ChapitreXIV LES COMPLÉTIVES Les propositions complétives sont des propositions subordonnées qui se substituent, dans certains cas determines et selon certaines regies ä précíser, ä des groupes nominaux (GN) constituants du groupe verbal (GV), ou plus rare-ment au GN sujet, voire ä des GN complements de noms et d'adjectifs. On remarquera done que routes les complétives ne sont pas des complements, pas plus que toutes les propositions subordonnées complements ne sont des complétives : les deux termes doivent étre soigneusement distingués. On peut ain-si mettre en parallele: Je vois Paul I Je vois que Paul est arrive. í Je vois Paul marcher vers nous, f Je vois comment Paul conduit sa voiture. Selon íe mécanisme syntaxique mis en jeu pour leur formation, on distingue les complétives introduites par que (ou conjonctives); les constructions infinitives {incluant les propositions infinitives, mais aussi des infinitifs dépourvus de sujet explicite); enfin les constructions interrogatives {dites interrogatives indirectes) ou méme exclamarives. Ľunité de la classe des complétives nest pas settlement attestée par les possibility de substitution évoquées ci-dessus, mais aussi par la possibility de coordination ä ľaide de et (ou ni) entre les complétives des difíerentes sous-classes: Je ne veux ni venir, ni que tu viennes — Je sais que tu l'asfait et comment tu ľasfait. Bibliographie. — M. Cross, 1975 - hl. Huot, Recherche sur la subordination en frangais, These, Lille, 1979 et 1981 - A. Delaveau, F. Kerleroux, 1985 • A. Lemaréclial, Extension possible de la notion d'orientation aux subordonnées complétives et a leiirs equivalent, BSLP, LXXXVfl, 1, p. 1-35. I. COMPLÉTIVES INTRODUITES PAR LA CONJUNCTION QUE 1.1. Complements directs du verbe Ce sont les complétives les plus fréquentes et les plus typiques: Nous savons que la terre est ronde -Je souhaite que tu réussisses. Les verbes (ou locutions verbales) dont elles dependent se referent ä des actes psychologiques et 492 Gmmmaire méthodique dufrancais ont done pour sujets des étres amines, généralement humains. II peut s'agir de declarations, de jugements, de sentiments, ou encore de voiontés. Beaucoup de verbes (raais pas touš) désignant de telies réalites ont la propnete de se construí-re avec une completive: c'est le cas de dire, declarer, raconter (maís non de parier) ; de penser, croire, juger, savoir, découvrir, démontrer, étre d avis (mais non de condamner, connaítre, chercher, raisonner); de sentir, craindre, espérer, deplorer, avoir peur (mais non de compatir, braver); de voubir, ordonner, toterer, désirer, avoir envie (mais non de sommer, convoiter). Les verbes comme parier ne con-tiennent pas, dans leur structure sémantique, de place complement disponible pour un contenu propositionrtel. Remarques. — 1. Certains de ces verbes gardent la propriety de se constmire avec une completive meine lorsque, dans des emplois derives plus ou moms metaphoriques, ils ont pour sujets des inanimes: Le feu vert signifie que l'on peut passer - La situation exige que ľon réagisse. 2. En tant que compíčments directs, les complétives introduiles par que sont pro nominal i sables en le (pour certaines exceptions apparentes, voir 1.4). Ľordre des mots dans la completive est ľordre canonique. En effet, lej propre de h conjonetion que (á la difference, du relatiŕ) est d'etre un pur instrument de subordination et de n'avoir aucune fonction dans la subordon-née; de ce fait, sa presence n'entrame aucun remaniement. Tout au plus peut-on noter que, selon une regle generale s'appliquant ä toutes les subor-données, l'inversion du sujet est possible si le verbe subordonné est intransitif, et ä condition que ce sujet soit un GN d'un volume süffisant (ce qui exclut par consequent ďemblée l'inversion du pronom personnel): Jaime que sur-viennent de nombreux rebondissements. Le probléme du mode est le plus important et le plus délicat de ceux que posent ces propositions. Le choix entre indicatif et subjonctif est le plus sou-vent contraint, mais ÍÍ est parfois libre (pour Ies valeurs du subjonctif, voir Vlf: 2.4.2.3). L'indicatif est de