littérature hispano-américaine contre le modernisme, courant de la littérature hispanique de la fin du XIXe et du debut du XXe siécles, dans ľanthologie de la poésie espagnole et hispano-américaine {Antológia de la posía espaňola e hispanoamericanä) de Federico de Onís.6 Cette reaction était pour ce dernier une partie latente du modernisme. Dans touš les cas mentionnés, la notion est synonyme de decadence et exprime une crise certaine. Symptomatique peut paraítre le fait qu'á la méme époque oú de Onís envisage la culture hispano-américaine en termes de postmodernisme, l'Europe voit surgir les ceuvres de Heidegger et Wittgenstein dont notamment Celles de la deuxiěme moitié des années trente qui seront parmi les plus importantes sources du postmoderne. De 1947 aux années 1960 En 1947 (réed. en 1954 et 1956), Arnold Toynbee publie un ensemble ďétudes sur ľhistoire7 oú la notion de postmoderne s'inscrit encore dans le sens de crise et qui marque ľépoque. Toynbee développe dans cet ouvrage ľidée de la fin de la domination de la culture occidentale, celle d'Europe et d'Amérique, c'est-á-dire de la culture judéo-chrétienne et de son héritier - ľindustrialisme. Cette fin se manifeste comme un passage du « mondialisme européen » au veritable mondialisme. Au cours de ce processus, les valeurs culturelles européennes cesseront de prédominer á ľéchelle mondiale et entreront dans une etape oú toutes les cultures de la planéte se trouvent sur le méme niveau et oú elles s'entrecroisent et s'influencent. En méme temps ce processus sera secondé, selon cet historien anglais, par un changement dans la maniere de concevoir les rythmes de la société européenne, héritiére de la tradition judéo-chrétienne qui envisage ľHistoire comme ľhistoire du salut articulée par la creation, le péché, la redemption, ľattente du jugement dernier. Ce schéma linéaire étant appliqué au concept moderne de ľhistoire, celle-ci se présente alors comme ľhistoire de ľémancipation de ľhomme, et s'apparente done au projet des Lumiéres. Toynbee prévoit alors une nouvelle facon de rythmer ľHistoire de la société européenne en matiére ďalternance des périodes de paix et de guerre en Europe.8 Les thěses avancées par Toynbee n'ont trouvé ďaudience qu'á partir des années 1960 oú les phénoménes prévus par lui (échanges interculturels dérangeant la domination culturelle euro-américaine) ont commence á étre tangibles.9 Cest děs 1949 que la notion de postmoderne se voit étendue au domaine de ľarchitecture dans ľétude de ľarchitecte anglais Joseph Hudnut « The Post-Modern House ».10 Une vingtaine ďannées aprěs, ce seront les architectes (R. Venturi et N. Pevsner) qui ouvriront la discussion autour du 4 Cf. Dick Higgins, A Dialectic of Centuries, New York, Printed Editions, 1978, p. 7. 5 Werke 2, Nürnberg, 1917. 6 Madrid, 1934. 7 A Study of History, Vol. IX, London, New York, Toronto, Oxford University Press, 1954. 8 Cf. notamment « 'Laws of Nature' in the Histories of Civilisations. The War-and-Peace Cycle in Modern and post-Modern Western History », op. cit, pp. 234-260. 9 Stanislav Hubik, op. cit., p. 6. 10 In Architecture and the Spirit Man, Cambridge, 1949. 2 « postmodernisme » et qui, en compagnie des critiques littéraires, feront de la notion un terme frequent. Une étape des discussions sur la fin de la culture supérieure, c'est-á-dire la fin de la domination de la culture occidentale, s'acheve par la publication de ľétude de ľAméricain Irwing Howe Mass Society and Postmodern Fiction en 1959. Ces débats ont été menés aux Etat-Unis depuis la moitié des années cinquante et il n'est pas sans intérét qu'ils répondent á ľavénement de la Beat Generation. D'autres théoriciens américains attentifs á cette nouvelle forme de la culture américaine ont ajouté une nouvelle valeur á la notion de postmoderne qui, quoique déjá ancienne, revet encore le sens du refus de la culture moderne. Les previsions de Toynbee concernant ľentrée de ľhumanité dans un nouvel äge ont été assimilés á toute forme de manifestation de cette rupture : en litterature notamment dans les proses rebelles de J. D. Salinger, Allen Ginsberg, Jack Kerouac, etc. Lune des