Chapitre XXI QUESTIONS OUVERTES Le principe méme des questions ouvertes, fréquentes dans les épreuves ďexamen ou de concours, est de laisser le candidat determiner lui-méme quelles sont les questions les plus interessantes que ľon peut se poser ä partir d'un passage limite du texte propose. Ge qui sera évalué ne sera pas seulement la justesse des analyses, mais le «sens des problěmes » dont il aura fait preuve. Deux considerations peuvent guider le choix : ou bien ľextrait présente avec insistance plusieurs aspects d'un měme probléme grammatical; ou bien il s'y trouve un fait ďune particuliěre originalite, constituant ďune maniere ou ďune autre un défi pour ľanalyse, soit qu'il relěve ďun etat de langue autre que le francais contemporain, soit qu'il remette en cause les regies' syntaxiques généralement admises, soit qu'il suggěre plusieurs analyses possibles entre lesquelles il faudra essayer de trancher, ou qu'il faudra essayer ďarticuler entre elles. TEXTE 1 : LAMARTINE Faites toutes remarques syntaxiques utiles sur le passage en italiques soulignés du texte suivant:' La měře et la jeune fille nous demandaient de kur dire, ä notre tour, qui nous ěuons, oú était notre pays, que faisaient nos parents • si nous avians noire pere, notre měře, des fré- 1. Au sens purement descriptif du terme, voir G.M.F., Introd., 3.2., p. 17-18. 282 Études de morphemes grammaticaux et questions ouverks res, des sceurs, une maison, des figuiers, me suis baigné dans le poéme. Mais il est clair que si on considěre ľensemble du Bateau ivre non comme le discours d'un bateau sur sa navigation, mais comme le discours de Rimbaud sur son experience poétique, tout s'inverse, c'est dans k poéme que s'immerge le poete. Pour en revenir ä notre premier propos, qui est une question purement syntaxique, il est sage d'éviter le terme méme ď « apposition » ; et, de toute facon, il n'y a pas ici de position détachée. Le probléme que posent les mises en position détachée du texte est celui du rattachement de ľélément détaché, qu'il soit GN ou GAdj, qu'il soit antéposé ou postposé au terme de reference. Ainsi, on peut se demander si infiisé d'astres, et lactescent doivent étre rattachés au sujet de la phrase, je, ou a le poéme de la Mer. Les arguments syntaxiques ne sont pas determinants : ľaccord se fait de toute facon au masculin ; tout au plus peut-on considérer que la place plaide plutôt en faveur du rattachement á le poéme de la Mer. Ce sont des arguments sémantiques qui achěvent de nous en convaincre : on ne voit guěre comment je (le bateau ivre) pourrait étre dit infuse d'astres, ou lactescent, alors que ces deux caractérisations peuvent s'appliquer (poétiquement) ä ce «liquide » trěs particulier qu'est la Mer, noyau référentiel du GN qui precede immédiatement le groupe d'adjectifs en position détachée. La méme question se pose pour dévorant. Mais ici c'est plutôt zje que nous rattacherons ce participe, et principalement pour des raisons syntaxiques : certes, nous sommes encore plus loin du sujet de la phrase, mais pour un participe present cet argument a moins de force ; il faut tenir compte au contraire de ľaŕfinité du participe present détaché avec le sujet de la phrase, quelle que soit sa place, y compris quand il est rejeté en fin de phrase. D'autre part, ľénumération des adjectifs que nous avons analyses plus haut a été close par le et qui precede lactescent. Ajoutons enfin que sur le plan sémantique, dévorant, s'il n'est pas incompatible avec la Mer {celle-ci peut bien dévorer les navires, mais cette idée est absente du texte en cet endroit), convient tout ä fait en tout cas au bateau ivre: á ce moment de son histoire en particulier : il dévore ľespace (ici repré- 288 Études de morphemes grammaticaux et questions ouvertes senté par les mystérieux azurs verts, qui peuvent designer métaphoriquement soit les vagues, soit les algues). Nous avons encore un autre exemple de mise en position détachée, qui concerne un GN : flottaison