Université T. G. Masaryk (Brno) *** Faculté de Philosophie Littérature francophone de Belgique Cours présenté par Aurélie Hanot Lectrice de la Communauté Française de Belgique Année académique 2007-2008 En Belgique, ou l’on est en quete d’identité, on se plaît `a décliner `a l’infini la littérature si indéfinissable pour les autochtones qu’elle prend pour risible vocable les intitulés officiels de littérature belge, littérature française de Belgique, Lettres belges de langue française, Lettres françaises de Belgique, littérature belge de langue française, littérature française de la Belgique, littérature nationale, littérature belge d’expression française, littérature francophone de l’écrivain belge, littérature française des écrivains de Belgique, littérature française de/en Belgique, littérature française d’expression wallonne, littérature wallonne d’écrivains francophones de Belgique, littérature francophone des auteurs wallons, littérature française régionale de Belgique, littérature française des auteurs francophones de Wallonie, littérature nationale des régions wallonnes, littérature de la francophonie belge de Wallonie, littérature wallonne en français de Belgique, littérature en français régional de Wallonie, littérature générale de la francophonie wallonne, littérature nationale du français de Wallonie, littérature wallonne de la Belgique francophone, littérature wallonne de langue française de Belgique, littérature belge d’expression française de la communauté wallonne francophone, littérature francophone de la communauté régionale wallonne de Belgique, Lettres wallonnes des écrivains belges de Belgique francophone, Lettres d’expression française en région wallonne francophone, et autres terminologies régionales de la Belgique wallonne littéraire. Sans doute, emporté dans mon élan, en ai-je inventé quelques-unes. Mais j’exagere `a peine. Et encore ! Je n’ai rien dit de la poésie. Patrick Roegiers, Le Mal du Pays, Autobiographie de la Belgique, p. 234-235. I. Introduction : Présentation du cours Objectifs : 1. savoir présenter les spécificités de la littérature francophone de Belgique 2. savoir présenter les grands mouvements de l’histoire littéraire francophone de Belgique 3. pendant le cours, nous analyserons des textes d’auteurs belges : au cours ou alors `a domicile 4. on reparlera au moment voulu de l’examen de fin de semestre 5. un livre `a lire au deuxieme semestre qui fera l’objet d’une présentation orale lors de l’examen (liste des livres encore `a définir) 1.1. La littérature belge, une littérature qui ne semble pas aller de soi Le domaine qui nous intéresse étant la littérature, on peut dire que, contrairement `a la littérature française, c’est une littérature qui ne semble pas aller de soi[1]… pour les non-Belges mais, de maniere plus étonnante, pour les Belges eux-memes ! A tel point que, «…aujourd’hui la majorité des francophones de Belgique ne possede aucune conscience d’un patrimoine littéraire qui leur serait propre[2]». De ce constat, découle la question du pourquoi ? Pourquoi une telle méconnaissance ? Et qu’est-ce que le domaine envisagé (cfr intitulé) ? Si c’est une littérature écrite en français, pourquoi ne pas l’intégrer `a la littérature française ? On a fait une espece d’équivalence entre littérature française et littérature de France. Mais qu’est-ce que la littérature française ? Celle que l’on rattache `a un pays, une langue, l’État-Nation qui s’est formé autour de la langue ? - Pays : s’il faut que l’auteur soit né en France pour que son œuvre soit considérée comme appartenant `a la littérature française, alors que dire de Rousseau qui est né `a Geneve, de Ionesco qui est roumain, de Beckett issu d’une famille protestante de Dublin ? Ils sont pourtant bien présents dans toutes les anthologies de littérature française ! Par ailleurs, il ne suffit pas qu’un auteur soit édité en France pour etre rangé parmi les représentants de la littérature française. Prenons le cas des auteurs belges comme Amélie Nothomb qui ne renie aucunement le fait qu’elle est belge (contrairement `a certains, comme ce fut le cas de Michaux). On voit que la littérature française loin d’etre une entité homogene est en fait un ensemble plus complexe qu’il n’y paraît. - Langue : faut-il qu’un écrivain soit d’expression française pour qu’il soit considéré comme auteur de la littérature française ? Pensons au nombreux écrits en latin qui furent rédigés jusqu’au XIXeme siecle et qui sont classés dans la littérature française. Prenons comme exemple les premiers poemes de Rimbaud écrits en latin, travaux scolaires mais qui sont maintenant repris dans ses œuvres completes éditées `a la Pléiade. Cet exemple montre qu’avant, on étudiait le latin au meme titre que le français. → Il faut distinguer littérature francophone et littérature française mais la limite n’est pas toujours tres claire vu que certains passent d’un domaine `a l’autre (cfr le cas Nothomb). Commençons par définir le rapport entre les domaines belges et français… 1.2. Rapport `a la France et notion d’insécurité linguistique Nous allons analyser la question du rapport de la Belgique `a la France. C’est une situation assez complexe. Premierement, en France, la littérature française est une littérature nationale, ce qui n’est pas le cas de la littérature francophone de Belgique. La langue française est la langue de tout le territoire français, pas de la Belgique. Par contre, comme nous en avons parlé plus haut, la