caractéristiques majeures de cette nouvelle culture est le renoncement au mythe de Y American dream. C'est-á-dire á une culture purement américaine et close. Mais il faut mentionner également le refus de la pensée rigoureuse et géométrique du modernisme, de ľesthétique moderne, la volonte ďune communication ouverte vers d'autres cultures. A partir de 1965 apparait une nouvelle dimension sur laquelle se bätit la divergence entre la culture moderne et postmoderne. II s'agit de la question de la concurrence entre la culture « haute », celle des elites, et «basse», c'est-á-dire populaire. La premiere se voit disqualifiée par Leslie Fiedler11 en raison de son éloignement des masses. La problématique du public élitiste et celui de masse, la question de la fonction et des possibilités des nouveaux moyens de communication dans la creation et reproduction artistique, la question de la critique nouvelle, non-traditionnelle, etc., sont ouvertes. Dans cet article, Leslie Fiedler condamne les auteurs dits « modernes », tels que Joyce, Eliot, Proust, Mann á étre « dépassés », ne serait-ce qu'á cause de leur accessibilité « difficile » pour le large public, pour lequel ils sont pratiquement illisibles. II souligne également le fait que ľintérét de toute creation artistique se déplace des mains des critiques et théoriciens d'art dans celieš du large public et qu'une nouvelle relation entre l'artiste et son public advient. Tout comme les auteurs cités précédemment qui ont eu recours au terme de « postmodernisme », Fiedler montre que la question postmoderne est étroitement liée á une certaine decadence de la culture moderne et qu'elle représente la reaction á « ľépuisement de ľart », dont a parlé John Barth en aoüt 1967 dans ľarticle « The Literature of Exhaustion » (« La Litterature de ľépuisement »), provoquant de vives controverses.12 D'ailleurs, quelques années plus tard, ce sera de nouveau John Barth qui parlera de la fiction postmoderne en termes de litterature de renouvellement.13 Les années 1970 Ces années ont connu le passage de la pensée structuraliste dans la phase communément designee comme poststructuraliste, notamment dans l'ceuvre de Roland Barthes, Michel Foucault, Julia Kristeva, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, etc. Cette perióde est délimitée par deux ceuvres majeures se rapportant á la question du postmodernisme : en 1971 « POSTmodernISM: A Paracritical Bibliography» d'Ihab Hassan14 et en 1979 La Condition postmoderne. Rapport sur le savoir de Jean-Francois Lyotard.15 Tandis que la premiére apporte une premiére synthése, y compris ľinventaire des auteurs, ceuvres et critiques sous ľégide du postmoderne, l'autre transpose la notion dans le domaine de la science, notamment dans le champ de la théorie de la connaissance. Quoique soumise, quelques années plus tard, á des critiques de la part d'auteurs comme Charles Jencks et John Barth, ľétude d'Ihab Hassan est longtemps restée le point de repěre par rapport auquel se définissaient d'autres auteurs de ľépoque. Déplacant le champ ďintérét vers des questions d'impact plus large et plus profond, l'ouvrage de Lyotard représente une vraie limite dans la formation de la notion. D'autant plus qu'á partir de cette date, eile commence également á gagner le milieu 11 Cf. notamment son article « Cross the Border - Close the Gap », Collected Essays of Leslie Fiedler, Vol. II, New York, Stein and Day, 1970. 12 Atlantic Monthly, August 1967. 13 John Barth, « The Literature of Resplanishment», Atlantic Monthly, January 1980. Cet article a paru en frangais en méme année : « La litterature du renouvellement. La fiction postmodernisté », Poétique, 48, 1981, pp. 395 - 405. Nous nous referons á la version frangaise. 14 New Literary History, No 1, 1971, pp. 30-50. 15 Paris, Minuit, 1979. 