bléme et rook. Ce GN est certainement antéposé mais son rattachement est incertain, faut-il ľassocier ä un nqyé pensif? ou á la totalite de la proposition un nqyé pensif parfois descend ? En effet, un GN peut étre « mis en apposition » ä une phrase. Toute la question est de savoir comment il faut interpreter flottaison. Fondamentalement, c'est un nom de proces, et dans ce sens du « fait de flotter », il peut se rapporter plus aisément au proces un nqyé... descend qu'á ľ objet «le corps du noyé ». Mais il reste possible que le nom de proces soit interprete métonymiquement comme designation de ľobjet, ce qui, il faut le dire, s'accorde mieux avec les qualifications b Urne et ravie. Enfin, n'oublions pas la relative elle-měme : ou, flottaison blerne et ravie, un nqyé pensif parfois descend. Précédée d'une ponctuation forte, ici un point et virgule, et caractérisant un antecedent défmi, une relative explicative peut étre considérée eile aussi comme un cas de position détachée. Mais on peut se demander quel est son antecedent: le poéme de la Mer, la Mer, ou les azurs verts ? Seule la proximité syn-taxique peut nous inciter ä préférer la derniěre solution. Dans ce court échantillon, on voit ä ľceuvre de maniere multiple ľesthétique poétique rimbaldienne fondée sur ľambiguité et la sur-détermination. TEXTE 3 : GIDE Faites toutes remarques syntaxiques utiles sur le passage en iialiques soulignés du texte suivant: Jette mon livre ; dis-toi bien que ce n'est lä qu'une des mille postures possibles en face de la vie. Cherche la tienne. Ce qu'un autre aurait aussi bien fait que toi, ne le fais pas. Ce qu'un autre aurait aussi bien dit que toi, ne le dis pas. Me ťattache en toi qu'á ce que tu sens qui n'est nulle part ailkurs qu'en toi-méme, et crk de toi, impatiemment ou fiatiemment, ah f k plus irremplacable des etres. A. Gide, Les Nourritures terreslres, Envoi. Questions ouvertes 289 1 / D est possible de faire une ou deux remarques sur la syntaxe de ľimpératif. En comparant ne ťattache... qu'ä... et attache-toi a, on constate que la restriction par ne... que suit la regle de la negation pour la place du pronom complement (ne ťattache pas ä...) : celui-ci n'est pas postposé comme pour ľimpératif positif. Si nous devions pronominaliser le complement de crée (k plus irremplagable des Stres), on aurait de merne crée-le (par opposition é. ne le crée pas, cf. plus haut ne le fais pas). 2 / Une deuxiěme possibilité, plus féconde, serait ďétudier la complementation verbale. Dans ne ťattache en toi qu'á ce que tu sens, etc., avons-nous une forme pronominale inanalysable : s'attacher ä quelque chose ? ou devons-nous rapprocher cette forme pronominale de ľactif attacher quelque chose (ou quelqu'un) ä quelque chose ? Mais si le complement direct était un animé humain, ce serait dans la mesure oú justement il serait assimilé ä un simple objet. Attacher quelqu'un ä quelque chose n'est possible que dans le sens oú ľon attache quelqu'un á unpotea% par exemple. La forme pronominale s'attacher ne peut que trěs rarement s'interpréter comme une forme réfléchie ou réciproque ! Elle a sapleine autonomie sémantique, n'étant susceptible que ďun sens « moral», et non « materiel » ; du reste le nom attachement ne correspond qu'au sens du verbe pronominal. Quant á en toi, c'est un syntagme en construction trěs libre : on peut y voir un C.G. thématique qui determine a priori le champ dans lequel ľinjonction sera valide ; mais on peut aussi penser á une sorte ďanticipation du C.C. de la proposition ce que tu sens (en toi). Dans la derniěre partie de la phrase, crée de toi... le plus irremplagable des etres, nous avons la construction double créer quelqu'un de quelqu'un, avec un C.O.D. et un C.O.I. « complement d'objet second »2, mais ľordre canonique des complements a eté inverse : peut-étre en raison d'un facteur rythmique, la mise en ordre des syntagmes par volumes „croissantsj _peut-^treLplutot: „pour souligner jconiquement le fait que de toi est le point de depart d'un processus dont le plus irremplagable..., etc., est le point ďaboutissement. Ľinsertion des adverbes 1. Voir G.M.F., VII: 2.4.3.2-, p. 331. 