VIII. Les dominations étrangeres (1715-1830) 8.1. Les Pays-Bas autrichiens Au début du XVIIIeme siecle, les Habsbourg d’Autriche possedent de nombreux territoires : cela fait d’eux la premiere puissance européenne. Cependant, ces territoires sont dispersés. Dans le Saint-Empire, ils possedent l’Autriche, la Silésie, la Boheme et les Pays-Bas (depuis le traité d’Utrecht signé en 1713) ; en dehors de l’empire, ils sont maîtres de la Hongrie, du Milanais, de Naples et de la Sicile. Véritable champ de bataille européen tout au long du XVIIeme siecle, la Belgique ne connaîtra pas beaucoup plus de repos au XVIIIeme. Il en résulte un net recul économique et intellectuel, ainsi qu’un réflexe de repli sur soi et un sentiment d’indifférence politique, une aspiration `a la paix et `a la neutralité que l’on remarque encore dans la mentalité belge d’aujourd’hui. La principauté de Liege, neutre et indépendante, tient une place `a part et profite largement des guerres qui secouent les Pays-Bas autrichiens. Elle se spécialise davantage dans l’armement, qu’elle fournit `a tous les belligérants, et voit se développer sur son territoire des industries que les guerres empechent de fonctionner dans l’Etat voisin. Les capitaux dégagés permettent `a Liege de devenir un centre financier d’importance. A. Charles VI (1715-1740) Pendant le regne de l’Empereur germanique Charles VI, les seules passions sont d’ordre religieux. Elles n’opposent plus catholiques et protestants (qui ne font plus désormais qu’1% de la population) mais champions de la contre-réforme et partisans du Jansénisme (Jansénius était l’éveque d’Ypres). En 1723, Charles VI favorise la création et le développement d’une compagnie des Indes, appelée Compagnie d’Ostende du nom de son port d’attache, devenu le poumon maritime du pays, les bouches de l’Escaut étant toujours fermées. Financée essentiellement par des capitaux anversois qui trouvent enfin un débouché, la Compagnie d’Ostende prospere rapidement. Elle fonde meme des comptoirs au Bengale et en Chine. Mais cédant aux pressions conjuguées de l’Angleterre, la France, et des Provinces-Unies, qui voient leurs intérets économiques menacés, Charles VI est contraint d’interrompre les activités de la compagnie des 1727. La mort de l’Empereur, en 1740, replonge la Belgique dans le chaos : c’est la guerre de succession d’Autriche. En 1745, les Français occupent le pays apres leur victoire sur une coalition formée des Autrichiens, des Hollandais et des Anglais. Mais le traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748, rend la Belgique `a Marie-Thérese de Habsbourg. B. Marie-Thérese (1740-1780) En dépit de la politique de centralisation menée depuis Vienne, le regne de Marie-Thérese est une période de calme et de prospérité pour les Pays-Bas autrichiens. A cela, plusieurs raisons. Tout d’abord, le gouverneur général, Charles de Lorraine, était tres populaire dans nos régions, apprécié pour son humanité envers le peuple et son sens de la fete. Ensuite, les trois ministres plénipotentiaires successifs chargés de la gestion quotidienne des Pays-Bas autrichiens se sont montrés entreprenants et efficaces, réussissant `a faire sortir l’économie de son marasme. Enfin, si elle était centralisatrice et tournée vers la modernité, Marie-Thérese n’en tenait pas moins compte de l’histoire et de la psychologie de ses sujets des Pays-Bas. Pendant le regne de Marie-Thérese, le port d’Anvers est `a nouveau équipé, le réseau routier se développe, on creuse des canaux, et le renouvellement de toutes ces infrastructures favorise la remise en activité d’industries en sommeil et la naissance de nouveaux secteurs, comme la fabrication de porcelaine et de carrosses. A la meme époque, l’agriculture fait `a nouveau un bond en avant sur le continent européen, suivant de pres les progres enregistrés en Angleterre. La culture de la pomme de terre et du colza se généralise, et donne de nouvelles ressources alimentaires, qui provoquent un accroissement de la population. C. Joseph II (1765-1790) A la mort de son pere, Joseph II exerce le pouvoir conjointement avec sa mere, jusqu’`a la disparition de celle-ci 15 ans plus tard. Modele du despote éclairé, nourri de la « philosophie des lumieres » du XVIIIeme siecle, Joseph II est un réformateur de génie. Mais il est trop peu au fait des réalités des Pays-Bas autrichiens et son tempérament austere s’accorde mal `a celui des habitants de nos provinces. Il ne s’embarrasse d’aucune stratégie ou psychologie pour mener `a bien ses réformes, ce qui le met en conflit ouvert avec sa mere avant la disparition de celle-ci. Si de nombreuses réformes imposées par Joseph II se justifiaient amplement – le pays était juridiquement en retard et une foule de coutumes dépassées y survivait – aucune ne fut vraiment accueillie favorablement. L’Empereur commença par s’attirer l’hostilité de l’Église entre autres en proclamant un Édit de Tolérance `a l’égard des protestants (alors que la petite minorité protestante jouissait d’une tolérance de fait), en supprimant les ordres contemplatifs (qu’il estimait nuisible `a la religion et `a l’État), et en sécularisant[1] le mariage. La bourgeoisie « éclairée » adepte des philosophes fut mécontentée `a son tour par la suppression de ce qui restait du fédéralisme provincial et des juridictions judiciaires au profit d’une bureaucratie venant de Vienne. Privés de leur relative autonomie de gestion et de leur pouvoir, les membres des États provinciaux et les magistrats se joignirent `a l’opposition cléricale. En abolissant la charte fondamentale dite de la Joyeuse Entrée, qui, depuis le Moyen Âge, était le document par lequel un suzerain réaffirmait les libertés et privileges lors de son accession au pouvoir, Joseph II précipita l’épreuve de force. 8.2. La parenthese des États Belgiques Unis et de la révolution liégeoise A. Des aventures de courte durée Deux mouvements, l’un progressiste, l’autre conservateur, lancent une révolution (1789) qui chasse facilement les Autrichiens du pays. Une fois cela fait, il restait `a organiser les provinces libérées, dont chacune proclama séparément son indépendance. En janvier 1790, les États généraux promulguerent l’acte de constitution des États Belgiques Unis, mais les rivalités entre progressistes et conservateurs dégénérerent rapidement en lutte ouverte. Les conservateurs l’emporterent facilement, mais un processus de décomposition, aggravé par les difficultés économiques, suivit la révolution, pourtant révélatrice d’une conscience nationale, et les Autrichiens reprirent le pouvoir. Dans la principauté de Liege, une révolution eut lieu également. Contrairement `a celle qui vit naître et mourir les Etats Belgiques Unis, elle s’inspira largement des événements parisiens de juillet 1789. En aout de la meme année, la bourgeoisie de Liege prit le pouvoir quasi sans rencontrer de résistance, renversant le prince-éveque. Mais alors que s’élaborait une constitution `a tendance démocratique, le peuple, qui ne voyait pas s’améliorer son niveau de vie, se souleva contre « les riches ». L’anarchie était totale lorsque le roi de Prusse rétablit l’ordre au nom de l’Empire, dont relevait théoriquement la principauté de Liege. L’une et l’autre révolutions finirent donc dans l’anarchie et le rétablissement du régime renversé. Mais cette double restauration ne dura que peu de temps, car quelques jours apres la proclamation de la République française, les troupes françaises foncerent sur la Belgique et battirent l’armée autrichienne sans difficulté. B. Un véritable sentiment national Au XVIIIeme siecle, il s’était développé en Belgique toute une activité politique, institutionnelle, et meme intellectuelle (toutefois modeste) que l’on peut qualifier de « nationale ». Les Pays-Bas autrichiens, sans etre un État souverain, en ont de fait toutes les caractéristiques. Dans cet Éat vivent ceux que l’on appelle, en français les « peuples de la Belgique », la « nation belgique » ou simplement les « Belges », et en néerlandais les « Nederlanders » (meme si ce terme désigne aussi les habitants des Pays-Bas du Nord) ou « Belgen ». Ces Belges ont une « patrie », qu’ils aiment et servent fidelement, sont conscients et fiers de leur identité, et se sont penchés sur leur Histoire (1782-1783 : Epitomes Historiae Belgicae de Jean des Roches). Lorsque, `a partir de 1787, les Belges se révoltent contre ce qu’ils considerent etre la « tyrannie » de Joseph II, ils le font précisément au nom de leur identité, de leur Histoire (largement fantasmée, que l’on fait remonter `a Horum omnium fortissimi sunt Belgae) et de leur liberté. L’explosion politique s’accompagne d’une explosion des écrits politiques qui permettent aujourd’hui de se faire une idée tres précise de la révolution brabançonne de 1790. Cette révolution dite « brabançonne », parce que le Brabant en a été le moteur, est véritablement nationale : elle touche tout le pays, tous ses acteurs s’identifient comme Belges, et elle conduit `a l’indépendance – tres breve – d’un État qui est déj`a la Belgique au plein sens du terme. Certes, la principauté de Liege n’en fait pas partie, mais est-ce parce que Lille, Strasbourg, Nice ou Perpignan ne font pas partie de la France lorsque Louis XIV monte sur le trône en 1643 que cette France « n’est pas encore la France » ? Non, bien sur ! Cette révolution n’est pas uniquement nationale, elle est ouvertement patriotique, d’un enthousiasme qui touche au chauvinisme : le Belge de 1789-1790 ne doute pas de lui-meme ! La victoire contre les Autrichiens une fois acquise, on pourra entendre : « Nos tyrans sont chassés et les Belges vainqueurs y font succéder un gouvernement juste et équitable ; l’amour de la patrie est le feu sacré qui brule dans tous les cœurs ». Ce sentiment national et patriotique cohabite avec de fortes attaches provinciales, mais il est plus vigoureux que ces dernieres. En outre, il n’y a, `a l’époque, aucun sentiment « communautaire » ou « linguistique » au sens moderne du terme : la dualité linguistique est un fait qui n’entre pas en ligne de compte ; on ne se sent pas « wallon » ou « flamand » (d’ailleurs `a ce moment ce dernier terme désigne toujours exclusivement les habitants de la province de Flandre). En conclusion, si la révolution brabançonne de 1790 est un échec, elle révele un sentiment national fort, qui plus jamais ne s’éteindra jusqu’en 1830. Entre ces deux révolutions, ni le régime français, ni le régime hollandais ne sont parvenus `a éteindre l’ardeur patriotique. Il y a donc, entre ces deux événements séparés de 40 ans, une réelle continuité morale. 8.3. L’occupation française : la tourmente révolutionnaire et napoléonienne A. Sous la Révolution et la Convention La population belge accueille le général Dumouriez, qui commande les troupes françaises, comme un libérateur, le vengeur de l’échec des révolutions brabançonne et liégeoise. Dumouriez proclame d’ailleurs que « ni la République française, ni les généraux qui commandent les armées ne se meleront en rien d’ordonner ou meme d’influencer la forme du gouvernement des Provinces Belgiques, lorsque le peuple commencera `a user de son droit souverain ». Pourtant, bien vite, les soldats se livrerent `a des pillages et au saccage des églises, et la Convention nationale française déclara l’annexion pure et simple des provinces belges et de la principauté ecclésiastique de Liege `a la France. Apres un bref retour offensif des Autrichiens, de mai 1793 `a juin 1794, la principauté de Stavelot-Malmédy et le duché de Bouillon sont `a leur tour annexés `a la France, en 1795. Jusqu’au coup d’Etat de Napoléon Bonaparte, en 1799, les exactions anti-cléricales se poursuivent en Belgique : suppressions des ordres religieux, confiscations de leurs biens, destruction des abbayes et de la cathédrale Saint-Lambert `a Liege. En outre, les provinces belges sont soumises `a des impôts exorbitants, et les jeunes hommes sont enrôlés de force dans l’armée de la République. La révolte éclate, successivement dans le Brabant, en Campine, et au Luxembourg. Mais en 1799, la répression avait brisé toutes les oppositions. B. Napoléon Bonaparte Le Consulat (1799-1804) de Napoléon Bonaparte, puis l’Empire (1804-1814), mirent fin `a la persécution religieuse. Les bourgeois furent associés `a l’action gouvernementale, et un relevement de l’économie s’amorça. La population belge, tout d’abord favorable `a Napoléon, se retourna contre l’Empereur lorsque les effets paralysants du blocus continental mené contre les Anglais se firent sentir, et lorsque la jeunesse fut une fois de plus enrôlée de force dans les armées. Bien vite, les Belges frauderent pour contourner le blocus et trois quarts des conscrits levés dans les départements belges déserterent. A la fin de 1813, le préfet du département de la Dyle prévoyait « une grande insurrection » tant la situation était mauvaise en Belgique. Mais l’avancée des troupes alliées contre l’Empire rendit superflue toute révolte. Alors que Guillaume d’Orange, souverain des Pays-Bas, administrait la Belgique au nom des puissances victorieuses et que le Congres de Vienne décidait du sort du pays, Napoléon prépare son retour. Un retour de courte durée, puisque, `a l’issue de l’épisode des Cent-Jours, il est battu en 1815, `a Waterloo, en Brabant wallon, par les armées de Wellington, Blücher et Grouchy. C. Le bilan de l’occupation française L’occupation française, qui en définitive dura moins de 25 ans, est, du point de vue économique, une ere en demi-teinte. Bruxelles, devenue préfecture de département, voit sa population tomber de 74.000 `a 60.000 habitants. Pourtant, les guerres napoléoniennes favorisent l’essor de certaines industries, comme celle du coton `a Gand, celle du drap `a Verviers, les charbonnages dans le Hainaut et dans le pays de Liege, et bien sur, la construction mécanique et l’armement. Mais c’est d’un point de vue institutionnel que le passage des Français fut marquant. Désormais, les anciens Pays-Bas méridionaux et la principauté de Liege font partie d’un meme ensemble... mais cet ensemble, c’est la France ! L’autonomie des provinces, leurs privileges et institutions sont supprimés, en meme temps que disparaissent leurs noms féodaux. Les limites des « neufs départements nouvellement réunis » sont tracées sans tenir compte de l’Histoire, sauf dans le choix des chefs-lieux. La Belgique, administrativement, disparaît pendant cette période : elle n’est ni un protectorat, ni une colonie, mais une partie comme une autre de la France. Pourtant, le sentiment national, qui n’est pas combattu par les Français, demeure présent dans les esprits. Au niveau local, chaque commune a son maire, son adjoint au maire et son conseil communal. Ils sont nommés par le gouvernement français pour les agglomérations de plus de 5.000 habitants, par le préfet de département ailleurs. Cette pratique, qui heurte trop la tradition communale du pays, ne subsistera pas. Le systeme judiciaire implanté par les Français, en revanche, est pratiquement inchangé jusqu’`a nos jours, de meme qu’ont été conservés la majorité des codes publiés entre 1804 et 1810. Il s’agit des Code civil, Code des procédures civiles, Code du commerce, Code d’instruction criminelle et Code pénal. Un autre effet du régime français est la francisation de la partie flamande du pays. Le flamand littéraire, autrefois utilisé dans l’administration, y disparaît presque totalement : la seule langue de l’administration, de la justice, de l’enseignement, est le français. Et avec ceux qui sont incapables de la parler, les fonctionnaires ont recours au dialecte flamand local. Cette situation, qui dure pendant 20 ans, acheve le processus de francisation de la Flandre, dont les élites avaient adopté la langue de Moliere des les XVIIeme et XVIIIeme siecle. Désormais, toute la bourgeoisie parle français, et utilise le dialecte avec le peuple. Mais le flamand littéraire ne survit plus que tres artificiellement. Avant la renaissance des lettres flamandes, amorcée dans les années 1840, un Anversois et un Brugeois sont obligés de parler français ensemble, car ils ne maîtrisent plus leur langue littéraire, et en dialecte, ils ne se comprennent pas ! Enfin, dernier héritage du régime de Napoléon, qui était, ne l’oublions pas, une dictature, les Belges ont appris l’obéissance, voire l’apathie… Pour la premiere fois depuis bien longtemps, ils se sentent véritablement sous domination étrangere, et cette domination est forte, impossible `a renverser. Ceci explique la passivité de la population et de la classe politique lorsque, apres la chute du régime français, les alliés occupent la Belgique. Si le pays avait du etre démembré, les Belges en auraient été désolés, mais ils n’auraient sans doute pas réagi : ils ne croyaient pas, `a ce moment, en leur capacité `a influer sur leur destin. C’est finalement, et de maniere fort paradoxale, Guillaume d’Orange qui sauve l’unité nationale en réclamant l’ensemble de nos territoires pour la couronne des Provinces Unies des Pays-Bas. 8. 4. La Culture au XVIIIeme siecle Si les provinces belges ont presque toujours joué un rôle important dans le développement de la culture occidentale, `a la fin de l’Ancien Régime et sous l’occupation française, elles connaissent un déclin évident. Pourtant, sous Marie-Thérese, la suppression de l’ordre des Jésuites donne l’occasion de mettre en place un systeme d’enseignement impérial. Une Académie des sciences est également fondée, et une bibliotheque impériale est ouverte au public. L’enseignement supérieur reste le privilege de l’Université de Louvain, qui connaît un déclin. C’est cependant dans ses laboratoires que le physicien Minckeleers découvre les principes du gaz d’éclairage. En littérature, on retiendra pourtant le nom de Charles-Joseph Lamoral, prince de Ligne (1735-1814), `a l’aise dans la société mondaine partout en Europe, « Autrichien en France, Français en Autriche, l’un ou l’autre en Russie ». Ses écrits montrent une connaissance du monde et une finesse d’analyse remarquables. En musique, le Liégeois André-Modeste Grétry (1741-1813) fut le principal compositeur de l’opéra-comique français de son époque. Il était tres admiré de Robespierre, puis de Napoléon, qui lui alloua une pension. La sculpture et la peinture témoignent d’une maîtrise certaine, mais aucun génie créateur ne se dégage. En architecture, l’influence du style français classique s’affirme, mais est ensuite dépassé par le gout de l’asymétrie qui caractérise le palais de Charles de Lorraine `a Bruxelles. On a parlé, `a propos de certains édifices construits `a cette époque (château de Seneffe, hôtel de ville de Tournai), d’un « style Louis XV austro-belge ». 8. 