V. La Belgique féodale 5.1.Le morcellement du territoire En France comme en Lotharingie, profitant des luttes dynastiques qui tourmentent le pouvoir et des désordres dus aux invasions normandes, certains comtes veulent se soustraire de l’autorité royale et étendre leur pouvoir au détriment de leurs voisins en soumettant des populations qu’ils protegent. Ainsi, des la fin du IXeme s., le comte Baudouin II profite des difficultés du roi de France pour étendre son territoire. Cette politique d’expansion est poursuivie par ses successeurs durant deux siecles et aboutit `a la création d’un vaste comté de Flandre. Celui-ci va comprendre de grandes régions du nord de la France ainsi que des territoires qui étaient sous l’autorité de l’empereur d’Allemagne. Le comte va y exercer des pouvoirs presque royaux : il rend la justice, il leve des troupes[1], il frappe monnaie… A l’ouest de l’Escaut, seule la ville de Tournai ne sera pas intégrée au comté et restera libre, dépendant directement du roi de France. Entre le IXeme et Xeme s., on assiste `a un morcellement du territoire : les principales entités sont le comté de Flandre, le comté de Looz, le comté de Hainaut, le comté de Namur et le comté de Luxembourg, ainsi que les duchés du Brabant et de Limbourg, la seigneurie de Malines et la principauté de Stavelot. La principauté épiscopale de Liege est indépendante. Ces différentes entités luttent ou collaborent selon les circonstances politiques et économiques, au gré des alliances et des guerres. Celles qui se trouvent `a l’est de l’Escaut sont sous l’influence du Saint Empire Romain Germanique, tandis que celles qui sont `a l’ouest relevent de la France. Au départ, l’empereur de Lotharingie va essayer de garder son autorité en mettant au point le systeme de l’Église impériale. Cela signifie que l’empereur va confier la direction du territoire de Lotharingie `a des éveques d’origine allemande fideles et dévoués, comme par exemple le prince-éveque Notger de Liege (Xeme s.). Mais l’autorité de l’empereur va s’affaiblir peu `a peu notamment `a cause du conflit avec le pape (que l’on appelle la querelle des investitures[2]) et finalement son territoire va se morceler en ces principautés autonomes dont on vient de parler. Le territoire couvert par ces principautés est plus large que le territoire actuel de la Belgique et, surtout, il n’y a aucune homogénéité linguistique : le flamand domine en Flandre, au Brabant, `a Malines et au Limbourg et les parlers romans[3] dominent ailleurs. Les princes s’entourent de vassaux, seigneurs et châtelains. Cette noblesse qui détient les terres domine une population essentiellement rurale. Jusqu’au XIeme s., l’agriculture constitue l’activité principale. Apres l’an mil, en raison d’une augmentation de la population, les domaines s’agrandissent. En outre, on commence `a défricher de nouveaux territoires autour des villes et des monasteres et on aménage la région proche de la mer (digues, drainage de terrains marécageux…) : c’est la naissance des polders. Ce phénomene se poursuit aux XIIeme et XIIIeme s. La production agricole augmente sensiblement en raison de la multiplication des terres cultivées mais aussi en raison de l’amélioration des techniques agricoles (remplacement du bœuf par le cheval, amélioration de la charrue…). 5.2. Les institutions féodales La terre étant au début de l’époque féodale la seule source de richesse, les rois prennent l’habitude de céder, en reconnaissance de services rendus, une partie de leur domaine. Au cours du temps, les bénéficiaires gardent pour leurs descendants les terres reçues, appelées fiefs. Ils récompensent `a leur tour les hommes d’armes en leur donnant une parcelle de cette terre. Ainsi se crée une échelle de pouvoir entre vassaux (seigneurs protégés) et suzerains (seigneurs protecteurs), dont les terres sont emboîtées les unes dans les autres. Avant de prendre possession de son fief[4], le vassal doit jurer fidélité `a son suzerain lors d’une cérémonie symbolique. Chaque seigneur administre librement son domaine, appelé seigneurie. Il vit dans un château-fort situé sur une butte et entouré d’un fossé rempli d’eau. De l`a, il défend la communauté de paysans et d’artisans qui vit sur son domaine (ils peuvent se réfugier dans l’enceinte du château en cas de probleme), mais en échange, celle-ci pourvoit `a ses besoins matériels. Les demi-libres peuvent cultiver la terre du seigneur en échange d’un loyer (le cens) en nature (produit de leur travail) et en services `a l’égard de leur seigneur (travail sur les propres terres de ce dernier). Les serfs, héréditairement attachés `a la terre, ne sont pas libres, mais ils ne sont cependant pas considérés comme des objets, au contraire des esclaves antiques : ils ont des droits, notamment celui de fonder une famille. Les serfs ont des obligations bien plus importantes `a l’égard du seigneur : ils travaillent énormément pour le compte de ce dernier. 