2. La construction normale est créer (quelque chose), avec C.O.D. facultatif. La double complementation ne se trouve guěrc qu'á propos du Dieu de la Genese : U crée quelque chose (ou quelqu'un) de rien. 290 Études de morphemes grammaticaux et questions ouvertes impatiemment ou patiemment et de ľinterjection ah ! augmente encore ľeíFet ďattente de cet aboutissement souhaité. 3 / La question la plus originale porte sur la structure de ce que tu sens qui n'est nulle part ailleurs qu'en toi-meme. L'ensemble de ce syntagme occupe la position de GN, introduit par la preposition ä, le tout constituant le C.O.I, du verbe s'attacher. Ce apparait alors comme le pronom qui fournit un support ä une relative qu'on dit alors substantive1. Mais s'agit-il bien d'une relative, et quelle en est la structure ? La phrase Constituante est visiblement complexe, puisqu'elle com-porte deux verbes (sens et est). On peut supposer qu'elle a la forme : tu sens que cela n'est nulle part ailleurs.„ Dans ce cas la relativisation de cela, qui fait partie de la proposition conjonctive C.O.D. de tu sens ä titre de sujet, devrait produire cette « relative du second degré » décrite par la G.M.F., XIII: 2.4., p. 483, c'est-á-dire que le relatif aurait une fonction non dans la proposition tu sens, mais dans la completive. G'est ce qui se passe par exemple dans la chose á laquelleje sais que tu penses, ou á laquelk n'a pas de fonction par rapport é. je sais, mais constitue le C.O.I, de tupenses. Seulement, dans le cas oú le GN relativisé est sujet de la conjonctive, les choses se compliquent déjá quelque peu, puisque la relativisation de ce sujet produit alors l'apparition, en téte de l'ensemble, de dont, pronom relatif assurément, mais qui n'a pas de fonction ä proprement parier dans la completive, ni ďailleurs dans la principále de ce petit systéme, tandis que le GN « relativisé » est tout de merne maintenu ä sa place de sujet de la conjonctive : ce dont tu sens que cela n'est nulle part ailleurs. En tout cas, dans cette structure, nous avons successivement un pronom relatif {dont} qui sert en quelque sorte de relais entre ľantécédent et le GN (ici le pronom cela) qui lui est coréférentiel, et la conjunction que qui fait partie de ía construction reguliere d'un verbe comme sentir. Mais dans l'exemple du texte de Gide, il semble que lá oü on attend la conjunction que, on a le relatif qui, et lá oú on attend un relatif, en tete de l'ensemble, on a apparemment la conjunction que. Tout se passe comme si que tu sens était enclave dans ce... qui n'est nulle part, comme une sorte d'incidente. Ce serait bien étrange. On peut faire I. Voir G.M.F., XIII : 3,2., p. 487-488. Questions ouvertes 291 une autre hypothěse : la phrase-source aurait la forme : tu sens cela qui n'est nulle part ailleurs. Cette construction avec « relative predicative » (G.M.F., XII: 2.5., p. 485) fournit une variante, pour les verbes voir, regarder, sentir, écouter, entendre, ä la complementation par une « proposition infinitive » : je le vois venir /je U vois qui vient -je le sensjUchir /je le sens quifléchit. Nous aurions alors deux pronoms relatifs dans ce que tu sens qui n'est nulle part, le relatif que constituerait le C.O.D. de tu sens et qui n'est nulle part... serait la relative qui exerce la fonction d'attribut du C.O.D. En somme ľantécédent de qui serait que. Malheureusement, cette hypothěse, trěs acceptable dans l'exemple étudié, se révěle inapplicable ä ďautres exemples analogues : cette rencontre... que vous dites qui eut lieu ce matin (A. France); ce que Von voulait qui Jut dit (La Fontaine); ce qu'on veut qui soit realise; ce que je sais qui existe, etc. En effet, les verbes dire, vouloir ou savoir n'ont pas cette possibility de construction avec un C.O.D. et une relative attribut du C.O.D. La question reste done... ouverte. TEXTE 4 : VOLTAIRE Faites toutes remarques syntaxiques utiles sur le passage en italiques soulignés du texte suivant: Ce globe-ci est si mal construit, cela est si irrégulier et d'une forme qui me parait si ridicule ! tout semble étre ici dans le chaos : voyez-vous ces petits ruisseaux dont aucun ne va de droit fil, ces étangs qui ne sont ni ronds, ni Carres, ni ovales [...]