5. Le congres de Vienne et la réunification des Pays-Bas Le Congres de Vienne (septembre 1814 – février 1815), une des plus grandes conférences diplomatiques du XIXeme siecle, est l’occasion pour les puissances européennes de l’époque de redessiner la carte de l’Europe apres la victoire sur Napoléon. L’Angleterre, la Russie, l’Autriche et la Prusse tentent toutes de tirer un maximum de profit de l’occasion. Mais leur but commun est aussi de créer une zone-tampon autour de la France, toujours considérée comme une menace potentielle. Ainsi, `a l’Est, la Confédération Helvétique réunit ses cantons et devient indépendante et neutre ; au Sud, le Piémont[2], rétrocédé[3] au roi de Sardaigne (avec la Savoie, Nice et Genes), constitue la piece méridionale du dispositif anti-français, en tant que royaume de Piémont-Sardaigne, et au Nord, les anciens Pays-Bas autrichiens sont réunifiés aux Provinces-Unies des Pays-Bas pour former le royaume unique des Pays-Bas (indépendant et gouverné par la maison d'Orange). L’amalgame des Pays-Bas septentrionaux et méridionaux est stratégiquement et économiquement prometteur : la Belgique avait une agriculture avancée, des richesses minieres considérables et une main-d’œuvre de qualité, la Hollande possédait une marine nombreuse, des colonies, et des relations commerciales solidement établies. Mais la réunification des Dix-Sept Provinces de Charles Quint, si elle correspond `a un certain idéal historique, ne tenait pas compte des divergences nées de deux siecles de vie en séparation. Les Hollandais étaient protestants, les Belges étaient catholiques. Les mœurs, les mentalités et les sentiments nationaux avaient évolué selon des voies totalement différentes. La fermeture des bouches de l’Escaut, la défense d’intérets économiques opposés, des guerres, avaient souvent renvoyé dos `a dos Belges et Hollandais, au point de les rendre ouvertement rivaux. Enfin, du point de vue linguistique, la fusion des deux pays assurait la prédominance du néerlandais, alors qu’en Belgique, toute la noblesse et toute la bourgeoisie s’exprimait en français, meme en Flandre. Il n’y aura donc jamais d’union nationale, de nouveau sentiment national, mais bien une opposition permanente et systématique entre Belges et Hollandais, car les Belges considerent que cet Etat, dont ils font juridiquement partie, n’est pas moralement le leur. Pourtant, en homme d’affaire avisé, Guillaume Ier est sincerement désireux de faire progresser l’économie des provinces du Sud. Il y fait réaliser de grands travaux d’infrastructure (creusement de canaux, construction de routes, développement du port d’Anvers), il crée `a Bruxelles la « Société générale des Pays-Bas pour favoriser l’industrie nationale », ainsi qu’un « Fonds de l’Industrie ». Ces mesures encouragent efficacement la progression dans les secteurs textile et verrier, tandis que la collaboration entre l’Etat et les grands patrons de l’industrie, dont les Cockerill, permettent la mise en valeur des hauts-fourneaux[4] `a coke[5] et la fabrication de machines `a vapeur. Mais d’autre part, d’un point de vue politique et administratif, le roi Guillaume Ier mene une politique discriminatoire[6]. Les fonctionnaires royaux hollandais (des provinces du Nord) ont la mainmise sur l’administration. La Belgique se voit contrainte de prendre `a sa charge une partie de la dette hollandaise. Les libertés sont réduites et la presse est censurée. Enfin, Guillaume heurte les catholiques par sa politique anti-cléricale, notamment en imposant un contrôle de l’État sur l’enseignement. 8.6. Le Luxembourg en route vers l’indépendance En 1715, le pouvoir autrichien est confirmé. Par rapport au siecle précédent, le XVIIIeme s. forme un contraste saisissant : le Luxembourg va connaître une période de paix. Le duché va voi sa situation s’améliorer tout au long du siecle. Sous la domination autrichienne (1715-1795), le Luxembourg garde son importance stratégique traditionnelle. Les Autrichiens continuent `a renforcer la forteresse par un élargissement du périmetre défensif : sont construits toute une série de forts, bastions, contre-gardes, casemates. Les Français se sentent visés par cette politique défensive. Quand la France entre dans le conflit pour la succession d’Autriche (1744) du côté de la Prusse, elle porte son effort sur les Pays-Bas au nord des Ardennes et non sur le Luxembourg. Argument invoqué : le siege de la fortresse demanderait trop d’homme et la « stérilité du pays » ne permettrait pas d’entretenir les soldats. La pauvreté a du bon. Finalement un traité d’alliance et d’amitié est signé entre la France et l’Autriche en 1756. Avec la Révolution française, la nature des hostilités change : le traditionnel conflit dynastique est remplacé par un combat idéologique entre le droit des peuples `a disposer d’eux-memes et le principe monarchique. Le Luxembourg redevient un théâtre de guerre car la révolution vise le Rhin, c’est-`a-dire les frontieres naturelles. Mais surtout les incursions françaises visent `a immobiliser les troupes autrichiennes. Les Français parviendront `a prendre le Luxembourg apres un blocus de six mois (entamé le 21 novembre 1794). Le Luxembourg est alors intégré `a la République française : le duché devient un département français (le département des Forets). La France instaure son systeme administratif. Mais tout se fait tres vite et la population n’est pas préparée `a recevoir cette révolution. Profondément attachée au culte, elle voit bien que le clergé est heurté par les pratiques des conquérants qui suppriment les couvents, interdisent les processions et imposent un nouveau calendrier perçu comme une mesure de déchristianisation. Par ailleurs, les Luxembourgeois, `a l’instar des belges, ressentent la dommination françasie comme la domination d’étrangers. En outre, beaucoup de fonctionnaires français ne connaissent pas l’allemand indispensable pour administrer la partie orientale germanophone du département des Forets. La méfiance face `a l’œuvre révolutionnaire va, petit `a petit, se muer en franche hostilité, celle-ci s’expliquant par le sentiment qu’ont les Luxembourgeois d’etre dominés par des étrangers et surtout par la politique franchement anticléricale menée par les Français. En 1798, en raison de l’introduction de la conscription[7] dans l’ensemble des départements français, des troubles éclatent prenant, dans certaines parties du département des Forets, des allures de soulevement. Pourquoi une telle réaction ? Il y a plusieurs facteurs qui l’expliquent : d’une part les mesures anticléricales ont excédé la population ; d’autre part, les Luxembourgeois n’étaient pas habitués `a un service militaire obligatoire. En outre, les jeunes sont enrôlés pour aller servir loin de leur pays. Par ailleurs, l’absence de ces hommes se fait sentir de façon aigue. Enfin, le fait que ces hommes soient obligés d’aller défendre un régime que leurs parents désapprouvnt rend la conscription inacceptable… Ce soulevement est parallele `a ceux observés en Belgique `a la meme époque. Et comme dans ce dernier territoire, la répression se fait sévere au Luxembourg. Ce soulevement sera baptisé Kleppelkrich (guerre des gourdins), allusion `a l’armement primitif des insurgés et `a l’origine paysanne des insurgés. Le Kleppelkrich est l’unique soulevement de masse luxembourgeois. En tant que tel, il eut un fort impact sur l’imaginaire populaire apres la déclaration d’indépendance du Grand-Duché et a servi `a construire un sentiment national luxembourgeois. Trosi ans apres ces événements, en 1801, Napoléon Bonaparte conclut un concordat avec l’Église rétablissant la paix religieuse. Des lors, la population acceptera (mais sans enthousisasme) le nouveau régime. A la chute de l’empire, le Congres de Vienne (1815) éleve l’ancien duché du Luxembourg au rang de grand-duché mais l’ampute des territoires se trouvant `a l’est d’une ligne fluviale formée par (du sud au nord) la Moselle, la Sure et l’Our, ainsi que de ceux situés dans l’Eifel (Bitbourg, Saint Vith, Schleiden). Ce démembrement fait perdre 2280 km^2 et 50 000 habitants au Luxembourg. Ce grand-duché est attribué `a Guillaume Ier d’Orange-Nassau en tant que patrimoine. Le roi des Pays-Bas acquiert ainsi le titre de grand-duc du Luxembourg, car ce teritoire constitue en principe un état `a part. On peut parler d’union personnelle entre les deux pays. N’ayant pas confiance dans les capacités militaires du grand-duché, ils le font entrer dans la Confédération germanique, association de 39 États, et une garnison prussienne s’installe dans la forteresse[8]. Le statut international du Luxembourg est assez compliqué puique Guillaume Ier a tendance `a assimiler le Luxembourg comme dix-huitieme province de son royaume. De la meme façon qu’en Belgique Guillaume Ier va s’aliéner les Luxembourgeois. Ceux-ci reprochent `a leur grand-duc de manquer d’intéret pour le développement économique de cette partie de son royaume et sont, en outre, lassés de l’absolutisme de Guillaume Ier Dans ces conditions, les Luxembourgeois se solidarisent avec les Belges et se révoltent en 1830. IX. La Belgique indépendante ; le regne de Léopold Ier Des 1828, dans les Provinces du sud des Pays-Bas, on remarque des volontés de coalition contre le roi : les catholiques et les libéraux forment une union des oppositions afin d’obtenir « la liberté en tout et pour tout[9].» Mais le roi ne faisant aucun cas des récriminations de ses sujets du sud, la révolution devient inévitable… Par ailleurs, toute l’Europe connaît `a l’époque une vague de mouvements révolutionnaires, par lesquels les peuples montrent leur mécontentement par rapport `a l’œuvre du congres de Vienne. En France, en Pologne, en Allemagne, en Suisse, les monarques imposés en 1815 sont renversés. Mais seule l’insurrection belge va aboutir completement. Il faut également mentionner que, passifs en 1815 apres le régime de Napoléon, les Belges ont appris, en 15 années de cohabitation forcée avec les Hollandais, `a reprendre leur destinée en main : ils ont eu plus de liberté (meme si pas encore assez `a leur gout), donc plus souvent l’occasion de s’exprimer, et ils ont conscience de se mesurer avec un peuple et un régime dont ils peuvent arriver `a bout (les 2,5 millions de Hollandais et le régime de Guillaume Ier, ce n’est pas la grandeur de la France et la poigne de fer de Napoléon). Ainsi, n’ayant pas eu droit au chapitre en 1815, les Belges vont faire entendre leur voix : la Belgique va naître d’un opéra. 9.1. La révolution belge Le 25 aout 1830, au théâtre de la Monnaie, `a Bruxelles, on donne une représentation de La Muette de Portici, opéra d’Auber qui évoquait la révolte du peuple napolitain contre le roi espagnol Philippe IV. Lors du quatrieme acte, le ténor commence `a chanter : « Amour sacré de la patrie Rends-nous l’audace et la fierté A mon pays, je dois la vie Il me devra la liberté » La salle, qui est comble, se laisse gagner par l’enthousiasme du chant et se déchaîne. Les désordres gagnent toute la ville et toutes les couches sociales : les bourgeois comme les ouvriers. Le lendemain, les bourgeois sont rentrés chez eux mais les couches populaires continuent `a agir : elles vont détruire les machines des usines de la région et piller les magasins de nourriture. Les autorités ne réagissant pas, les bourgeois, qui craignent pour leurs biens, organisent une garde armée qui adopte le drapeau noir, jaune, rouge[10]. Ils finissent par rétablir l’ordre. Mais, au lieu de restaurer la municipalité dans ses pouvoirs, ils en profitent pour prendre en main la direction des affaires qu’ils confient, le 28 aout, `a 50 d’entre eux : c’est le conseil des notables. Guillaume envoie alors ses fils, Guillaume et Frédéric, en Belgique pour étudier la situation. Le constat est clair : les Belges ne veulent pas etre hollandais. Les troupes hollandaises se replient sur Anvers tandis que Guillaume part exposer le probleme `a son pere en Hollande. Cependant, le mouvement gagne l’ensemble du pays. A Bruxelles, le peuple parvient `a se rallier les bourgeois modérés et, le 20 septembre 1830, les Bruxellois prennent l’Hôtel de Ville, en chassent les notables et désarment la garde bourgeoise. Le roi Guillaume Ier, apprenant l’insurrection populaire, envoie son fils Frédéric `a la tete de 14 000 hommes. Entrés dans Bruxelles le 23 septembre, les Hollandais sont vaincus le 27 septembre, apres 4 jours de combats, par les insurgés parmi lesquels on compte des Bruxellois, des Louvanistes, des Tournaisiens et des Liégeois! Le 4 octobre1830, un gouvernement provisoire proclame l’indépendance de la Belgique ; les Hollandais sont chassés du pays. Fin octobre, l’ensemble du territoire belge est vidé de ses occupants hollandais, mis `a part Anvers et Maastricht. Le 3 novembre 1830, un Congres national (comprenant 200 membres) remplace le gouvernement provisoire afin d’élaborer une nouvelle constitution. Les membres de ce conseil décident de faire de la Belgique une monarchie constitutionnelle, parlementaire et héréditaire. Alors que l’élaboration de la constitution est entamée, le 4 novembre 1830, les 5 puissances européennes (France, Angleterre, Autriche, Prusse et Russie) ouvrent la conférence de Londres afin de régler le sort de la Belgique : l’indépendance est reconnue grâce au soutien de la France et de l’Angleterre. Cependant, l’Angleterre impose `a la Belgique une neutralité perpétuelle qui doit garantir l’équilibre européen. Le 7 février 1831, la Constitution est achevée par le Congres national. La Belgique doit également se choisir un roi. Au départ le choix se porte sur le duc français Louis de Nemours, fils de Louis-Philippe, mais celui-ci refuse en raison de l’opposition des Anglais face `a ce projet. Les Belges décident d’attendre un peu avant d’élire leur roi et se donnent un régent : le baron Surlet de Chokier. Finalement, le prince Léopold de Saxe-Cobourg Gotha, Allemand d’origine mais naturalisé anglais, se voit offrir la couronne. Alors qu’il avait refusé la couronne de Grece, Léopold accepte de devenir « roi des Belges » et non roi de Belgique. Il prete serment sur la Constitution le 21 juillet 1831[11]. Devant l’incapacité des ministres de l’époque, il s’attribuera des pouvoirs tres étendus. 9.2. La Constitution La constitution belge est une synthese des constitutions françaises de 1791, 1814, 1830, de la constitution néerlandaise de 1814 et du droit constitutionnel anglais. La constitution n’est cependant pas un amalgame juridique artificiel mais bien une création originale. Ses principes élémentaires sont toujours appliqués aujourd’hui. La Belgique devient une monarchie parlementaire. Le principe de base de la constitution est la séparation des pouvoirs. Les trois pouvoirs distincts sont : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire. Elle proclame l’égalité de tous devant la loi et les grandes libertés de conscience, d’enseignement, de presse, d’association et de l’emploi des langues. La nouvelle Constitution du pays est extremement libérale. La monarchie constitutionnelle accorde en effet au Parlement l'essentiel des pouvoirs (contrôle des ministres, vote des lois et du budget), impose un cens électoral (conditions requises par la loi – revenus, niveau d’éducation – pour qu’une personne puisse etre électeur) modéré et accorde de nombreuses libertés : § liberté individuelle : droit de disposer entierement de sa personne, de ses biens, de ses loisirs, en respectant toutefois les droits d’autrui. § inviolabilité du domicile : interdiction `a quiconque de pénétrer dans une maison privée sans mandat de perquisition. § droit de propriété : respect de la propriété de chacun, aussi bien par autrui que par les pouvoirs publics. L’expropriation doit se faire moyennant une juste et préalable indemnité. § liberté des cultes et des opinions : liberté pour chacun de croire ou de ne pas croire, garantie aux croyants de pouvoir pratiquer leur religion, liberté d’exprimer sa pensée. § liberté d’enseignement : n’importe qui peut ouvrir une école et chacun a le droit de fréquenter l’école de son choix. § liberté de presse : interdiction de la censure des livres, revues, brochures, journaux, et affiches. Ces documents doivent porter le nom de l’éditeur qui en prend la responsabilité. § liberté de réunion et d’association : droit de se réunir, de se grouper en sociétés ou de s’affilier `a un parti politique. § liberté de l’emploi des langues : les langues usitées en Belgique sont le français, le néerlandais et l’allemand (en fait, le français est en 1831 la langue officielle). La premiere constitution est extremement centralisatrice, c’est-`a-dire qu’elle dote l’État central d’un pouvoir fort, afin de contrer les particularismes et de renforcer l’unité du pays. 9.3. La réaction hollandaise Le 2 aout 1831, Guillaume Ier, roi de Hollande, déclare la guerre au roi des Belges et envahit la Belgique qui subit deux défaites militaires. Le roi Léopold lance un appel `a l’aide aux Français qui, avec l’accord des Anglais, envoient un corps expéditionnaire de 50 000 hommes dirigé par le maréchal Gérard qui parvient `a arreter les Hollandais avant leur entrée dans Bruxelles. Un armistice[12] leur est imposé. Le 14 octobre 1831, la seconde conférence de Londres va régler définitivement les questions du partage de la dette hollandaise et des limites du territoire belge par le traité des XXIV articles : § la Belgique doit renoncer au Limbourg oriental (comprenant Maastricht) et `a la partie germanophone du Luxembourg, qui retournent `a la couronne hollandaise. § la Hollande qui contrôle les bouches de l’Escaut peut percevoir des droits sur les bateaux entrant en Belgique § le pourcentage de la dette `a payer par la Belgique `a la Hollande est alourdi La Belgique, qui s’était montrée incapable de se défendre seule, est obligée d’accepter ce traité tres désavantageux pour elle. Cependant, Guillaume Ier n’est pas d’accord avec ce traité et le repousse, ce qui permet aux Belges d’administrer provisoirement les territoires contestés au Limbourg et au Luxembourg. En 1832, les Hollandais évacuent Anvers, suite `a une intervention française qui avait été décidée lors de la conférence de Londres. Ce n’est qu’en 1838 que Guillaume acceptera les clauses du traité des XXIV articles. En 1839, le traité définitif sera finalement signé par les Pays-Bas, la Belgique et les cinq États qui se portent garants du statut de la Belgique et lui garantissent l’inviolabilité : la France, l’Angleterre, la Prusse, la Russie et l’Autriche. L’État belge doit abandonner alors ses vues sur le Limbourg oriental et le Luxembourg oriental (grand-duché). Mais politiquement sa situation est consolidée alors qu’au départ de nombreux sceptiques accueillaient la création de ce nouvel État. En Belgique meme, orangistes (partisans au rattachement `a la Hollande) et réunionistes (partisans au rattachement `a la France) avancent comme principal argument en faveur d’un rattachement au voisin du nord ou du sud la nécessité de la rendre viable au niveau économique. A l’extérieur, ce sont surtout les Français qui doutent de la crédibilité de la Belgique qu’ils considerent comme un territoire sans nationalité, sans avenir si ce n’est rattaché `a la France… 9.4. La politique intérieure sous le regne de Léopold Ier Les circonstances, mais aussi le manque de compétence des ministres belges en politique étrangere et de défense permirent `a Léopold Ier d’exercer des pouvoirs tres étendus en ces domaines. Personne ne s’en indignait : le roi possédait une expérience militaire certaine, avait énormément voyagé, et connaissait toutes les cours d’Europe et leurs souverains. Le penchant naturel du roi le poussait `a jouer également dans la politique intérieure du pays un rôle plus important que celui prévu par la lettre et l’esprit de la Constitution. S’il eut une influence non négligeable, il se heurta régulierement aux ministres et parlementaires, souvent prets `a lui rappeler qu’en Belgique, « le roi regne mais ne