3 francais, méme si celui-ci se montre assez reticent et si les intellectuels francais adoptent des attitudes critiques envers le terme. Entre ces deux dates (1971-1979) le terme de «postmodernisme» était employe en tant que designation programmatique de la littérature de ľépoque : en 1972, nait la revue américaine Boundary 2, caractérisée comme une « revue de la littérature postmoderne ». En énumérant les diverses manifestations consacrées á la notion de littérature postmoderne - füt-ce la revue trimestrielle ou des colloques et séminaires organises dans des établissements universitaires américains ou allemands - John Barth avance, dans son rapport sur la littérature postmoderne, que la notion est déjá bien ancrée, particuliěrement dans le discours littéraire ou eile s'est répandue au cours des années soixante et soixante-dix : « A la lumiěre de tels faits, on pourrait croire naivement qu'une telle creature, le postmodernisme, avec ses caractéristiques bien définies, existe vraiment en toute liberté dans notre pays. »16 Or, plus on parle de la littérature postmoderne, plus les auteurs et les ceuvres s'y referent, et moins on percoit les limites de la notion. Et moins on saisit les critěres pour lesquels tel auteur ou tel ceuvre peut étre designe comme postmoderne. C'est d'ailleurs ce que Barth lui-méme avance par les deux clins d'ceil dans le passage cite (« naivement», « creature ») et en partie dans son article. Tout en demeurant toujours dans les limites d'une distanciation ou ďun rejet de la modernité, la notion acquiert de nouvelles dimensions au cours des années soixante-dix, notamment avec ľintérét croissant, aprěs 1972, pour Jacques Derrida et Michel Foucault aux Etats-Unis. C'est dans les années soixante-dix que la notion se voit appliquée de maniere pluridisciplinaire, en particulier grace á la renommée que lui a procurée Charles Jencks17 qui s'en sert pour tracer les tendances nouvelles dans l'architecture contemporaine, celle qui renonce au programme du modernisme représenté par le fonctionnalisme et le projet du Bauhaus. Avant de continuer á parcourir ľhistoire de la notion de postmoderne par les années quatre-vingt, il se révěle interessant d'anticiper et de rendre compte de la facon dont la notion a été percue en France dans les années quatre-vingt-dix. Pour Antoine Compagnon, l'un des critiques de la notion pour ses nombreuses contradictions, ľapparition du terme de postmoderne correspond tout d'abord au surgissement du kitsch dans ľart en general. Cette acception premiere et pejorative, suivie par celle de la contre-culture et de ľ« expulsion »18 de la modernité, coincide, selon lui, avec ľavenement de la société de consommation, en raison du fait qu'il n'est pas possible d'envisager de parier du « postmodernisme » dans le milieu francais au moment oú le « postmodernisme » américain commence á acquérir des contours plus precis, pour la simple raison que la société de consommation apparait en France bien aprés ľAmérique.19 Bien qu'elle soit toujours employee pour le domaine culturel américain, la notion de postmoderne débarque dans la France littéraire en 1977 grace á la revue Tel Quel, dont le numero 71 est entiěrement consacré á la presentation du milieu culturel américain contemporain. II s'agit de la contribution de Harry Blake, « Le post-modernisme américain », qui revet en quelque sorte le role d'initiateur pour ce qui est des nouvelles tendances dans ľécriture américaine á travers une analyse de la situation politique et sociale dans ce pays. Toutefois, ce n'est que quatre années plus tard, dans ľarticle déjá mentionné de John Barth, qu'il est possible de repérer les premieres tentatives pour comparer les situations respectives en Amérique, en Europe et en France. II est en quelque sorte evident que ces premiers paralleles, faits toujours par un critique et auteur américain, s'emparent des auteurs du Nouveau Roman. Mais nous allons voir que c'est justement sur ce point que surgissent les premieres divergences entre les critiques américains et francais : le Nouveau Roman comprend, pour les uns, ces nouvelles tendances, dénommées « postmodernistes », pour les seconds il relěve encore de la modernité, avant tout pour son caractére ď avant-garde qui semble, pour eux, le synonyme du modernisme. 16 John Barth, art. cit., p. 395. 17 The Language of Postmodern Architecture, Rizzoli, 1977. Edition frangaise : Le Langage de l'architecture postmoderne, Paris, Denoel, 1979. 18 Antoine Compagnon, Les Cinq Paradoxes de la modernité, Paris, Seuil, 1990, p. 160. 