regle apres des verbes comme declarer, penser, croire, espérer, decider, le subjonctif est obligatoire aprěs craindre, souhaiter, se réjouir, vouloir, permettre. Pour certains verbes comme dire, em're, le.mode.change selon l'acception: Je lui ai éerit que tout allait bien (informer) l Je lui ai éerit qu 'il vienne vite (ordonner). Mais le plus remarquable est qu'un certain nombre de verbes normalemenr construits avec l'indicatif admettent le subjonctif lorsqu'ils sont ä la forme negative ou interrogative: Je crois qu 'U viendra. Je ne crois pas qu'il vienne (ou: qu'il viendra). Crois-tu qu'il vienne? (ou: qu'il viendra). Ou inversement: Je doute qu 'il vienne. Je ne doutepas qu 'il viendra. Bibliographie. -— C. Vet, 1996. 1.2. Suites de formes impersonnelles On peut observer trois types de constructions apparentées (voir XI: 8): > Certaines complétives dependent de verbes ou locutions verbales impersonnelles: il arrive, il se peut, il est question, il semble, ilfaut: II arrive que cet XIV- Les complétives 493 enfant fasse des betises. Le mode dans tous ces cas est ie subjonctif, que le verbe principal soit á la forme affirmative, negative ou interrogative. Toutefois, lorsque le verbe sembler est pourvu d'un complement indirect, l'indicatif est preferable: II semble que ce soit un succés, II me semble que e'est un succěs. Remarque. — Seul /a//o/radmet une pronominalisation en le; il est question admet la pronominali-sation par en. II faut qu'une porte soil ouverte ou fermée. II le faul. - II est question qu'il vienne. II en est question. > D'autres complétives dependent d'une construction verbale attributive ilest + Adj: les adjectifs autorisant ce tour sont ceux qui expriment un jugement de fait (ou jugement épistémique, par exemple vreti, clair, exclu) ou de valeur (jugement axiologique, par exemple bon, mauvais, scandaleux): II est exact que je me suis levé tôt. II est impensable qu'il n'y ait pas songé. On peut en rapprocher la tournure, éventuellement elíiptique: (II est) dommage qu "il soit parti. Le mode le plus frequent est le subjonctif: íl est obligatoire quelle que soit la forme du tour impersonnel aprés ;'/ est possible, douteux, faux, comme aprěs il est honteux, juste, naturel; mais e'est l'indicatif qui apparait, sauf en cas de forme negative ou interrogative, aprěs il est probable, certain, vrai. On oppose done: // est possible qu 'il vienne. III est probable qu 'il est déjä loin. ŕ- On peut enfin signaler et rapprocher des tours precedents ies complétives dependant d'un présentatif {XI: 9.1) : Cest que Pierre est maintenant un grand garcon (phrase ä valeur explicative) - II y a que je suis en colere (réponse ä la question: Mais enfin qu'y a-t-il?) - Void que commence place de l'Etoile le défilé des troupes. 1.3. Sujets Placées en téte de phrase en position de sujet, ces complétives sont unifor-mément au subjonctif: Qu 'il vienne m etonnerait beaucoup. Remarques. — 1. A cette structure, rare en francais, on préfĚre généralement la completive détachée en téte de phrase et reprise par un pronom ou un GN, ou mieux encore postposee, voir 1.6 : Qu'ii vienne, fa m'éíonnerait/la chose m'étonnerait. 2. Dans Ies tournures du type GN est que (ou le GN est parfois un adjectif nominalisél, comme La vérité est que, le maiheur est que (avec f'indicatif), le mieux est que, ľinquiétant est que (avec le subjonetiß, la completive occupe la position d'attribut, et constitue effectivement le propos de la phrase (XXI: 2.1), en face du GN sujet qui fonctionne comme theme. Mais sur le plan logique, la completive est le sujet surlequel est porté un jugement de fait ou de vaieur (comparer avec 1.2]. 