5.3. L’art roman Dans les années 1000, comme nous venons de le voir, la population s’accroît. L’Église veut faire face `a cette augmentation de chrétiens : tout l’Occident va se couvrir d’églises qui vont etre construite en style roman. Ce style possede diverses caractéristiques : l’église est en forme de croix latine, et les plafonds ne sont plus en bois mais en pierres. Pour ce faire, on va utiliser la technique de la voute en berceau (ronde). Comme ces voutes sont lourdes (`a cause de la pierre), les murs des églises sont épais, la hauteur limitée et les ouvertures réduites : il y fait donc sombre et l’atmosphere en devient mystérieuse, propice `a la priere… 5.4. L’essor des villes L’augmentation démographique et l’accroissement des cultures agricoles favorisent non seulement le commerce et donc l’économie mais également le développement des villes. A partir du XIeme s., la Belgique devient un pays de villes. Les villes sont souvent situées le long de cours d’eau ou de la côte, dans des endroits d’acces aisé. A l’ouest, Bruges, Gand, Ypres, Tournai deviennent des centres urbains. En pays mosan, Huy, Namur, Dinant et Liege se développent `a partir de leur noyau datant de l’époque carolingienne. L’urbanisation de la Moyenne-Belgique est plus lente, seule Nivelles présente au Xeme s. un caractere urbain. Ce développement de villes est aussi lié `a la renaissance économique de l’Europe du Nord et `a l’essor des industries des régions de la Meuse et de la Flandre. En effet, au XIeme s., la région mosane[5] développe ses industries de métallurgie du fer, du cuivre et de fabrication de draps. Au XIIeme s., la Flandre devient la grande région industrielle. C’est l’industrie de la draperie qui va surtout s’y développer. Les toiles sont fabriquées en grande partie pour l’exportation. Un commerce international de grande ampleur va s’organiser `a partir de ces régions. Désormais, Mosans et Flamands se déplacent eux-memes `a l’étranger pour vendre leurs produits et acheter leur matiere premiere, et ce, dans toute l’Europe occidentale. Les marchands flamands et mosans forment bientôt des colonies dans les grandes villes européennes de l’époque et se regroupent en guildes (association de marchands venant d’une meme ville) ou hanses (rassemblement de guildes de plusieurs villes). Les étrangers viennent quant `a eux en Flandre pour participer `a des foires commerciales[6]. Au XIeme s., les échanges avec l’Angleterre sont les plus importants. Bruges domine le commerce avec l’Angleterre et va dominer la Hanse de Londres qui rassemble les guildes de nombreuses villes flamandes. Les Flamands exportent non seulement leurs tissus mais également des vins qu’ils achetent dans les foires de Gascogne. Par ailleurs, ils font vivre le marché anglais en achetant l`a les laines qui sont acheminées `a Bruges. De ce fait, le port de cette ville devient tres important et le restera jusqu’au XIVeme s. La Flandre entretient des relations commerciales avec les ports de la mer Baltique via une autre hanse importante, la Hanse Teutonique (ou ligue hanséatique), qui rassemble toutes les cités qui bordent la mer Baltique. Au XIIeme s., la premiere croisade se met en route vers Jérusalem. La noblesse belge y participe en masse. Un nouveau débouché commercial est des lors créé en Asie Mineure. Les Flamands poussent vers le Sud et nouent des contacts commerciaux avec les Italiens. Les villes vont vraiment connaître une explosion démographique. Par exemple, vers le XIVeme s., Gand — qui a développé un commerce avec la Rhénanie et l’Angleterre — compte entre 56 000 et 64 000 habitants : c’est la deuxieme ville d’Europe la plus peuplée, la premiere place revenant `a Paris ! Bruxelles, Nivelles, Malines voient également leurs populations augmenter. Peu `a peu les villes cherchent `a échapper `a l’autorité des princes. Elles obtiennent des franchises ou privileges. D’abord accordées oralement, ces libertés s’officialiseront dans des chartes : la plus ancienne date de 1066 (charte de la ville de Huy). Les villes vont progressivement devenir des communes autonomes meme si le prince garde un contrôle par l’intermédiaire d’un fonctionnaire qui le représente. Les privileges sont tres différents d’une ville `a l’autre : suppression des redevances seigneuriales, permission d’organiser une milice communale, tribunaux locaux (et non plus princiers), gestion de la ville laissée aux bourgeois. Devenues en quelque sorte des personnes morales, les communes se dotent d’une banniere ornée de leurs « armes », d’un beffroi muni d’une grosse cloche, d’un tocsin servant `a alerter ou convoquer les bourgeois, d’un hôtel de ville ou siegent les échevins qui apparaissent `a cette époque et qui sont les administrateurs des villes, de halles pour entreposer les marchandises, des milices et enfin d’un sceau, symbole de puissance. Jusqu’au XIIIeme s., les fonctions communales sont monopolisées par l’aristocratie industrielle des villes. Mais les associations d’artisans ou corporations[7] vont se révolter. 5.5. Les crises du XIVeme siecle Des la moitié du XIIIeme s., les artisans du textile de Gand se soulevent contre les marchands-drapiers qui les dominent politiquement — les échevins viennent tous de la classe des marchands — et économiquement — ils sont les fournisseurs de matiere premiere et acheteurs du produit fini. A la meme période, les artisans de Liege se révoltent contre l’éveque et les échevins mais ils sont écrasés. Les luttes vont se durcir et vont continuer au XIVeme siecle. Finalement, les bourgeois marchands vont consentir `a partager les charges échevinales avec les artisans voire `a les céder comme `a Liege. Ces conflits internes se superposent aux conflits externes notamment en Flandre ou le roi de France essaie de reprendre le pouvoir au comte, Gui de Dampierre. Ce dernier a en effet conclu une alliance avec l’Angleterre contre l’avis de son suzerain, Philippe le Bel. Le roi de France va alors décider d’annexer la Flandre au royaume de France — avec le soutien de la bourgeoisie — mais cela va provoquer de nombreuses révoltes en Flandre dont les