yj—Legroupe nominal 179 4. LE GROUPE NOMINAL ÉTENDU 4.1. Le nom et ses modíficateurs L'adjectif épithéte, le groupe prépositionnel complement du nom, la subordonnée relative et - beaucoup plus rarement - la subordonnée completive sont des elements facultatifs, cumulables dans certaines limites et agrégés autour du nom selon ľordre décrit en 1.2 Touš ces modíficateurs fonction-nent comme de véritables complements áu nom, une etiquette que la terminologie traditionnelle reserve pourtant aux seuls groupes prepositionnels. Ils entreriennent avec le nom deux types de relations (1.3) définissables en termes ď operations notionnelles ou referentielles: ► Le rapport est déterminatif (ou restrictif ou encore sélectif) lorsque, restreignant ľextension du nom, les modíficateurs sont nécessaires ä ľidentifi-cation du referent du GN: dans On a vole la voiture présidentielle/de Pierre I qui ětait varěe dans la cour, les diíférents modíficateurs créent avec le nom une notion plus spécifique que celie de «voiture» pour décrire le referent particulier vise par le GN. La suppression de ces caractéristiques identi-fiantes modifie ľ interpretation globale du GN et en general sa valeur referentielle : On a vole la voiture — Quelle voiture ? ► Le rapport est explicatif (ou descriptir), lorsque les modíficateurs ne res-treignent pas ľextension du nom. Leur efFacement ne modifie pas la valeur referentielle du GN, mais s'interpréte comme la suppression ď informations accessoires ä propos d'un referent deja suffisamment determine par les autres elements du GN ou par le contexte: // a rendu visitě ä son vieuxpére -4 // a rendu visitě ä son pere — On a vole ma voiture, qui était (pourtant) éauipée d'un systéme antivol —» On a vole ma voiture. Outre ľintonation et la ponctuation, la distinction entre les modíficateurs déterminatifs et les modíficateurs explicatifs du GN peut s'appuyer sur les deux critéres formels suivants : • la suppression d'un modificateur déterminatif modifie ía valeur referentielle du GN {Vouspouvezjeter les bouteilles vides —» Vouspouvezjeter les bouteilles [- toutes les bouteilles}), aíors que celie d'un modificateur appositíf laisse inchangée ia reference du GN {Les éléves, fatigues, commencaient ä se dissiper —» Les éleves commencaient ä se dissiper). • seuls les modíficateurs appositifs peuvent étre paraphrases par une proposition incidente, coordonnée ou circonstancielle, toutes propriétés liées au caractěre additionnel de ľinformation qu'ils véhiculent: Les éleves, fatigues, commencaient a se dissiper —> Les éleves (ils étaient fatigues) commencaient [...] / Les éleves étaient fiitigués et commencaient ä se dissiper I Comme ils étaient fatigues, les éleves [,..]. Remarques. — 1. Ľextension d'un terme est ľensemble des referents qu'il est susceptible de déno-ter en langue ou qu'il serf eŕfectivement ä designer dans une instance de discours (et en ce sens on parle parfois ďextensité). L'intension (ou, plus traditionneliement, la comprehension) d'un terme 180 Grammaireméthodique du francais correspond aux aspects pertinents de son contenu notionnef qui" conditionnent ses emploís référen-ťtels et qui rendent compte de ses relations avec les autres termes de la langue. 2. La distinction entre les deux types de relations n'est pas donnée d'avance puisque hers contexte ma vieille voiture peut renvoyer aussi bien ä mon unique voiture accessoirement qualifiée de vieiíle qu'ä celie de mes voitures qui se distingue des autres par sa caractéristique d'etre vfeille. Eile s'opere discursivement dans le cadre de ľ interpretation globale des énoncés. Eiie met en jeu non seulement les liens de conditionnement réciproque entre determinants et modificateurs, mais aussi nos connaissances )ir>guistiques, contextuelies et sítuationnelies. Mis en position détachée (4.7), le nom, le groupe nominal et ľadjectif on t une interpretation appositive. lis sont au GN ce que le complement circons-tancief est au reste de la phrase (V: 4.5) •. un constituent périphérique. Bibliographie. — S. Auroux, Le concept de determination : Port-Royal et Beauzée, Transactions of the Fifth International Congress on the Enlightenment, Oxford, The Vottaire Foundation, 1981, p. 1236-1246 - G. Kleiber, 1987 - M. Wilmet, 1986. 4.2. Ľadjectif épithete ^ 4.2.1. Lafonction épithete De touš les modificateurs, c'est ľadjectif en position d epithěte qui appa-raít le plus étroítement uni au nom. II ne peut en étre séparé m par un complement du nom ni par une relative {la réponse negative de Pierre i Ha réponse de Pierre negative - le livre sulfureux dont tout le monde parle! * le livre dont tout le monde parle sulfiireux) ä moins que ľautre modíŕlcateur ne forme avec le nom une unité lexicale codée {un match de tennis interminable) ou un nom compose de discours {le briquet qui tue de James Bond, voir; 1.2 Rem.). Le cumul des adjectifs épithětes obéit ä trois principes: • lorsque plusieurs adjectifs caractérisent le merne nom índépendamment les uns áes autres, lis peuvent étre récursivement juxtaposes {La euriosité méchante, envieuse, médisante, calomniatrice [...], Maupassant) ou coordonnés par et, ou et mais {un liquide incolore, inodore et insipide) \ • dans íes couples hiérarchísés de deux adjectifs, le plus éloigné determine le groupe forme par le nom et ľadjectif Je plus rapproché: dans un bon gros steak épais bien