1.4. Complements indirects introduks par ä ce quel de ce que Lorsque la construction du verbe dans la phrase simple est de forme indi-recte, la completive prend elle-méme normalement une forme indirecte, mais 494 Grammaire méthodique dufrancaii la conjonctton apparait sous la forme ce que. Ainsi, paraliělement ä travailkr, arriver, veiller ä quelque chose, on a travailler, arriver, veilier h ce que (suivís du SLibjonctiŕ) : J'ai longtemps travaillé ä ce qu'il receive une juste recompense. Paraliělement ä se réjouir, se puiindre, s'indigner de quelque chose, on a se réjouir, se plaindre, s'indigner de ce que (suivis de preference de i'indicatif, alors que la construction directe de ces mémes verbes reclame de preference le sub-jonctif): Je me réjouis qu'il soit venu. IJe me réjouis de ce qu'il a enfin réussi. Informer de ce que, consister en ce que sont également suivis de I'indicatif. Remarques. — 1. Ce que est une forme ambigue, introduisant soit une relative (XIII: 3.2) soit une conjunctive (soit méme une interrogative indirecte, voir ci-dessous 3.2). Il y a done lieu de bien dis-tinguer: le m'oppose ä ce que tu viennes (completive : la conjunction que n'a pas de fonction dans la subordonnéel/Je m'oppose ä ce que tu viens de me dire (relative: te pronom que est complement direct du verbe dire). Dans un cas totalement ambigu comme : II s'est formalise de ce que nous décidions sans hi, le test de dislocation permet de mettre en evidence la difference des deux structures: Ce que nous décidions sans lui, il s'en est formalise/'Que nous décidions sans hi, il s'en est formalise. 2. Les complétives du type ä ce que/de ce que ont, aprěs certains verbes, des variantes en que; mais la pro nominal i sat ion par en montre que la structure sous-jacente reste la construction indirö§. te: J'ai informs Pierre que ma decision est prise. ~*Je ľenai informé. 1.5. Complements de noms et d'adjectifs • Certains noms (VI: 4.6), correspondant généralement pour la forme ou le sens ä des verbes {ľidée, la crainte, I'hypothese) ou ä des adjectifs {Ja certitude, la probabilita) eux-mémes pourvus d'une construction completive, ont la pos-sibilité d'avoir pour complements des propositions conjonctives introduites par que {ou de ce que): J'ai retrouvé I'espoir que tout va s'arranger - J'éprouve le désir que tous mes amis soient heureux. Voilä bien lapreuve qu'il n'a rienfait de mal. A ce tour, il est possible de rattacher le fait que qui, en raison de sa com-modité d'emploi devient une veritable locution conjonctive substitutive de que partout oü cette conjonction est inacceptabíe (en particulier aprěs des prepositions autres que ä et de): Je ne condamne pas le fait qu'il ait cherché ä SÜUVST Sú Vie — ííjulitpitiluYt eil CüriSiatrÜtiüii i£ jüit SU U ä pYeičiite iti ÉXĹUSes.— H n'a pas compté avec le fait que tous nétaient pas ďaccotd avec lui. Remarque. — De ce que la locution le fait que soit employee ící comme une veritable locution conjonctive, on peut voir un indice dans ľimpossibilité de dire "J'en condamne le fait, comme on dit l'en ai perdu I'espoir. 8 It existe également des adjectifs qui ont la propnete d'avoir une completive comme complement (VIII: 5.3): construits directement avec que, ils exigent généralement le subjonctif; on trouve aussi bien i'indicatif que le subjonctif avec de ce que: Ces sauveteurs sont heureux, fiers et confus que le President soit venu les féliciter. XT/— Les complétives 495 1.6. Détachées On trouve enfin des complétives introduites par que en position détachée, c'est-ä-dire annoncées ou reprises par un pronom « neutře » (comme cela, ou le) ou ä un GN (comme cet événement, ou cette chose), Placées en téte de phrase, et pour ainsi dire en attente, dans un tour qui releve de la dislocation emphatique (XI: 6.1), ieur valeur de vérité est suspendue ä la suite et elles sont uniformément au subjonctif (comme les complétives sujets, 1.3). Postposées, elles sont généralement au subjonctif, mais peuvent étre ä i'indicatif si ie sens le permet: Que cet individu soit un escroc, nous le savions depuis longtemps -Qu'il faille en venir lä, cette perspective ne ľenchantait guére - Tu n'en es pas sůr, que ce soit un escroc ?-Jen suis súr ä present, que c est un espion. 