Matines Brugeoises le 18 mai 1302 (massacre des troupes françaises). Le roi de France va alors envoyer des troupes pour reprendre le contrôle de la Flandre sous le commandement de Robert d’Artois. Le 13 juillet 1302, les troupes atteignent Courtrai : elles sont accueillies par une armée composée de paysans et d’ouvriers dirigés par des seigneurs restés fideles au comte de Flandre. Malgré l’infériorité en nombre et en force des troupes flamandes, ce sont elles qui remporteront la victoire sur les Français. Les vainqueurs ramasseront 700 éperons[8] dorés sur le champ de bataille : c’est pour cela que cette célebre bataille est appelée la Bataille des Éperons d’or. Elle va permettre la libération de la Flandre et l’instauration d’un régime démocratique dans les grandes villes du comté. Elle va devenir un symbole pour les Flamands meme si le roi de France aura rapidement sa revanche en 1304 `a Mons-en-Pévele. Mais malgré cette défaite, l’autonomie de la Flandre est sauve… Des le XIIIeme s., pour contrer les prétentions du roi de France, le comté de Flandre amorce un rapprochement avec l’Angleterre, ce qui est conforme aux intérets de l’industrie drapiere. Au début de la Guerre de Cent Ans[9] (1337), le roi de France sollicite l’assistance de son vassal, le comte de Flandre, contre le roi d’Angleterre. L’intéret des villes flamandes est au contraire de garder de bonnes relations avec l’Angleterre : sans laine anglaise, l’industrie drapiere flamande s’arrete, et c’est la ruine. C’est ce point de vue que fait triompher Jacques van Artevelde, un riche marchand flamand, qui devient un chef politique important, un véritable contre-pouvoir en Flandre. Dans les premieres années de la guerre, la Flandre prendra le parti de l’Angleterre, par intéret commercial; ensuite, elle restera neutre. Dans l’ancienne Lotharingie, l’autonomie des principautés n’est pas remise en cause par l’Allemagne qui est alors affaiblie. Par contre, le pouvoir des princes est limité par les exigences des privilégiés (nobles, bourgeois, membres du clergé). Au XIVeme s., les ducs de Brabant vont devoir accepter plusieurs chartes qui donnaient une part de plus en plus active aux villes dans l’administration du duché. En effet, les ducs continuellement en manque d’argent devaient si souvent faire appel aux bourgeois que ceux-ci finirent par réclamer des constitutions matérialisant certains avantages. Et en 1356, la duchesse Jeanne et son mari Wenceslas doivent preter serment `a la Joyeuse Entrée. La constitution brabançonne, qui restera en vigueur jusqu’en 1794, stipulait notamment le partage du gouvernement entre le duc et le commun pays (délégués de la bourgeoisie, de la noblesse et du clergé). Désormais, le duc ne pourra rien entreprendre sans en référer aux trois ordres, les futurs États du Brabant. A Liege, les pouvoirs du prince-éveque sont limités des le XIVeme siecle, théoriquement au profit des groupes les plus favorisés. Mais les ruraux qui constituent la majorité de la population ne feront jamais partie des états. On le voit, les villes jouent un rôle non seulement au niveau économique mais aussi politique : elles luttent contre l’absolutisme des princes ; habituées `a s’administrer elles-memes, elles sont des creusets de particularisme. Parallelement, on voit apparaître un sentiment communautaire au sein de chaque principauté : les populations prennent conscience d’appartenir `a un groupe spécifique. 5.6. Reconversion économique Alors que les siecles précédents avaient connu une forte augmentation démographique, le XIVeme siecle va etre marqué par une évolution de la population plus fluctuante. En effet, des famines vont se déclarer ainsi que des épidémies de peste. Une période de disette chronique, conséquence de la surpopulation, commence en 1316-17. Mises dans l'impossibilité de reconstituer leurs réserves, les classes les plus pauvres subissent les conséquences de la malnutrition. Une sous-alimentation chronique provoque la faiblesse généralisée de l'organisme. Lorsqu'en 1348, la peste revient dans les principautés belges, elle fauche d'innombrables victimes, affaiblies, et réapparaît `a chaque génération. Par ailleurs, les activités commerciales connaissent de profondes mutations. Les marchands flamands ne dominent plus le marché du drap (meme si les draps belges restent présents sur tous les marchés européens) mais sont supplantés par les Italiens, les Anglais… Cela est surtout sensible `a Bruges qui atteint son apogée au XIVeme s. et ou les marchands étrangers se groupent en colonies par « nation » : Allemands, Anglais, Écossais, Génois, Vénitiens… Par contre, les vieilles familles de Bruges se retrouvent avec les Italiens dans les métiers de la finance. La ville devient en effet un important centre bancaire et boursier. Dans le Hainaut, le Namurois, le pays de Liege (bref, l’actuelle Wallonie), plusieurs industries traditionnelles se développent : l’extraction de la houille[10] (charbon), la tannerie, le travail du métal . Pour l’ensemble de la Belgique, malgré quelques difficultés, l’économie de la fin du Moyen Âge est encore tres active. 