19 Ibid. 4 Les années 1980 A la difference de la phase precedente de constitution de la notion, les années quatre-vingt représentent un vrai essor des études et des débats sur le postmoderne, en Europe en particulier. La situation a change á tel point qu'il s'avére impossible, et pour ainsi dire inutile, de chercher toutes les impulsions qui ont contribué au développement du phénoměne. II ne s'agit plus du développement de la notion de postmoderne, mais ďun développement du « discours de la postmodernité ».20 Le postmoderne est devenu l'objet ďun debat assez large non seulement chez les philosophes et les esthéticiens, mais aussi dans le domaine de la science, de la theologie, du droit et de ľéthique. Par surcroTt, les questions liées á la distinction entre le post-moderne, le pré-moderne et ľanti-moderne semblent, peu á peu, se résoudre á cette époque. Or fameux débat Lyotard - Habermas fut primordial pour la constitution de la notion, ou, plutôt, pour la mise au point de sa portée. Mene dans les revues New German Critique et Praxis International au milieu des années quatre-vingt, ce débat a élaboré un fondement philo sophique, á partir duquel, effectivement, ont pu s'établir les liens avec d'autres disciplines. L'idée que le postmoderne représente un changement paradigmatique dans les cultures occidentales - américaine et européenne - s'est formée au cours des années quatre-vingt. D'une méme importance s'est montré le fait que c'est le « mürissement» de la culture américaine á partir des années cinquante ainsi que, plus tard, de celie d'Europe qui a entamé ce changement paradigmatique. De cette maniere s'est établi un champ d'observation de ce phénoměne multidisciplinaire qui atteint pratiquement la totalite du domaine culturel. Ont été non seulement verbalisées des questions liées au champ d'observation du point de vue du postmoderne, comme la theologie postmoderne,21 mais également d'autres questions qui s'adressent de nouveau á l'art de maniere plus generale. La discussion des années soixante-dix pour laquelle le postmoderne va de pair avec la fin d'une modernité fatiguée et déchue s'oriente, lors de cette phase, vers le côté positif, c'est-á-dire vers de nouvelles conceptions du phénoměne qui ne se fondent plus sur la negation de la modernité. La notion acquiert de cette facon de nouvelles dimensions qui en font un champ ď analyse vaste et de moins en moins stable. En effet, plus nombreux sont les auteurs et critiques qui traitent ce sujet, plus il est possible de repérer de definitions. Pareillement, de plus en plus nombreux sont les critiques de la notion et les sceptiques quant á son application á l'art, la littérature, la philosophic, la sociologie, etc. contemporains. Les années 1990 Plus on approche d'aujourd'hui, plus on s'apercoit de la tendance á récapituler les différents points de vue et significations de la notion afin de les soumettre á une etude critique et synthétique. A ceci répond 00 0"l OA ľ apparition des monographies, recueils analytiques, mais aussi critiques. 20 En effet, Stanislav Hubík, op. cit., parle du « discours de la postmodernité („diskurz postmoderny") », notion ne couvrant plus le sens de « ce qui apparait aprés la fin de la modernité, au terme ďun mouvement historique », mais ďun changement dans le paradigme de la pensée contemporaine, caractérisé notamment par J.-F. Lyotard dans La condition postmoderne. 21 Cf. H. Cox, Religion in the Secular City. Toward a Postmodern Theology, New York, Routledge, 1984. 22 F. Jameson, Postmodernism or the Cultural Logic of Late Capitalism, London- New York, Verso, 1991; Stanislav Hubík, op. cit. 23 Numéros 5 et 6 des Cahiers de philosophie, 1988; Hugh J. Silverman (éd.), Postmodernism : Philosophy and the Arts, New York-London, Routledge, 1990. 24 Alex Callinicos, Against Postmodernism, New York, Routledge, 1991; S. Pfohl, «Welcome to the PARASITE CAFE; Postmodernity as a social problem », Social Problems, N° 4, 1990, pp. 421-442 ; Henri Meschonnic, Modernité, Modernité, Paris, Gallimard, 1988 ; Antonie Compagnon, Cinq paradoxes de la modernité, Paris, Seuil, 1990. 5