Belgique est plurilingue. En effet coexistent deux communautés linguistiques (`a laquelle s’ajoute une petite communauté germanophone `a l’Est du pays). Une frontiere linguistique traverse le pays plus ou moins d’est en ouest : au Nord, on parle le néelandais et au sud, le français. Bruxelles s’est quant `a elle « francisée » au XVIIIeme siecle et est aujourd’hui officiellement bilingue. Mais ce n’est pas tout… A la création de la Belgique, le pays n’a qu’une seule langue officielle : le français. La constitution n’est rédigée au départ qu’en français. Il faudra attendre 1898 et la loi De Vriendt-Coremans pour que le néerlandais soit reconnu comme langue nationale… Ainsi, au XIXeme siecle, la littérature francophone de Belgique comptait essentiellement des écrivains flamands francophones : Georges Eeckhoud (né `a Anvers), Maurice Maeterlinck (né `a Gand), Émile Verhaeren (né `a Saint-Amant sur les rives de l’Escaut en amont d’Anvers)… Cela s’explique par le fait qu’`a cette époque, le français était considéré comme langue de culture. Au XXeme siecle, alors que les Flamands revendiquent leur droit du sol, l’ere de production se cantonne aux régions bruxelloise et wallonne. Deuxiemement, le rapport `a l’histoire est différent en France et en Belgique. La France s’est construite difficilement, lentement mais ces axes de construction n’ont jamais varié. Ce qui est remarquable en France, c’est la continuité dans la construction historique. Son histoire semble un développement continu aboutissant `a la France contemporaine. Elle a presque valeur de mythe. Par ailleurs, dans le dispositif idéologique, la langue et la littérature vont prendre une place de plus en plus importante. Faisons remarquer qu’en France, le pouvoir et la littérature ont un lien cosubstanciel[3]. Par contre en Belgique, le rapport `a l’histoire est beaucoup moins évident `a l’histoire La Belgique existe depuis seulement 175 ans en tant d’État indépendant. En outre, elle est née du démembrement de l’empire napoléonien en 1815. Elle semble etre un accident de l’histoire (meme si un sentiment « national » naît bien avant). Avant son indépendance, le pays a connu une évolution beaucoup moins continue (6 siecles – 6 États différents : état bourguignon, Espagne, Autriche, France, Pays-Bas, Belgique indépendante). En outre, la Belgique, avant de devenir un état `a part entiere, fut gérée par un ailleurs : le pouvoir étant toujours éloigné, la population avait du mal `a s’engager ou simplement s’intéresser aux affaires politique de leur territoire. C’est donc en quelque sorte une « histoire qui ne va pas de soi ». Cette histoire chahutée entraîne un rapport completement différent du Belge avec son histoire. Il y eut autrefois des tentatives de reproduire le modele historico-mythologique de la France (par exemple, Pirenne qui essaie de montrer que le fait belge était prévisible `a partir du Moyen Âge). Aujourd’hui (`a la faveur de la construction européenne et de la méfiance par rapport aux nationalismes), le cours d’histoire en Belgique se nourrit d’histoire mondiale et européenne, ce qui conduit `a une certaine méconnaissance des événements contemporains en particulier. Quelques reperes de l’histoire de Belgique (avant 1830)… Il est utile de les donner car les premiers auteurs de Belgique ont pu considérer cette histoire comme leur patrimoine. Cfr feuilles annexes M. Quaghebeur fait une analyse assez fine des conséquences de la façon dont le soulevement qui est `a l’origine de l’indépendance de la Belgique eut lieu[4]. Si le caractere collectif du soulevement de 1830 est indéniable, nous dit M. Quaghebeur, il n’en est pas moins vrai que ce dernier n’est pas devenu support de la conscience collective belge (`a la maniere de la Révolution Française, par exemple). Il n’a pas effacé pas non plus les différences de mentalités et de sensibilités qui caractérisent les territoires appelés `a former la Belgique. Par la rapidité et la facilité par laquelle la révolte de 1830 mené le pays `a l’indépendance, elle ne peut se comparer aux longues luttes de libération nationale qui font tant pour la cohésion d’un groupe humain en le dotant sur le plan de la mémoire collective d’une saga héroique basée sur le sang. Ce qui est tout l’inverse de la Révolution française dont l’inconscient collectif français est plein… Par ailleurs, cent septante-cinq ans d’histoire nationale est une durée dérisoire pour la constitution de cadres capables de modeler une nation. C’est dans ses Balises pour l’histoire de nos lettres (1982) que Marc Quaghebeur a cherché `a mettre en avant une série de constantes, tant du point de vue stylistiques que thématiques, de nos lettres : l’irrégularité linguistique, le déni de l’Histoire, le marquage négatif de l’identité, toujours présente en creux, etc. La littérature belge est enfin vue comme un ensemble distinctif, témoin d’une histoire singuliere dont la spécificité peut se lire dans les textes. Il caractérise cette culture du refus de l’histoire qui impregne la mentalité du Belge : c’est la « déshistoire » qui désigne ce rapport toujours médiatisé au réel par différentes mythologies (dont celle de l’idolâtrie francophile) qui empeche le citoyen francophone d’agir avec efficacité sur le réel et de prendre son destin en main. C’est aussi la notion liée de « déni de soi », qui est ce refoulement – quasi d’ordre psychanalytique – de la question identitaire, et ce du fait que le peuple belge ne peut pas considérer son