5.7. La vie culturelle Au XIIIeme siecle, des écoles laiques apparaissent, subventionnées par des bourgeois aisés, et ce, pour donner aux futurs marchands des rudiments d’écriture et de calcul. Il faut dire que l’instruction est encore fort peu répandue. Liege qui attirait aux XIIeme-XIIIeme siecles des étudiants de toute l’Europe perd de son prestige au profit de Paris. C’est dans cette ville que les étudiants vont de préférence achever leurs études au XIVeme siecle. Aux XIIeme-XIIIeme s., le latin n’est plus la langue officielle. Partout dans le comté de Flandre, jusqu’`a la moitié du XIIIeme siecle, le français devient la langue administrative (aussi bien dans les parties ou l’on parle le flamand que dans les parties wallonnes). A partir de cette époque, le bilinguisme devient la norme dans l’administration. Le français est la langue de l’élite ; le flamand, la langue du peuple. Dans le Brabant, les ducs, malgré leur prédilection pour le français, font rédiger leurs actes dans la langue de leurs sujets : en thiois pour les Flamands et en roman pour le Wallon. A Liege, le français prévalut. Dans le Luxembourg, la chancellerie comtale utilisé au XIIIeme s. le français au lieu de l’allemand. Des le XIIIeme siecle, le style roman est abandonné. Désormais on s’inspire du style gothique français, plus aérien, plus élégant. Ce style est caractérisé par l’arc brisé, les voutes sur croisée d’ogives, les arcs-boutants évidés. Les édifices gothiques sont plus élevés et plus lumineux. 5 .8. Et le Luxembourg… L’année 963 marque le début de l’histoire du Luxembourg proprement dit. L’empereur du Saint-Empire dote un comte ardennais, Sigefroid, de la charge d’avoué[11] du domaine du monastere Saint-Maximin de Treves. Mais ce que l’on retiendra d’abord de la vie de Sigefroid est la fondation en 963 du Lucilinburhuc, ce qui signifie «petit château», autour duquel, au fil des siecles, une ville forteresse se développe. Suite `a la création d’un marché et la construction d’une église consacrée en 987, les populations environnantes y viennent et donnent vite au lieu des allures de bourgades. Le fait qu’une communauté de chanoines[12] vient s’installer pres de l’église – qui est elle-meme dotée par Sigefroid de reliques prestigieuses et d’autels aux titres relevant de la symbolique impériale – va conférer une lourde symbolique religieuse au lieu. Peu `a peu les descendants de Sigefroid vont d’éloigner peu `a peu du trône. En 1060, le territoire est devenu comté, gouverné par le comte Conrad, le fondateur de la maison de Luxembourg. Le « Luxembourg » (comme on l’appelle désormais) devient un entité politique propre et forte, d’autant plus que Conrad fonde, au pied du château, un monastere de lignage, le Munster : désormais les comtes ne se feront plus inhumer `a Saint-Maximin de Treves mais au Munster. Par ailleurs, Conrad est le premier des descendants de Sigefroid `a ajouter `a son titre comtal la référence au centre de son pouvoir, le « de Luccelemburc ». Dans les années 1120-1130, s’éteint la lignée masculine issue du comte Conrad : le Luxembourg passe ensuite sous la domination de la maison de Namur et de Limbourg. Une double influence, latine et germanique, le caractérisait déj`a `a cette époque. En 1308, avec Henri VII, les comtes de Luxembourg accedent `a la dignité impériale et donnent au Saint Empire romain germanique quatre empereurs au cours des XIV^e et XV^e siecles. L’accession au trône royal ouvre au Luxembourg des perspectives tres larges. Cette derniere permet entre autres d’attribuer des fiefs d’Empire vacants (pour cause d’absence de descendants ou de rébellion des vassaux) `a des membres de sa propre famille afin d’agrandir le domaine familial. En 1310, la Boheme est justement libre, son dernier roi étant décédé et ne laissant qu’une fille. A la délégation bohémienne venue lui demander un roi, Henri VII propose d’abord son frere Waléran. Mais les envoyés tcheques veulent unir la fille de leur roi défunt au jeune fils d’Henri, pensant ainsi pouvoir mieux le former pour en faire un vrai roi de Boheme… Le 1^er septembre 1310, Jean, le fils d’Henri, épouse Élisabeth de Boheme et part en octobre `a la « conquete » de son royaume. Le comté est érigé en duché en 1354, par Charles IV (1316-1378), fils de Jean du Luxembourg. Charles IV, couronné empereur `a Rome, déplace le centre du royaume germanique vers l’est. En 1378, `a la mort de Charles IV, un quart du territoire du royaume est sous domination luxembourgeoise, mais les terres dynastiques se trouvent surtout `a l’est, en Boheme, en Moravie, en Silésie, en Lusace, en Brandebourg. Charles IV fait de Prague le véritable centre politique et culturel de son royaume. VI. L’État bourguignon (1384-1482) La Maison de Bourgogne s’installe en Flandre `a la suite du mariage de Philippe le Hardi avec Marguerite de Male, fille du comte de Flandre, Louis de Male. Quoiqu’absorbée par la politique française, elle réussit au XVeme s. `a regrouper les différentes principautés belges en un « État » puissant pratiquement indépendant de la France et de l’Empire. 6.1. L’unification des Pays-Bas A. La préparation de l’unité territoriale avec Philippe le Hardi et Jean sans Peur Princes français avant tout, Philippe le Hardi et Jean sans Peur n’ont jamais songé `a unifier les principautés belges, mais par des alliances matrimoniales, ils rendirent cette unification possible apres eux. § Philippe le Hardi (1384-1404) Philippe le Hardi est le plus jeune fils du roi de France Jean II. Ce surnom lui vient du courage dont il fit preuve lors du combat contre les Anglais sur le champ de bataille de Poitiers. Pour ce meme courage, son pere le récompensa en lui faisant don du duché de Bourgogne. En 1369, il épouse Marguerite de Male, fille de Louis de Male, comte de Flandre. Lorsqu’en 1384, ce dernier meurt, Philippe va se retrouver `a la tete de vastes territoires : Flandre, Artois, Bourgogne, Franche-Comté. Il