saignant, les adjectifs (bien) saignant et bon caractérisent respecúvement les gtoupes gros steak épais et gros steak épais bien saignant; • ľadjectif relationneí precede toujours ľadjectif qualifiant {ľarmée romame vicio-rieuse f H'armée victorieuse romaine) et la hierarchie peut comporter un troisiéme adjectif épithete, mais dissocíé des deux autres par antéposition ou postposition : un petit ouvrage didactiaue interessant, un excellent petit plat roboratif. La caractérisation au moyen de ľépithete n'est pas, comme celie de ľattri-but (VII: 1.5.1), médiatisée par un verbe qui lui impose des limitations tempo-relles, aspectuelles et modaJes, Elle s'opere á ľinréneur du groupe nominal, ou ľapport ďinŕbrmation véhiculé par ľépithete contribue á h construction ďune expression descriptive. Dans ce cadre syntaxique et communicatif, ľadjec- VI— Legroupe nominal msvx^'i 181 íif épithěte se coordonne et se juxtapose fréquemment avec une relative (un souriceau tout jeune et qui n'avaít rien vu, La Fontaine) ou avec un complement du nom (un enfant actif et toujours de bonne humeur), surtout ú ces modifieurs equivalent sémantiquement ä des adjectifs qualificatifs (inexpéri-menté dans le premier exempie, gat dans le second). Remarque. — L'adjectif épithěte peut qualifier un nom propre precede d'un article (le grand Charles, la petite Fadette, la belle Helene, etc). Postposé au norn propre, il est jui-méme precede de ('article déŕŕni (Sénéchal le magnifique, Alger la blanche, etc.) sauf s'ii s'agit d'un ordinal spéci-fiant ľordre dans une dynastie {Francois ler, Louis XÍV, }ean XXIIÍ, etc.). En apostrophe, le nom propre qualifié peut étre precede du possessif: (Mon) eher Georges, (Ma) belle Helene, etc. 4.2.2. La'ploee de Vadjectif épithéte Dans les langues germaniques l'adjectif épithěte est systématiquement antéposé au nom. En anglais, par exempie, les adjectifs dénotant des propriétés physiques se suivent selon ľordre canonique: taille + forme + couleur + matiere (p. ex. a small square white silk handkerchief = un petit mouchoircarre' blanc en sole). Les relevés statistiques montrent qu'en francais parle un adjectif sur trois est antéposé au nom (jusqu'a un sur deux dans les textes iittéraíres, mais seulement un sur dix dans certains textes scientifiques). Si la tendance generale est á la postposition, ľantépositíon de l'adjectif épithěte est gouvernée par une conjonction de ŕacteurs qui peuvent, selon le cas, se renforcer ou se contrarier: facteurs categories (ľopposition adjectifs relationnels / qualifiants), rythmiques (dimensions respectives du nom et de l'adjectif), sémantiques (type de la caractérisation opé-rée par l'adjectif) et diachroniques (survivances, surtout dans les expressions figées, de ľusage ancien oů dominaít ľantépositíon: fieffé menteur^ legitime defense, (avoir) une pietre opinion, (pleurer ä) chaudes larmes, (battre) ä plate couture, etc.). On présentera schématiquement les faits en distinguant entre les adjectifs qui, dans ľusage standard, ont une place frxe et ceux dont la place est variable. 4.2.2.1. Adjecttfi ä place fixe :-S ► Sont toujours postposés au nom: • les adjectifs relationnels (VIII: 1): ľarmée romainel *la romainearmée; • les adjectifs qualificatifs dénotant la couleur ou la forme (*un gris costume, *un ovale ballon, *un pointu crayon) ainsi qu'une série d'adjectifs décrivant des propriétés objectives, souvent perceptibles ou inférables ä partir de ľobservation: amer, (un bruit) sec, (une eau) claire /trouble, (un son) creux, idiot, laid, (un café) sueré, etc; •les adjectifs suivis d'un complement: un bon pneu lun pneu bon ä jeter I *un bon ä jeter pneu — un plus grand appartement — un appartement plus grand que le nôtre ~ une longue maladie I une maladie longue ä guérir; • les adjectifs (méme courts et done souvent antéposés) precedes d'un adverbe autre que si, tout, třes, trop: un long dévelôppement I un développe-ment extremement long; 182 Grammaire méthodique dufianfais • les particípes passes et une grande partie des adjectifs verbaux: *une incon-nueadresse — *un convaincant argument (mais une briliante prestation. Sont toujours anteposés au nom: • les adjectifs otdinaux (y compris dernier, pénultiěme et antépěnultieme): le troisieme honíme — les ouvriers de la derniére heure; • une série ďadjectifs descriptifs ďune ou deux syüabes et třes frequents: beau (mais pas laid), bon, grand, gros, haut, joli, long, petit, vieux, vilain. Ils sont généralement anteposés au nom, mais peuvent lui étre postposés, notamment s'ils sont coordonnés ou juxtaposes ä un adjecrif normale-ment postposé: un long voyage í un voyage lorig et fatigant; • les épithětes dices de nature, par definition non determinatives, puis-qu'elles exprimeut ut\e caracteristique traditionnellement associée au nom (commun ou propre): la blanche neige — les vertes prairies - A la claire fon-taine [chanson] — de noirs soucis— le bouillant Achille — la belle Heléne, etc. 4.2.2.2. Adjectifs ä place variable Les adjectifs ä place variable se divisent en deux categories, selon qu'une difference de sens nettement marquee est associée ou non aux deux positions. ► Adjectifs ä double interpretation • Postposés au nom, ils caractérisent directement le referent du GN: un chasseur rude est quelqu'un d'intrinsequement rude. Cette propriété non liée au statut du nom peut lui étre assignee