. En vérité, ce qui fait que je pense qu'il n'y a ici per-sonne, e'est que des gens de bon sens ne voudraient pas y demeurer. - Eh bien, dit MJcromégas, ce ne sont peuťetre pas non plus des gens de bon sens qui I'habitent. Mais enfin U y a quelque apparence que ceci n'est pas fait pour run. Tout vous parait irrégulier, ici, dites-vous, parce que tout est tiré au cordeau dans Saturne et dans Jupiter. Eh! e'est peut-étre par cette raison-lä méme qu'il y a ici un peu de confusion. 1 / II serait possible ďétudier ici les présentatifs'. Nous avons d'abord e'est dans la phrase ce ne sont... pas... des gens de bon sens qui I'habitent. Bien entendu, en fait, plutôt qu'un simple présen- 1, Voir G.M.F., XI: 6.2. ct 9.1., p. 430-432 et 453-457. 292 Etudes de morphemes grammaticaux et questions ouverks tatif ce sont est ici un element de la forme emphatique c'est... qui... appliquée á la phrase des gens de bon sens ľhabitmt, de facon á faire apparaitre de maniere indiscutable le propos de la phrase. D'une facon generale, en effet, quel que soit son emploi, c'est mtroámt le propos de la phrase. Par ailleurs, la negation, on le sait, ne peut s'appliquer, dans une proposition isolée, qu'au propos : c'est bien ce que nous constatons: ce ne sont pas des gens qui... Enfin, dans la phrase-source, le sujet est un GN introduit par un determinant indéfini, et un tel GN se préte mal á étre sujet, ou plus généralement á étre en position de thěme : ií faudrait ďabord en poser ľexistence ily a desgens... et ces gens ľhabitent: nous avons dans le texte de Voltaire, effectivement, ľintroduction ďun referent nouveau, et celui-ci apparaít tout naturel-lement en position de propos. En somme, Micromégas part du presuppose : quelqu'un ľhabite (ce globe-ci). La question est: qui ľhabite ? Une réponse développée serait: Les gens qui ľhabitent sont des gens qui ne sont pas des gens de bon sens. La merne réponse est donnée ici de facon plus économique grace á ľemphase par extraction. íly a est le deuxiěme présentatif present dans le fragment ä étu-dier, dans la formule il y a quelque apparence... Nous notons tout ďabord que formellement ily a est généralement suivi d'un GN sans determinant ou introduit par un determinant indéfini {ily a orage / possibilité / probléme /v/ ily a un orage / une possibilité / un probléme). La difference est mince, mais malgré tout on peut reconnaítre qu'en ľabsence de determinant la notion introduite par le présentatif est une pure qualification, relativement abstraite : le temps est orageux / c'est possible / c'est problématique. Quand nous avons un determinant1, il s'agit d'une entite mieux délimitée : un orage (particulier), une possibilité (et pas deux), un probléme (que ľon peut expliciter). Or, nous allons voir tout de suite que la presence d'un determinant indéfini (quelque) n'est pas ici sans demander éclaircissement. 2 / Nous avons en effet á expliquer un fait original, en ľoccurrence un archai'sme, ľexpression figée ily a apparence. Cette locution, que nous trouvons par exemple aussi bien dans le Robert que dans le Littré (malgré son caractěre aujourd'hui trěs litté- 1. Un determinant indéfini, car ic role d'üjy a est de poser seulement dans I'univers du díscours ľexistence d'une entite nouvelle, caractérisée de facon trěs generale par son appartenance á une classe, et se trouve rarement avec un determinant défini. Questions ouvertes 293 raire), se construit ordinairement avec une proposition conjunctive introduite par que. En effet, il y a apparence que signifie 'il est vraisem-blable que et