gouverne pas ». A. L’unionisme Dans un premier temps, la Belgique connut des gouvernements d’union nationale entre les deux courants politiques en présence, les catholiques (la droite), et les libéraux (la gauche). Les premieres années furent avant tout consacrées au parachevement de l’organisation de l’État, avec la mise au point de la loi communale et de la loi provinciale. Si les débats opposaient conservateurs et progressistes, jamais tant que la menace hollandaise était bien réelle (c’est-`a-dire jusqu’en 1839) l’union nationale ne fut menacée. Dans ce contexte, le roi jouait un rôle de régulateur et de conseiller, soutenant tout ce qui concourrait `a la bonne gestion du pays et `a sa prospérité grandissante. La Belgique devait etre le premier Etat du continent `a se doter d’une ligne de chemin de fer, en 1836, entre Bruxelles et Malines. Ce premier tronçon devait faire partie d’un ensemble conçu pour relier le Rhin `a Ostende et les Pays-Bas `a la France. En quelques années, le commerce et l’industrie avaient repris de l’activité, et la confiance renaissante incita `a la création de nombreuses sociétés anonymes – pour un capital nominal de 37 millions en 1834 et de 145 millions en 1836. La Société Générale, créée en son temps par Guillaume Ier, et la Banque de Belgique se lançaient dans d’audacieuses entreprises. Peu `a peu, la Belgique se faisait une place parmi les nations les plus riches et les plus actives en Europe. B. La fin de l’unionisme et la question scolaire L’organisation de l’enseignement avait déj`a opposé catholiques et libéraux en 1834. Alors que les éveques de Belgique annonçaient la création d’une université « sur le plan et la forme de l’ancienne Université de Louvain », la loge maçonnique des « Amis philanthropes », présidée par Théodore Verhaeghen, décide de la fondation `a Bruxelles d’une université libre, basée sur les principes du libre examen. Apres la période d’unionisme, lorsque les gouvernements furent constitués de maniere homogene de catholiques ou de libéraux, c’est la question scolaire qui enflamma souvent les débats. Les libéraux de toutes nuances, réunis en congres en 1846 pour établir les bases d’un programme commun et lancer un véritable parti, réaffirmerent l’indépendance du pouvoir civil : « l’Église dans l’État, et non pas l’État dans l’Église ». Leur doctrine économique (« laissez faire, laissez passer »), leur valut la sympathie des industriels de plus en plus en nombreux, et le parti libéral domina la vie politique jusqu’au début des années 1870. Par ailleurs, le parti catholique ne se structura formellement qu’en 1884. Apres la tourmente révolutionnaire qui secoua l’Europe en 1848 mais au cours de laquelle la Belgique garda la tete froide, la question scolaire cristallisa les oppositions idéologiques en 1850. Un projet de loi présenté par les libéraux marquait un important progres pour l’enseignement public. Ce projet, qui fut voté, réorganisait les niveaux d’enseignement, prévoyait la création de 50 écoles moyennes et 10 athénées ne pouvant recevoir que des éleves externes, et précisait que l’enseignement de la religion faisait partie de l’instruction moyenne, mais qu’il pouvait éventuellement se faire contre le gré des ministres du culte. Les catholiques accuserent alors les libéraux de vouloir ré-instaurer le monopole d’Etat sur l’enseignement imposé par Guillaume Ier. C. Les questions sociales Dans la deuxieme moitié de la décennie 1840, la Belgique connut une crise économique grave. La politique douaniere des Etats voisins était défavorable `a la Belgique, l’industrie liniere flamande sombrait alors que la filature mécanique du textile faisait d’énormes progres `a l’étranger. Les salaires s’effondrerent jusqu’`a 18 centimes par jour en 1848, et simultanément, les mauvaises récoltes céréalieres et la maladie de la pomme de terre diminuaient considérablement les ressources alimentaires. Dans les classes les plus défavorisées, on en fut réduit `a manger de la soupe faite de verdure de navet et de farine, `a acheter sur les marchés des peaux, tetes et entrailles de poisson. La nuit, les plus pauvres allaient déterrer pour les manger les cadavres de betes mortes d’épizootie[13]. En outre, une épidémie de typhus toucha le pays en 1847. Malgré ces conditions de vie désastreuses des ouvriers non qualifiés et des paysans, le jeune État belge échappa `a la vague révolutionnaire de 1848, probablement grâce `a l’apathie générale et au catholicisme tres ancré dans les couches les plus pauvres de la population. Mieux, la Belgique hébergeait fréquemment les démocrates, utopistes, et socialistes de la premiere heure chassés de leur pays d’origine. C’est ainsi que les idées sociales de Saint-Simon et de Fourier trouverent la liberté nécessaire pour se développer chez nous, au travers de l’action de nombreux disciples des deux philosophes français. En 1845, Karl Marx reçut l’autorisation de résider en Belgique apres avoir signé la déclaration suivante : « Je consens sur mon honneur `a ne publier en Belgique aucun ouvrage sur la politique du jour ». C’est `a Bruxelles que fut publié le célebre Manifeste du Parti Communiste. 9.5. L’émancipation culturelle du pays Lentement, les arts et les lettres belges sortirent de l’inertie qui les avait caractérisés au XVIIIeme siecle. Les premiers peintres belges, Wappers, Gallait, Wiertz, oscillerent entre romantisme et réalisme avec plus ou moins de bonheur. Les lettres flamandes furent les premieres `a se révéler, sans doute par réflexe de survie et de défense de la langue néerlandaise, menacée et déconsidérée apres la déroute des Hollandais en 1830. De plus, au contraire des écrivains s’exprimant en français, les Flamands n’avaient aucun complexe face `a une littérature étrangere prestigieuse. Deux précurseurs, Jan Frans Willems et Jan Baptist David, ont par leur activité philologique et par la création de deux fonds, le Willemsfonds (libéral) et le Davidsfonds (catholique), contribué `a favoriser la renaissance des lettres flamandes. Ce sont les romans de Hendrik Conscience, dont son Leeuw van Vlaanderen (Le Lion des Flandres, 1838) qui eurent les premiers un véritable succes populaire. On dit de Conscience « qu’il a appris `a lire `a son peuple » (Hij leerde zijn volk lezen). Ensuite, le pretre-poete Guido Gezelle forgea pour sa poésie inspirée de la nature, de l’homme et de Dieu une langue neuve, fraîche et mélodieuse. La situation des lettres francophones était nettement moins brillante. Pendant des années, les écrivains tombent volontairement ou non dans le piege de l’imitation des Français. La bourgeoisie au pouvoir appelle `a la création d’une littérature nationale spécifique, élément de cohésion, d’identification : les auteurs vont rechercher dans le passé tout ce qui peut etre assimilé `a l’histoire de la Belgique, et idéalisé par la littérature. Mais ils puisent aussi leur inspiration chez les romantiques étrangers : Byron, Scott, Goethe, Hugo, Lamartine… en ne retenant toutefois du romantisme que la mollesse et la mélancolie, ses autres aspects étant jugés dangereux pour les mœurs…Apres le coup d’Etat de Napoléon III en France, de nombreux écrivains français s’installent `a Bruxelles, et regnent sur le milieu littéraire, influençant grandement la jeune génération.. Dans l’ensemble, les tentatives de créer une littérature nationale sont tres peu convaincantes. Aucune originalité dans le théâtre d’Edouard Wacken, applaudi par les bourgeois, qui ne se lassent pas d’entendre retentir le mot liberté. Du romantisme tres conventionnel chez Octave Pirmez, qui publie ses Jours de solitude `a la meme époque que les Fleurs du Mal de Baudelaire. Théodore Weustenraad, quant `a lui, écrit des vers `a la gloire des progres techniques et industriels du nouvel Etat (Le Remorqueur, Le Haut-Fourneau). Partout, le conformisme social et le manque d’audace littéraire freinent le véritable envol des lettres belges francophones. Il fallut attendre 1867 pour que paraissent une œuvre qui peut etre qualifiée de fondatrice : La légende et les aventures héroiques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et d’ailleurs, de Charles de Coster. 9.6. La période belge du Luxembourg : vers l’indépendance En 1831, la Belgique devient un royaume autonome. Selon la conférence de Londres, le jeune Etat belge est souverain sur le Luxembourg et le Limbourg oriental, en vertu du Traité des XVIII Articles. Mais Guillaume Ier ne signe pas le traité, et poursuit la lutte, brievement sur le plan militaire (été 1831), plus longuement sur le plan diplomatique. Il en résulte une situation confuse. La Conférence de Londres, `a nouveau réunie, propose le Traité XXIV Articles, en vertu duquel le Limbourg oriental est rendu aux Pays-Bas et la Belgique ne conserve que cinq districts luxembourgeois sur huit. Pendant longtemps, Guillaume Ier refuse de signer ce nouveau traité, mais il s’y résout en 1839. Le Luxembourg est alors divisé en deux, dont une partie reste dans le giron belge. Et l’autre retourne aux Pays-Bas. C’est donc `a ce moment que le territoire luxembourgeois prend sa forme actuelle. Amputé de sa partie germanophone, le Luxembourg devient une nation germanophone : les autochtones, entre eux, s’expriment en luxembourgeois, mais recourent `a l’allemand pour les besoins de l’administration et de la culture. Dans les élites, on continue `a utiliser le français. De 1840 `a 1849, le Luxembourg est administré par Guillaume II. Sous son regne, le pays participe `a l’Union douaniere allemande (Zollverein) gérée par la Prusse. L’abolition des barrieres douanieres entre les États allemands facilite l’accession du Luxembourg au rang de nation industrielle. Guillaume II, farouche partisan de l’indépendance du Luxembourg, défend le pays contre les tentatives d’annexion de ses puissants voisins, la France et la Confédération germanique. Durant cette période, on assiste `a la mise en place d’un État. Le pays se dote d’une administration. Une série de lois, adaptées aux mentalités et aux besoins du pays, sont élaborées : sur l’organisation communale, sur la justice (avec maintien du Code Napoléon), sur la bienfaisance publique, sur l’enseignement moyen et primaire. La vie politique s’organise autour de la charte accordée par Guillaume II aux Luxembourgeois en 1841. Cette charte est peu libérale et installe le pouvoir absolu de Guillaume II. Néanmoins, cela permet aux hommes politiques de faire leurs premieres armes en politique. En 1849 meurt prématurément Guillaume II : lui succede son fils Guillaume III qui ne partage pas du tout les conceptions libérales de son pere. En 1853, il met en place un gouvernement `a sa dévotion et, en 1856, il impose une Constitution autoritaire qui affirme fortement le principe monarchique. Mais la Chambre affirme tres clairement son attachement au modele politique libéral ; tout au long du XXeme s., le Luxembourg restera attaché `a cette conception. Une difficile collaboration s’instaure entre une Chambre récalcitrante et un pouvoir qui n’ose aller jusqu’au bout de sa politique. Lentement, on s’oriente vers une conciliation, facilitée par les événements extérieurs : la guerre austro-prussienne, qui se termine par la victoire de la Prusse (Sadowa, 1866) et entraîne la dissolution de la Confédération germanique. L’éclatement de cette Confédération paracheve le processus d’indépendance. Le Traité de Londres de 1867 affermit le statut international du Grand-duché et garantit une indépendance perpétuelle `a un Luxembourg neutre. X. Le regne de Léopold II (1865-1909) Dans les dernieres années de son regne, Léopold Ier remporte deux victoires qui seront essentielles pour l’avenir de la Belgique. En 1863, il pese de tout son poids politique sur le gouvernement libéral pour le pousser au rachat des droits néerlandais sur l’embouchure de l’Escaut. Moyennant la somme de 17 millions de florins, Anvers se libere de l’étreinte de ses voisins du Nord et peut redevenir l’un des plus grands ports européens et « l’ouverture naturelle » de la Belgique sur le monde. D’autre part, le souverain comprend vite le projet de Napoléon III de reporter la frontiere française sur le Rhin. Il alerte l’Europe, obtient des garanties pour la défense de la neutralité belge, et met tout en œuvre pour faire moderniser une fois de plus l’armée belge, faisant également passer ses effectifs de 80.000 `a 100.000 hommes. Cette prudence diplomatique et militaire permet `a la Belgique d’échapper `a la guerre de 1870. Apres trois ans de lutte contre la maladie, le roi Léopold Ier meurt au palais de Laeken en décembre 1865. Son fils aîné impressionne par sa stature et son air sévere. Il se révelera etre un souverain visionnaire, souvent mal compris de son peuple. Réformateur, colonisateur, urbaniste, diplomate avisé, Léopold II sera « un géant dans un entresol », `a l’étroit dans son royaume de Belgique. A propos de son Etat, on lui prete cette parole amere : « Petit pays, petit esprit ». 10.1. L’expansion coloniale De ses années de formation, pendant lesquelles il a beaucoup voyagé – Afrique du Nord, Indes, Asie Mineure, Extreme-Orient – Léopold II, qui a trente ans lorsqu’il monte sur le trône, s’est forgé la conviction que son pays devait « s’étendre au-del`a des mers », comme il le dit en 1860 déj`a dans un discours au Sénat. Cependant les circonstances ne laissent pas, dans un premier temps, la possibilité au souverain de réaliser ses projets. Les visées expansionnistes de Napoléon III sur la Belgique, puis la guerre de 1870, obligent le roi `a penser avant tout `a la défense de son pays et `a concentrer toute son énergie sur la diplomatie européenne… tâches malaisées car la majorité parlementaire est farouchement anti-militariste. A. De la Conférence internationale de géographie `a la Conférence de Berlin Moins pressé par les événements, Léopold II porte son regard vers l’Afrique centrale et ses vastes zones encore inexplorées. En septembre 1876, il inaugure `a Bruxelles une conférence internationale de géographie en vue de coordonner l’activité des explorateurs. Il fait valoir que la Belgique, Etat neutre, est le lieu idéal pour une telle conférence, et nie toute ambition personnelle sur le résultat des explorations… La conférence aboutit `a la création d’une Association internationale africaine, dont Léopold II assume la présidence du comité exécutif. Une mission belge part en Afrique centrale, mais le roi apprend sur ces entrefaites qu’un journaliste américain d’origine anglaise, Stanley, vient de traverser le cœur du continent noir `a la recherche du missionnaire écossais Livingstone. Lorsque Stanley rentre en Europe, il offre ses services au gouvernement britannique, mais apres six mois de démarches infructueuses, il se présente chez Léopold II, qui l’avait contacté depuis son retour. A l’issue de l’entrevue, en novembre 1878, est créé un organisme exclusivement belge, le Comité d’études du Haut-Congo, pour le compte duquel Stanley repart en Afrique. En deux campagnes, réparties sur les années 1879-1883, menées en collaboration avec l’armée belge, Stanley établit des dizaines de stations, signe des centaines de traités avec les chefs indigenes du bassin fluvial du Congo, et prend de vitesse l’explorateur français Savorgnan de Brazza, qui opere sur la rive droite du fleuve. B. Léopold II, souverain de l’Etat indépendant du Congo A l’ouverture de la Conférence de Berlin, convoquée par Bismarck en novembre 1884, Léopold II est dans la position idéale pour faire valoir ses droits. Par l’Acte général de la conférence, les représentants des 14 pays présents le reconnaissent souverain de l’Etat indépendant du Congo. En compensation, le commerce sur le fleuve est déclaré libre `a toutes les nations. Sans enthousiasme, le parlement belge, qui comprend mal les grandes ambitions du roi, accorde `a Léopold II le droit de devenir le chef de l’Etat fondé en Afrique, étant bien entendu que cette union serait « strictement personnelle » : rien ne lie l’Etat belge et le Congo. On ne connaissait alors qu’une petite partie du territoire du nouvel Etat, dont l’Acte de la Conférence de Berlin ne précisait pas les frontieres, et la véritable conquete restait `a faire. Elle s’étendit sur 10 ans, au terme desquelles les frontieres du Congo furent fixées. La colonie personnelle de Léopold II était d’une superficie 80 fois supérieure `a celle de la Belgique ! Toute la fortune de Léopold II y passa, et elle ne suffit pas : bientôt le souverain croulait sous les dettes et devenait célebre pour son avarice… Mais le roi venait de réussir l`a ou sans doute son gouvernement aurait échoué. Premierement parce qu’il aurait été difficile de faire voter au parlement les budgets nécessaires `a une telle entreprise, et ensuite parce que la Belgique se serait heurtée `a l’opposition des grandes puissances. Agissant seul, en toute liberté, sans devoir rendre de comptes `a personne, le roi avait échappé aux pressions diplomatiques et avait su jouer des ambitions contradictoires de la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. C. La lutte contre la traite des Noirs et l’organisation du nouvel État Dans les années 1890, fut lancée la lutte contre la traite des Noirs, pratiquée systématiquement par les sultans arabes depuis les années 1830. Les marchands d’esclaves vendaient au port de Zanzibar leur cargaison humaine, ramenée de razzias sanglantes `a l’intérieur du continent. La guerre menée contre les esclavagistes fut sans merci, et plusieurs officiers militaires belges directement employés par Léopold II y trouverent la mort. Les négriers une fois mis en échec, il restait `a organiser économiquement et administrativement la colonie. Des missionnaires, pour la plupart catholiques, apporterent aux indigenes « la civilisation » (on ne la concevait qu’européenne `a cette époque), et organiserent des campagnes sanitaires pour lutter contre les maladies. Une voie de chemin de fer de 400 km fut posée entre Matadi, `a l’embouchure du fleuve, et Léopoldville (actuelle Kinshasa). Mal aidé par l’État belge, Léopold II dut vivre des ressources que lui offrait le Congo meme, et appliqua un systeme d’impôt perçu sous forme de travail de la population locale. D’autre part, certains agents des compagnies commerciales implantées dans la colonie exploitaient abusivement les indigenes, ce qui provoqua une virulente campagne, nationale et internationale, dirigée contre le souverain de l’État indépendant. D. Le Congo, colonie belge A l’époque de cette campagne dirigée contre le roi, le milieu politique belge s’intéressait de plus en plus au Congo. Léopold II avait légué sa colonie personnelle par testament `a sa « patrie bien-aimée » des 1890 et le parlement avait accepté ce legs. La Belgique avait du reste fini par accorder des crédits considérables `a l’État indépendant. La campagne anti-congolaise eut des lors un effet tres différent de celui souhaité par ses inspirateurs : elle hâta la reprise du Congo par la Belgique, ce qui fut fait en 1908. Du jour au lendemain et presque sans l’avoir voulu, la Belgique devenait une puissance coloniale parmi les plus importantes. La possession du Congo eut pour effet triple de donner `a la Belgique d’importants revenus matériels, de lui assigner « une mission », celle d’améliorer le sort moral et physique de la population colonisée, et de la décomplexer par rapport `a la petitesse de son territoire national… 10.2. La politique intérieure Le pays est gouverné par les libéraux jusqu’en 1870 ; en 1870, ils sont battus par les catholiques qui restent au pouvoir jusqu’en 1878. De 1878 `a 1884, la Belgique retrouve un gouvernement libéral, auquel fait suite, de 1884 `a1904, un ministere catholique. Au cours de cette période, les discussions porterent principalement sur cinq grands problemes : la question scolaire, le probleme social, le probleme électoral, le probleme linguistique, la question militaire. A.La guerre scolaire Revenus `a la tete du gouvernement, les libéraux montrent une volonté de développer l’instruction populaire et créent un ministere de l’Instruction Publique. Des 1879, ils promulguent une loi organique[14] de l’enseignement primaire qui impose aux 2600 communes de Belgique d’ouvrir au moins une école primaire neutre et laique ou le cours de religion catholique était remplacé par un cours de morale[15]. Les éleves qui le souhaitaient pouvaient recevoir un cours de religion donné par un pretre mais en dehors des heures de classe. L’application de cette loi appelée loi « de malheur » par un journal catholique provoque alors une véritable guerre scolaire. Celle-ci est le point culminant du conflit entre libéraux et catholiques. Apres le vote de la loi, les éveques interdisent d’enseigner dans ces établissements ou d’y envoyer leurs enfants sous peine d’excommunication[16]. Par ailleurs, ils décident d’ouvrir un grand nombre d’écoles confessionnelles qui vident les écoles publiques. Des 1880, les tensions s’aggravent : le gouvernement rompt toute relation diplomatique avec le Vatican qui soutient l’épiscopat de Belgique. Le calme ne reviendra que plusieurs mois apres la victoire électorale des catholiques en 1884. Des que ceux-ci accedent au pouvoir, ils rétablissent les relations avec le Vatican et, par une nouvelle loi, ils permettent aux communes qui le désirent d’adopter une école libre (=catholique) et de supprimer l’école laique. Des centaines d’instituteurs perdent ainsi leur emploi du jour au lendemain. Catholiques et libéraux `a Bruxelles s’opposent dans des batailles de rues qui font de nombreux blessés. Quelques années apres, le cours de religion est rendu de nouveau obligatoire. B.L’essor économique Grâce au progres des machines, `a l’application de découvertes scientifiques `a l’agriculture et `a l‘industrie et grâce aux moyens de communication, la Belgique va connaître un développement foudroyant et devenir rapidement l’une des principales puissances économiques du monde. Selon un classement économique de la fin du XIXeme siecle, la Belgique occupe le deuxieme rang mondial, derriere la Grande-Bretagne, place qu’elle partage avec les Etats-Unis jusqu’en 1900. L’agriculture est surtout le fait des Flamands. Elle connaît un maximum de rendement grâce `a des méthodes (notamment l’utilisation de l’engrais chimique) et un outillage nouveau, grâce `a des encouragements divers, tels que foires, concours, expositions, création d’un ministere de l’Agriculture et d’un enseignement agricole. Ces diverses raisons font de la Belgique le pays le plus productif d’Europe. Si la Flandre développe son agriculture, la Wallonie, elle, s’attache `a développer son industrie qui connaît un essor incroyable. Plusieurs facteurs contribuent `a ce développement : tout d’abord, l’invention de la dynamo inventée par un Liégeois, Zénobe Gramme ; ensuite, le moteur `a gaz et `a pétrole créé par un Luxembourgeois, Étienne Lenoir. La production des industries commence `a devenir énorme. De nombreuses usines sont créées. Verviers (région de Liege) reste le grand centre de l’industrie lainiere qu’il était depuis quatre siecles. Les richesses minieres des bassins de la Sambre `a Charleroi et de la Meuse `a Liege favorisent le développement de la sidérurgie moderne. On crée aussi des sucreries, des brasseries… Cet essor industriel va avoir pour effet direct de stimuler l’activité commerciale. Le commerce tire profit de la multiplication des moyens de transport (automobiles, tramways électriques, locomotives) et de communication (télégraphe, téléphone[17]). Les infrastructures portuaires et ferroviaires de la Belgique sont `a la pointe de la modernité ; Anvers retrouve son rôle et son importance d’antan ; le pays est tout entier tourné vers l’extérieur et exporte un tiers de sa production industrielle. Les importations de produits étrangers vers le pays augmentent également dans des proportions impressionnantes. A cette époque « la Belgique est dans le monde et le monde est dans la Belgique ». Les grandes phases de l’expansion économique belge se situent de 1850 `a 1874 et de 1895 `a 1914. La dépression d’une vingtaine d’années met en évidence les conditions de vie déplorables de la classe ouvriere et le besoin urgent d’y remédier. C. Le probleme social Alors que les industriels sont `a la tete d’énormes fortunes, la situation du prolétariat[18] reste précaire. Des 1843, une enquete, réclamée par les Chambres, avait révélé la dureté des conditions de vie des ouvriers : journées de travail tres longues meme pour les femmes et les enfants, qui étaient obligés de travailler en raison du salaire faible (d’ailleurs souvent payé en nature[19]) rapporté par le mari, logements étroits et insalubres[20], conditions de travail déplorables et horaires trop lourds qui ne font l’objet d’aucune réglementation… L’alimentation n’était pas suffisante pour faire face `a un travail lourd : le pain de seigle était l’aliment principal et l’on n’y retouvait aucun fruit, légume ou produit laitier. L’alcoolisme sévit car, dans l’alcool, l’ouvrier tente d’oublier sa misere. Aucune loi ne protege les chômeurs, les malades, les vieillards. Des le milieu du XIXeme siecle, un mouvement ouvrier revendicatif et un courant idéologique réformateur de tendance socialiste prennent une certaine ampleur. Le mouvement ouvrier prend la forme de sociétés d’entraide légalisées en 1851. Certaines de ces mutuelles vont agir pour des objectifs professionnels comme la défense des salaires. Dans les années 1860, on voit s’ouvrir des coopérations de consommation qui doivent fournir des produits bon marché. Mais ces mesures restent, dans l’ensemble, insuffisantes. En 1885, les délégués des groupements ouvriers belges se rassemblent et fondent le P.O.B., le Parti Ouvrier Belge, qui adopte comme moyen d’action la propagande[21], la greve et l’organisation d’institutions sociales. Des 1886, des émeutes ouvrieres éclatent dans les régions de Liege et du Hainaut : l’armée ne put les disperser qu’au bout de quelques jours. Ces émeutes font comprendre aux classes politique et bourgeoise la nécessité d’une législation sociale. Léopold II lui-meme, lors de son discours du trône en 1866, avait déclaré que le devoir de la législature était de chercher `a améliorer le sort des classes les plus pauvres, et que, le principe si fécond de liberté ne pouvant suffire, il était juste que la loi entoure d’une protection plus spéciale les faibles et les malheureux. Le gouvernement va alors proposer de nombreuses réformes : interdiction du paiement du salaire en nature, réglementation du travail des femmes et des enfants, fixant `a 12 ans l’âge d’admission dans les usines, interdiction de la main-d’œuvre féminine dans les mines. L’État décide de subventionner les mutuelles qui garantissent les risques de maladie, infirmité, retraite. Comme l’adhésion `a ces mutuelles n’est pas obligatoire, certains ouvriers ne sont pas couverts. A la veille de la guerre, un projet envisage l’assurance obligatoire pour les plus démunis mais le conflit social empeche son adoption. Parallelement, on voit s’organiser un mouvement ouvrier chrétien, soutenu par le pape Léon XIII. Les défenseurs de ce mouvement constituent la jeune droite. Pour combattre l’influence du P.O.B., les démocrates chrétiens présentent aussi un programme de législation sociale et organisent des mutuelles et des coopératives. D. Le probleme électoral Pour établir l ‘égalité politique, il reste un défi `a relever : substituer au régime censitaire le suffrage universel, c’est-`a-dire, en d’autres termes, accorder le vote non plus aux citoyens bien nantis (aristocratie, bourgeoisie fonciere et industrielle), comme le stipule la Constitution, mais `a tous les citoyens. Des 1885, les socialistes du POB soutiennent les libéraux progressistes dans leurs revendications et, en 1890, le chef du gouvernement, Beernaert, se décide `a voter une réforme de la constitution. En 1893, la Chambre se prononce pour le suffrage universel plural : tous les Belges de 25 ans, de sexe masculin, peuvent désormais voter aux élections législatives mais on octroie une ou deux voix supplémentaires `a certains électeurs d’apres leurs conditions de famille, de fortune et d’instruction. Par cette réforme, le nombre d’électeurs passa, sur une population de plus de 6 millions d’habitants, de 136 000 `a 1 360 000. E. Le probleme linguistique Le Mouvement flamand acquiert sous Léopold II une grande ampleur : il devient un des facteurs les plus importants de la politique de l’époque. Ce sont surtout les catholiques flamands qui le forment : ils défendent la langue et la culture flamandes. Il faut rappeler qu’`a l’époque, le flamand n’est pas reconnu comme langue officielle de la Belgique. C’est en 1898 que la loi De Vriendt-Coremans rend au flamand son rang de langue officielle dans l’État belge tout entier. Désormais le roi doit preter serment dans les deux langues nationales, l’administration est bilingue ; les actes législatifs, les inscriptions sur les timbres et les édifices publics sont en français et en flamand. En réaction devant le Mouvement flamand, entre 1890 et 1905, on voit naître un Mouvement wallon qui, des 1898, devient anti-flamand. F.La question militaire La Belgique, forte de sa puissance coloniale et économique, comme de ses réformes sociales, n’étaient pourtant pas `a l’abri de tout danger. En 1904, Léopold II rencontra Le Kaiser Guillaume II `a Berlin. Celui-ci lui rappela la gloire des Ducs de Bourgogne, puis lui offrit la Flandre française, l’Artois et l’Ardenne. Le roi, abasourdi, comprit que Guillaume II voulait prendre sa loyauté en défaut, et lui répondit que jamais la Belgique ne s’associerait `a pareil projet. Le Kaiser, ne se contrôlant plus, menaça alors la Belgique de la puissance militaire allemande. C’est un Léopold II sous le choc qui reprit le train vers Bruxelles. Des lors, le roi s’attacha `a renforcer la défense de son pays. Il devenait nécessaire de perfectionner les voies de communication et d’instaurer le service militaire généralisé. Mais le Parti catholique, majoritaire et anti-militariste, s’opposa pendant longtemps `a cette réforme, et ce n’est qu’en 1909 qu’un Premier ministre issu de l’aile progressiste du parti, eut le courage de s’atteler `a la question de la défense nationale. La loi instaurant le service militaire obligatoire `a raison d’un fils par famille fut signée d’une main tremblante par Léopold II le 14 décembre 1909. « Le roi est content » murmura-t-il. Il mourut trois jours plus tard. 10.3. Le tournant culturel de 1880 Le regne de Léopold II correspond `a une efflorescence culturelle dans tous les domaines dans le pays. Enfin libérées de leur torpeur par l’œuvre fondatrice qu’est La légende et les aventures héroiques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et d’ailleurs, de Charles De Coster (1867), les lettres francophones font preuve de vigueur, et s’émancipent avec l’action de Camille Lemonnier, le premier écrivain belge reconnu de son vivant dans son pays et `a l’étranger, et considéré comme chef de file par les auteurs de la jeune génération, qu’il influencera grandement. Naturaliste, Lemonnier se fait connaître en France mais il ne quittera pourtant jamais la Belgique pour Paris. Restant `a Bruxelles, dirigeant des revues et collaborant `a d’autres, il joue en quelque sorte le rôle de relais entre les mondes littéraires belge et français de l’époque. Il sera affectueusement appelé « Maréchal des lettres belges » par les écrivains de son temps. Naturalisme et symbolisme, pourtant en principe opposés, s’entremelent en Belgique dans les années 1880. Les revues littéraires, dont la Jeune Belgique et l’Art Moderne jouent un rôle essentiel de catalyseur des débats d’idées, des échanges artistiques. Toute une génération d’artistes se révele et théorise son action, n’hésitant pas `a revendiquer son originalité dans le concert des lettres européennes. Le symbolisme, particulierement riche en Belgique, est représenté par de nombreux poetes : Emile Verhaeren, chantre de la Flandre, de l’Escaut, mais aussi plus tard de la modernité et du progres, Maurice Maeterlinck, prix Nobel de littérature en 1911 et chef de file du théâtre symboliste (Pelléas et Mélisande, La Princesse Maleine), Max Elskamp, Georges Rodenbach, Charles Van Lerberghe. En peinture, Félicien Rops fonde avec De Coster la revue Uylenspiegel, en 1856. Il illustrera Les Fleurs du Mal de Baudelaire, et La Légende d’Ulenspiegel de De Coster. Il laisse des œuvres sataniques et érotiques `a connotation symboliste, comme Pornokrates. Fernand Khnopff se fait, quant `a lui, peintre de la femme ange ou démon, qui prend souvent les traits de Margueritte, sa sœur, qui est aussi son modele de prédilection. Khnopff décore le plafond de la salle des mariages de l’Hôtel de ville de Saint-Gilles et réalise quelques œuvres pour la salle de musique du palais Stoclet (Bruxelles). Le climat mystérieux et hermétique de ses tableaux témoigne de son gout du fantasme et du reve. Parmi ses oeuvres, on peut citer Les Caresses et Who shall deliver me. Jean Delville, peintre, poete et théoricien fonde en 1896 le groupe l’Art idéaliste. En 1900, il publie La mission pour l’art, un ouvrage théorique. Il réalise de grandes toiles allégoriques mais son chef-d’œuvre est sans aucun doute L’Amour des Ames, une toile dans laquelle il révele son grand sens de la composition. En musique, César Franck, compositeur romantique né `a Liege et ayant pris la nationalité française, donne ses plus belles œuvres dans les années 1880, dont sa Symphonie en ré mineur et ses Variations symphoniques pour piano et orchestre. Dans le domaine de l’architecture, Victor Horta et Henry Van de Velde sont les pionniers du style Art nouveau, délaissant le néo-classicisme en vigueur `a l’époque. Les réalisations majeures de Victor Horta se caractérisent par une structure visible en acier et un plan original. Horta supervise également la décoration intérieure de ses bâtiments : sur les décorations murales, portes et cages d'escalier, il multiplie les lignes ondoyantes inspirées du monde végétal. Pour les bâtiments publics, comme la Maison du peuple (1899, détruite en 1964), le siege du Parti ouvrier belge, Horta réalise une façade de verre et d'acier considérée comme l'une des plus audacieuses de son époque. XI. Le regne Albert Ier (1909-1934) Lorsqu’il meurt en décembre 1909, Léopold II ne laisse aucun héritier mâle, et c’est son neveu, Albert, expressément formé pour monter sur le trône, qui lui succede en toute logique. Albert Ier ne ressemble guere `a son oncle, si ce n’est par la taille. Il semble tres préoccupé par les questions sociales, et considere comme inévitable `a terme l’instauration du suffrage universel. Né en 1875, il a reçu un enseignement privé avant de rejoindre l'école militaire. Dans les années qui ont précédé son regne, il a effectué, parallelement `a des études d'économie et de sciences politiques, plusieurs voyages `a l'étranger, dont un aux États-Unis et une grande tournée au Congo belge. En 1900, il a épousé Élisabeth de Baviere. 11.1. Politique intérieure : un début de regne difficile Dans les premieres années du regne d’Albert Ier, les gouvernements belges butent sur trois questions fondamentales, qui divisent les partis aussi bien que l’opinion publique : l’éternel probleme scolaire, le suffrage universel pur et simple, et enfin, la question militaire. La majorité catholique sortie des urnes en 1910 croit pouvoir régler la lutte scolaire, toujours d’actualité, en s’assurant le soutien d’une partie des socialistes et des libéraux, qu’elle espere séduire par l’instauration de l’enseignement primaire obligatoire. En contre-partie, et pour mettre `a égalité les écoles libres et officielles, le Premier ministre imagine un systeme de « bons scolaires », remis par le chef de famille `a l’école ou il place ses enfants. Les subventions des provinces et des communes seraient ensuite répartis au prorata des bons recueillis. Mais les gauches ne se laissent pas tenter par le projet, perçu comme un moyen d’avantager les écoles libres dans les communes dirigées par des libéraux et des socialistes ; l’aile conservatrice du parti catholique n’approuve pas la loi non plus… et le gouvernement tombe. Un nouveau gouvernement catholique, constitué des personnalités progressistes du parti, fort d’une plus large majorité, se consacre avant tout `a la question militaire. Le jeu des alliances européennes (France – Angleterre – Russie / Allemagne – Autriche-Hongrie – Italie), la course `a l’armement et le climat de nationalisme exacerbé sont autant de signes d’une guerre imminente. En avril 1913, le service militaire général et obligatoire est voté. En novembre de la meme année, le roi Albert a l’occasion de se rendre compte de l’opportunité de cette mesure lors d’une visite `a Berlin. A la faveur d’une rencontre diplomatique, le Kaiser Guillaume II lui tient le meme langage ouvertement menaçant qu’`a Léopold II neuf ans plus tôt, avec pour toute réponse un froid regard de désapprobation. En ce qui concerne la politique scolaire, un terrain d’entente est trouvé pour rendre l’instruction obligatoire jusqu’`a l’âge de 14 ans. Des subsides de l’Etat sont accordés aux écoles libres reconnues, et le néerlandais devient langue de l’enseignement moyen. Dans le meme temps, le parti socialiste milite en faveur du suffrage universel pur et simple, et agite les foules en ce sens. Le roi est favorable `a la mesure, et les ministres du gouvernement catholique n’y sont pas formellement opposés. On semble donc tout pres de la concrétisation, mais le 02 aout 1914, l’ultimatum allemand remet sine die toutes les questions de politique intérieure… 11.2. La Belgique précipitée dans la Premiere Guerre mondiale A. La guerre de mouvement Cet ultimatum est simple : soit les troupes belges laissent passer l’armée allemande vers la France, soit c’est la guerre. La réponse ne se fait pas attendre : le gouvernement belge ne veut pas trahir ses devoirs vis-`a-vis de l’Europe. Le 04 aout, alors que le roi Albert prononce, en tenue militaire, un discours devant les chambres réunies, les Allemands franchissent la frontiere. Disposant en théorie de 270.000 hommes, Albert Ier sait qu’il n’est pas réalisable, dans la pratique, de mobiliser sur-le-champ plus de la moitié de ses troupes. Il prend lui-meme le commandement des forces belges, interprétant la Constitution `a la lettre, comme l’avait fait avant lui Léopold Ier. Son premier but est d’arreter l’envahisseur aussi longtemps que possible, sans trop entamer les forces de son armée. Le fort de Liege résiste jusqu’au 16 aout, déconcertant les Allemands, qui projetaient une foudroyante offensive sur la France. La ligne de front