2. CONSTRUCTIONS INFINITIVES On peut mettre en relation d'une facon generale les syntagmes dont la téte est un infinitif (ä ľexception, naturellement, des infinitifs substantives et de ceux qui dependent d'un semi-auxiliaire: aller, devoir, pouvoir, venir de) avec une structure conjonctive (completive ou circonstancieíle): chaque infinitif a son sujet, non realise certes, mais qui est soit coréférent avec un GN du contex- te, soit de type indéterminé {on I ca) et dans ce cas réguliěrement efface; il peut recevoir les mémes types de complements que routes les formes verbales. Remarque. — Que les infinitifs, mĚme dépourvus de sujet apparent, en possědent un qui reste impli-cite, on en verra une preuve non seulement dans le fait que les locuteurs sont capables de le restituer au besoin (dans Je te conseille de partir chacun s'accorde ä penser qu'il s'agit que to/, iu partes, et non un autre), mais encore dans ies restrictions exercées sur le choix du sujet: e'est ainsi que si * ie last veut cailler est agrammatical en raison de ľincompatibilité de lait et de vouloir, alors que Le lait caille est bien forme, 'Cefre femnre veut cailler, est, dans son i nie rp rotation standard, agrammatical en raison de ľanomalie, non de Cetfe femme veut, mais de "Cette femme caille] Voilä qui montre bien que cette femme est aussi interprete comme sujet de ľinfinitif cailler. Le paralléíisme entre constructions conjunctives et constructions infinitives n'est toutefois pas totalement systématique. Tout depend, en ce qui concerne ies complétives, du sémantisme du verbe principal: si remarquer que n'a pas de correspondant dans les constructions infinitives, tenter de + VInf n'en a pas dans les conjonctives. La construction infinitive fait apparaítre le contenu propositionnel de la subordonnée comme directement dans le champ du verbe régissant ou pius particuiierement de son sujet, alors que la construction conjonctive disjoint plus nettement ies deux propositions: on est soi-méme i'auteur de ce que l'on tente; ce que i'on remarque est hors de soi ou du moins objeerivé par rapport ä soi. La oü les deux constructions sont théoriquement correctes, quel peut étre ľintérét ou ia raison d'etre de la construction infinitive ? D'une part la reduction infinitive peut réduire ľambiguité: Jean est rentré de vacances, Paulpense 496 Grammaire méthodique du fřancais qu 'il ira le voir esc ambigu, mais Paul pense aller le voir ne ľ est pas; ďautre part et sunout la construction infinitive constitue une économie : comparons Je pense que je uiendmi \ Je pense venir. Dans certains cas de coréférence des sujets, la tournure par ľinfinirif en devient méme obligatoire: *Je veux que je réussisse disparaít au profit de Je veux réussir. Remarques.— 1. Cest, bien entendu, le syntagme constitue" par ľinfinitif et, le cas échéant, par son sujet et ses complements, qui est structure! lement sur le meme plan que les autres complétives. Le symbole Vlnf représente ce syntagme, et non la seule forme verbale, 2. On pourra appeler ce syntagme groupe infinitif, plutôt que proposition infinitive, terme qui a dans la grammaire traditionnelle une acception plus restreinte (2.2 Disc). 3. II ne sera question ici que des groupes infinitifs complements directs ou indirects de verbes, on encore sujets, c'est-ä-dire de ceux qui assument /es měmes fonctions que les autres complétives. 2.1. Infínítifš dont le sujet est identique ä celui du verbe principal (sujets coréférentiels) &* Certains des verbes qui régissent cette construction ont par ailleurs la propnete de se construire dans la phrase simple avec une completive introduite par que; c'est le cas de savoir, vouloir, espérer, aimer: J'espére cela. J'espére que je réussirai J'esphe réussir. Remarque. — La coutume vent que/I'usage veut que n'ont pas de construction infinitive corres-pondante; aucun veritable sujet n'exerce ici une volonte. ► Lorsque dans la phrase simple le complement était un complement indirect, ľinfinitif conserve normalement la preposition: IIa menace son fits dune punhion Ide le gißer - H s 'est plaint de son voisin /d'etre reveille par des bruits nocturnes - II a posse trots heures ä son travaillä regarder la télé - II commence par la fin I par déguster une douzaine d'huttres. ► Mais certains verbes dont la construction dans la phrase simple est directe exigent ä ou de devant le groupe .infinkif ..(on..p„eut„h^siter^ä.)'