sur le mode attributif (un chasseur qui est rude) et est également dénotée par un nom de propriété (la rudesse du chasseur). • Anteposés au nom, ils modifient directement le contenu notionnel du nom auquel ils se rapportent pour en faire une propriété complexe. Ils fonetionnent souvent comme des intensificateurs de la notion dénotée par le nom. Un rude chasseur est un chasseur accompli et un gros mangeur une personne qui mange beaueoup: tous deux vérifient ä un haut degré {pietre et petit inverseraíent revaluation) les propriétés typiquement asso-ciées aux notions de «chasseur» et de «mangeur». Ailleurs, ľadjectif antéposé restreint le rapport de denomination entre le nom et son referent (Vili: 1): dans un ancien boxeur, mon futur gendreet un faux passeport, ľadjectif situe respectivement la validitě du rapport de denomination dans le passe' et dans le futur et en dénonce ie caractére objectivement fal-lacieux (d'oü la possibilité de qualifier, par rapport ä un authentique pas-seport, un passeport contrefait dans les regies de ľart de vrai faux passe-port). La diversíté des incidences de ľadjectif ä la matiere notionnelle áu nom est ä ľ online ďune série ďopposítions sémantiques: un bon étudiant fun étudiant bon (et courägeux) ~ un brave hommeiun komme brave — un certain succés/un succés certain [- assure] — une fichue voiturelune voiture fichue — une pauvre femme/une VI~ Legroupe nominal -.;*•>* «sv^'n 183 femme pauvre - un simple citoyenlun citoyen simple — une vraie histoire/une histoire vraie, etc. Elle explique également le caractěre non contradictoire ďun énoncé com-me: Je plains cespauvres milliardaires qui ne saventplus comment dépenser leur argent. ► Adjectifs mobiles sans modification de sens notable On peut considérer qu'ils se placent normalement aprěs le nom, en quelque sorte par défaut, c'est-ä-dire lorsqu'ils ďexpriment que leur sens descriptif code. C'est sans doute ä ces adjectifs que peuvent s'appliquer valablement les appreciations usuelles sur les valeurs « affectives » et « appréciatives » ou sur ľ« accent d'insistance » discursivement attaches ä ľ épithete antéposée. On y trouve beaucoup ďadjectifs déjä pourvus ďune charge affective (atroce, mer-veillewc, horrible, abominable, admirable, épouvantable, etc.: Restait cette redoutable infanterie de ľarmée cľEspagne, V. Hugo) ou du moins susceptibles ďen développer une, le contexte general aidant et grace au marquage opéré par ľantéposition {remarquable, sensible (au sens quantitatif), fin, etc.). Tout se passe comme si ľattribution de la qualité dénotée par ľadjectif était prise en charge - pour des raisons que seuls le contexte et la situation peuvent éclairer - par le locuteur ou par ľénonciateur, c'est-ä-dire par la personne qui est cen-se'e s'exprimer par la voix du locuteur (XX: 2.2). Dans les couples: (1a) L'ample monde au delá de ľimmense horizon[Valéry] ■ (1b) Le monde ample au dela de i'horizon immense (2a) Mercipour cette agréable soiree/'(2b) Merc/pour cette soirée agréable. (3a) II nous a servi une horrible piquette/ {3b)ilnous a servi une piquette horrible. (4a) Les sangfots longs des vioions de ľautomne [ Verlaine \ (4b) Les longs sanglots des vioions de ľautomne ľadjectif postposé efface la nuance d'appréciation ou d'expérience subjective qu'índuít son antéposition. Ľantéposition est ďailleurs devenue ľune des caractéristiques ďun certain style journalistique qui multiplie sans nécessité et souvent sans effet apparents les notables progres, sensible amelioration, etc. Les vaíeurs líées ä ľantéposition et ä ía postposition de ľadjectif sont soulignées par un phénoméne prosodique: alors que le nom tete et ľadjectif postposé {un homme beureux) portent chacun un accent, Les suites [adjectif antéposé — nom] rendenr ä cumuler sur Ja demiere syllabe du groupe et ľaccent du nom-téte et ľaccent de groupe {un beureux homme). Arnsi ľadjectif antéposé apparaít plus étroitement uni au nom avec lequel il forme une unité prosodique souvent source d'un nom compose: {battre ď) une courte tete, un bon mot, une longue maladie, etc. La fragmentation et íe regroupement accentuels seraient alors íes marques res-pectives d'une disjonction ou d'une fusion notionnelle entre le nom et ľadjectif. Bibliographie. — S. Faik, La place de ľadjectif, Le frangais dans le monde, 124, 1976, p. 13-20 -M. Forsgren, La place de ľadjectif épithete en ŕrancais contemporain, Uppsaía, Almquvist & Wik-sell 1978 - B. Larsson, La place et le sens des adjectifs épithětes de valorisation positive, lund University Press, 1994 - S. Leischner, 1989, Die Stellung des attributiven Adjektivus im Französischen, Tübigen, G. Narr. - R. Martin, Le vague et ia sémantique de ľadjectif. Reflexion sur ľadjectif antéposé en francais, Quaderni di semantica, VII, 2, 1986, p. 246-263 - H. Nölke, Ou placer ľadjectif épithěte ? Penalisation et modularite, Langue ŕranca/se, 111,1996, p. 38-58 - E. Reiner, Studie zur Stellung des attributiven Adjektivs im neuerem Französischen, Wien, VV. Braumüller Verlag [CR., par E. Faucher, 1977, Le francais moderne, 45, 1976, p. 375-3771 - M. Wilmet, Ch.V, 1986. 