histoire comme « naturelle » pour les raisons que nous venons de voir. L’inconvénient est que ce refus d’etre enfin soi-meme a rendu pendant longtemps impossible une réflexion sérieuse sur la nature profonde de l’activité littéraire en Belgique francophone et de son histoire. Troisiemement, le rapport `a la langue est totalement différent. Les Français s’expriment dans une langue unique, meme s’il existe des variations régionales. On peut dire qu’il y a un rapport naturel `a la langue. En Belgique, pays reconnaissant trois langues nationales – le français, le flamand et l’allemand (cfr les communautés), le rapport `a la langue est surtout marqué par un malaise, par une insécurité linguistique[5] due `a une distorsion entre la représentation que le locuteur se fait de la norme linguistique et celle qu’il a de ses propres productions[6]. Document : extrait de Francard M., Le français en Wallonie in Blampain D., Goosse A., Klinkenberg J.-M., Wilmet M., Le français en Belgique, Bruxelles, 1999, pp. 232-236[7]. Ce malaise par rapport `a la langue se manifeste également par une production importante de métadiscours c’est-`a-dire de discours prenant pour objet la langue. Ainsi on remarque en Belgique la publication d’un grand nombre de grammaires, qui avaient surtout pour but de répondre `a l’angoisse « est-ce que cette tournure est bien française ? » Il est intéressant de noter la publication de l’ouvrage de Hanse appelé Chasse aux belgicismes qui officialise le combat des hommes de Lettres d’une époque contre ces « horribles » belgicismes… Qu’est-ce qu’un belgicisme ? On pourrait définir le belgicisme comme étant du « français de Belgique » s’écartant de la « norme française » (c’est-`a-dire parisienne). Il faut quand meme nuancer cette définition : en l’absence de frontieres naturelles (montagnes, rivieres), les populations des régions du Nord de la France et du sud de la Belgique ont de nombreux contacts entre elles et partagent donc certains écarts par rapport `a la norme parisienne. Néanmoins, la partie francophone belge subit les influences des autres langues nationales, flamand, allemand et des langues vernaculaires (picard, wallon, gaumais, champenois). Les Belges eux-memes ont souvent l’idée que, pour pouvoir prétendre ‘bien parler français’, il faut éradiquer les belgicismes de leur vocabulaire[8]. Meme si le Robert a intégré ces mots en son sein, la majorité des Belges estiment que c’est une « faute » de les utiliser. Dans le cadre de l’histoire littéraire, on va voir apparaître trois types de réaction au cours de l’histoire littéraire en raison de cette insécurité linguistique : 1) la compensation par recherche d’une particularité distinctive : langage quasi baroque, emploi important d’archaismes ou de néologismes E.g. style « macaque flamboyant » : nom donné par Giraud au style qu’emprunterent quelques écrivains du XIXeme siecle[9] 2) l’hypercorrectisme : allégeance envers le modele parisien niant toute particularité distinctive, français tres épuré, et meme trop épuré (au-del`a de la norme), parfois accompagné d’un sentiment d’infériorité. Document : A. Curvers, Tempo di Roma (Espace Nord 129), Bruxelles, 1991, p. 336-337 : cet extrait de Tempo di Roma, roman écrit par Alexis Curvers[10] en 1957 illustre cet engouement pour le français de France qui sonne tellement mieux aux oreilles du narrateur. 3) le troisieme type réaction est un moyen terme : langue subtilement poussée aux limites de la correction apprente afin d’y faire entendre ce qu’elle ne prétend pas dire ou ne permet pas d’atteindre. Ces trois attitudes correspondent aux trois phases de développement des lettres belges de langue française. 1.3. Une littérature de périphérie La littérature francophone de Belgique se trouve dans l’ere culturelle de la France et est perçue comme une littérature de périphérie. Qu’appelle-t-on une littérature de périphérie ? → selon la théorie développée surtout par Benoît Denis et Jean-Marie Klinkenberg, la production littéraire est organisée autour d’une série de grands ensembles littéraires souvent qualifiés de nationaux, linguistiquement homogenes et sociologiquement autonomes : littérature française, anglaise, allemande, espagnole, italienne… Ces grands ensembles constituent des systemes constitués autour d’un ou plusieurs centres. Le summum de cette centralisation a été atteint en France ou Paris accueille la quasi totalité des institutions régissant la vie littéraire, culturelle et intellectuelle, alors qu’ailleurs, on peut dégager plusieurs centres pour un grand domaine littéraire : Barcelone/Madrid en Espagne, Milan/Rome/Bologne en Italie… La sphere d’influence de ces grands ensembles centralisés s ‘étend bien souvent au-del`a des frontieres politiques et peuvent parfois correspondre `a des aires linguistiques. Ainsi, pour le français, il s’agit de la France, la Belgique romane et la Suisse romande …[11] On l’a bien compris : la Belgique fait partie de la sphere d’influence de la France qui se caractérise par une forte centralisation. Le centre, c’est Paris. Les institutions dont dépend la vie culturelle et notamment littéraire sont `a Paris : maisons d’édition, instances de légitimation et consécration (Académie française, prix Goncourt…). Il y aurait donc une littérature `a deux vitesses : celle du centre (littérature de France) et celle de la périphérie (la littérature francophone belge). Bien sur, un écrivain de la périphérie sera plus vite reconnu s’il est au centre qu’`a