..voir„une .veritable preposition et certains parlent ici plutôt de marqueurs ďinfinitif ou de complémenteurs, cf. to dans 1'anglais to do; en effet, la pronominalisation du groupe infmkif. sj e!!e est possible, est toiijours du type direct): // commence son travail/ä travaUler - II achéve son repas Ide diner - U offre un cigare ä ses amis I ä ses amis de leur verser une liqueur — J'apprends le portugais I ä nager — Il refuse de venir, U ľa déjä refuse hier. Remarque. -— Certains verbes connaissent la construction avec un complement simple, mais non avec une completive : le dois un cierge á Saint Antoine./le dois le remeräer. -Je peux le faire. Ou méme n'ont, en dehors de la construction infinitive, que des emplois intransitifs, et la pronominalisation du groupe infinitif se trouve, de ce fait, exclue: i'ai failli casser une tasse./*je I'ai faiili. - Il se dépěche de finir/'ll s'en dépéche. Dans ces emplois, ces verbes sont proches des auxiliaires aspec-tuels et modaux. ► II faut faire une place ä part aux verbes de mouvement construits directe-ment avec un infinitif: // court acheter des cigarettes. Ira-t-il embrasser sa vieille XIV— les complétives 497 tonte ? Cette construction est en effet fortement contrainte: le sujet doit étre un animé, le verbe ä ľinfinitif ne peut étre ni un second verbe de mouvement, ni un verbe de modalite (pouvoir, vouloir), ni un verbe statif (étre, sauf frir...). Ces limitations ne concernent pas les emplois du verbe aller comme auxiliaire, qui en revanche n'existe qu'au present ou ä ľimparfait (Vil: 2.2.3). Bibliographie. — A. Delaveau, F. Keríeroux, 1985, p. 33-48 - M. Gross, 1968, p. 75-81. 2.2. Infinitifs dont íe sujet est different de celui du verbe principal ^ Le sujet de ľinfinitif apparaít en position de complement direct du verbe (avec les mémes possibilités de pronominalisation) lorsque le verbe principal est: regarder, voir, écouter, entendre, sentir; laisser, faire; emmener, envoyer: J'entends le tonnerre gronder. Je I'ai vu arriver. Je I'ai fait manger. J'emmene les enfants se promener, Toutefois si le sujet de ľinfinitif est indéterminé (on/ca) il est régulierement efface; et si ľinfinitif complement du verbe faire (VII: 1.4.7) est employe transitivement, le sujet prend la forme d'un complement préposi-tionnel (ä/par): J'entends chanter. J'ai fait manger un gäteau aux enfants. J'ai fait repeindre la cuisine par des professionals. Remarques. — l.Ce complement prépositionnel qui apparait comme une sorte de complement d'agent est observable aussi avec d'autres verbes, ä litre de variante: I'ai entendu Montand chanter cette chanson/J'ai entendu chanter cette chanson par Montand. 2. El y a généralement parallélisme avec les constructions de ces verbes en phrase simple : J'entends un oiseau chanter/un oiseau/des gazouillements. Toutefois laisser et faire ont des sens different; de celui qu'ils ont lorsqu'ils sont suivis d'un CN complement: J'ai fait manger les enfants/J'ai fait un enfant. (!) - J'ai laissé les enfants courir/J'ai laissé les enfants. (!) 3. Les verbes regarder, voir, écouter, entendre connaissent deux autres constructions äquivalentes : avec une relative predicative (XIII: 2.5) ou un participe attribut du complement d'objet (VII: 1.5.3.2): Je I'ai entendu qui chantait. - Maintes this déjä Alissa nous avait vus marchant ainsi (Gide). 4. Le CN sujet de ľinfinitif employe intra n si t i verne nt peut précéder ou suivre celui-ci, sauf dans le cas de faíre, oů il ne peut s'intercaler entre le verbe principal et ľinfinitif: J'ai vu Pierre arriver/arriver Pierre ~ j'ai fait sortir tout le monde/"J'ai fait tout le monde sorlir. Discussion. ™ La grammaire scolaire traditionnelle ne reconnaít de proposition infinitive que si ľinfinitif a un sujet propre el e x pri mč, e I !e cnn«dere^snf ľpspi inter quem' l'.