va en outre étendre son influence par d’habiles jeux politiques. En 1385, il marie sa fille et son fils successivement `a l’héritier et `a l’héritiere du comté de Hainaut-Hollande. Par ailleurs, il rachete les terres du Limbourg et d’Outre-Meuse `a sa tante, Jeanne de Brabant, et obtient pour son fils cadet Antoine l’héritage du Brabant. Parallelement, Philippe s’implique beaucoup dans la gestion de la France. Apres la mort de son frere Charles V, le duc participe `a la régence qui entoure le jeune Charles VI, sacré roi `a l’âge de douze ans. Il n’hésite pas `a utiliser troupes et argent français pour affirmer son autorité sur les Flamands, en écrasant la révolte de Rozebeke en 1382 et en imposant la paix de Tournai aux Gantois, trois ans plus tard. § Jean sans Peur (1404-1419) et Antoine (1406-1415) En 1406, date de la mort de la duchesse Jeanne, Antoine est mis `a la tete du Brabant-Limbourg. Par son mariage, il devient maître en 1409 du Luxembourg. Il meurt en 1415 `a le bataille d’Azincourt ou il s’opposa aux Anglais. Son fils Jean IV sera mis `a la tete du Brabant-Limbourg avec l’appui des États brabançons. De son côté, Jean sans Peur est depuis la mort de son pere en 1404 `a la tete du duché de Bourgogne ainsi que des comtés de Franche-Comté, de Flandre et d’Artois. Il devient l’allié de Guillaume IV, comte de Hainaut-Hollande, et du frere de ce dernier, Jean de Baviere, prince-éveque de Liege. Il l’aide meme `a écraser une révolte des Liégeois[13] en 1409 et réussit `a implanter une influence bourguignonne dans la principauté de Liege. Mais c’est surtout sa politique `a l’égard de la France qui absorbe Jean sans Peur. Des 1392, `a la suite de la folie de Charles VI, il dispute la régence du royaume au duc d’Orléans Louis, le frere de Charles VI, qu’il fait assassiner en 1407. Apres de longs conflits, il est lui-meme assassiné en 1419 `a Montereau par des partisans de Louis d’Orléans. Son fils Philippe le Bon a alors 23 ans. B. La réunion des Pays d’en-bas (Pays-Bas) par Philippe le Bon (1419-1467) C’est Philippe le Bon qui va procéder `a l’unification des principautés de nos régions, en les regroupant sous son autorité. Par héritage et par mariage, il va acquérir la Bourgogne, la Franche-Comté, la Flandre, l’Artois, puis le duché de Brabant-Limbourg (apres avoir fait le serment de respecter la Joyeuse Entrée), enfin le Hainaut, la Zélande, la Hollande, la Frise occidentale. Il achete le comté de Namur et le duché du Luxembourg. Il va également parvenir `a exercer son contrôle sur les principautés épiscopales d’Utrecht, de Cambrai et de Liege en y imposant des éveques ayant un lien de parenté avec lui : il place comme éveque de Cambrai son frere Jean de Bourgogne, il fait désigner son fils bâtard David éveque d’Utrecht, son neveu Louis de Bourbon devient éveque de Liege . A cet ensemble (auquel il faut retirer la Bourgogne et la Franche-Comté), il donne le nom de Pays d’en-bas ou Pays-Bas. La Bourgogne et la Franche-Comté constituent les Pays d’en-haut. Philippe reve alors d’obtenir le titre de roi de la part de l’empereur germanique. Mais l’empereur refusa. A défaut du titre de roi, Philippe n’en fut pas moins completement indépendant de l’Allemagne. Au XVIeme s., le premier historien de la maison de Bourgogne n’hésite pas `a qualifier Philippe de conditor imperii Belgici (fondateur de l’État Belgique). Dans nos régions, l’extension du pouvoir du duc de Bourgogne ne va pas sans résistance. Les populations ressentent avant tout la nouvelle dynastie comme étrangere. Cependant, sous Philippe le Bon, s’ébauche un sentiment unitaire qui n’efface pas les régionalismes. Il est stimulé par différents facteurs : les fréquentes menaces extérieures, par la réunion `a Bruxelles en 1464 des délégués des états provinciaux en Assemblée commune, premiere manifestation des états généraux des Pays-Bas, par la création de l’ordre de la Toison d’Or en 1430, lors des festivités `a Bruges `a l’occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal. L’ordre de la Toison d’Or est un ordre de chevalerie séculier[14]. Trois raisons sont données pour justifier sa création : la premiere est de faire honneur aux anciens chevaliers pour les services déj`a rendus ; la deuxieme est d’honorer les nobles dans la force de l’âge ; la troisieme est d’inciter les chevaliers non encore élus `a se comporter de maniere `a etre eux-memes élus dans l’ordre. Les desseins politiques de Philippe sont clairs : il souhaite ainsi renforcer ses relations avec la noblesse et s’en assure le soutien pour créer un bloc politique fondé sur sa puissance. Les insignes de l'ordre consistent en un collier ou en une chaîne auquel pend un bélier d'or. Cet animal fait référence `a la légende grecque des Argonautes, suggérant une symbolique selon laquelle la dynastie des Bourgogne remonte `a la lignée des Troyens. Au niveau de la politique extérieure, Philippe, en raison de l’assassinat de son pere par les Français, va s’impliquer dans la guerre des Cent Ans qui a cours `a cette époque. Il va prendre parti pour les Anglais et, en 1420, il reconnaît le roi d’Angleterre Henri V comme héritier du roi de France, Charles VI, et régent du royaume. Mais cette alliance va le décevoir car non seulement les alliés réduisent `a rien l’influence bourguignonne en France mais ils la concurrencent jusqu’en Lotharingie. En effet, en 1422, le duc de Gloucester, frere cadet de Henri V, épousa Jacqueline de Baviere qui avait quitté Jean IV, et deux ans plus tard, il prend possession du