le que ne peut étre qu'une conjunction, n'ayant aucune fonction dans la subordonnée ceci n'est pas fait pour rien. Ainsi, la sequence [apparence que + P]' est ä comparer ä la certitude que, ľespoir que, etc.2 Ces conjonctives dependant d'un GN sont le plus souvent le résultat d'une nominalisation, en ľoccurrence il s'agirait de celie de [il apparait que + P]. Or, cette derniěre expression, dans le sens de «il semble que », « il est vraisemblable que », est déjä un archaisme, au XVIir siěcle, et probablement n'a jamais eu une trěs grande vitalite : eile n'était qu'une reprise savante, chez les humanistes des XV° et xvr siěcles, du latin apparere (voir A. Rey, Dictionnaire historique de la langue frangaise). En revanche, ily a apparence que... était encore une locution assez vivante au XVnT siěcle, méme si pour nous eile est devenue un archaisme. Mais íl reste á expliquer, dans cette nouvelle perspective, la presence du determinant quelque. \J apparence en question n'appartient pas en effet ä la classe des substantifs nombrables. Ce quelque ne peut étre considéré ici comme une variante de ľindéfini un. H a, sur le plan sémantique, une fonction de modalisateur : ily a quelque apparence signifie ä peu pres íl est assez vraisemblable. 3/11 nous reste un autre probléme interessant dans ce fragment : celui de la negation3. Tout ďabord, dans ceci n'est pas fait pour rien, nous relevons" un exemple de double negation. Deux negations sont en effet associées, ne pas et ne rien, méme si le ne est commun aux deux expressions. La phrase du texte est done ľéquivalent logique de ceci est fait pour quelque chose. Mais ce n'en est pas ľéquivalent discursif, car le renversement d'une negation presuppose cette negation : c'est un beau cas de negation polémique (G.M.P., XI: 5.4., p. 425). _Non_j)lus_d&m_ce ne sont peut-etre pas non plus des gens de bon sens presents une difíiculté d'analyse particuliěrement delicate. 1. Mais I'apparence, ami> que vous puissiez lui plaire... ? (Corneille, Cinna, v. 701). Dans le méme sens, apparence peut aussi ětre construit absoiument: Ce discours d'apparmce est si fort dépourvu (Moliěre, L'Ecole des maris, v. 973). 2. Voir G.M.F., XIV : 1.5., p. 494. 3. Voir G.M.F., XI : 5., p. 410-425. 294 Études de morphemes grammaücaux et questions ouvertes Dans ses usages courants non plus s'ajoute ä la seconde de deux propositions negatives qui ont en commun1 soit le GN sujet, soit le GV (Jean n'a pas d'auto, Pierre n'en a pas non plus -Jean n'a pas d'auto, il n'a pas de bicyclette non plus - mais on ne saurait gněre accepter ? Jean n'a pas d'auto, Pierre n'a pas de bicyclette non plus). Or, dans notre texte, entre la réplique du nain et celie de Micro-mégas, touš les parallélismes sont approximatifs : des gens de bon sens + ne voudraient pas y demeurer / / ce ne sont pas des gens de bon sens + qui I'habitent, alors que non plus ne se justifierait vraiment que si Micromégas enchainait sur ľintervention du nain par des gens qui ne sont pas de bon sens ne voudraient posy demeurer non plus ou encore des gens de bon sens ne voudraient pas demeurer nonplus ailkurs (sur telle autre planete). La negation non plus est utilisée ici á un rang plus élevé dans la hierarchie du discours, au niveau de ľénonciation elle-méme: « Vous dites qu'il est faux que des gens de bon sens voudraient y demeurer, et je vous réponds qu'il est également faux que les gens qui I'habitent soient des gens de bon sens. » En somme, ce que veut dire Micromégas au nain, c'est qu'il a raison de penser que des gens de bon sens ne voudraient pas y demeurer, mais en refusant de prendre en consideration la possibilité que les habitants puissent ne pas etre des gens de bon senŕ, il a tort ďen déduire qu'z/ n'y a personne ici. 1. Ľellipse de ľélément commun est cvidcmment possible : // n'a pasfaim et moi non plus. Voir GM.E, XI: 5.2.1., p. 416. 2. Voltaire ne manque jamais ďinfliger ce genre de petite blessure á ľamour-propre des étrcs humains!