ínfinitif ni son sujet ne doivent ětre prépositionnels et enfln que ľinfinitif ne doit pas exprimer le but de ľ action {J'emmene les enfants se promener/pour qu'ils se proměnění). Ces considerations trop restrictives établissent des clivages arbitraires et semblent surtout avoir pour but de preparer les élěves ä fa grammaire latine, oů ľinfinitif complement de verbe, beaucoup plus largement employe qu'en francaís, a son sujet á ľaccusatif. Bibliographie. — |. Picoche, Reflexions sur la proposition infinitive, Fr. mod. (oct), 1989 - j.P. Seguin, Le frangais aujourd'hui, 7, 1969 - M. Cross, 1968, p. 85, ŕ- Ľinfinitif apparait normalement pourvu d'une preposition lorsque le verbe principal connait, dans la phrase simple, une construction double (complement direct, devenant alors sujet de ľinfinitif; complement indirect, fonction remplie par ľinfinitif lui-méme): Nous invitons nos lecteurs ä nous critiquer - 498 Grammaire méthodique dujřdncais II habitue ses enfants ä vivre ä la dure —J'ai chargé mon marí de faire la vaisselle —J'ai découragé mafemme de réparer le lavabo. Remarque. — Dans certains empiois, la construction infinitive est totalement originale, soit qu'eiie reorganise le rapport entre complements directs et indirects, soit que le groupe infinitif ne corres-ponde pas ä un complement dans la phrase simple: j'autorise le sport ä mes enfants/j'autorise mes enfants ä faire du sport. - le suppiie Paul/Je suppiie Paul de faire attention. Dans le cas du verbe obliger la transformation passive entratne curieusement un changement de preposition : On ľa oblige ä y aller/li a été oblige d'y aller. ► Mais, par un phénomene semblable ä celui qui a été observe en 2.1, le groupe infinitif prenant la place du complement direct dans une construction double est, aprěs certains verbes, precede de ä ou de (mais toujours pronomi-nalisé par le invariable, comme un c.o.d. propositionnel): // a appris la natation a son fils I h son fils ä nager — Le general a ordonné ľattaque aux soldats I aux soldats d'attaquer - Cette affaire a valu deux mots de prison au délin-quant/au délinquant de payer une amende. 2.3. Infinitifs dependant d'un tour irnpersonnel • Si le verbe irnpersonnel a un complement indirect, c'est naturellement celui-ci qui permet de restituer le sujet de ľinfinitif: // lui semhle avoir répondu du tac au tac — IIlui fautgagner sa vie~ II lui déplait de s'expliquer davantage- II lui appartient de faire le nécessaire - II lui est loisible de se taire. • Dans le cas contraire, le sujet de ľinfinitif est indéterminé (equivalent ä on, réguliéreraent efface"): Unjour ou lautre, ilfaut mourir - II est honteux de men- tir - II serait dommage de ne pas en profiler — C'est une erreur de parier ainsi. Remarque. — On observe dans certains cas et particuliěrement aprěs le tour irnpersonnel /'/ est + Adj l'apparition du marqueur de devant ľinfinitif. 2.4. Infinitifs sujets Ces infinitifs sont facultativement precedes du marqueur de: (De) crier toute k jcumée finissaitpar ks rendrs aphones. Ce de subsists en cas de dislocation: De crier ainsi, ca les rendait aphones. Quand un infinidf est sujet du verbe etre, un autre infinitif peut aussi occuper la position d'attribut: Souffkr n 'estpasjouer. 2.5. Alternance entre constructions conjonctives et infinitives • Les deux constructions sont parfoís en distribution compíémentaire. C'est le cas pour vouloir, aimer, seplaindre, souhaiter, accepter, offrir, refuser, seion que les sujets sont coreferentiek (infinitif obligatoire) ou non (completive obligatoire): Je veux que tu viennes —Je veux venirl *Je veux que je vienne. Remarque. — La regie de coréférentialíté s'impose aussi notamment aux infinitifs circonstandels (XV: 1 et 2) XIV— Les complétives 499 P- Dans ďautres cas, les deux constructions sont de simples variantes ľune de i'autre. C'est le cas pour savotr, espérer, oublier, decider, lorsque les deux sujets sont coréférentiels: J'espére que je n'ai rien perdu f n'avoir rien perdu —Je decide que je v'tendrailde venir. C'est aussi le cas pour proposer, ordonner, offrir, sug-ge'rer, refitser, ou encore pour sembler, lorsque le complement indirect du verbe principal est identique au sujet de ľinfinitif: Je lui ai ordonné qu 'il aille la-bas —Je lui ai ordonné d'aller lä-bas - // lui semble qu 'ily est alU/y étre alle. Remarques. — 1. Pour falioir, le rapport entre les deux formulations est légŕremen t different: Ilfaut qu'il y aille - li lui faut y aller. 