la périphérie. Cette réalité va entraîner plusieurs conséquences pour la littérature de périphérie (et donc pour la littérature francophone belge)[12]. Au niveau des maisons d’édition, tout d’abord[13] : elles se spécialiseront d’abord dans la contrefaçon car aucune législation en ce qui concerne les droits d’auteur n’existe. Par ailleurs, il n’y a pas, pour elles, d’intéret `a éditer les auteurs belges. [Quaghebeur] Au moment de l’indépendance, la Belgique en matiere d’édition est le paradis de la contrefaçon. On y imprime donc `a grand tirage et `a bas prix des livres qui sont par ailleurs édités en France. Lire également le témoignage d’Honoré de Balzac `a propos du piratage de ses œuvres par les éditeurs belges : « J’ai trente ans, plus de 200 000 francs de dettes. La Belgique a le million que je n’ai pas… » (Lettre `a Madame Hanska, s.d.) A partir de 1852, le phénomene se transforme tout en se poursuivant : la Belgique s’attache `a la publication de textes interdits par la censure impériale française. E.g. Victor Hugo, Les Misérables Ensuite, les maisons d’édition se spécialiseront dans la littérature `a grand tirage c’est-`a-dire d’ouvrages se consacrant `a des domaines trop restreints ou pas assez prestigieux pour que Paris s’y intéresse vraiment.: la BD (Casterman, Dupuis…), les livres religieux (Desclée de Brouwer), les grammaires… Pour les auteurs, deux solutions se présentent : il faut « monter `a Paris » - attitude qui s’accompagne souvent d’une attitude de hypercorrectisme, suivisme – ou réaliser quelque chose de différent par rapport `a ce qui se fait dans le centre – on arrive alors dans une attitude de reconversion, compensation Ce rapport entre le centre et la périphérie n’est pas donné une fois pour toutes. Il dépend de deux types de forces : centrifuge et centripete[14]. Les forces centripetes tendent `a attirer la littérature périphérique vers le centre, le terme possible étant l’assimilation. Les forces centrifuges tendent `a éloigner la littérature périphérique du centre, le terme possible étant l’indépendance. On parle alors de littérature émergente. Jean-Marie Klinkenberg, et Benoît Denis distinguent trois phases d’une histoire dominée par les rapports `a son voisin français et son champ littéraire : 1. 1830-1918 : période « centrifuge »/« these ». Cette phase se caractérise par la volonté de construire une littérature nationale distincte de celle de la France. La notion de « l’âme belge » est définie par Edmond Picard : c’est le mélange de tempéraments latin et germanique qui se rencontrent sur son territoire. La Belgique se distinguerait donc par une « nordicité » qui imprégnerait toute la production littéraire. Cela conduira `a une survalorisation paradoxale de la composante culturelle flamande du pays, sans cesse convoquée comme définitoire d’une identité belge qui ne trouve pourtant son expression légitime qu’en français. 2. 1918-1960 environ : période « centripete »/« antithese ». Sous la pression des revendications politiques et culturelles flamandes, la façade unitaire du pays va s’effriter de plus en plus ; la Belgique est désormais divisée en deux communautés linguistiques et le mythe nordique vole désormais en éclat (accentué par la tragédie de la 1^ere GM). Sans le secours de l’âme belge, les écrivains se tournent alors vers Paris et la France, source de leur identité culturelle et littéraire. La littérature belge devient alors partie intégrante du domaine français comme l’affirme le Manifeste du Groupe du Lundi en 1937, le texte le plus représentatif de cette tendance. 3. Fin des années ’60/ « synthese » ? Le processus de fédéralisation est en marche ; les francophones recherchent des institutions politiques capables de leur faire prendre leur avenir en main ; retour des préoccupations identitaires. Cette situation ne se traduit pas en littérature par un repli sur soi mais génere une attitude mixte, dialectique, ou l’on retrouve des traits des deux phases précédentes : le marquage identitaire, formulé la plupart du temps sous une forme interrogative, n’exclut pas la volonté d’insertion dans l’espace français, lui-meme plus ouvert `a l’altérité culturelle. 1.4. La définition du corpus francophone belge Pour ce qui est de nos lettres, comment définir la littérature francophone belge ? Quelle est la cohérence du corpus, ses caractéristiques qui en font une littérature `a part entiere ? A quand fait-on remonter l’origine ? Quel territoire est recouvert par cette dénomination ? Ces questionnements sont fondamentaux pour déterminer une littérature et d’autant plus que les trois éléments clés qui sont censés affirmer un ensemble littéraire (la nation, la langue, la littérature) sont justement problématique en Belgique et suscitent des questions. Premierement, l’intitulé de la matiere pose probleme. Pour ce qui est de la littérature française, la question ne se pose pas : l’appellation est claire et non ambiguë. Pour notre littérature,la situation est de nouveau plus complexe. En effet, que devient une littérature belge dans un état fédéral ? Doit-on considérer une seule littérature belge qui se décline en deux langues ou bien a-t-on deux littératures distinctes ? Pourquoi, dans ce cas, encore conserver le nom de « belge » ? On ne trouve donc aucun corpus qui fasse consensus : plusieurs intitulés coexistent : - littérature belge : intitulé trop large car il y a deux langues en Belgique ; - littérature française de Belgique : « française » peut amener `a confusion ; - littérature belge de langue française : appellation peu économique ; - littérature wallonne : le terme dans son acception usuelle renvoie aux dialectes ; - littérature belge francophone[15]. L’ensemble apparaît en tout cas nettement comme un « objet construit »^[16]. Le choix de l’une ou l’autre appellation n’est jamais anodine… Remarquons que bien souvent les ouvrages consacrés `a la littérature francophone de Belgique comportent en introduction ne fut-ce qu’une allusion `a l’appellation de la littérature. Deuxiemement, la difficulté se pose de déterminer les débuts et l’étendue du domaine[17]. Si les débuts de la littérature française sont repérables (880 : Cantilene de Sainte Eulalie[18]) et que, par la suite, la littérature française semble connaître une évolution continue, pour ce qui est de la littérature belge, la situation est moins claire. On peut définir la matiere de différentes façons, mais chaque fois de façon insatisfaisantes : § Définition géographique = littérature belge englobe toute œuvre qui fut produite sur les territoires qui formeront des 1830 l’entité Belgique. C’est la conception du livre publié par Hanse et Charlier[19] dont les 2/3 sont consacrés `a des auteurs d’avant 1830 en commençant avec des chroniqueurs médiévaux de nos régions (« aux environs de l’an 1200 »), alors que la Belgique n’existe pas encore. Le tout est donc `a la maniere des grandes syntheses historiques consacrées `a la littérature de France. Elle passe sous silence le travail littéraire des avants-gardes (apres ’14). Dans cette logique, si César avait parlé d’un Gaulois de Belgique qui aurait écrit quelque chose, on le considérerait comme un auteur belge… La littérature belge n’apparaît ici que comme une segmentation régionale de l’ensemble français, segmentation plus nette que d’autres du fait de la contingence historique qui a produit un Etat belge indépendant, `a la différence des régions restées françaises comme la Bretagne, la Corse, la Pays Basque, etc. § Définition politico-historique = la littérature belge commence en 1830 en meme temps que l’État belge ; la nationalité prévaut pour devenir un auteur belge. C’est un critere artificiel et arbitraire mais qui est souvent retenu… MAIS !!! Comme le disent Benoît Denis et Jean-Marie Klinkenberg[20], s’il est difficile d’envisager l’existence d’un corpus littéraire « belge » continu et cohérent avant la création de l’État, il convient de considérer avec nuance la question des origines. Primo, il faut se méfier de la « mythologie des commencements absolus » : vouloir assigner un début précis `a la littérature belge releve de la gageüre dans la mesure ou l’on a affaire ici `a un processus cumulatif de longue durée. Ceci interdit donc que l’on identifie un moment fondateur et que l’on perçoive une solution de continuité nette au sein du corpus littéraire produit sur les territoires qui formeront la Belgique. En ce sens, meme la date de l’indépendance politique du pays s’avere un critere insatisfaisant s’il est utilisé pour dater le début d’une littérature définie comme belge. En effet, des la période de 1815-1830, apparaissent des textes portant des marques identitaires que l’on peut qualifier de « belges ». Ainsi l’oeuvre d’Henri Moke[21] qui, dans son œuvre Le Gueux de Mer (1827), nous décrit la Begique sous le duc d’Albe et invente le mythe du XVIeme s. qui connaîtra un certain succes dans la littérature francophone belge. Par contre, toujours selon les memes auteurs, il serait intéressant de prendre en considération des structures extra-littéraires (telles des structures de sociabilité, des traditions pédagogiques) qui auraient pu favoriser l’apparition de dispositions durables parmi les littérateurs. E.g. examiner l’influence sur le rapport `a la langue littéraire qu’ont pu exercer certaines institutions[22]. Dans la meme perspective, on pourrait se demander dans quelle mesure le fait que de grandes villes commerçantes flamandes aient voulu étudier le français afin de favoriser les échanges économiques a influencé l’émergence précoce d’une tradition grammaticale qui s’est maintenue jusqu’`a nos jours. Dans ce cas de figure, il s’agit moins d’affirmer l’existence d’une littérature belge antérieure `a la création de l’État que d’envisager sur la longue durée certaines particularités des conditions d’écriture en Belgique. I. Les débuts d’une littérature 1.1. Contexte historique et social On l’a vu, c’est en 1830 que la Belgique a gagné son indépendance apres une révolution contre les occupants hollandais qui se sont vite déclarés vaincus. Le 4 octobre un gouvernement provisoire déclare l’indépendance de la Belgique. Au niveau international, c’est en 1831 que la conférence de Londres reconnaît l’indépendance du pays et déclare sa neutralité (Belgique neutre). De par la Constitution, la Belgique est une monarchie constitutionnelle. La couronne va revenir `a Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, un prince allemand vivant en Angleterre (toutes les sensibilités sont sauves). Il prete serment le 21 juillet 1831 et prend le nom de Léopold Ier. Trois questions vont rapidement animer les débats politiques du jeune État[23] : § la question scolaire (qui sera en fait une question politico-religieuse) : affrontement entre les partisans d’un enseignement laic et les défenseurs d’une école cléricale. En fait, cet affrontement ne se cantonne pas `a l’enseignement : c’est aussi un débat au niveau politique. La phase