recule lentement, malgré la résistance héroique des troupes belges en certains endroits. Face au demi-million d’hommes mobilisés par le Reich, Albert Ier ne veut pas prendre le risque de sacrifier inutilement son armée et de se faire couper de ses arrieres. Il fait donc replier l’armée belge sur Anvers. Au fur et `a mesure que l’armée allemande progresse, elle commet des massacres de civils et se livre `a des destructions systématiques, exprimant ainsi sa rage de ne pas pouvoir avancer plus rapidement. Alors que deux tiers de la Belgique sont envahis, l’armée se donne comme nouvel objectif de fixer un maximum de troupes allemandes, pour laisser se développer une contre-offensive franco-britannique. Le mérite de cette stratégie est de diviser les ressources de l’ennemi, qui ne progresse que tres lentement en France. Apres un mois et demi de siege, celui qu’on appelle déj`a « le roi chevalier » ou « le roi soldat » ordonne l’évacuation d’Anvers, et un repli sur l’Yser par Bruges. Lors d’une conférence `a Ostende, les 10 et 11 octobre, les Français et Britanniques demandent au roi Albert de déléguer le commandement de ses troupes `a un général et de se réfugier en Angleterre. Mais le souverain refuse : il entend partager le sort de son armée et rester `a sa tete, quel que soit son effectif. Le roi refuse toute combinaison stratégique qui imposerait un abandon du territoire belge. B. La guerre des tranchées[22] A la mi-octobre, la bataille de l’Yser s’engage. L’armée belge est réorganisée en ligne de front improvisée le long du troisieme fleuve du pays. Pendant sept jours, les Allemands se ruent sur les positions belges sans égard `a leurs pertes. Alors que les troupes ennemies avaient finalement percé les lignes belges, et se dirigeaient vers Dixmude et Nieuport, et que 12.000 hommes avaient été tués ou blessés en 9 jours, le génie civil eut l’idée d’ouvrir les écluses pour inonder la plaine de l’Yser. Les Allemands s’embourberent dans ce champ de bataille envahi par les eaux et en proie aux marées. Toute tentative d’avancée éclair était désormais vouée `a l’échec. La bataille de l’Yser était gagnée. Le front de l’Ouest stabilisé, la guerre des tranchées commençait. L’armée belge une nouvelle fois réorganisée, il lui fallut faire preuve d’un héroisme tout différent de celui des journées décisives d’aout `a octobre 1914. Une guerre d’usure, dans le froid, l’humidité, les attaques surprises et les bombardements, puis les gaz, commençait pour quatre ans. C. La situation en Belgique occupée La plus grande partie de la Belgique est occupée pendant les quatre ans de conflit. L’occupant allemand, personnalisé par le gouverneur général von Bissing, tente d’utiliser `a son profit les divisions linguistiques en établissant des administrations flamandes et wallonnes indépendantes. Ces initiatives ne trouvent aucun soutien chez des populations civiles traumatisées, l’Allemagne refusant de subvenir aux besoins alimentaires de la population belge. Un million de civils se réfugient en France. La Belgique se voit imposer des réquisitions de matiere premiere et d’écrasantes contributions de guerre. De nombreuses personnalités sont déportées, et les tribunaux allemands en envoient d’autres au poteau d’exécution. Les grands industriels comme Ernest Solvay et Emile Francqui organisent un Comité national de secours et d’alimentation, et obtiennent une aide matérielle américaine. Le sort du pays est la premiere préoccupation du roi, toujours fidele `a son poste sur le front de l’Yser, et du gouvernement, réfugié au Havre, en France. En 1916, l’occupant assujettit[23] les hommes valides au travail obligatoire en Allemagne, mais parallelement, des réseaux des milliers de jeunes gens parviennent `a fuir par la Hollande pour aller s’engager aux côtés de leurs compatriotes dans les tranchées inondées. D. Patience et fermeté menent `a la victoire Durant toute la guerre, Albert Ier refusa d’aligner totalement sa politique sur celle des alliés, qui, `a son sens, ne tenaient pas assez compte des intérets de la Belgique, alors meme que celle-ci avait été d’une loyauté indéfectible et avait grandement participé `a ralentir l’armée allemande. Le roi s’est toujours opposé avec fermeté `a toute offensive alliée `a travers la Belgique, qui aurait signifié la destruction totale du pays. De meme, il n’était pas question pour lui d’engager ses troupes dans des offensives presque certainement vouées `a l’échec, comme celles de Verdun ou de la Somme. Selon lui, mieux valait attendre que les forces allemandes s’épuisent sur les divers fronts ou elles étaient engagées. C’est ce qui finit par arriver en 1918. L’entrée des Etats-Unis dans la guerre compense largement la défection de la Russie, en pleine révolution. Depuis avril 1917, l’aide américaine, en hommes comme en matériel, grandissait de semaine en semaine, et l’état-major allemand savait qu’il devait agir vite s’il voulait emporter la victoire. L’attaque fut lancée en mars 1918, mais les Belges réussirent `a garder leurs positions sur le front de l’Yser. Ensuite fut engagée la seconde bataille de la Marne, qui permit aux Alliés de reprendre l’initiative des opérations. C’est sur cet acquis que se développa la reconquete du territoire belge, `a partir de septembre 1918. Pour l’assaut final, le roi Albert Ier avait accepté l’intégration de son armée dans le commandement unique allié, mais il était devenu le commandant du Groupe des Armées des Flandres, qui se composait de troupes belges, françaises, britanniques et américaines. Le 11 novembre 1918, comprenant qu’elle était vaincue, l’Allemagne demanda l’armistice, et évacua la partie du territoire belge qu’elle contrôlait encore. 11.3. La reconstruction, dans l’instabilité gouvernementale A la fin de la guerre, la Belgique eut du mal `a faire entendre sa voix lors des négociations du Traité de Versailles, mais elle arriva `a faire abroger sa neutralité perpétuelle et imposée, ce qui lui permit bientôt d’entrer `a la Société des Nations (SDN). Les cantons germanophones d’Eupen, Malmédy et Saint-Vith, détachés des territoires belges en 1815, furent restitués, ainsi que les documents et œuvres d’art volés par l’armée allemande. La part des indemnités de guerre accordée `a la Belgique fut fixée `a 8%, et le pays reçut aussi le mandat d’administrer les anciennes colonies allemandes du Ruanda-Urundi, en Afrique centrale. En matiere de politique intérieure, la guerre avait profondément modifié la société belge, qui en outre, était économiquement `a la dérive : infrastructures détruites, 850.000 chômeurs, 2 millions de personnes assistées. Des la signature de l’armistice, le roi convoqua les grandes personnalités du pays et les consulta sur les mesures `a prendre. Un gouvernement d’union nationale fut formé pour mettre en oeuvre toutes les réformes sociales et économiques qui s’imposaient. Une des priorités était la reconnaissance du néerlandais comme langue de l’administration, de la justice, et de l’enseignement supérieur en Flandre et `a Bruxelles. L’autre priorité était le suffrage universel pur et simple, qui fut utilisé pour les élections de novembre 1919, avant meme la réforme constitutionnelle. Les socialistes remporterent une grande victoire `a la chambre, se plaçant juste derriere le parti catholique. Lors de la réforme constitutionnelle, le suffrage féminin fut repoussé par 90 voix contre 74, mais on décida qu’une simple loi suffirait pour l’accorder. Le gouvernement d’union nationale réussit `a faire voter d’importantes lois sociales, comme la création d’une Société nationale des habitations `a bon marché, l’établissement d’une pension de vieillesse gratuite, la progressivité de la taxe sur les revenus, la journée de huit heures et la semaine de six jours. D’un point de vue économique, une union douaniere fut signée avec le Grand-Duché de Luxembourg en 1921. Mais bien vite, la vie des partis et leurs luttes reprit ses droits, et le gouvernement d’union nationale s’effondra en aout 1920. S’ensuivit une grande instabilité politique (18 gouvernements entre novembre 1918 et septembre 1939). La scene politique intérieure était d’autant plus agitée que la situation internationale était trouble. Liée par un accord militaire `a la France en 1920, la Belgique dut faire participer son armée `a l’occupation du bassin industriel de la Ruhr en 1923-1925, opération visant `a obliger l’Allemagne `a payer ses dommages de guerre, mais qui ne fut pas un succes. 11.4. De la grande prospérité `a la crise économique mondiale La restauration de l’appareil industriel belge étant achevé en 1924, le pays se trouvait en bonne position pour profiter du boom économique mondial. Entre 1925 et 1929, la production industrielle augmenta spectaculairement dans tous les secteurs. Dans le meme temps, le commerce extérieur fit un bond impressionnant, doublant de volume aussi bien pour les importations que les exportations. Le Congo belge connaissait le meme essor `a la meme époque. Le gouvernement entreprit de grands travaux publics : augmentation de la capacité du port d’Anvers, achevement du port maritime de Gand, creusement du canal Albert, pour relier Anvers `a la Meuse. Dans le domaine de l’industrie automobile, la Belgique brillait également `a cette époque. Le progres économique allait désormais de pair avec les réformes sociales, comme la loi sur les maladies professionnelles et les allocations familiales. Cette période de prospérité ne dura malheureusement que quelques années, car des 1930, la Belgique eut `a souffrir, comme toute l’Europe, des conséquences du krach boursier de l’automne 1929. Chaque pays avait mené sa politique économique selon sa propre initiative, on était partout en situation de surproduction, et rapidement, alors qu’il devenait impossible de vendre les stocks, des dizaines d’usines durent fermer, et des milliers d’ouvriers se retrouverent au chômage. Petit pays presque sans marché intérieur, la Belgique fut frappée de plein fouet par les mesures protectionnistes de ses voisins : barrieres douanieres, licences, nationalisme économique… En 1932, les exportations avaient diminué de moitié par rapport `a 1929. Les remedes économiques appliqués par l’Etat – impôts nouveaux, taxe de crise, réduction des dépenses – permirent de garder un budget équilibré mais pas vraiment de relancer l’économie. Le repli économique des pays voisins se poursuivit, doublé d’un nouvel acces de nationalisme, notamment avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne en 1933. C’est dans ce climat économique peu favorable que le roi Albert Ier mourut accidentellement, en février 1934, d’une chute d’escalade, `a Marche-les-Dames, dans la vallée de la Meuse, pres de Namur. Le roi chevalier fut enterré comme un soldat, devant un million de personnes accourues de tous les coins du pays et 15.000 combattants français venus une derniere fois saluer leur chef. 11.5. La vie culturelle pendant le regne d’Albert Ier Le roi Albert Ier, soldat, mais aussi préoccupé par les problemes sociaux, n’était pas insensibles aux questions culturelles. C’est pendant son regne que fut créé, en 1928, le FNRS, Fonds national de la recherche scientifique, et que se développa l’activité d’hommes de science, comme entre autres les médecins Jules Bordet et Albert Brachet, respectivement auteurs de recherches sur l’immunologie et l’embryologie. Les lettres flamandes s’illustrent avec le mouvement Van nu en straks, qui prend pour devise « Nous voulons etre flamands pour devenir Européens ». Les poetes de ce mouvement, comme Prosper Van Langendonck et Karel Van de Woestijne, arriverent `a un niveau universel grâce `a cette double démarche d’introspection et d’ouverture `a l’autre. Mais les romanciers ne furent pas en reste, comme le démontrent, par la richesse et la maturité de leurs œuvres, les écrivains Marnix Gijsen, Auguste Vermeylen, et Cyriel Buysse. L’Académie royale de langue et de littérature française fut fondée par un arreté royal de 1920. Libérées par l’éveil culturel de 1880, les lettres belges francophones s’épanouissaient pleinement, et ce dans tous les genres. Le roman est représenté par André Baillon, Constant Burniaux, Hubert Krains, Franz Hellens, Marie Gevers, Charles Plisnier, Albert Ayguesparse. Georges Simenon se taille une réputation mondiale avec son personnage Maigret, et au théâtre, Fernand Crommelynck et Michel De Ghelderode occupent le devant de la scene. Apres la guerre, le surréalisme connaît un développement remarquable en Belgique, notamment avec les poetes Clément Pansaers, Paul Neuhuys, Paul Nougé, Camille Goemans, et les peintres René Magritte et Paul Delvaux. Auparavant, la peinture belge était passée par l’impressionnisme, avec les œuvres de Théo Van Rysselberghe et de Rik Wouters. L’expressionnisme prend des formes différentes selon qu’il émane du génial peintre ostendais qu’est James Ensor, ou des artistes de l’école de Laethem Saint-Martin, tel Constant Permeke et Gustave de Smet. En architecture, l’art nouveau continue de s’épanouir, tandis que Joseph Poelaert donne `a la ville de Bruxelles son bâtiment le plus gigantesque : le Palais de Justice. Plus tard, le fonctionnalisme architectural prendra ses droits, avec Victor Bourgeois, qui propage en Belgique les idées du Français Le Corbusier. L’épouse du roi, Élisabeth, est grand amateur de musique. En 1937, patronné par la Fondation musicale reine Élisabeth, a lieu le premier Concours international de musique Eugene Ysaye, du nom d’un compositeur et violoniste virtuose belge. Ce concours devient, en 1950, le Concours international de musique reine Élisabeth. En 1939, la souveraine fonde la Chapelle musicale reine Élisabeth d’Argenteuil, non loin de Bruxelles. XII. Les péripéties du regne de Léopold III La mort tragique du roi Albert Ier fut certes un traumatisme pour l’ensemble des Belges, mais du point de vue politique, elle ne représenta pas une coupure : rien de fondamental ne distingue les dernieres années du regne d’Albert Ier des premieres années de son fils aîné, Léopold III, sur le trône. Léopold III, né en 1901, marié depuis 1926 `a Astrid de Suede, devient donc roi `a 33 ans. Son pere sera son éternel modele. 12 .1. Politique intérieure : les difficultés économiques provoquent des troubles politiques Alors que la Belgique est en proie `a de grandes difficultés économiques, le régime parlementaire présente des symptômes de grande fatigue, principalement par la faute des hommes politiques qui l’incarnent. De nouvelles formations politiques, extrémistes (nationalistes flamands, communistes, rexistes) s’engouffrent dans la breche du mécontentement populaire et s’attaquent aux institutions du pays. A. Économie : le temps des protectionnismes et des déséquilibres Dans ces temps de crise économique, les nations européennes ne font preuve que d’un égoisme qui ne résout rien `a long terme : l’Allemagne s’organise en autarcie, tandis que la France elle aussi tente de se suffire `a elle-meme, et que la Grande-Bretagne forme avec ses colonies un circuit fermé, dans lequel tentent de s’immiscer les Pays-Bas. Partout les barrieres douanieres se dressent, frappant cruellement la Belgique, petit pays, carrefour naturel, qui a besoin de la liberté des échanges pour se développer. Deux équipes catholiques-libérales successives tentent, en 1934-1935 une politique déflationniste (augmentation du pouvoir d'achat de la monnaie en biens et services) pour résorber la crise économique. On comprime les prix de revient, on baisse les salaires et les pensions, et le franc belge se maintient, mais au prix d’une perte en pouvoir d’achat pour la population. Parallelement, des scandales sont découverts qui melent les milieux politiques et financiers, des banques font faillite et une large partie de la presse mene une campagne en faveur de la dévaluation du franc. Vient un moment ou la population s’affole et retire ses capitaux des banques : du 21 janvier au 5 mars 1935, 500 millions de francs-or sont retirés, puis au mois de mars, l’hémorragie de capitaux prend des proportions catastrophiques : en une semaine, pres d’un milliard de francs-or s’écoulent des banques belges. Le gouvernement belge décide alors de laisser la monnaie perdre sa parité or `a l’étranger, puis démissionne. Un gouvernement d’union nationale tripartite est alors formé, avec `a sa tete l’économiste Paul Van Zeeland, professeur d’université, vice-gouverneur de la Banque Nationale, personnalité au-dessus des partis, qui en impose par son calme et ses compétences. Des le début de son mandat, le gouvernement Van Zeeland se fait attribuer les pouvoirs spéciaux pour un an. Par cette procédure, l’exécutif peut prendre des arretés royaux, légiférant ainsi avec une extreme rapidité, dans des domaines déterminés par le parlement. Le franc belge est dévalué de 28%, ce qui permet une relance de l’économie et favorise les retours de capitaux « en fuite » dans le pays, un crédit abondant et `a bon marché (4%) est organisé, le budget pour 1936 est en équilibre, le nombre de chômeurs se réduit progressivement, et les exportations reprennent. Malgré ses succes économiques, le Premier ministre, qui doit sans cesse concilier les positions opposées des libéraux et socialistes, songe vite `a quitter le pouvoir. Il est tout pres de le faire, lorsque le 7 mars 1936, le IIIeme Reich fait passer ses armées sur la rive gauche du Rhin, qui, en vertu du pacte de Locarno (1925), devait rester zone démilitarisée. Estimant la Belgique en danger, Léopold III prie Paul Van Zeeland de rester au pouvoir jusqu’aux élections, prévues fin mai 1936. B. La poussée de fievre rexiste En 1930, le secrétariat de l'Action catholique avait créé, `a Louvain, une maison d'édition appelée Christus Rex (Christ roi). La direction en était confiée `a un jeune militant, Léon Degrelle. Fortement marqué par les théories nationalistes développées en France, Degrelle fait évoluer la maison d'édition vers une activité toujours plus politique, notamment `a travers la revue Rex, mensuelle puis hebdomadaire des 1931. La rupture avec l'Église, qui le condamne de fait, intervient en 1932. Degrelle fonde ainsi un mouvement politique qui est désormais ouvert `a tous et non plus seulement aux croyants. L'ascension est rapide. Grâce `a une grande série de meetings `a travers toute la Wallonie, le Front populaire de Rex connaît un succes facile. A l'origine, la force du rexisme réside dans sa critique virulente du parlementarisme et des partis traditionnels. La propagande rexiste exploite ainsi les nombreux scandales politico-financiers qui agitent la Belgique. En outre, Degrelle soutient, en Flandre, le mouvement nationaliste flamingant avec lequel il passe une alliance. Les élections du 24 mai 1936 sont pour le rexisme, alors `a son apogée, un succes sans précédent. Le mouvement, qui dispose de plusieurs journaux, dont Le Pays réel en Wallonie et le De Nieuwe Staat en Flandre, compte 21 députés et 12 sénateurs. Au lendemain de ces élections, les partis traditionnels ont du mal `a se remettre du choc. Une nouvelle équipe dirigée par Paul Van Zeeland lance un programme social (semaine des 40 heures, loi sur les congés payés), et des commissions se penchent sur la réforme de l’Etat, les questions financieres et commerciales, dans un vaste mouvement de renouveau moral. Ce redressement intérieur, qui s’accompagne d’une