2. Lorsqu'un verbe appartient aux deux categories (2.1 et 2.21 et que dans l'un des deux cas au moíns une variante est possible, on peut observer des phrases ambiguěs: Je propose ä Pierre d'y aller (~ que j'y aille, ou : qu'il y aille ou encore: que nous yallions (tous tesdeux)?). Bibliographie. — M. Cross, 1968, p. 75-130. 3. CONSTRUCTIONS INTERROGATIVES Cette classe de complétives est communément dénommée interrogation indirecte et illustrée par des exemples oü figure (se) demander. Cette caractéri-sation est trompeuse, car eile laisse croire qu'il s'agit soit d'un acte indirect d'interrogation (Je me demande quelle heure il est, facon détoumée de poser la question Quelle heure est-il?), soit d'une forme de discours indirect rappor-tant en substance le contenu d'une question {// a demandé quand on allait diner). Or, la liste des verbes ayant la propriété de se construire avec une interrogative indirecte est assez étendue (C. Wimmer en a dénombré plus de 80), incluant des verbes dépourvus de tout sens mterrogatif, comme constater ou prouver, alors que des verbes comme questionner ou interroger ne peuvent en aucun cas se construire avec une interrogative indirecte. Sur le plan formel, ií s'agit bien de la transposition de phrases interrogatives (on reconnaitra Ies formes classiques de l'interrogation totale ou partielle (XI: 2)) en complements de verbe ou exceptionnellement en sujet (S'ila fait cela m'inté-ressepeulne m'importepas). Sur le plan sémantique, elles referent toujours ä un savnir en suspens que le sujet de ľénoncé (sujet- grammatical) on celui de ľénon-ciation (locuteur) ignore, recherche, néglige ou encore tient hors de portee du destinataire, ce qui est tout autre chose, on le voit, qu'une «interrogation »: L 'examinateur sah tres vite si le candidal est sérieux (On pourrak ajouter: ou non; le savoir évoqué n'est pas posé ou décrit comme il le serait dans L'exami-nateur salt bien que les candidäts sont sérieux). J'ai étudié comment se reproduisent les oursins (Ajoutons: Vous le dirai-je ou non? pour le moment je ne fais que mentionner ce savoir sans le livrer). II ne suffit pas, par consequent, de dresser la liste des verbes qui peuvent régir une interrogative indirecte, pármi lesquels on peut citer: savoir, ignorer; chercher, (se demander); étudier, examiner; apprendre, découvrir, voir, remarquer; établir, decider, prouver; expliquer, dire, confirmer, montrer; oublier, se souvenir. II faudrait 500 Grammaire méthodique dujřancais préciser dans quels contextes suspenses ceux-ci peuvent avoir cette construction. D'une facon generale, un sens assertif et positif fitvorise la construction avec que (je sah bien que, alors que je ne sais pas que constitue une contradiction, mais bien entendu il ne saitpas que est possible); un sens négatif, interrogatif, injonctifou volitifrend possible ou probable I'interrogation indirecte (Je ne saispas si... ; a-t-on découvert si... ; va savoir si... ; il s'effbrce de savoir si... ), que ce sens soit exprimé grammaticalement ou iexicalement: par la negation dans J'ai oubtié sij'ai éteint le gaz, par I'interrogation dans le cas classique de se demander. Certains verbes, de ce fait, excluent la construction avec que (se demander, chercber), mais la plupart d'entre eux connaissent ľalternance entre les deux constructions et merne, ä ľoccasion, leur coordination. Bibliographie. — C. Wimmer, Syntaxe el interpretation de la structure V si p (interrogative indirecte), Le francais moderne. 1983 - Les verbes introducteurs de si interrogatif indirect et la description lexicographique. Trail U XXI, 1, 1983, p. 172-214. 