184 Grammaire méthodique du frangais 4,2.3. U accord de l'adjectif épithěte Quatre cas sont ä envisager, selon qu'un adjectif épithěte se rapporte ä un seul nom, ä plusieurs noms ou ä un pronom, ou encore que plusieurs adjectifs épithétes se rapportent ä un seul nom au pluriel. ► L'adjectif épithěte se rapporte á un seul nom. Il prend les marques de genre et de nombre de ce nom: un acte courageux / des initiatives courageuses. Cette regle generale s'adapte cependant a de nombreux cas partículiers dont voici les principaux: • Les adjectifs de couleur ne s'accordem pas s'ils sont determines par un autre > adjectif ou par un nom, l'ensemble correspondant ä la reduction ďune construc- '':■'■ tion prépositionnelle {des costumes (djm) bleu clair — des robes (d'un) vert v? émeraude). S'il s'agit de noms employes comme adjectifs {des robes matron), l'usa-;. ■-; ge hésíte; mais s'ils sont complětement adjectivisés, ce qui est le cas des formes en -e, la tendance est ä ľaccord {des tuniques écarlates, des robes mauves, des ballets .; _ t roses, maís des couvertures orange(s)). • Les composes bi-adjectivaux accordent ľun et ľautre element {des enfants morts-nés, les partis chrétiens-démocrates), mais le premier reste invariable dans ľ usage moderne Vil modífie íe second ä la maniere d'un adverbe {des jeunes filles court-vétues, despoly-techniciennes frais émoulues, des enfants nouveau-nés, mais une rosefraiche éclose). • Le premier element nu- et demi- des adjectifs composes tels que nu-pieds, nutete, demi-heure, demtportion, etc., ne s'accorde pas, sauf dans nue-propriété. Post-posés au nom, ces quasi-préfixes retrouvent leur statut adjectival et s'accordent normalement: pieds nus} tete nue. Demi coordonné ä un nom singuHer ou pluriel reste notionnellement sLnguLiet et tie s'accorde qu'en genre {une heure et demie)y ce qui explique également ies deux possibilités d'accord pour midi et demi(e) et pour minuit et demi(e), oü ľadjecclf postposé determine une heure implicite. • Certains adjectifs (plein et sauf) et participes passes {passé, excepté, vu) antéposés au groupe nominal sont en fait employes comme des prepositions (IX: 1) et restent done invariables : // avait de ľargent plein les poches — Vu les conditions météorolo-giques, la course a été annulée (mais excepté les femmes í les femmes exceptées). Pour la merne raison, et-joint et ci-inclus antéposés sont invariables {Ci-joint les factures détaillées), ä moins de pouvoir étre interprétés comme des attributs antéposés au complement ďobjet {Vous trouverez ci-jointes les factures détaillées); postposés ils s'accordent selon la regle generale {lesfactures détaillées ci-jointes). ► L'adjectif épithěte se rapporte ä plusieurs noms. • Si les noms sont au pluriel, l'adjectif s'accorde au pluriel: des livres et des cahiers verts. • Si les noms sont au singuÜer (juxtaposes ou coordonnés par et, ni, ainsi que et comme), l'adjectif se met au pluriel: une chemise et un pantalon verts — Servitude et grandeur militaires (Vigny). Mais on peut parfois n'aecorder l'adjectif qu'avec le nom le plus proche: un depart et un accident troublant, • Si les noms sont de méme genre, l'adjectif prend le genre commun: les littéra-tures et civilisations européennes. • Si les noms sont de genre different, l'adjectif se met généralement au pluriel et au masculin : les noms et les couleurs évoqués (Philippe Labro). Si ia forme masculi- VI - Le groupe nominal .y * v ^ > 185 ne de l'adjectif est phoniquement differente de la forme feminine, on placera le nom masculJn directement ä côté de l'adjectif; une Orthographie et un, style parfaits piutôt que un style et une orthographeparfaits . • Si ies noms sont coordonnés par ou, l'adjectif s'accorde : — avec le seul nom auquel il se rapporte {ou est alors nettement exclusif): Passe-moi une compresse ou une serviette propre; — avec les deux noms (et au pluriel) s'il les caractérise simultanément: mendicité ou colportage interdits. ► Plusieurs adjectifs épithetes se rapportent a un seul nom au pluriel Les adjectifs restent au singuíier si chacun d eux s'applique séparément ä un seul des divers referents du nom: Les monnaies danoise et italienne seront dévaluées (U n'y a qu'une monnaie danoise et qu'une monnaie italienne), mais Les étudiantes danoises et allemandes ont été /ogées dans le meine bätiment (II y a plus d'une étudiante danoise et plus ďune étudiante allemande). ► L'adjectif est épithéte ďun pronom En regle generale, les pronoms n'admettent pas ďadjectifs épithetes construits directement et les rares usages qui font exception (p. ex. ceux suscep-tibles d'etre élus/aptes au travail/bons pour la casse) sont proscrits par les puristes. En revanche, un grand nombre de pronoms peuvent étre qualifies par un adjec-tif precede de la preposition de. II raut alor.s distinguer deux cas (5.1.2): • si le pronom nest pas anaphorique, l'adjectif introduit par de se met au mascu-Uri singulier, que le referent vise soit animé ou inammé: quelqu'un ďintéres-sant/rien de nouveauIquelque chose de beau; • si le pronom est anaphorique, l'adjectif épithěte prend le genre grammatical de /'antecedent (ou íe genre assocté au referent de /'antecedent) et íe nombre du pronom : Parmi les clientes, il n'y en a pas beaucoup de contentes, mais Parmi les senti-nelles, U y en a beaucoup de courageux/? courageuses et au singulier Parmi les mannequins, il n'y en avaitpas une de laidel' ? un de laid/ * un de laidel * une de laid. Bibliographie. — H. Briet, Savoir accorder l'adjectif. Regies, exercices etcomgés, Duculot, 1996. 