Hainaut. Philippe va l’en chasser. Malgré cet incident, la collaboration des Anglais et des Bourguignons a continué. En 1430, il entre en conflit avec Charles VII et vient assiéger Compiegne ou il s’empare de Jeanne d’Arc. Malgré la prise de Jeanne d’Arc, les Bourguignons doivent lever le siege et seront finalement battus ailleurs en raison de la mollesse des Anglais. Peu `a peu Philippe va se rapprocher de Charles VII et, en 1435, il conclut la paix avec ce dernier. Par le traité d’Arras, Charles VII lui legue la Picardie et l’exempte d’hommage pour la Flandre et l’Artois. L’Angleterre, furieuse de ce retournement de situation, confisque les bateaux flamands qui sont dans ses ports et déclarent la guerre aux Bourguignons. La Bourgogne va alors aider Charles VII `a reprendre Paris aux Anglais. Mais `a la suite de plusieurs échecs, Philippe va finir par négocier : en 1439, il obtient un rétablissement de la paix et des rapports commerciaux entre l’Angleterre et ses États. C. Charles le Téméraire (1467-1477) Philippe le Bon meurt `a Bruges en 1467. Son fils Charles va lui succéder. Charles le Téméraire, souverain impulsif et peu doué en diplomatie, sera le dernier duc de Bourgogne. Face aux appétits du roi de France, Louis XI, qui profite de la sénilité[15] de Philippe le Bon `a la fin du regne de ce dernier, il défend ses territoires et veut ensuite les étendre, pour constituer un Etat centralisé et d’un seul tenant. Pour atteindre ses objectifs, il emploiera la force, mais ses guerres de conquete se solderont par des échecs, plus particulierement vers la fin de son regne. En 1452, Charles devient comte de Charolais, `a 19 ans. Lorsque le roi de France, Louis XI, oblige son pere, Philippe le Bon `a céder certaines villes situées sur la Somme, Charles le Téméraire fonde la ligue du Bien public, alliance féodale contre le monarque. Apres avoir menacé Paris, la ligue défait le roi en 1465. Deux traités, en 1465, restituent `a Charles les villes de la Somme et lui accordent les comtés de Boulogne et de Guines. Grand vainqueur du roi, Charles, qui brigue la couronne de France, obtient de Louis XI une promesse de mariage avec sa fille aînée. Mais, devenu duc de Bourgogne `a la mort de son pere, il néglige son engagement et épouse Marguerite d’York en 1468, s’alliant ainsi avec le frere de cette derniere, le roi d’Angleterre Édouard IV. Riche et puissant, Charles le Téméraire entreprend la restauration du vieux royaume de Bourgogne en créant, entre la France et l’Empire, une nouvelle Lotharingie, en regroupant les Pays d’en-haut et les Pays d’en-bas. Il va d’abord annexer la principauté de Liege qui séparait le Luxembourg des autres Pays d’en-bas. Celui-ci y parvient des son avenement `a la suite d’une guerre sans merci contre les Liégeois excités `a la révolte par Louis XI. En 1468, les Liégeois toujours travaillés par Louis XI firent un dernier effort pour chasser les Bourguignons mais, vaincus, ils n’empecherent pas la mise `a sac puis l’incendie de leur ville. Mais l’annexion de Liege n’est que temporaire puisque, `a la mort de Charles, la ville se libere : elle gardera son autonomie jusqu’`a la fin du XVIIIeme siecle. Apres avoir joint les Pays d’en-bas avec le Luxembourg, Charles va chercher `a assurer le passage du Luxembourg `a la Bourgogne. En 1469, il rachete la Haute-Alsace `a Sigismond de Habsbourg qui a besoin d’argent pour faire la guerre contre les Suisses. Mais il ne garde pas longtemps ce territoire : en 1474, les Alsaciens, mécontents du gouverneur bourguignon de la région, rachetent leur territoire. Charles va compenser cette perte par la conquete en 1475 de la Lorraine aux dépens du duc René II. Par ailleurs, en 1473, il reçoit du duc Arnold la Gueldre (territoire au nord-est des Pays-Bas actuels). La continuité territoriale de l’État bourguignon est assurée. Mais Charles ne s’arrete pas l`a. Revant de reconstituer le territoire de Lothaire Ier (fils de Charlemagne), il ambitionne d’annexer la Provence et l’Italie. Mais des la premiere bataille `a Grandson, l’armée bourguignonne est vaincue. René II, le duc de Lorraine que Charles avait écarté, parvient `a reprendre Nancy, la capitale de la Lorraine. Charles furieux part avec une poignée d’hommes pour assaillir Nancy mais dans ce siege, il trouve la mort (1477). D. Marie de Bourgogne (1477-1482) La brusque disparition de Charles le Téméraire laisse le pouvoir aux mains de son unique héritiere, Marie de Bourgogne, sa fille, âgée d’`a peine 20 ans. Elle n'est pas préparée `a cette succession et la France en profite pour s'emparer de la Bourgogne, la Franche-Comté, la Picardie et l’Artois. Liege reprend son autonomie et la Gueldre récupere son ancienne dynastie. Les États de Flandre, de Hainaut, de Zélande et de Hollande réunis `a Gand profitent de la situation pour prendre le pouvoir et se faire accorder le Grand Privilege du 11 février 1477. Cet acte constitutionnel stipule notamment l’abolition des organes de la centralisation bourguignonne et le rétablissement des privileges provinciaux et urbains. Des la mort de Charles le Téméraire, la France s'est emparée des territoires bourguignons. Elle menace d'envahir ensuite les Pays-Bas. Les troupes françaises sont repoussées, mais ce n’est qu'en 1482 que la paix est signée avec la France. Apres la mort de Marie de Bourgogne, en 1482, ses possessions passent `a la maison des Habsbourg (en 1477, Marie de Bourgogne avait épousé l'archiduc Maximilien d'Autriche, fils de l'empereur germanique et appartenant `a la dynastie des Habsbourg). Les provinces belges sont intégrées dans un royaume qui deviendra empire, et leurs intérets sont désormais subordonnés `a ceux des autres possessions des Habsbourg. 