grande lucidité en politique extérieure alors que les menaces de guerre se précisent, ne calme pourtant pas les élus rexistes, toujours plus extrémistes. Ce faisant, ils perdent une partie de leur électorat modéré. Le reflux du mouvement se fait sentir des l’élection législative partielle du 11 avril 1937 ou le Premier ministre, Paul Van Zeeland, soutenu par tous les partis démocratiques, est élu député de Bruxelles avec 276 000 voix, contre seulement 69 250 `a Léon Degrelle. Le déclin s'accélere. Condamné en juillet 1937 `a quatre mois de prison avec sursis pour diffamation, Léon Degrelle enregistre une sévere défaite lors des élections municipales d'octobre 1938. Le rexisme se radicalise alors. Comme certains partis français, il prônera, au lendemain de l'invasion de la Belgique par les armées allemandes, en juin 1940, la collaboration avec le Reich nazi. 12.2. Politique extérieure : la Belgique dans la Deuxieme Guerre mondiale A. Dans l’antichambre de la guerre Le traité de Versailles, signé en 1919, humiliant et économiquement tres lourd pour l’Allemagne, était dans la pratique impossible `a faire appliquer. Mais c’est pourtant en le prenant pour base que la France, aidée de la Belgique, se lance dans l’occupation du bassin industriel de la Ruhr en 1923-1925, pour obliger l’Allemagne `a payer ses dommages de guerre. Le nationalisme allemand ne s’en trouve que renforcé, et la République de Weimar (le régime politique allemand depuis 1919) s’écroulera finalement avec l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir en 1933. Parallelement, en Italie, Mussolini est au pouvoir depuis 1922, et lorsque son régime fait envahir l’Ethiopie en 1935, la SDN se montre incapable de faire respecter le droit international. En 1936, les armées allemandes prennent position sur la rive gauche du Rhin, et Franco lance la guerre qui le mettra au pouvoir en Espagne 3 ans plus tard. Enfin, sous Staline, l’URSS s’est dangereusement militarisée. Devant ces menaces de plus en plus précises, le roi Léopold III encouragea les membres de ses gouvernements de la fin des années 30 `a renforcer la défense nationale (600.000 hommes mobilisables) et `a réaffirmer une politique « d’indépendance » pour le pays sur la scene mondiale. Comprenant les inquiétudes de leur voisin, la France et la Grande-Bretagne répéterent leurs promesses d’assistance en cas d’invasion. Apres le redressement économique des années 1935-1937, ce fut une nouvelle dépression en 1938, face `a la menace hitlérienne : en cette année, le Reich envahissait l’Autriche, puis les Sudetes, sans réaction militaire des autres pays européens. Politiquement, la Belgique semblait de plus en plus ingouvernable : il y eut pas moins de 5 gouvernements entre novembre 1937 et septembre 1939. B. Le répit de la neutralité En aout 1939, tout semble joué : von Ribbentrop et Molotov signent le pacte germano-soviétique, qui libere Hitler de la menace militaire de l’URSS et lui laisse donc les mains libres pour agir. Le 1^er septembre 1939, les armées allemandes envahissent la Pologne. La France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre au Reich deux jours plus tard mais ne passent pas encore `a l’action, car elles ont un retard considérable `a combler au niveau de leur armement. La Belgique réaffirme sa neutralité dans une déclaration en 19 points, et Léopold III prie son Premier ministre Hubert Pierlot de former un gouvernement d’union nationale. Les troupes belges - 650.000 hommes ! - sont mobilisées, les ouvrages de défense sont parachevés, et le haut commandement de l’armée est en contact permanent avec les armées franco-britanniques. C. La campagne des 18 jours Le 10 mai 1940, sans déclaration de guerre, l’aviation allemande anéantit les aérodromes et bombarde les centres ferroviaires. Le ministre des Affaires étrangeres, Paul-Henri Spaak, notifie l’indignation générale `a l’ambassadeur d’Allemagne : « C’est la deuxieme fois en 25 ans que l’Allemagne commet contre la Belgique, neutre et loyale, une criminelle agression… La Belgique est résolue `a se défendre. Sa cause, qui se confond avec celle du droit, ne peut etre vaincue ». Au meme moment, le roi Léopold III, qui avait pris le commandement de l’armée, proclame : « Entre le sacrifice et le déshonneur, le Belge de 1940 n’hésite pas plus que celui de 1914 ». Répondant `a l’appel du gouvernement, les forces françaises et anglaises se portent au secours du pays. Les troupes belges livrent une bataille de position sur leurs lignes défensives, et résistent tant bien que mal `a la puissance de feu de l’ennemi. Pour une plus grande efficacité, le haut commandement belge accepte de « conformer la conduite des opérations aux instructions que lui fera parvenir le généralissime des armées alliées ». Dans la nuit du 14 au 15 mai, la position française de Sedan saute sous la pression de l’ennemi. Soixante divisions blindées allemandes s’engouffrent dans la breche, et arrivent `a gagner la Manche, encerclant ainsi les armées alliées qui combattent en Belgique et qui avaient été contraintes de reculer au fil des jours. La zone de repli, plaine vulnérable exposée aux raids de l’aviation allemande, encombrée de blessés et de réfugiés, semble devoir tomber tôt ou tard. Le 28 mai, l’armée belge capitule, le gouvernement et son chef, Hubert Pierlot, se retirent `a Londres, apres un passage par la France. Le roi Léopold III, qui tenait `a partager le sort de ses troupes, se constitua prisonnier, pour la plus grande incompréhension de ses ministres. D. L’attitude du roi pendant la guerre L’attitude du roi Léopold III pendant la guerre a été source d’incompréhension, voire de colere, pour le gouvernement et la population belge. Rétrospectivement, on peut dire que le roi commet trois erreurs principales. Tout d’abord, il tient `a rester sur le territoire belge, puis il se constitue prisonnier. Il entend ainsi rester aux côtés de ses soldats, comme l’avait fait son pere en 1914-1918. Mais la situation n’est pas la meme. Albert Ier était actif, combattant parmi ses troupes, tandis que Léopold III se met hors-jeu : prisonnier, il est de fait inutile, impuissant. De plus, le roi ne sera jamais un prisonnier parmi d’autres (ce qu’il aurait pu etre s’il avait été dans un camp avec les officiers supérieurs). Il est assigné `a résidence dans son château de Laeken, puis dans un autre château en Allemagne. Et, lui qui voulait partager le sort des militaires, il se remarie en 1941, avec une roturiere. Cet événement est tres mal vécu par les Belges, dont les familles sont le plus souvent divisées par la guerre, et qui sont privés de vie conjugale. L’opinion publique continuait également `a vouer un véritable culte `a la reine Astrid, six ans apres sa mort tragique dans un accident de voiture (1935). Deuxiemement, le roi, des la capitulation, considere que la guerre est finie, alors que pour le gouvernement, elle ne fait que commencer. Le souverain entend gérer la défaite, et veut adoucir les maux de la population. Il plaide lui-meme la cause de son peuple aupres des dirigeants nazis en novembre 1940 (il rencontre Hitler en personne), et il obtient une amélioration du ravitaillement, qui se maintient, avec des hauts et des bas, jusqu’en 1944. Léopold III considere que, la Belgique étant neutre avant le début des hostilités, elle n’a pas, apres sa défaite, `a prendre parti pour les alliés contre l’Allemagne nazie. Pour les ministres, comme pour la majorité de la population, il n’est en revanche pas question de pactiser avec l’ennemi nazi, et la lutte continue aux côtés des alliés. Enfin, le roi n’a malheureusement pas été insensible aux idées de « l’ordre nouveau » qui sont celles du régime nazi, et sont relayées par certains hommes politiques belges, dont Henri De Man, un socialiste « converti » qui est sa véritable « éminence grise » dans les mois qui suivent la défaite. Il s’en est fallu de peu pour que la Belgique ait un nouveau gouvernement, approuvé par le roi, remplaçant les ministres en exil, et qui aurait été dans la droite ligne du régime national-socialiste. E. L’occupation, la collaboration, la résistance La capitulation n’était qu’un acte militaire qui concernait exclusivement les armées encerclées en Flandre. Les troupes belges se trouvant ailleurs, et plus particulierement au Congo, continuerent la guerre. L’apport économique congolais – caoutchouc, huile, cuivre, uranium – fut d’ailleurs mis `a la disposition des Alliés. La population belge connut une nouvelle fois les affres de l’occupation allemande, et son cortege de famine, arrestations, déportations, assassinats. L’occupant, des son arrivée en Belgique, réquisitionna les vivres et le matériel industriel. Dans les derniers mois de 1940, l’organisme de charité Secours d’Hiver dut assister 1.768.000 personnes, soit un cinquieme de la population. Le Service du travail obligatoire fut instauré, et des centaines de milliers de jeunes gens furent contraints d’aller travailler en Allemagne ou en Autriche. Malgré cette occupation implacable, certains mouvements fascistes comme celui de Léon Degrelle ou les nationalistes de la Ligue nationale flamande de Staff De Clerq soutiennent l’occupant et se prononcent pour l’intégration `a l’Allemagne ; certains vont jusqu’`a intégrer les rangs de légions qui partent se battre sur le front de l’Est, contre les Soviétiques. Les Allemands font par ailleurs tout ce qu’ils peuvent pour introduire des rexistes ou nationalistes flamands dans l’administration. A l’opposé, les groupes de résistants se multipliaient avec les années, et se spécialisaient dans le sabotage, les renseignements aux Alliés, le passage de volontaires en Angleterre via la France ou l’Espagne, l’aide aux aviateurs de la RAF tombés sur le sol belge. F. Les multiples problemes de la libération Apres les échecs de la bataille aérienne d’Angleterre et de la guerre contre l’URSS, le IIIeme Reich chancelle sur le front de l’Ouest face `a la réussite des débarquements alliés. C’est bientôt la déroute, et le 8 septembre 1944, le gouvernement Pierlot rentre dans Bruxelles libérée apres plus de 4 ans d’occupation. Le roi Léopold III, toujours prisonnier des Allemands, est déclaré « dans l’impossibilité de régner » en vertu de la Constitution. Son frere, le prince Charles, est élu régent du royaume par le parlement. Le gouvernement Pierlot est remanié pour y intégrer des Belges restés au pays pendant l’occupation, dont trois communistes. Les trois tâches du gouvernement sont la répression organisée de l’incivisme (la collaboration), l’assainissement financier et la poursuite de la guerre. Improvisée sur la base d’un article du code pénal, la chasse aux inciviques prit hélas des allures de vengeance, et dépassa en tout cas la mesure d’une justice sereine, et ce sous la pression des groupes de résistants. 346.000 dossiers furent constitués, dont presque 85% se clôturerent par un non-lieu. Plus de 50.000 condamnations `a des peines de détentions furent prononcées, ainsi que 1247 condamnations `a mort, et 242 exécutions eurent réellement lieu. Léon Degrelle, chef du parti Rex, fut condamné `a mort par contumace, mais, réfugié en Espagne, il ne fut jamais arreté. 12.3. Politique intérieure d’apres-guerre : question royale et reconstruction A. La question royale Des la capitulation se posa le probleme connu sous le nom de « question royale ». Ses origines remontent au comportement du roi en 1940, mal compris, voire pas accepté par le gouvernement et la population belges, qui accusent plus ou moins ouvertement leur souverain d’avoir failli `a ses devoirs. L’opinion belge, la presse, les groupes et sous-groupes politiques sont secoués par la recherche de la « vérité » sur l’action et les intentions du roi, et lorsque Léopold III annonce son intention de rentrer en Belgique, le 15 juin 1945, le gouvernement lui oppose « le refus de prendre la responsabilité des événements qui vont inévitablement se dérouler dans le pays, des le retour du roi ». De 1945 `a 1949, sept gouvernements se succéderent sans pouvoir résoudre la question royale. Par moments, les tensions entre royalistes (principalement flamands et catholiques) et anti-royalistes (principalement wallons et socialistes) tournerent `a l’émeute. En 1949, un nouveau gouvernement, social chrétien-libéral, sorti des urnes apres les premieres élections au suffrage universel masculin et féminin, opte pour la consultation populaire. Cette consultation, organisée le 12 mars 1950, dégage une majorité de 57,7% en faveur du retour du roi. Mais `a l’analyse, il apparaît qu’elle a été acquise en Flandre (72%), alors qu’`a Bruxelles et en Wallonie, c’est le « non » qui dominait (avec 52 et 58%). Les clivages flamands/wallons, ville/campagne, et gauche/droite ont été déterminants, et la société belge apparaît divisée. Pourtant, le gouvernement invite le roi, installé en Suisse, `a rentrer `a Bruxelles. Le parti socialiste refuse de le reconnaître comme roi des Belges, les manifestations se succedent, tournent `a la bataille de rue, la greve générale est déclarée en Wallonie, les provinces de Hainaut et de Liege proclament la rébellion, et la répression fait trois morts. Ne voulant pas etre la cause d’une guerre civile, le roi Léopold III confie ses pouvoirs `a son fils aîné, Baudouin, qui reçoit le titre de Prince royal, dans la nuit du 31 juillet au 1^er aout 1950. Il annonce son intention d’abdiquer si la réconciliation nationale se fait autour de l’héritier du trône. Les trois partis nationaux encouragent cette réconciliation, et le 17 juillet 1951 a lieu la prestation de serment de Baudouin Ier. B. La reconstruction Malgré les troubles politiques, la Belgique opéra un redressement économique sans pareil parmi les Etats occupés par l’Allemagne pendant la guerre. L’économie du Congo, restée intacte, et capable de fournir des matieres premieres `a la Belgique et sur les marchés internationaux, explique en partie ce succes. A partir de 1947, la Belgique profita aussi, comme beaucoup d’Etats d’Europe occidentale, du Plan Marshall, programme américain d’assistance économique, du nom du secrétaire d’Etat qui l’avait imaginé. La Belgique et le Luxembourg obtiennent ainsi `a deux 546 millions de dollars de crédits particulierement avantageux. Bientôt, les progres économiques sont tels que la Belgique manque de main d’œuvre, et que les syndicats arrivent `a concrétiser de nombreuses revendications sociales : la rémunération du travail est indexée sur le cout de la vie, les conseils d’entreprises associent les travailleurs `a la gestion. 12.4. Une politique extérieure engagée Au lendemain de la Deuxieme Guerre mondiale, la Belgique s’engage sans hésiter dans la voie de la collaboration internationale. Le pays participe activement `a la conférence de San Francisco, qui crée l’Organisation des Nations-Unies. En 1946, une convention douaniere avec les Pays-Bas et le Luxembourg est signée. De cette entente naîtra le Benelux en 1958. Mais non contents de collaborer économiquement, les trois pays menent une politique étrangere commune, en adhérant en bloc au traité de Bruxelles (1948) et au traité de Londres (1949) qui fixent les statuts du Conseil de l’Europe, puis au pacte de l’Atlantique Nord, qui groupe les Etats-Unis, le Canada, et 10 pays d’Europe occidentale, en vue de constituer une force armée sous commandement unique. XIII. La Belgique d’apres-guerre : les regnes de Baudouin Ier et Albert II Apres un an passé en tant que prince royal, Baudouin Ier, âgé de 21 ans seulement, succede officiellement `a son pere Léopold III le 16 juin 1951. Son regne sera décisif pour la Belgique, puisqu’il verra la signature d’un pacte scolaire, l’indépendance de la colonie du Congo, le processus d’intégration européenne, et la fédéralisation du pays. 13.1. Derniers soubresauts de la guerre scolaire et signature d’un pacte En 1951, le ministre social-chrétien de l’instruction publique fait voter une loi accordant `a l’enseignement libre d’importantes subventions annuelles. L’opposition socialiste et libérale s’insurge contre ce soutien financier `a l’enseignement catholique, ainsi que contre les « commissions mixtes » créées en 1952 avec comme mission de donner leur avis sur les questions pédagogiques et les programmes `a appliquer aussi bien dans l’enseignement officiel que dans l’enseignement libre. Il s’agit aux yeux de l’opposition d’une intervention de l’Eglise dans les écoles de l’Etat. En 1954, les sociaux-chrétiens sont renvoyés dans l’opposition, et le nouveau ministre socialiste de l’instruction publique réduit les subventions de l’enseignement libre et licencie bon nombre de professeurs intérimaires catholiques travaillant dans les écoles officielles. Une nouvelle « guerre scolaire » est déclenchée. En 1955, le meme ministre dépose un projet de loi organique sur l’enseignement prévoyant que les subventions ne seront accordées aux écoles que selon leurs besoins économiques et sociaux réels. La meme loi prévoyait que les diplômés des écoles normales (pédagogiques) libres ne pourraient enseigner qu’apres la réussite d’un examen passé devant un jury composé de moitié d’enseignants de l’Etat. Pour les catholiques, c’en est trop, et un « Comité national de défense des libertés démocratiques » est créé. Toutes les structures chrétiennes du pays menent une lutte sans merci : manifestations violentes `a Bruxelles, greves dans les écoles. En 1958, les socialistes perdent les élections : la population a désavoué la politique scolaire. Le gouvernement de coalition social-chrétien et libéral a la sagesse d‘éviter une politique de représailles. Le ministre responsable réussit, en novembre 1958, `a faire signer un pacte scolaire par les représentants des trois grands partis nationaux. Le parlement accepta le pacte en votant les textes qui en faisaient une loi. Le pacte scolaire instaure la gratuité des études dans les deux réseaux (subventions de l’Etat pour les formes reconnues valables d’enseignement), il confie `a l’Etat le paiement de tous les professeurs, et il reconnaît, dans les écoles officielles, le libre choix entre la morale non confessionnelle et la religion (catholique, protestante, israélite, puis musulmane). Ces cours « philosophiques » sont obligatoires `a raison de deux heures par semaine. Le prix `a payer par le budget de l’Etat est immense, mais le pacte scolaire permet d’atténuer le vieux clivage confessionnel traditionnel en politique belge. 