4.3. Les participes épithetes Les adjectifs vetbaux (VII: 2.4.5) sont des participes presents qui ont acquis toutes les propriétés de l'adjectif qualificatif: ils sont variables en genre et en nombre, s'accordent avec le nom, sont aŕTectés par les degrés ď intensitě et de comparaison et s'emploient comme attributs: Elles étaient toutes rayonnantes dejoie—Je trouve cette histoire tres amüsante, Complětement adjectives,, ils ont par rapport au nom le fonctionnement ďun adjectif épithěte ordinaire. Lorsqu'ils sont employes comme épithetes, les participes presents restent invariables, n'admettent pas de marque de degré, sont obligatoirement post-posés au nom, conservent leurs possibilités de complementation et se paraphra-sent systématiquement par une relative determinative: les citoyennes francaises vivant ä ľétranger [= qui vivent ä ľétranger]. En emploi détaché, le participe present fonctionne comme une apposition au GN (4.7); appose au sujet, il 186 Grammaire méthodique dufrancais acquiert le statut, analogue á celui ďun complement circonstanciel, ďune proposition participiale sans sujet (XVJ; 1.2). Qu'ils soient assimilés ä des adjectifš ou qu'ils conservent leur statut de participes, les participes passés de forme simple employes comme épithětes s'accordent en genre et en nombre avec le nom. lis conservent leurs possibilítés de complementation {les étudiants nés en 1970 - les candidats retenuspar lejury — les concurrents partis de Strasbourg) et se paraphrasent généralement par des relatives determinatives (les étudiants qui sont nés en 1970 — les candidats qui ont été retenuspar le jury, etc.). D'ailleurs les relatives determinatives dont le verbe est compose d*un participe passé precede de ľauxiliaire hre se convertissent en participes passés épithětes par ľeŕTacement simultane du pronom relatif et de ľauxiliaire: ks ensei-gnants {qui ont été) nommés sur des postes vacants. Les participes passes detaches s'analysent comme des modificateurs en position détachée (4.7). 4.4. Les noms épithětes Traditionnellement réservée a ľadjectif et aux participes, la fonction épi-thěte est, au sens syntaxique du terme, également exercée par le nom dépourvu de determinant (ďou ľexpression ď«emploi adjectival») lorsqu'ü est directe-ment postposé au nom qu'il determine. Parmi íes sequences binominales Nj -N2 il n'est pas toujours facile de distinguer les noms composes (chéne-liége, timbre-poste, talon aiguille, bceuf mode, etc.) des constructions syntaxiques oů N2 joue par rapport ä Nt íe méme role déterminatif qu'un adjectif (qualificatif ou relationnel) ou qu'un complement du nom (une maladie alibi, unprofesseur fantome, une tarte maison, etc.). On notera toutefois que lorsque la caractérisa-tion véhículée équivaut ä celie ďun adjectif qualificatif, N2 peut étre precede d'un adverbe marquant le degré (un reméde vraiment miracle, des propos passa-blement cochons, un sujet un peu bateau, etc.) et méme fonctiotiner comme attribut {Ce sujet estplutôt bateau). Les noms de statut personnel, de rues, de places, etc. peuvent étre suivis d'un nom propre ä valeur identifiante: le president Mitterand, le general de Gaulle, la rue Balzac, lapiace Gutenberg, etc., mais aussi le musée Picasso, Vaffaire Dreyfus, le style Louis XVI, I'effet Balladur, etc. N2 peut assigner ä Nj une qualité associée au referent qu'il denote {des propos cochons, un livre choc), identifier une entite avec laquelle N^ entretient un type bien determine de rapport (p. ex., la destination dans Ja série pause café, arretpipí, espace loisirs, etc.) ou encore specifier, sur le mode de ľidentification particulari-sante, Ja notion phis generale dénotée par N^ {I'objet livre, la fee électricité, la planéte Mars, le president Pompidou, etc.). Un quatriěme rapport, dir de «conjunction», et paraphrasable par «entite composite, ä la fois N^ et N2» semble plutôt Umíte aux noms composes {ľhistoire-géographie, un service-voíée, un dépôt-vente, une moissonneuse-batteusidieusé). Enfin, les couples Nj-N2 compJétam directe-ment un nom Nq {le confiit parents-enfants, le rapport qualité-prix) s'analysent comme la forme elliptique d'une construction prépositionnelle avec deux complements coordonnés {le conflit entreparents etenfants). VI-Legroupe %$&tittal ^ 187 Bibliographie. — P. Barbaud, Ľambiguité structuraíe du compose binominal, Catiiers de Unguis-tique 1, 197T, p. 77-716 - G. Kleiber, Enigme en syntaxe r une réponse, Unguisticae investiga-f/one's, 9, 1985, p. 391-405 - M. Noailiy, 1990. 4.5. Le groupe prépositionnel complement du nom Comme modificateur du GN, le groupe prépositionnel dít «complement du nom » présente les caractéristiques suivantes : ► sauf licence poétíque (Ne troublous point du ciel les justes réglements f et de nos deux instincts suivons les mouvements, Moliěre), il est toujours postposé au nom qu'il determine et dont il restreint ľ extension, au méme titre qu'un adjectif rektionnel morphologiquement apparenté: par rapport ä palais* les expressions palais du president et palais présidentiel évoquent un concept plus spécifique qui exclut touš les palais qui ne sont pas la residence d'un president. ► il est récursif, puisqu'il est ä la fois un constituant facultatif du GN et qu'il a obligatoirenaent comme constituant un GN (GP —> Prep + GN), qui peut comporter lui-méme un GP, et ainsi de suite. Les deux decompositions suc-cessives géněrent des suites infinies de GP emboítés comme: la voiture dufre-re de la voisine du gardien de ľusine de [...]