6.2. La centralisation bourguignonne Au XIVeme siecle, la plupart des territoires belges sont plus ou moins indépendants. A la fin du XIVeme siecle, ils passent, un par un, sous la domination de la maison de Bourgogne et forment la partie la plus importante des états bourguignons. Ils se présentent sous la forme d’une fédération de principautés dont le prince commun est le lien. Chacune de ces principautés est dirigée par un grand bailli. Dans sa tâche, celui-ci reçoit l’assistance d’un Conseil, sorte de cour d’appel, et des États (ou Parlement) composés des délégués du clergé, de la noblesse et des communes et dont le rôle principal est de voter les impôts chaque année. Des 1464, Philippe le Bon, pour rendre le vote plus facile, rassemble `a Bruxelles les représentants des États provinciaux. C’est l’origine des États généraux qui joueront par la suite un rôle politique important. Au-dessus de ces organismes régionaux, les ducs ont établi des institutions de type central. Parmi ceux-ci, le Grand Conseil ambulatoire, qui prend forme sous Philippe le Bon, accompagne le duc dans tout ses déplacements. Il est présidé par le duc lui-meme (ou `a défaut par une sorte de premier ministre, le chancelier de Bourgogne) et est chargé d’assister le duc `a régler des questions politiques importantes, de surveiller la gestion des finances et de juger en dernier recours les sentences des Conseils provinciaux. Philippe le Bon va centraliser le contrôle financier dans deux Chambres des Comptes. (Lille et Bruxelles). En 1473, Charles le Téméraire va diviser le Grand Conseil ambulatoire en un Conseil privé ambulatoire qui s’occupe des lois et des affaires politiques, une Chambre des comptes unique qui siegera `a Malines (qui remplace les deux Chambres de Lille et Bruxelles), une Haute Cour de Justice située `a Malines également et que l’on appellera Parlement de Malines. Les ducs rencontreront une résistance `a cette volonté centralisatrice dans certaines principautés : Liege verra ses tentatives de révolte durement réprimées (sac de Dinant en 1466, destruction de Liege en 1468). 6.3. Les conditions de vie Il faut nuancer l’image de grande prospérité que l’on a coutume d’associer `a la période bourguignonne. Les guerres, les famines régulieres, les épidémies de peste touchent durement les populations, surtout dans les campagnes. A. Famines et fléaux Entre 1000 et 1300, la population enregistre une forte augmentation en Belgique. Au début du XIVeme siecle, un cap démographique est meme franchi. La structure économique est saturée[16]. La limite de la surpopulation est atteinte. Les premieres données démographiques plus ou moins fiables datent de la fin du XVeme siecle, mais elles peuvent s'appliquer `a l'ensemble du Moyen Âge tardif. Aux alentours de 1470, on dénombre en Belgique un peu moins d'un million et demi d'habitants, dont 1 million dans l'actuelle région flamande et quelque 450.000 en Wallonie. La majorité de la population habite la campagne (90 %), sauf en Flandre et dans le Brabant, ou le taux d'urbanisation est respectivement de 36 % et 31 %. Entre le XIVeme et le XVIIIeme siecle, la croissance démographique stagne. Apres chaque épidémie ou famine (qui sont devenus des problemes majeurs `a, des le XIVeme s.), la population augmente rapidement, mais les effets de cette croissance sont annihilés par la catastrophe suivante (au moins une par génération). Entre 1300 et 1500, seule la deuxieme moitié du regne de Philippe le Bon, de 1440 `a 1470, marque une période de prospérité et de bien-etre, sans guerre ni famine. B. Des guerres incessantes L'histoire du Moyen Âge est parsemée de guerres et de batailles, mais, `a partir de la période bourguignonne, les conflits s'éternisent. Seule la période entre 1440 et 1470 marque une pause dans le flot ininterrompu de violence militaire. Ces guerres interminables commencent `a peser lourdement sur la population. Ce n'est pas tant le nombre de victimes, tombées sur le champ de bataille, qui est en cause. Les armées, en effet, sont composées de nobles et de mercenaires. Mais lorsque une armée en campagne installe ses campements, elle réquisitionne le grain et le bétail. Les moissons sont souvent détruites par les troupes. Les paysans, réquisitionnés pour l'édification de fortifications militaires, doivent délaisser leurs champs. Les récoltes en souffrent, évidemment. 6.4. La prospérité économique Selon le chroniqueur Philippe de Commynes, les Pays d’en-bas sont une « terre de promission » que Philippe le Bon dota, des 1433, d’une monnaie commune, ce qui facilita les échanges commerciaux entre les provinces. A. L’agriculture Des le début du XIVeme s., en Flandre, les procédés agricoles se modifient. On abandonne l’assolement triennal[17] qui avait été utilisé `a partir du Xeme s. On cultiva sur la jachere[18] des cultures fourrageres servant `a la fois d’engrais vert et `a l’entretien du bétail. Pendant les XIVeme et XVeme s., la Flandre étend ses élevages de bétail et deviendra jusqu’au XIXeme s. la région-type de l’économie mixte (élevage-agriculture). Dans les autres régions (Hainaut, Brabant, Namurois, Hesbaye), on garde le systeme de l’assolement triennal avec jachere obligatoire et la culture céréaliere reste dominante. B. Le commerce Bruges reste le grand centre de l’argent : les banquiers italiens, notamment les Médicis