13.2. La décolonisation du Congo Quelques semaines apres la signature du pacte scolaire, le gouvernement se trouva contraint d’amorcer le processus de décolonisation du Congo, alors que personne en Belgique ne s’y attendait vraiment. A. Des premieres revendications `a l’indépendance En 1955, alors que montaient les revendications indépendantistes de l’Abako (Association des Bakongos), fondée cinq ans auparavant par Joseph Kasavubu, et du mouvement « Conscience africaine », créé en 1951, le roi Baudouin Ier fit un voyage triomphal au Congo (on l’appela le « bwana kitoko », « gentil blanc ») et il lança l’idée d’une communauté belgo-congolaise. Un plan fut proposé par le gouvernement belge, qui prévoyait de former les élites congolaises `a l’administration. Cependant, apres l’interdiction d’une réunion de l’Abako, des émeutes éclatent `a Léopoldville, en janvier 1959, et font 41 morts et plus de 2000 blessés. Le gouvernement belge annonce l’organisation d’élections locales, s’engageant `a conduire le pays vers l’indépendance « sans atermoiements funestes mais sans précipitation inconsidérée, dans la prospérité et la paix ». Mais les dissensions entre les formations politiques se multiplient, les unes, tel le Mouvement national congolais (MNC) dirigé par Patrice Lumumba, défendant la constitution d’un État fédéral, les autres, tel l’Abako de Joseph Kasavubu ou, poussée par les intérets miniers, la Conakat (Confédération des associations katangaises) demandant la création d’un État confédéral. Les tensions augmentent au Congo `a la fin de l’année 1959 : des conflits raciaux éclatent, les heurts violents se multiplient, ainsi que les arrestations. Une table ronde réunissant `a Bruxelles les dirigeants des partis politiques congolais, les chefs coutumiers et les représentants du gouvernement belge, en janvier et en février 1960, fixe au 30 juin de la meme année l’indépendance du Congo. La Loi fondamentale, qui est promulguée ensuite, ne tranche cependant pas la question du fédéralisme. En mai 1960, les élections donnent la victoire au MNC de Lumumba, qui cede cependant la présidence `a Kasavubu, apres la proclamation de l’indépendance, `a Léopoldville, le 30 juin 1960. B. L’indépendance dans le sang et la sécession du Katanga Des cette date, les violences se multiplient, tandis que les partis exclus du gouvernement contribuent également aux troubles et que les forces armées congolaises se révoltent. Afin de ramener le calme et de protéger les Européens toujours présents dans le pays, les forces belges demeurées sur le territoire sont renforcées par des troupes venues de Belgique. La population interprete ces opérations comme une tentative de retour de la puissance coloniale. S’ensuivent des actes de violence contre les Européens, `a Léopoldville. Le désordre s’accroît lorsque, le 11 juillet, Moise Tschombé proclame l’indépendance de sa province du Katanga avec l’appui de l’Union miniere et demande l’aide militaire belge. Répondant `a l’appel du Premier ministre Lumumba, le Conseil de sécurité des Nations unies demande le retrait des Belges et décide d’envoyer des Casques bleus rétablir l’ordre au Congo. La force de l’ONU remplace progressivement les troupes belges, mais n’intervient pas directement. Lumumba se tourne alors vers les Soviétiques. Le 5 septembre 1960, le président Kasavubu annonce qu’il destitue Lumumba, lequel dépose `a son tour Kasavubu. Cependant, l’armée congolaise dirigée par le colonel Mobutu, partisan de Kasavubu, prend le contrôle du gouvernement. Le 29 septembre, le président Kasavubu transfere son autorité `a un gouvernement provisoire dirigé par Mobutu. Lumumba est incarcéré, puis assassiné le 17 janvier 1961, dans la province du Katanga, ou il a été transféré. En janvier, le président Kasavubu forme un nouveau gouvernement provisoire composé de membres de l’ancien Parlement, les partisans de Lumumba faisant de meme `a Stanleyville. Le 21 février 1961, le Conseil de sécurité autorise l’ONU `a recourir `a la force, afin d’éviter une guerre civile au Congo. A la fin de l’année, l’armée nationale congolaise et les troupes de l’ONU lancent une attaque militaire contre celles de Tschombé. Alors qu’il négocie un cessez-le-feu entre les troupes de l’ONU et les forces katangaises, le secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, trouve la mort dans un accident d’avion, dont les circonstances n’ont jamais été élucidées. En décembre 1962, les forces de l’ONU prennent le contrôle d’Élisabethville (aujourd’hui Lubumbashi). Tschombé prend la fuite et le 15 janvier 1963, il se rend et obtient l’amnistie pour lui-meme et ses partisans. Si la sécession katangaise a pris fin, la rébellion des lumumbistes se poursuit : en aout 1964, les rebelles prennent Stanleyville (aujourd’hui Kisangani). Le gouvernement dépeche des troupes régulieres, qui, appuyées par des mercenaires européens et sud-africains, tentent de reconquérir la ville. Devant la menace des rebelles d’exécuter des otages européens, des parachutistes belges, transportés par des avions américains, sautent sur Stanleyville, qu’ils reprennent le 24 novembre. C. L’ere Mobutu A partir de 1965, le général Mobutu prend le pouvoir, ayant déposé Kasavubu, et se proclame président. En 1966, il instaure un régime autoritaire de type présidentiel, s’appuyant sur un parti unique, le Mouvement populaire de la révolution (MPR), entériné par une nouvelle Constitution l’année suivante. Les mines exploitées par des sociétés étrangeres sont nationalisées. En 1970, Mobutu, élu pour un mandat présidentiel de sept ans, lance un vaste programme d’africanisation et de « retour `a l'authenticité ». En 1971, Mobutu décide de changer le nom du pays, qui devient le Zaire. Considéré par les Occidentaux comme un allié dans la lutte contre la progression du communisme en Afrique, le président du Zaire a longtemps bénéficié de l'aide financiere des services secrets américains et du soutien de la Belgique et la France. Puis, par l'instauration d'un systeme de détournement des fonds de l'aide internationale et par le pillage systématique des richesses de son pays, il a amassé une fortune personnelle colossale, de plusieurs milliards de dollars. Mobutu tiendra toujours les renes de son pays avec une main de fer, et se maintiendra au pouvoir contre vents et marées. Au début des années 90, sous la pression de ses opposants politiques, il ouvre – en apparence seulement – le pays au multipartisme. Il sera finalement renversé par un mouvement de rébellion mené par Laurent-Désiré Kabila, en 1997. Le nouvel homme fort de Kinshasa fait alors appeler le pays République démocratique du Congo. 13.3. La longue marche vers le fédéralisme A. Le mouvement flamand Au sortir de la révolution de 1830, la population flamande s’estimait libérée du calvinisme néerlandais mais menacée par la position d’infériorité de la langue néerlandaise dans le nouvel Etat. Depuis longtemps, les bourgeois francisés de Flandre maintenaient le néerlandais `a l’état de langue populaire, sans plus, et cette situation était encore aggravée par l’existence des multiples formes dialectales de la langue. La seule langue de l’administration, de la justice, de l’enseignement, est donc dans un premier temps le français, langue de l’élite qui se maintient au pouvoir grâce au systeme du suffrage censitaire. Deux organisations contribuent `a rendre vigueur `a la langue néerlandaise : le Davisfonds et le Willemsfonds. Le Leeuw van Vlaanderen, roman de Henri Conscience joue un rôle dans la prise de conscience culturelle du peuple flamand. Les premiers objectifs culturels du mouvement flamand sont atteints sous le regne de Léopold II : création d’un théâtre flamand `a Bruxelles et `a Anvers, installation d’un opéra flamand `a Anvers et `a Gand, création d’une Académie royale de langue et littérature néerlandaise. Parallelement, le néerlandais devient, en plus du français, langue des tribunaux et de l’administration en Flandre, et langue de l’enseignement moyen. A partir des années 1890 se crée un mouvement lancé par une nouvelle bourgeoisie intellectuelle flamande, qui demande la reconnaissance du néerlandais comme langue officielle de l’Etat. La loi dite « d’équivalence » est signée par Léopold II en 1898. C’est aussi l’époque du suffrage universel plural (1893), qui enleve le monopole du pouvoir `a l’élite francophone du pays. Au cours des années qui précedent la Premiere guerre mondiale, les revendications flamandes se concentrent sur l’instauration d’un enseignement universitaire en néerlandais. Pendant la guerre de 1914-18, le gouverneur général en Belgique occupée, von Bissing, reprend sournoisement des revendications flamandes, et sépare la Belgique en deux zones linguistiques. Mais cette politique menée de l’extérieur se heurte `a la résistance des chefs du mouvement flamand. Sur le front de l’Yser, les trois quarts des soldats sont flamands, alors que les officiers sont en majeure partie francophones. Cette situation était sans effet sur la combativité et l’efficacité des troupes, mais elle fut exploitée par des activistes, qui en profiterent pour entretenir un sentiment d’injustice du côté néerlandophone. En 1919, le suffrage universel pur et simple démocratise encore un peu plus la Belgique. Dans les années 1930, de nombreuses revendications flamandes sont satisfaites, entre autres la flamandisation de l’université de Gand. En 1932, le gouvernement institue l’unilinguisme : les administrations nationales sont divisées en deux sections, l’une de langue néerlandaise, l’autre de langue française. A l’armée, il y aura désormais des unités néerlandophones et d’autres francophones. L’enseignement et l’administration locale sera unilingue : de langue française en Wallonie, de langue néerlandaise en Flandre. Le bilinguisme est instauré `a Bruxelles. B. Le mouvement wallon Le mouvement wallon n’apparaît que tardivement. Dans les premieres années de la Belgique, quelques intellectuels francophones, par romantisme, craignent la disparition des dialectes flamands sous la pression du français, mais il ne leur vient pas `a l’idée de remettre cette langue en question. En fait, le mouvement wallon s’esquisse, tout d’abord `a Bruxelles, `a partir des lois linguistiques qui tendent `a limiter l’infériorité juridique du néerlandais. Les fonctionnaires d’origine wallonne, fort nombreux, redoutent le bilinguisme. Mais la population wallonne restait indifférente aux débats linguistiques ou il était presque exclusivement question de l’usage des langues en Flandre et `a Bruxelles. Les premiers congres wallons attirent donc peu de participants. A la phase bruxelloise du mouvement succede la phase liégeoise, et en 1887, Albert Mockel, fondateur de la revue littéraire La Wallonie écrit un article dans lequel il préconise une solution fédérale « aux problemes de races et de langues en Belgique ». Mais cet article passe presque inaperçu. En 1905, le Congres wallon de Liege recueille enfin des adhésions significatives : de nombreux parlementaires et professeurs d’université sont membres du comité organisateur. Il est révélateur qu’une vingtaine de rapports présentés `a ce congres tentaient de définir l’originalité wallonne, son identité ethnique et culturelle : la Wallonie « se cherche ». Par la suite, le mouvement wallon réagit fréquemment en s’opposant aux revendications linguistiques flamandes : on craint, en Wallonie, la fin de la suprématie intellectuelle du français. Dans les années 1910, le socialiste Jules Destrée devient chef charismatique du mouvement. En 1912, il publie une Lettre au roi dans laquelle on trouve ces mots célebres « Sire, il y a en Belgique, des Wallons et des Flamands. [...] Il n’y a pas de Belges ». Face `a la montée du mouvement flamand, il y plaide la séparation administrative de la Belgique, afin de préserver l’identité wallonne, tout en craignant des revendications d’indépendance. Ce texte aura un énorme retentissement. La meme année, une Assemblée wallonne est réunie sous le signe de la défense des intérets wallons, dont l’embleme sera le coq. Destrée en est le Secrétaire général jusqu’en 1919. C. Le tournant des années 1960 La consultation populaire du 12 mars 1950 avait montré un clivage entre flamands et wallons, divisés sur la question du retour du roi Léopold III en Belgique. A l’analyse, il était apparu que le « oui » dominait en Flandre (72%), alors qu’`a Bruxelles et en Wallonie, c’est le « non » qui l’emportait (avec 52 et 58%). Ensuite, les tensions se focaliserent `a nouveau sur le différend idéologique, avec le dernier épisode de la guerre scolaire. Mais le pacte scolaire de 1958 ramena le calme entre croyants et non-croyants. Enfin, il semble que la perte du Congo, en 1960, ait privé les Belges d’une mission commune, voire d’intérets communs. En outre, depuis la fin de la Deuxieme guerre mondiale, la Wallonie est entrée dans une phase de récession : elle n’arrive pas `a réformer sa vieille économie basée sur le charbon, l’acier et le verre, les syndicats défendent pied `a pied les droits acquis des travailleurs, et les patrons manquent d’esprit d’initiative. La dénatalité, en Wallonie, fait que les Wallons ne représentent plus que 33,6% de la population belge. Au contraire, la population flamande augmente, et l’économie flamande prospere grâce `a des industries nouvelles : constructions métalliques, chimie, pétrochimie, assemblage automobile, électronique. Les entrepreneurs sont dynamiques et les investisseurs étrangers attirés par cette région qui connaît si peu de troubles sociaux. Fait paradoxal, la logique d’affrontement est lancée par une loi qui n’a pas de caractere linguistique : il s’agit de la « loi unique » de 1960, une loi instituant de nouveaux impôts et réduisant les dépenses publiques dans la sécurité sociale et l’enseignement, ce `a cause « des dépenses provoquées par les événements africains ». Le secrétaire général de la FGTB, Fédération générale du Travail de Belgique, syndicat socialiste, lance alors un mot d’ordre de greve générale, contre ce qu’il appelle la « loi inique » ( = injuste). Mais la greve n’est suivie qu’en Wallonie, ou elle prend rapidement un caractere violent, car le syndicat chrétien, majoritaire en Flandre, s’en désolidarise. Apres cet épisode, il apparaît évident que les comportements ne sont pas les memes au sud et au nord du pays, et que la solidarité entre les travailleurs flamands et wallons n’existe plus. De plus, une idée nouvelle est lancée, la revendication du « droit pour la Wallonie `a disposer d’elle-meme et de choisir les voies de son expansion économique ». Cette idée rejoint celle du parti nationaliste flamand, la Volksunie, depuis toujours en faveur du fédéralisme. Le gouvernement suivant fait voter trois lois linguistiques, qui font entre autres de Bruxelles une capitale bilingue limitée aux 19 communes, mais prévoit des « facilités » linguistiques dans les rapports avec l’administration pour 6 communes flamandes de la périphérie bruxelloise, peuplées majoritairement de francophones. Aux extrémités est et ouest du pays, les communes de Mouscron et Comines, en Flandre mais majoritairement francophones, sont rattachées `a la province du Hainaut, tandis que les communes de Fourons, en Wallonie mais habitées par une population qui parle un dialecte bas-allemand, sont rattachées au Limbourg. En outre, le régime linguistique de l’enseignement est réorganisé. Il faut ensuite, pour lancer une véritable réforme institutionnelle, une majorité spéciale de deux tiers des voix `a la Chambre et au Sénat. Tant que cette majorité n’existe pas, la réforme est retardée (on parle d’une « mise au frigo »), et les mécontentements s’amplifient. S’estimant menacés par les Flamands, des intellectuels francophones créent un parti nouveau : le FDF, Front démocratique des Bruxellois francophones. Ils s’allient au parti communautaire RW (Rassemblement Wallon). En Flandre, la Volksunie et les fondations culturelles obligent les sociaux-chrétiens flamands `a durcir leurs positions. L’occasion leur en est fournie avec l’affaire de l’Université catholique de Louvain (Leuven), dont les éveques proclament encore l’unité en 1966. Mais bientôt, les Flamands réclament, au cri de Walen buiten (les Wallons dehors) le déménagement forcé de la section francophone. Celle-ci se réinstalle sur un site vierge, dans le Brabant Wallon. Il en coutera des dizaines de milliards de francs belges. C’en est trop pour les catholiques francophones, qui prennent leurs distances avec leurs homologues flamands. En 1968, le Parti social-chrétien unitaire éclate et se « communautarise ». Ce sera le tour du Parti libéral en 1972, et ensuite du Parti socialiste en 1978. D. Les grandes étapes de la fédéralisation De plus en plus, une réforme institutionnelle et constitutionnelle semble la seule solution envisageable. La premiere étape de cette réforme aura lieu sous le gouvernement de Gaston Eyskens, en 1970 ; une majorité des deux tiers est trouvée, et la Belgique unitaire disparaît. La Constitution révisée reconnaît officiellement trois communautés : la Communauté culturelle française, la Communauté culturelle néerlandaise et la Communauté culturelle allemande, chacune avec leurs conseils, agissant par décrets dans leurs domaines de compétence (matieres culturelles, enseignement). La Constitution crée aussi trois régions, la Région flamande, la Région wallonne et la Région bruxelloise, et ébauche aussi leurs institutions. En 1974, une loi crée des conseils régionaux et définit les compétences des régions (aménagement du territoire, urbanisme, logement, politique économique régionale, politique de l’eau…) La deuxieme grande étape intervient en 1980, alors que Wilfried Martens est Premier ministre. Les compétences des communautés sont élargies aux matieres dites « personnalisables », c’est-`a-dire qui sont étroitement liées aux personnes dans leur épanouissement personnel et social. La Communauté flamande fusionne avec la Région flamande, Alors que la Communauté française reste distincte de la région wallonne. Les compétences des Régions flamande et wallonne sont précisées et étendues par rapport `a celles prévues par la loi de 1974. Les régions deviennent des entités autonomes, avec leurs propres assemblées et exécutifs. Les décrets communautaires et régionaux sont équivalents `a la loi. La troisieme étape de la révision constitutionnelle a lieu en 1988. Celle-ci attribue `a la Région de Bruxelles-Capitale un Conseil et un organe exécutif. La Région de Bruxelles-Capitale a les memes compétences que les Régions flamande et wallonne, mais elle les exerce par le biais d’ordonnances. Dans cette nouvelle version, la Belgique est déj`a, de facto, un Etat fédéral, mais la Constitution ne le dit pas. C’est au terme d’une quatrieme grande révision constitutionnelle qu’elle le deviendra officiellement, comme le proclame le premier article de la nouvelle Constitution votée en 1993 et entrée en vigueur au 1^er janvier 1995. Il n’y a plus eu de grande réforme constitutionnelle depuis. 