d’unionisme laisse place rapidement `a une opposition entre catholiques et libéraux. Pour preuve, la création de l’université de Louvain en 1834 par les catholiques en réponse `a la création de l’université libérale. § la question ouvriere : le territoire belge a connu des 1850 un développement industriel important. Celui-ci a évidemment entraîné l’apparition dans les villes d’un prolétariat ouvrier venu des campagnes. Le contraste si fort qui existe entre la prospérité de la bourgeoisie et la pauvreté du peuple va etre le déclencheur d’un débat social qui débouchera sur une législation sociale ( fin du XIXeme s.) Par ailleurs, `a la moitié du XIXeme s., se déclenche une grande crise économique en Flandre (encore essentiellement rurale) : beaucoup de Flamands sont refoulés vers le sud. Cet exode est ressenti par beaucoup comme une humiliation qui s’ajoute `a la question linguistique. § la question linguistique Le français est devenu langue officielle du jeune État. On se souvient que la francisation massive de nos régions avait débuté des 1750, sous la domination française. Ce phénomene va s’amplifier. Comme celle du sud, la bourgeoisie du nord va se tourner vers la langue française. Les dialectes utilisés par le peuple, qu’ils soient flamands ou wallons, sont marginalisés. La question des langues va se manifester assez tôt. Dans le courant des années 1840, va apparaître une demande de reconnaissance culturelle flamande (qui s’exprime `a travers le roman de H. Conscience, De Leeuw van Vlaanderen). C’est seulement en 1898 que le flamand sera reconnu comme langue officielle de la Belgique. 1.2. Les éléments constitutifs d’une identité nationale. Malgré ces débats, des la naissance de la Belgique, dans les milieux littéraires, on va voir apparaître un discours sur l’identité nationale, soutenu par la classe dirigeante bien sur. Lecture de La Nation belge, modele européen par Edmond Picard[24] Tout d’abord, il faut faire voir le peuple belge et sa culture au cours de l’Histoire. A l’heure des romantismes nationaux (France, Allemagne…), c’est au cœur de la mémoire historique que l’imaginaire littéraire belge et une bonne part des études historiques nationales se plongent pour en tirer un des mythes de la constitution de soi. Cela se passe apres la révolution de septembre 1830. Ainsi, tres vite va se forger un mythe du XVIeme s. qui véhicule `a la fois des idéaux de liberté et d’ancrage populaire et, également, qui va fonctionner selon une logique manichéenne. Ce mythe apparaît au XIXeme siecle, avant meme la création de la Belgique, ce qui montre bien que cette indépendance se préparait et qu’il y eut bien une révolution nationale dont les Puissances finirent par s’accommoder – ce qui est tout autre chose qu’un pays né de la volonté des Puissances. Il y eut bel et bien une forme de siecle d’or qui va en gros de 1440 `a 1585 mais cette période est largement idéalisée et fantasmée par plusieurs générations de romanciers belges. Quels sont les éléments constitutifs du mythe ? Le XVIeme siecle est le siecle d’or des anciens Pays-Bas : c’est un pays d’abondance[25], tres peuplé, de grand développement économique, social et artistique. Sous le vocable de Gueux[26], le mythe fait émerger la figure du Belge : c’est un révolté intrépide et intraitable ; il a une âme noble et généreuse ; il est dépourvu de moyens de répression et est soucieux de la liberté des siens. En face de lui, de « méchants étrangers » (toujours présents dans les mythes nationaux) contre lesquels se soulevent un peuple vont mettre ce paradis terrestre `a mal. L’objet de haine n’est autre que Philippe II, prince sous le regne duquel aura lieu la partition des anciens Pays-Bas, et son second, le duc d’Albe. Philippe II (1527-1598), fils de ce grand souverain que fut Charles Quint, né qui plus est `a Gand (de langue maternelle française donc), ne comprend rien `a la mentalité de ce pays qui cherche `a vivre libre et heureux. Il fut donc toujours étranger et brutal, `a la différence de son pere[27]. Rappelons que Charles avait songé de faire de Guillaume de Nassau (fils adoptif) le dépositaire des Pays-Bas (qui devaient rester unis malgré les successions héréditaires), résolution contre laquelle se dressera Philippe II. Guillaume sera le héros de l’opposition légale `a Philippe qui ne respecte pas les constitutions accordées par son pere aux Pays-Bas. La figure de Charles Quint est, elle beaucoup plus ambiguë puisque non seulement il est le dernier prince naturel né au pays mais aussi celui sous le regne duquel les anciens Pays-Bas connurent leur plus grande splendeur ; et puisqu’il est, d’autre part, le pere de Philippe II et le défenseur de cette foi catholique au nom de laquelle ce dernier prétendit sévir. L’approche de la figure de Charles Quint est d’autant plus équivoque au XIXeme siecle que l’exaltation de l’indépendance, dans un pays qui se hisse tres tôt au rang des premieres puissances industrielles amene ses élites `a se projeter dans une autre ere d’expansion, de développement et d’abondance : celle dont l’empereur est le symbole. Mais si la figure de Charles Quint est nuancée, chez tous les Belges, l’image de Philippe II est lié univoquement aux récits et poncifs[28] de la « légende noire ». Tout aussi clairement, le Belge apparaît comme la victime accablée par l’injustice et le fanatisme d’un grand pays étranger. Un autre mythe qui se met en place apres 1830 : celui de la Flandre picturale et littéraire (destiné `a différencier les productions belge et française). On crée un imaginaire hispano-flamand dont Ghelderode et Brel seront les ardents défenseurs. Un troisieme est celui de la fusion réussie en français (langue de culture) entre les composantes germaniques et latines (mythe qui volera en éclat en 1914 avec celui de la Flandre picturale), cela afin d’asseoir cette nation qui ne dispose pas de langue nationale propre. On opere une mise en valeur symbolique du peuple flamand (mais pas au niveau social) puisque ce peuple détient les valeurs qui ont permis la création de la Nation. On est en présence de tous les éléments qui définssent « l’âme belge » de Picard. Apparaissent également des thématiques, des clichés qui mettent en valeur cette nordicité propre aux Belges : climat (humidité, brume…), architecture (beffrois, béguinages[29], clochers… : on le verra de façon particulierement claire dans le roman de Rodenbach, Bruges-la-Morte), tempérament (mysticisme, jovialité[30], bon sens, gout du surnaturel) Cette nordicité sert la littérature belge dans sa relation `a Paris : c’est en tant que différente que la littérature belge est acceptée au XIXeme s. (Maeterlinck, Verhaeren,…) 1.3. Une littérature en préparation : Henri Moke La dynamique imaginaire qui semet en place autour du mythe du XVIeme siecle se révele, dans toute sa spécificité belge et notamment dans son articulation au mythe des Gueux, des 1827. Henri Moke (1803-1862), professeur gantois d’origine française, écrit Le Gueux de mer ou la Belgique sous le duc d’Albe, publié en 1827. Trois ans avant l’indépendance de la Belgique, Le Gueux de mer d’Henri Moke pose, avec ce roman, les fondements d’une littérature nationale et met en place les éléments du mythe du XVIeme siecle. Dans la préface de ce roman historique, Moke affirme vouloir offrir au lecteur un ouvrage consacré `a une « époque glorieuse pour la Belgique » ; de leur rappeler ou de leur apprendre « quel fut l’exces de l’oppression sous laquelle un gouvernement étranger fit gémir ces malheureuses provinces », et « d’exalter la figure de Guillaume d’Orange, ancetre éclairé de la dynastie régnante, qui donna la liberté `a une partie des Pays-Bas et rendit moins insupportable le joug qui pesait sur l’autre ». Il y exalte une figure romanesque, Louis de Winchestre, qui s’opposa au duc d’Albe et `a Philippe II ; celui-ci apparaît comme une figure absolument noire (cela ne sera pas modifié pendant deux siecles). Remarquons que le duc d’Albe, contrairement `a ce qui se fera plus tard, n’est pas tout `a fait mauvais… Ce roman encore tres lisible met en place ces éléments du mythe. Ce « pays de cocagne[31] », région la plus riche et la plus développée d’Europe (avec l’Italie du Nord), a été mise `a sac par un étranger qui n’a pas compris son génie, lequel était parfaitement bien perçu par son pere. Émerge la figure du héros, un résistant jeune et vif, au comportement plein de noblesse, d’impertinence et de débrouillardise et qui refuse le pouvoir ; ce héros se dresse face au déni des libertés accordées par Charles (il avait donné aux Pays-Bas une constitution de type fédéral, différent en cela de la France, toujours centralisatrice). C’est pour faire respecter cette constitution qu’éclate la révolte. Le héros cherche seulement `a vivre libre et en compagnie de sa bien-aimée. C’est d’ailleurs sur cette image d’amour paisible et éternel que se clôt le roman, malgré la guerre qui fait rage. La liberté est donc acquise au prix du renoncement `a la politique [32]; voil`a bien quelque chose de foncier[33] dans ce qui va faire la Belgique, condamnée par les puissances `a la neutralité. Mais le rejet de la politique s’explique aussi par le gouvernement des Pays-Bas par des puissances extérieures, de 1585 jusqu’`a 1830… Cet élément peut aussi s’expliquer par le fait que le symbole de cette lutte libertaire réside dans la figure du Taciturne qui deviendra du fait des aléas de l’Histoire le point de départ de la dynastie qui va lier son destin `a celui de la Hollande. Les fictions belges d’apres 1830 témoignent donc souvent d’un singulier rapport `a l’histoire (en 1830, les Belges se sont révoltés contre les descendants de cette famille...). Pour ne pas faire disparaître le sujet dans l’Autre (comme souvent dans nos lettres, que cet Autre soit la France ou la Hollande), il fallait trouver des figures nationales positives : le comte d’Egmont (déj`a exalté par Goethe et Beethoven). Catholique convaincu, soldat glorieux de Charles et de Philippe (bataille de Gravelines en 1558, bataille de Saint-Quentin en 1557), tenu par des liens féodaux `a la couronne, il devint un opposant farouche `a la politique de Philippe II. Il croyait aux libertés des Pays-Bas et espérait mener le roi par la persuasion mais il fut décapité sur la Grand-Place de Bruxelles. Lecture d’un extrait du texte Le Gueux de mer d’Henri Moke[34] Personnages : Louis de Winchestre (l’amant), (Marguerite sa fiancée dite « l’amante », les témoins du mariage : un marin, une douairiere, un vieux seigneur), Ferdinand de Tolede = duc d’Albe. Début de la scene : mariage de Louis et Marguerite dans une église (gothique) de Bruxelles. Fin : départ de Fernand de Tolede des Pays Bas (décembre) ; rencontre avec Louis de Winchestre, dans le Hainaut (`a la tete d’une troupe brillante de chasseurs et chasseresses ------------------------------- [1] Cfr Quaghebeur, Balises, p. 9. [2] Cfr Ibid., p. 9. [3] Pensons `a Miterrand, au général de