. Ces series peuvent étre sources ďambigu'íté: dans un chapeau de paille ďltalie, le GP d'Italie peut étre complement de chapeau de paille ou seulement de paille. Toute preposition ou locution prépositionnelle est en principe susceptible d'introduire un complement du nom: le chat de la voisine — les femmes au volant — la maison ä côté de ľéglise — une bague en or massif— un documentaire sur ľindustrie de la choucroute - la vie quotidienne chez les Incas - un reméde contre la toux — un citoyen au-dessus de tout soupcon, etc. Ľinterprétation du complement du nom depend du sens propre de la preposition, mais surtout du contenu sémantique des elements quelle relie (IX:3). Outre les différentes nuances de temps et de lieu, le but, la cause, la maniere, etc., qu'il partage avec le complement clrconsta.nciel (V: 4.5.3), le complement du nom peut indiquer (sans que la liste soit exhaustive): la qualité (C'était un homme d'un puritanisme amidonné, T. Ungerer), la possession (les biens de Paul), la destination (ľargent du í pour le voyage), I'accompagnement (une chatte avec ses petits), la relation de la partie au tout ou de ľélément ä ľensemble (les fruits de ľarbre — Deux électeurs seulement sur trois se sont déplacéspour aller voter), la quantification (un poulet de deux kilos, une famille de dix enfants), le theme (un colloque sur la quantification), la matiére (un manteau de laine), le rapport entre la forme nominalisée ďun proces (ou ďune relation) et ses actants (ľassassinat d'Henri VI par Ravaillac, le conflit entre Jean et PauL le milieu entre A et B). 188 Grammaireméthodique dwýřancais ;o La preposition de joue un role syntaxique particuHer dans les constructions sui-vantes: • eile introduit le complement prévu (mais pas nécessairement realise) par la majorite des noms relationnels (de parenté ou de statut): le pere de jean, le patron des deux employes, le lendemain du manage, etc.; • aprés les noms ďacúon, dagent, de sentimenty de propnete, etc. (3.3), eüe appa-raít devant le GN complement representant le sujet (actif ou passif) du verbe ou -$£ de ľadjectif nominalist: le depart de I avion (I avion part) — la liberation des pri-;; sonniers {les prisonniers sont Ubérés) - un donneur de lecons (il donne des lecons) — /í ľadmiration du public {le public admire Nj) - I amour du travail bien fait (N0 ^ aime le travail bien fait) - la genúllesse de votre accueil {voire accueil est gentil), mais /t\ aussi le manage de la carpe et du lapin {Je lapin et la carpe se marient). D'oii i'ambi-„ii gurte des constructions comme l'amour de Dieu dont le complement du nom peut étre interprete comme le sujet actif ou passif du verbe nominaíisé [Dieu aime "'\' Nj / Nq aime Dieu); T' • eile instaure un rapport de categorisation discursive entre un nom ä valeur géné-"^ rale classifiante et le referent particulier designe par son complement: ľépreuve du bac [=le bac est une épreuve], la barriére du langage [=le langage est une barriére], la ,,,: categoric de ľadjectif, le probléme des réfugiés [= les réfugiés sont un probléme], etc. Remarque. — Les constructions du troisiěme type n'ont rien ďappositiř. Elles sont pourtant souvent assimilées ä des appositions (cf. ('analyse tradttionnelle de Sa vi(fe de Paris) pour la seule raison qu'elles marquent une relation d'identité referentielle entre le nom et son complement (4.7.1). Cet-te analyse a été également étendue indüment aux constructions « qualitatives » telies que ce frípon de vaiet, cet imbecile de Pierre, un amour de bébé, une cochonnerie de voiture, ma chienne de vie, etc., oů la construction syntaxique demeure celie ďun nom recteur caractérisant suivi ďun complement nominal caractérisé. Comme st une méme relation referentielle ne pouvait pas se réa-liser sous des formes syntaxiques multiples, et inversement! Bibliographie. — M. Arrive, A propos de la construction, La vi//e de Paris: rapports sémantiques et rapports syntaxiques, Le francais moderne, 32, 1964, p. 1 79-184 - I. Banning, ľ interpretation des syntagmes binominaux en de en francais contemporain, Cahiers de grammaire, 12, 1987, p. 1 -64 -L. Carlsson, 1966 - M. Hug, Ľadjectif épithěte et ie complement du nom dans la langue des journa-fistes, Etudes de (inguistique appfiquée, 1, 1971, p. 59-100 - i.-C. Mílner, Ordres et rarsons ere /a langue, Paris, Seuil, 1982, p. 69-140 - ). Thomas, Syntagmes du type ce fripon de valet, le fitet de sa memoire, l'ennui de la plaine », Le francais moderne, 38 {3), 1970, p. 294-306; (4), p. 412-439 -M. Tutescu, Le groupe nominal et la nominaiisation en francais moderne, Paris, Klincksieck, 1972. 