de Florence au XVeme s., y sont tres actifs. Par contre, le commerce international émigre vers Anvers. La ville d’Anvers voit son port se développer. L’ensablement du Zwin qui bloque le port de Bruges (en dépit des travaux entrepris par Charles le Téméraire) en est une des causes. En outre, la réglementation sévere que Bruges impose aux marchands étrangers porte le coup fatal au commerce brugeois : en effet, Bruges exigeait que les marchands reglent leurs affaires par l’intermédiaire des courtiers de la ville. Anvers va elle adopter le principe du libre commerce : elle ouvre en 1460 une Bourse ou les marchands peuvent régler librement leurs transactions. Enfin, la ville d’Anvers va profiter des conflits entre l’Angleterre et la Flandre pour attirer le commerce anglais. Lorsqu’`a la fin du XVeme s., lorsque des conflits apparaîtront entre Bruges et le régent Maximilien, ce dernier demande aux marchands étrangers de quitter Bruges. Beaucoup d’entre eux s’installent alors définitivement `a Anvers qui devient ainsi l’étape de toutes les marchandises et notamment des draps anglais. C. L’industrie Au lieu de vendre ses laines, l’Angleterre décide de produire elle-meme des draps fins. C’est une terrible concurrence pour l’industrie drapieres des villes de Flandre et du Brabant qui finit par péricliter[19]. Philippe le Bon pense trouver la solution en interdisant le commerce des draps anglais mais des 1446, il doit lever cet embargo qui désavantage trop Anvers. Ainsi, de nombreuses villes vont tomber : Ypres, Bruges. Gand se sauva en se reconvertissant dans le commerce du blé. Il y a bien des tentatives d’adaptation. On remarque un déplacement des grands centres vers les petites villes et les campagnes ou les salaires sont moindres : les industries rurales reprennent vigueur. Le prix de vente de ces draps étant plus petit, ils se vendent plus facilement que les draps fabriqués dans les grandes villes. Les campagnes développent le commerce de la toile de lin qui s’exporte dans toute l’Europe. Certains centres urbains se tournent vers les industries d’art et de luxe comme la tapisserie[20] (Tournai, Bruxelles). ------------------------------- [1] C’est-`a-dire qu’il forme des armées pour mener des combats de son côté. [2] Conflit qui, aux XIeme et XIIeme s., opposa le pape avec les empereurs allemands au sujet de la nomination des éveques et des abbés. En effet `a partir du IXeme s., les rois et les puissants suzerains (pour la définition du terme, voir ci-dessous) avaient pris l’habitude de nommer les abbés (= dirigeants des monasteres) et les éveques, en leur confiant l’autorité temporelle (= sur des biens matériels) mais aussi spirituelle, par la crosse et l’anneau, symboles de la juridiction sur les âmes. Cette pratique entraîna la décadence morale de l’Église aux IXeme et Xeme s. En 1075, cette pratique est condamnée par le pape Grégoire VII. Les empereurs allemands s’opposerent violemment `a ce décret : en effet, l’Église allemande était tres féodalisée. Une lutte entre empereurs allemands et papes commença… Ce n’est qu’en 1122 que la querelle s’apaisa grâce au concordat de Worms. Selon ce concordat, l'Église avait le droit d'élire les éveques, et l'investiture par l'anneau et la crosse serait effectuée par le clergé. Cependant, les élections se dérouleraient en présence de l'empereur, qui conférerait les terres et revenus attachés `a l'éveché `a travers l'investiture par le sceptre, symbole sans connotation spirituelle. [3] Proches du français. [4] Terre que le vassal reçoit de son suzerain [5] C’est-`a-dire de la Meuse [6] Des le XIeme s., la ville de Gand organise une foire tres importante. Quant `a Bruges, sa foire de mai contribue `a sa prospérité au XIIIeme s. [7] Les corporations vont apparaître vers les XIIeme-XIIIeme siecles. Il ne faut pas les confondre avec les guildes. Elles ont été créées apres ces dernieres et regroupent les artisans par corps de métiers. [8] Piece de métal, composée de deux branches, fixée au talon du cavalier et terminée par une roue `a pointes, qui sert `a aiguillonner le cheval en lui piquant les flancs. [9] Nom donné `a la période de campagnes militaires, entrecoupées de treves et de traités de paix, qui ont opposé l’Angleterre et la France, les deux grandes puissances européennes de la fin du Moyen Âge, entre 1337 et 1453. [10] Combustible. [11] Laique qui était chargé par les seigneurs ecclésiastiques de défendre les droits des églises ou abbayes. [12] Nom de certains religieux réguliers, dépendant d'une église. [13] Il se battit avec tant de fougue qu’on le surnomma « sans Peur ». [14] Qui appartient `a la vie laique [15] État pathologique entraîné par les processus régressifs de vieillissement, caractérisé par une atteinte irréversible des facultés physiques et intellectuelles. [16] Completement rempli, qui ne peut contenir plus. [17] Cela signifie que les terres cultivables sont divisées en trois parcelles. Chaque année, une parcelle reste en jachere. Sur la deuxieme, on seme des céréales de printemps (avoine et orge) et sur la troisieme, des céréales d'hiver (blé et seigle). Cette rotation appauvrit moins le sol et protege mieux le paysan contre une éventuelle mauvaise récolte. [18] État d'une terre labourable qu'on laisse temporairement reposer en ne lui faisant pas porter de récolte. [19] Aller `a sa ruine, `a sa fin (en parlant des choses et surtout des affaires). [20] Ouvrage d'art en tissu, effectué au métier et manuellement, et qui est destiné `a former des panneaux* verticaux.