13.4. La Belgique dans le processus d’intégration européenne Malgré des pertes humaines considérables, la Belgique se releve tres vite apres la guerre, l’infrastructure industrielle ayant été relativement épargnée. L’apport économique du Congo, l’aide américaine du plan Marshall et une politique d’intégration économique au sein de l’Europe portent rapidement leurs fruits. En effet, les années cinquante sont marquées par les efforts conjoints des dirigeants européens désireux de réaliser une union politico-économique des nations d’Europe de l’Ouest. L’idée d’une Europe unie avait été formulée des les années vingt par des diplomates et hommes politiques. Elle est reprise par ceux qui esperent ainsi empecher tout risque de guerre et redonner `a l’Europe un rôle de premier plan. En septembre 1946, dans son discours de Zurich, Winston Churchill, ancien Premier ministre britannique, lance un appel `a la création des « États-Unis d’Europe ». Cependant, des 1946, l’installation d’un climat annonçant la guerre froide, qui verra la confrontation entre le bloc occidental et le bloc soviétique, semble compromettre définitivement l’idée d’une Europe unifiée. Deux Français, Jean Monnet, commissaire général au plan, et Robert Schuman, ministre des Affaires étrangeres, relancent la construction européenne en 1950 : pour eux, l’intégration au sein d’un ensemble commun doit se faire non pas globalement, ce qui ne serait pas acceptable politiquement, mais par secteurs économiques, afin de créer, selon la célebre formule, des « solidarités de fait ». Le 9 mai 1950, Schuman suggere la création d’une autorité commune qui contrôlerait l’industrie du charbon et de l’acier en Allemagne de l’Ouest et en France. L’adhésion `a cette autorité est également ouverte `a d’autres pays d’Europe occidentale. La proposition est favorablement accueillie par le gouvernement d’Allemagne de l’Ouest, ainsi que par les gouvernements de la Belgique, de l’Italie, du Luxembourg et des Pays-Bas. Ces cinq pays, ainsi que la France, signent le traité de Paris le 18 avril 1951, et la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) entre en vigueur le 25 juillet 1952. Son siege est `a Luxembourg. Dans un meme temps, la Belgique, dans le cadre du Benelux, mis en place des 1948, consent `a de gros efforts pour supprimer progressivement les barrieres douanieres avec deux de ses voisins : les Pays-Bas et le Luxembourg. En 1954, apres le refus de la France de ratifier le traité établissant la Communauté européenne de défense (CED), le ministre belge des Affaires étrangeres, Paul Henri Spaak, est l’initiateur du second « lancement de l’Europe ». On peut véritablement dire que comme Monnet ou Schuman, Paul Henri Spaak est l'un des « peres de l'Europe ». Président de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe de 1949 `a 1951, puis de celle de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) de 1952 `a 1954, il reçoit `a la conférence de Messine de juin 1955 la présidence d'un comité chargé de faire des propositions pour relancer la construction européenne, afin de ne pas rester sur l’échec de la Communauté européenne de défense (CED). Le rapport Spaak prépare les traités de Rome, signés le 25 mars 1957 et instituant la Communauté économique européenne. Bruxelles devient le siege de l’exécutif et d’une grande partie des services administratifs de la CEE. Par ce meme traité, la Belgique adhere `a la Communauté européenne de l’énergie atomique, l’Euratom. La Belgique, petit pays par la taille et la population, a continué `a jouer un rôle moteur dans le processus de construction européenne. La culture du compromis propre au pays a de nombreuses fois permis de sortir les délégués européens de l’impasse, `a tous les niveaux. La Belgique a toujours été le porte-parole des « petits » pays de l’Europe, s’insurgeant contre toute tentative de monopole ou de détournement des institutions par les « grands ». Bruxelles, qui accueille la Commission européenne, le Conseil des ministres, ainsi que certaines sessions du Parlement, joue véritablement le rôle de capitale européenne. Histoire du Grand-Duché de Luxembourg indépendant 1.1. Le Luxembourg indépendant En 1867, `a la suite des tentatives de la France d’acheter le Luxembourg, qui provoquerent une grave crise dans les relations franco-prussiennes, le Luxembourg devint une nation souveraine dont l’indépendance fut garantie par un nouveau traité signé `a Londres, qui prévoyait une neutralité désarmée et perpétuelle du pays. En 1868, le Grand-duché, doté d’une Constitution fut completement indépendant. En 1890, `a la mort de Guillaume III, l’union personnelle du Luxembourg et des Pays-Bas prit fin ; la couronne grand-ducale revint `a Adolphe de Nassau. En 1907, son héritier, Guillaume IV, abolit la Loi salique, qui empechait les femmes de monter sur le trône. Ses deux filles, Marie-Adélaide (1912-1918) et la Grande-Duchesse Charlotte (1919-1964), purent ainsi régner, et le pays se dota alors d’une Constitution démocratique. En 1918, apres la défaite allemande, l’union douaniere du Zollverein fut dénoncée. Dans les années vingt, le Luxembourg s’orienta vers une nouvelle politique d’union économique avec ses pays voisins ; l’Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL) fut signée en 1921. Mais c’est surtout apres la Seconde Guerre mondiale que ce mouvement s’accéléra. En effet, des 1944, une premiere convention établit une union douaniere avec la Belgique et les Pays-Bas ; celle-ci fut confirmée en 1946, avant d’entrer en application en 1948. Enfin, le traité de La Haye compléta cette union le 3 février 1958 et institua le Benelux. La participation du Luxembourg dans le processus de la construction européenne s’inscrit dans la politique étrangere luxembourgeoise, faite de participation et d’ouverture, surtout apres l’abandon de la neutralité en 1948. En 1949, le Luxembourg est membre fondateur du pacte de Bruxelles et de l’OTAN. En 1952, la ville devient le siege - provisoire, dans un premier temps - de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), et ainsi la premiere capitale de l’Europe. La CECA sera `a la base d'une nouvelle période de croissance, et l'adhésion `a la CEE le point de départ d’une expansion économique et d'une hausse de l'immigration. Sur le plan intérieur, le 4 mai 1961, le prince Jean, héritier présomptif, fut proclamé gouverneur par sa mere, la Grande-Duchesse Charlotte. Celle-ci abdiqua le 12 novembre 1964 et, aussitôt apres, Jean devint Grand-Duc. Apres 1945, le Luxembourg se caractérisa par une politique consensuelle de coalition et une stabilité de la représentation parlementaire comme en témoignent les longs mandats des Premiers ministres. Pierre Werner a dirigé, de 1959 `a 1974, les gouvernements de coalition réunissant son parti, le Parti social-chrétien et le parti des Démocrates (1959-1964, 1968-1974) ou le Parti socialiste des travailleurs (1964-1968). Aux élections générales de 1974, le Parti social-chrétien perdit sa suprématie, pour la premiere fois depuis 1919. Une coalition de centre-gauche formée par les démocrates et le Parti socialiste des travailleurs arriva au pouvoir avec Gaston Thorn, un démocrate, comme Premier ministre. Werner et le Parti social-chrétien retrouverent la majorité en 1979 en constituant une coalition avec les démocrates. Ils durent imposer au pays les mesures d’austérité dictées par une récession économique durable. Werner démissionna finalement avant les élections de 1984, Jacques Santer lui succédant `a la tete du Parti social-chrétien. La réaction de l’électorat aux mesures d’austérité permit au Parti socialiste des travailleurs de progresser sensiblement aux élections de 1984. Une coalition de socio-chrétiens et de socialistes, dirigée par Jacques Santer, reprit les renes du pouvoir, malgré des majorités réduites, aux élections de juin 1989 et juin 1994. Jacques Santer fut remplacé par le chrétien-social Jean-Claude Juncker quand il devint président de la Commission européenne. 1.2. Chronologie 1867 : Le Traité de Londres fait du pays un Etat neutre 1868 : Le Luxembourg se dote d'une constitution 1890 : Mort de Guillaume III. L’union personnelle du Luxembourg et des Pays-Bas prend fin ; la couronne grand-ducale revient `a Adolphe de Nassau. 1907 : Guillaume IV abolit la Loi salique, qui empechait les femmes de monter sur le trône 1948 : Le Grand-Duché devient membre du Benelux. Abandon de la neutralité 1949 : Adhésion `a l'O.T.A.N 1952 : La ville de Luxembourg devient le siege de la C.E.C.A 1957 : Traité de Rome et adhésion du Luxembourg 1.3. Le Grand-duché de Luxembourg aujourd’hui : quelques données § Superficie : 2.600 km2 § Population : 440.000 habitants § Capitale : Luxembourg (113.000 habitants) § Structure : Etat unitaire § Régime : Monarchie constitutionnelle § Chef de l’Etat (Grand Duc) : Henri de Luxembourg (07/10/2000) § Chef du gouvernement : Jean-Claude Juncker (20/01/1995) § Année d’indépendance : 1867 § Economie : secteur I : 2,5%, secteur II : 29,9%, secteur III : 67,6% § PNB : 41.210 $ (1995) § Pays frontaliers : Belgique (nord, ouest), Allemagne (est), France (sud) 1 .4. Le systeme politique A. Le pouvoir législatif Le pouvoir législatif repose sur l'action conjointe de la Chambre des députés, du gouvernement et du Conseil d'Etat. La Chambre des députés, composée de 60 députés élus pour 5 ans au suffrage universel pur et simple et `a la proportionnelle, a pour principale fonction de voter les projets de loi. Ses membres possedent également un droit d' "initiative parlementaire" qui s'exerce par la présentation de "propositions de loi", mais qui demeure modérément utilisé. Le gouvernement a un droit d'initiative en matiere législative appelé "initiative gouvernementale", qui lui permet de présenter des "projets de loi". Apres consultation du Conseil d'Etat, les projets de loi sont soumis `a la Chambre des députés, au sein de laquelle le gouvernement dispose normalement d'une majorité. Apres le vote de la Chambre, le Grand-Duc exerce ses droits de sanction et de promulgation. La procédure législative est close par la publication du texte de loi dans le recueil de législation appelé "Mémorial", acte par lequel le texte acquiert force obligatoire. Le Conseil d'Etat est composé de 21 conseillers, formellement nommés et démissionnés par le Grand-Duc, suivant les propositions faites alternativement par le gouvernement, la Chambre des Députés et le Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat est obligatoirement appelé `a émettre son avis sur l'ensemble de la législation, c'est-`a-dire sur tous les projets et propositions de loi présentés `a la Chambre, ce préalablement au vote des députés. Son rôle est celui de persuader et non d'imposer, c’est donc un organe consultatif. B. Le pouvoir exécutif Le Grand-Duc est le chef de l'Etat. Comme dans toute monarchie constitutionnelle, son irresponsabilité politique est complete et implique la responsabilité des ministres. En effet, toute mesure prise par le Grand-Duc dans l'exercice de ses pouvoirs politiques doit etre contresignée par un membre du gouvernement, qui en assume l'entiere responsabilité. En outre, tout acte qui acquiert la signature du Grand-Duc doit au préalable avoir été soumis `a la délibération du gouvernement. Formellement, la Constitution accorde au Grand-Duc le droit d'organiser librement son gouvernement. Dans la pratique, le Grand-Duc choisit sur la base des résultats des élections l'informateur et/ou le formateur du gouvernement, qui devient en général Premier ministre. Le formateur présente au Grand-Duc l'équipe des membres du gouvernement. Le gouvernement nommé présente son programme politique devant la Chambre des Députés qui, par un vote positif, lui exprime sa confiance. Le gouvernement dispose ainsi d'une majorité au Parlement sur laquelle il peut s'appuyer. En vertu de la Constitution, le Grand-Duc a le droit de révoquer `a tout moment un membre du gouvernement, mais, en pratique, la démission d'un ministre ou du gouvernement entier est présentée par le Premier ministre. C. Le pouvoir judiciaire Les cours et tribunaux sont chargés par la Constitution d'exercer le pouvoir judiciaire. Ils sont totalement indépendants dans l'exercice de leurs fonctions. Il y a au Luxembourg deux ordres de juridictions: celles relevant de l'ordre judiciaire et celles relevant de l'ordre administratif. D. Les partis politiques Les principaux partis politiques luxembourgeois sont : PCS, Parti Chrétien Social POSL/LSAP, Parti Socialiste Ouvrier Luxembourgeois PD/DP, Parti Démocratique (Libéral) DÉI GRÉNG, Parti Vert DÉI LÉNK - La Gauche Depuis les élections du 13 juin 1999, le gouvernement luxembourgeois est composé d´une coalition entre le PCS (parti chrétien-social) et le PDL (parti démocratique). 1.5. Les divisions administratives actuelles D’un point de vue administratif, le territoire est divisé en trois districts (Luxembourg, Diekirch et Grevenmacher), 12 cantons, et 118 communes. A. Les districts Le district de Luxembourg comprend les cantons de Luxembourg, Capellen, Esch-sur-Alzette et Mersch. Le district de Diekirch comprend les cantons de Diekirch, Clervaux, Redange, Vianden et Wiltz. Le district de Grevenmacher comprend les cantons de Grevenmacher, Echternach et Remich. Il y a dans chaque district administratif un commissaire de district nommé par le Grand-Duc. Les commissaires de district sont des fonctionnaires de l'Etat, placés sous l'autorité directe du Ministere de l'Intérieur, qui ont des compétences de surveillance et sont des intermédiaires entre le gouvernement et les autorités locales. Ils veillent `a l'exécution des lois et des reglements grand-ducaux. Ils surveillent l'administration réguliere des biens et revenus des communes. Ils examinent les budgets et comptes des communes. B. Les cantons Les 12 cantons ne disposent pas d'une structure administrative propre. La division remonte `a l'époque de l'occupation française sous la Révolution française, lorsque le Luxembourg était le "Département des Forets". 1.6.Quelques grands traits spécifiques du Grand-Duché de Luxembourg Le Luxembourg est l’un des pays au monde les plus développés et se situe au deuxieme rang mondial apres la Suisse pour le niveau de vie de ses habitants. Avec un taux de croissance élevé (4,1 p. 100 en 1998 contre 3,6 p. 100 en 1997 et 2,4 p. 100 en 1996), une inflation (1,4 p. 100) et un chômage (environ 3 p. 100 de la population active en 1997-1998) faibles, un endettement public réduit et un excédent budgétaire, le Luxembourg jouit d’une excellente santé économique. Le régime fiscal luxembourgeois, plus clément que celui des pays limitrophes, assure pour une bonne part la santé économique du pays. La TVA et l’impôt sur les sociétés sont inférieurs `a la moyenne européenne. Le secteur bancaire représente environ 15 p. 100 de l’économie. L’impôt sur les dividendes du capital est moins élevé que dans les pays frontaliers. La présence d’une partie des institutions de l’Union européenne accroît également la part du secteur tertiaire. Le Luxembourg possede l’un des plus faibles taux de croissance de la population en Europe (1,26 p. 100 entre 1990 et 1995), qui entraîne un déficit chronique de main-d’œuvre, compensé par l’immigration. Ainsi, en 1995, 58 p. 100 des emplois salariés étaient détenus par des étrangers. De nombreux Belges, Français et Allemands habitant non loin du Luxembourg viennent y travailler chaque jour. Aujourd’hui, 28,6 p. 100 de la population est d’origine étrangere, en provenance surtout des pays de l’Union européenne (Portugal, France). Le Luxembourg, membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), a supprimé en 1967 le service militaire obligatoire et entretient une petite armée de 899 volontaires. Les dépenses de défense représentent 0,8 p. 100 du produit intérieur brut (PIB). La situation linguistique au Luxembourg se caractérise par la pratique et la reconnaissance de trois langues officielles : le luxembourgeois, le français et l’allemand. Le plurilinguisme du Luxembourg est issu de la coexistence de deux groupes ethniques, l’un roman et l’autre germanique. Il faut cependant noter que le luxembourgeois (« Lëtzebuergesch »), un dialecte francique-mosellan, a longtemps revetu une position subalterne. Son enseignement n’a été introduit `a l’école primaire qu’`a partir 1912. Le français reste la langue privilégiée de la législation et de l’administration, ce qui est du `a l’application du code civil napoléonien. Au niveau universitaire, le bilinguisme permet aux étudiants luxembourgeois de poursuivre les études universitaires dans tous les pays francophones, germanophones ou anglophones. L’anglais est, en effet, enseigné de maniere tres poussée `a l’école secondaire ainsi que, au choix, le latin, l’espagnol ou l’italien. Il n’y a pas d’université au Grand-Duché de Luxembourg. Le trilinguisme implique aussi une intégration plus aisée des étrangers, qui peuvent vivre au Luxembourg en parlant le français ou l’allemand. Le trilinguisme représente ainsi l’ouverture vers l’extérieur et la volonté d’accueillir l’extérieur au Luxembourg. Bibliographie Ouvrages généraux Beaufils T., Les Belges (collection Idées Reçues, Histoire 66), Paris, 2004. Bitsch M.- T., Histoire de la Belgique de l’Antiquité `a nos jours (collection Questions `a l’histoire), Bruxelles, 2004. Dorchy H., Histoire des Belges des origines `a 1991, Bruxelles, 1991. Dumont G.- H., Histoire de la Belgique, des origines `a 1830, Bruxelles, 2005. Dumont G.- H., La Belgique (Que sais-je ?, 319), Paris, 2002^3. Galloy D., Hayt F., La Belgique. Des tribus gauloises `a l’État fédéral, Bruxelles, 2001. Encyclopédie de la Belgique, dossier paru dans le journal Le Soir, Bruxelles, 2005. Morelli A. (dir.), Les grands mytes fondateurs de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, Bruxelles, 1995. Mourre M., Dictionnaire encyclopédique d’histoire, Paris, 1996. Roegiers P., La Belgique, le roman d’un pays (Découvertes Gallimard, Culture et Société, 466), s. l., 2005. Stengers J., Histoire du sentiment national en Belgique des origines `a 1918 (tome 1). Les racines de la Belgique. Jusqu’`a la révolution de 1830, Bruxelles, 2000. Id, Histoire du sentiment national en Belgique des origines `a 1918 (tome 2). Le grand dsiecle de la nationalité belge. De 1830 `a 1918, Bruxelles, 2002. Trausch G. (dir.), Histoire du Luxembourg. Le destin d’un petit pays, Toulouse, 2003. ------------------------------- [1] Séculariser : faire passer `a l'état séculier (c’est-`a-dire « qui appartient `a la vie laique (par oppos. `a ecclésiastique) ; faire passer de l'état ecclésiastique `a l'état laique. [2] Région au nord de l’Italie [3] Rétrocéder ; rendre [4] Grand four `a cuve destiné `a fondre le minerai de fer et dans lequel le combustible est en contact avec le minerai [5] Résidu solide de la carbonisation ou de la distillation de certaines houilles grasses (houille : combustible minéral de formation sédimentaire, généralement noir). [6] Qui tend `a distinguer une personne, un groupe humain des autres, `a son détriment. [7] Inscription, sur les rôles de l'armée, des jeunes gens qui ont atteint l'âge fixé par la loi pour le service militaire. [8] Ce sont des considérations militaires et non linguistiques qui expliquent le rattachement du Luxembourg `a la Confédération germanique. [9] Liberté de la presse pour les libéraux et liberté de l’enseignement pour les catholiques [10] Noir et jaune pour la Flandre et le Brabant, rouge pour le Hainaut [11] Le 21 juillet est devenu jour de fete nationale en Belgique. [12] Convention qui suspend les hostilités [13] Épidémie qui touche les animaux [14] Qui est lié `a la structure de quelque chose (ici, de l’enseignement primaire) [15] Étude du bien et du mal. [16] Excluson de l’Église catholique [17] Le téléphone fut conçu par l’Américain Graham Bell. Des 1884, le Gantois François Van Rysselberghe créa lui le premier téléphone public interurbain. Deux ans plus tard, Bruxelles put correspondre avec Paris : c’est la premiere ligne internationale. [18] Classe des prolétaires (prolétaire : personne qui exerce un métier manuel ou mécanique, qui ne possede pour vivre que la rémunération, généralement peu élevée, que lui alloue celui `a qui il vend sa force de travail). [19] Etre payé en objets et non en argent [20] Nuisible `a la santé [21] Action systématique exercée sur l’opinion publique pour l’amener `a accepter certaines idées ou doctrines [22] Tranchée : fossé allongé, creusé pour s'approcher `a couvert d'une place, dans la guerre de siege [23] Forcer, contraindre