4.6. Les modificateurs propositionnels ► Le nom peut étre suiví ďune subordonnée relative (XIII) introduite par un terme relatif (pronom, adjectif ou adverbe) et fonctionnellement équivalente ä un adjectif épithěte. Le relatif assure une triple fonction: introduire une proposition pour la subordonner a un nom; representor un groupe nominal (dit antecedent) de la proposition principále; remplír une fonction syntaxique (sujet, complement ou attribut) dans la subordonnée relative. Ainsi dans la phrase Je te recommande ce livre qui vient de sortir, la relative qui vient de sortir est introduite par le pronom sujet qui et fonctionne comme modificateur déterminatif de ľantécédent livre, noyau nominal du complement d'objet de la VI— Legroupe nominal ;• 189 principále (les emplois déterminatifs de la proposition relative sont décrits dans h section réservée aux relatives adjectives, XIII: 2). ► Un sous-ensemble restreint de noms étiquetés « abstraits » peut étre élargi au moyen ďune subordonnée completive qui développe et spécifie leur con-tenu (XIV: 1.5): L'idée quilpuisse refuser ne ľa merne pas effleurée. II s'agit pres-que exclusivement des formes nominales de verbes ou d'adjectifs qui se cons-truisent avec une completive (3.3): la conviction Ila volonte l Vespoir I la certitude I la possibilité, etc. + {que + P]. Quelques noms morphologiquement non apparentés á un verbe ou ä un adjectif se prétent aussi ä ce type de construction: le fait que, l'idée que, ľhypothese que, etc. La completive se convertk en une construction infinitive par efiäcement de son sujet lorsque ce dernier est indétermíné ou générique ou lorsqu'il est coréférent au sujet de la phrase: Le temps d aimer et de mourir [film] — L espoir de réussir est le meilleur stimulant — J'avais ľimpression qu'on me suivait IJ'avais l'impression d'etre suivi. Remarque. — Beaucoup de ces noms pourvus d'une expansion completive ou infinitive se combi-nent avec des verbes supports (VII: 1.4.8) pour former des locutions verbales ; Ob! je n'ai pas la pretention de remplacer ta pauvre měře (Gide) - j'ai ía conviction qu'ii réussira - Jí a garde/perdu ľespoir de réussir. La plupart ďentre eux excluent pour des raisons sémantíques une completive dont (e sujet serait distinct de leur propre sujet et n'admettent qu'un complement ä ľinŕinitif: Le systéme américain a la grande vertu d'etre d'abord un gigantesque estomac qui digěre les crises les plus graves (dna : 2/5/92 :1) - je n'ai jamais eu I'occasion/le plaisir/ia tentation/ľ intention/le courage de ľaborder. lis se pronominal i sent comme des complements de nom introduits par la preposition de: j'en ai le temps/ľimpression/la possibilité, etc. ► Un nom peut également étre complete par une construction infinitive introduite par a qui denote une action dans Jaqueüe son réŕerent se trou ve impliqué: un livre ä ne pas mettre dans toutes les mains [= qu'on ne doit pas mettre dans toutes les mains]^ une occasion ä saisir, un spectacle ä ne pas man-quer, etc. SÍ dans la majorite des cas, le nom s'interprete comme ľobjet de ľinfmitif, il peut aussi jouer le rôíe de sujet factitif (un conte á [= qui fait] dor-mir debout, une mine äfairepeur) ou de complement temporel {un temps ä ne pas mettre un chien dehors) de ľinfmitif. Ce type de construction nominale peut ďailleurs étre mis en relation avec le schéma de phrase attributif NQ - est -ä- Vinf, oú la construction infinitive s'interprete comme une caractéristique causalement reiiée au referent du sujet Nq (qui peut ou non remplir différents rôles sémantíques par rapport ä Vinf): Cette adresse est ä retenir [=Cette adresse est telle qu 'on doit la retenir] — Votre reaction est ä pleurer [= est de nature ä faire pleurer]. Selon la nature des termes mis en relation, eile véhicuíe des valeurs modales (ďéventualité et de nécesské) et logiques (destination, consequence: machine ä écrire, et, pour les adjectifs, bete ä pleurer, enclin ä la méfiance) que la preposition ä manifeste aussi dans d'autres constructions (IX: 3). 190 Grammaire méthodique dufrancais 4.7. Les modificateurs en position détachée Un groupe nominal peut étre precede ou suivi ďun groupe adjectival, ďun groupe nominal appose, ďun groupe prépositionneí qualiflant ou ďune relative explicative: [Ce livre]GN admirable ä touš égardsjun veritable chef-d'oeuvre, I dun style inimitable, I qui a étě publié en 1678, est ľun des premiers grands romans de la litterature francaise. Ce sont des modiřicateurs non pas du nom mais du GN entier: ils sont facultatifs et leur occurrence dans la phrase est subordonnée ä celie du GN dont ils dependent. Leur position détachée est matérialisée ä ľécrit par ľencadrement entre deux virgules et ä ľoral par des pauses (et parfois par une melodie « parenthétique », voir II: 3.5). Parmí les formes conjointes du ptonom. personnel, seule celie du sujet peut étre accompagnée ďun modificateur détaché, mais, parce que clitique (voir li: 3.3), toujours anteposé (Fatigué, je me suis endormi - *Je, fatigue, me suis endormi) ■> a la notable exception pres de la formule Je, soussigné Jean Dupont,... Le détachement n'est pas en soi une structure propre aux modificateurs du GN. II caractéríse aussí les syntagmes périphériques erratiques que sont les complements de phrase (mis en téte de la phrase, insérés en diverses places, ou maintenus en fin de phrase, mais aprěs une pause qui les exclut du propos, voir V: 4.5). Les modificateurs detaches s'en distinguent par des traits propre-ment syntaxiques, par les contraintes qui régissent leur place comme par leur relation de dépendance unilaterale. Ils se rattachent ä un GN de ía phrase, la plupart du temps au GN le plus « saillant», le sujet grammatical. On peut les répartir en deux groupes selon que leur rattachement ä ce GN se fait sur le schéma des constructions du verbe étre ou du verbe avoir. 