3.1. Interrogation totale La seule structure possible utilise la conjunction si pour introduire la subordonnée interrogative, á l'orai comme ä ľécrit: Estragon se demands si Godot vien-dra — Dis-mois'ilesf la. II n'yani inversion, ni possibility ďutiliser est-ce que. 3.2. Interrogation partielle • Ľinterrogatíon sur le sujet, l'objet ou ľattribut animés utilise le pronom qui, comme dans I'interrogation directe: Je me demande qui est venu - Dis-moi qui tu haníes, je te dirai qui tu es (Rabelais). Quand I'interrogation porte sur ľattribut, l'inversion du groupe nominal sujet est obligatoire, mais pas celie du pronom: Je me demande qui est cette filk - llfaut que k monde sache unpen qui je suis, etquül est (Musset, Lofenmccio). • Ľinterrogatíon sur le sujet, l'objet ou ľattribut non-animes utilise le pronom démonscratif ce suivi des relatifs qui (sujet) ou que (objet ou attiibüt); Sais-tu ce qui s 'estpassé aprés ? (Salacrou, L 'Inconnue d'Arras) - Je me demande ce que tu veux. Remarque. — Ľinterrogatíon indirecte utilise des pronoms qui introduisent bab i tu eile ment les relatives substantives (XIII r %.1). Comme ces deux types de subordonnées se rencontrent en position d'objet du verbe principal, il est parfois difficile de dislinguer une interrogative indirecte d'une relative substantive. On opere Ja distinction en partant du sens (interrogatif ou non) du verbe principal et en essayant de retablir une interrogation directe: ye me demande ce qui se passe: interrogative indirecte. - Pierre a compris ce qui s'est passé: relative substantive. • Ľinterrogatíon sur les circonstances utilise les mémes adverbes que I'interrogation directe: Dis-moi quand tu pars, oütu vas, pourquoi tu tousses. Avec ou et quand l'inversion simple du groupe nominal sujet est possible, si le verbe de la subordonnée est intransitif ou employe intransirivement: Estragon se demande quand vtendra Godot/quand Godot viendra. XIV- Les complétives 501 e Ľinterrogatíon indirecte partielle peur également uriliser ľinfínitif, dans les mémcs conditions que certaines relatives, c'est-ä-dire si le verbe pouvoir a été efface (XIII: 2.6): Je ne sais que Jaire, nioualler{= [ce] que [je peux) faire..). Semarque. — Dans l'usage standard, I'interrogation indirecte exciut certaines structures de I'interrogation directe. Cependant, l'usage familier peut introduire des termes de I'interrogation directe dans une phrase interrogative indirecte: Dis-moi qu'esl-ce que tu tais/qui est-ce qui est venu/quand esl-ce que tu pars. Ľ i n trod u et ion du marqueur interrogatif esf-ce que/qui crée un effet de juxtaposition syntaxique qui aligne la structure indirecte sur le modele de I'interrogation directe indépendante. Bibliographie. — O. Eriksson, // m'a dit ce qu'ii pense: interrogative ou relative ?, Revue románe, 17(2), 1982, p. 3-20. 4. CONSTRUCTIONS EXCLAMATIVES Comme I'interrogation directe, la phrase exclamative peut étre transposée et prendre la forme d'une proposition subordonnée, complement d'objet d'un verbe principal: Regards comme U est beau - Tu vois si je luifais conjiance - Regarde ce quelle est belle - J'avais admire, en le regardant assis sur une chaise, combien Havaitpeu vietlli... (Proust, Le Temps retrouvé) - Vois quels bymnes candides!/ Quelle sonoritél Nos elements limpides / Tirent de la clarte'l (P. Valéry, Charmes) Touš les termes exclamatifs peuvent introduire une subordonnée exclamative, ä I'exception de que; comme dans I'interrogation indirecte (3.1), si ne se rencontre qu'en exclamative indirecte, oil son fonctionnement est sem-blable ä celui de comme. Les verbes acceptant une subordonnée exclamative sont ceux qui peuvent étre suivis d'une completive en que ou d'une interrogative indirecte (ex.: regarder). Cependant, la liste des verbes acceptant une subordonnée exclamative est trěs límitée; on y ajoute des expressions comme c est curieux, ejjrayant, etc., ou la subordonnée exclamative fonctianne.comme un sujet postposé: Cest curieux comme U est malin. Une proposition subordonnée introduire par un terme pouvant avoir une valeur interrogative ou exclamative (si, quel, combien,..) peut étre equivoque. Seule une analyse semantique, tenant compte du verbe introducteur et des conditions ďénon-ciation, peut trancher enrre interrogative er exclamative indirecte: I'interrogation véhicule une incertitude, alors que ľexclamation exprime ľíntensité d'une qualité ou d'une quantity. Aussi certaines phrases peuvent-elles rescer ambigues hors con-texte; Devinez quel beau Jilm j ai vu. Ce probléme se rencontre rarement, du fait que les exclamattves indirectes sont beaucoup plus rares que les interrogatives indirectes.