Gaulle qui, tout en étant des hommes de pouvoirs, étaient des hommes de lettres… L’Académie française fut créée par le cardinal de Richelieu (XVIIIeme siecle) : celle-ci avait pour but la surveillance de la langue. [4] Cfr Quaghebeur, Balises, p. 14-18 : je donne ici un résumé de ses lignes. Voir aussi Quaghebeur, La premiere des littératures francophones, p. 2. [5] Cfr Denis-Klinkenberg, Littérature belge, p. 61 sqq. [6] C`ad en d’autres termes : insécurité des que le locuteur a d’une part une représentation nette des variétés légitimes de la langue (norme évaluative) mais que d’autre part, il a conscience de ce que ses propres pratiques langagieres (norme objective) ne sont pas conformes `a cette norme évaluative. [7] L’ouvrage est disponible `a l’Alliance française. [8] Cfr Ibid., p. 7 : « Il leur (les Belges) arrivent meme de rejeter avec la meme bonne foi telle ou telle expression qu’ils croient «belge» alors qu’elle est tout `a fait française. ». Notez le verbe «rejeter» qu’emploie l’auteur lui-meme… [9] Le Macaque flamboyant est fondé sur l'ignorance absolue de la grammaire, de la syntaxe et de la langue, sur le culte du barbarisme, du flandricisme, du wallonisme, du contre-sens, du non-sens. Ce style est appelé Macaque parce qu'il singe (imite) les défauts des mauvais écrivains français et flamboyant parce qu'il revet ces défauts d'une maniere éblouissante. [10] Écrivain liégeois (1906-1992), il partagea la vie de Marie Delcourt ; il publia trois romans : Bourg-le-Rond (1937), Printemps chez les ombres (1939), Tempo di Roma (1957), qui le révéla tardivement au grand public. [11] Cfr Denis-Klinkenberg, Littérature belge, p. 33-34. [12] Cfr Aron, Cours [13] Cfr Quaghebeur, La premiere des littératures francophones, p.6-7. [14] Cfr Denis-Klinkenberg, Littérature belge, p. 35-36. [15] Bertrand, Histoire de la littérature, p. 7. [16] Quaghebeur M., Belgique, la premiere des littératures francophones non françaises, p.1. [17] Cfr Aron, Cours [18] Qui, soit dit en passant, a été écrit sur l’espace « belge » puisqu’il fut rédigé entre Tournai et Liege… [19] Charlier G., Hanse J., Histoire illustrée des Lettres françaises de Belgique, Bruxelles, 1958 [20] Denis- Klinkenberg, Littérature belge, p. 73 sqq. [21] Historien (1803-1862). Il fut l’auteur de romans historiques (Le gueux de mer ou la Belgique sous le duc d’Albe, 1827). Il écrivit également une Histoire de Belgique (1839) dans laquelle il applique le principe selon lequel l’enseignement de l’histoire doit nourrir le patriotisme. [22] Comme les « chambres de rhétorique » tres nombreuses dans les Pays-Bas jusqu’`a la Renaissance, ou la pédagogie jésuite (présente avant et apres 1830) [23] Cfr Joiret, Anthologie, p. 15-16 ; Denis-Klinkenberg, Littérature belge, p. 101 sq. [24] Cfr Klinkenberg, Anthologie EN, p. 79-81. [25] Pensez aux tableaux de Breughel, tels La danse des paysans (1566), Le repas de noces (1568). [26] Celui-ci est le nom censé avoir été donné, dans une cinglante boutade, par le comte de Berlaymont aux Nobles venus remettre `a Marguerite de Parme, premiere fille de Charles Quint, une pétition connue sous le nom de Compromis des Nobles, et visant l’Inquisition. Ce sigle, qu’ils s’attachent des lors, est en outre celui qui désigne les héros des combats qui se dérouleront plus tard, sur terre et sur mer, contre l’armée espagnole et ameneront `a l’indépendance des Pays-Bas du Nord. [27] Alors que Charles avait déj`a mis en place les tribunaux chargés de lutter contre les hérésies religieuses… [28] Theme littéraire ou artistique, mode d'expression qui, par l'effet de l'imitation, a perdu toute originalité. [29] Communauté de béguines (religieuse de Belgique ou des Pays-Bas soumise `a la vie conventuelle en béguinage sans avoir prononcé de vœux) [30] Caractere jovial; humeur joviale (qui est plein de gaieté franche, simple et communicative, comme une personne contente de vivre, un bon vivant) [31] Pays de cocagne : pays imaginaire ou l'on a tout en abondance. Pour l’étymologie du mot « cocagne », cfr H. walter, Le français d’ici, de l`a, de l`a-bas, Paris, 1998, p. 46 : « Plusieurs étymologies ont été proposées pour expliquer le mot cocagne, qui existait déj`a au Moyen Âge. Le fait qu’un « pays » (ici, le « pays » désigne une division du territoire héritée des Romains ; cfr pagus, i : pays), pres de Toulouse, se soit appelé cocagne ou pastel conforterait l’étymologie germanique (moyen néerlandais kokenje, « petit gâteau », que l’on peut rapprocher de l’anglais cookies, « petits gâteaux secs). Mais il en est une autre, qui expliquerait mieux l’évolution sémantique par le succes de la guede (ou pastel), une teinture tenace, qui permettait de teindre en bleu les tissus de drap au début du XVIeme siecle. Cette teinture provenait de la macération de feuilles agglomérées en coques, ce qui a permis aux habitants du Toulousain et de l’Albigeois de prospérer dans ce « pays de cocagne » qui exportait largement sa production vers Londres et Anvers. Cette ere d’opulence devait prendre fin vers 1560, avec la concurrence de l’indigo, venu des Indes, mais l’expression est restée. » [32] Cette figure littéraire ouvre la voie `a celles qui mettent en scene la Belgique imaginaire et qui inclut Tintin, lui aussi figure héroique, ayant soif de liberté et de justice mais qui refuse le « pouvoir ». [33] Qui est au fond de la nature, du caractere de quelqu'un. [34] Cfr Quaghebeur, Anthologie de la littérature française de Belgique, p. 22-25.