4.7.1. Les positions détacbées attributives ► II s'agit tout d'abord des GN apposes, tradkionnellement appelés appositions. Cette denomination est acceptable si on la prend dans son sens strlcte-ment formel et étymologique oü apposition signifie « position ä côté de ». Le GN appose est en effet placé ä la suite d'un autre GN (qui peut étre un infini-tif: 11 continua de jouer du violon, son seul vrai plaisir). On ajoute générale-ment que les deux GN sont dans un rapport ďidentité referentielle: dans Paris, la capitale de la France, il est indéniable que les deux expressions défi-nies désígnent la méme realite; c'est vrai aussi de Guéret, une petite ville du Centre de la France, oü Guéret est assimilé ä une petite ville pármi d'autres. Il serait plus juste de dire que k GN appose correspond ä ľattribut d'une phrase a verbe étre dont le sujet serait le GN de rattachement. A ceci pres que ľ absence facultative du determinant, tres strictement limitée pour les attributs nominaux, est beaucoup plus étendue pour les appositions (2.5.2): le lion, ter-reur des forets/*le lion est terreur des foréts — Paris, (la) capitale de la France I *Paris est capitale de la France, YJ- Legroupe nominal ..^-^O 191 Les appositions nominales suivent toujours leut GN de rattachement, sauf celles qui sont dépourvues de determinant et qui peuvent précéder le GN sujet: Consul, Napoleon élabora le Code civil Elles peuvent concerner n1 importe lequel des GN de la phrase, y compris, par exemple, le constituant d'un GP circonstanciel: Cet événement se produisit ä Besancon, vieille ville espagnole. Leurs foactions discursives sont varices: explicatives, elies ont souvent une interpretation circonstancielle (Une fo'ts consul, Napoleon..,), mais peuvent aussi servir ä opposer des referents portant la merne denomination, ou bien opérer une partition entre des aspects ď on méme referent: Vienne, sous-prefecture de ľlsére (et non pas capitate de l'Autricbe) - Chateaubriand, ambassa-deur, retrouve ä Londres k souvenir dujeune émigrépauvre quil a été, Remarque. — Le terme ď apposition peut étre source de confusion. A /'or/gine, c'est exclusivement une fonction du nom, et partiouliěrement dans la grammaire latine la fonction d'un nom accolé ä un autre nom de méme cas et désignant le merne referent, urbs Roma, rex Ancus. Les deux traductions possibles de te)s groupes (la ville de Paris, le rot Louis) ont amené á appířquer /a notion aussi bien ä des constructions prépositionnelles qu'ä des constructions détachées, alors que le premier type de construction n'a aucune spécificité en francais (4.5). (.'application de la notion d'apposition á Vad}ecťíf qualJficatJf détaché (« adjecťtf appose ») augmente encore le désordre terminologique. ► Les groupes adjectivaux, du moins ceux qui peuvent étre attributs - y compris les adjectifs verbaux: participes passes ou presents - peuvent égale-ment étre mis en position détachée. Dans cette construction parfois appelée épithéte détachée, ils precedent ou suivent le GN de rattachement s'il s'agit du sujet ('ň leur est méme possible en ce cas d'etre rejetés en fin de phrase, ce qui peut provoquer des ambiguités) ; ils le suivent si cest un autre syntagme, mais peuvent en étre disjoints si c'est un pronom complement: Päle et muet, U se tenait ä la porte — J'allais rejoindre Jacques, immobile pres de la cheminée IJ'allais le rejoindre, immobile [...] - Le petit garcon était blotti dans les bras de son pere, muet defrayeur (phrase ambigue). ► Les groupes prépositionnels qualifiants (4.5) ainsi que les participes peuvent étre detaches dans les mémes conditions que les groupes adjectivaux. Toutefois, les participes se rattachent de preference au sujet (XV: 1.2) : Leon, de bonne humeur, accueillit Paul avec un large sourire — Arthur accueillit Marie en presence de Gertrude, ne voulantpas que ľune des deuxpuisse se vexer. ► Les relatives détachées, dites explicatives, suivent le plus souvent immédía-tement le GN de rattachement, qui est ľantécédent de leur pronom relatif (XIII: 2.7): Une jeune femme prénommée Sabine, qui possédait le don ďubiquité [..J (M. Aymé) ► On trouve enŕin des complétives apposées ä un GN (sous les mémes conditions que celles qui sont décrites en 4.6 et XIV: 1.5) ainsi que des constructions infinitives: // avait une idéefixe: que le tour de France passe par son village. — Ilse livrait ä son seul vraiplaisir, jouer du violon. Remarque. — Par aiJJeurs, un GN ou une reiative substantive (XIII: 3) peuvent étre apposes á toute une phrase : Ce iour-la, il arriva ä Cheure, fait remarquab/e/ce qui me surprii. Ces expressions ser- ' í 92 Grammaimméthodiqu&dufrangais vent égaJement á former des phrases attributives incidentes : U arriva ä ľheure, c'est un fait rernar-quabie/c'est ce qui me surprit. Bibliographie. — R. Rioul, Les appositions dans la grammaire fran^aise, L 'information grammatica-ie, 18, 1983, p. 21-29 - H. Bormard, guf, /'apposition, p. 210-212, le détachement, p. 1273-1276. 4.7.2, Les constructions absolues détachées Les constructions absoiues associent deux termes dans une relation predicative, sans expliciter par une marque formelle leur rapport entre elles, ni avec le reste de ľénoncé: ► elles comprennent d'une part un GN, d'autre part un adjectif, un GP ou un participe prédicatifs : la tete basse, les mains dans les poches, le cceur battant, les bras croisés, etc.; ► le GN entretient généralement une relation de partie ä tout avec un autre element nominal de la phrase (cest souvent une partie corporelle ou une par-ticularité psychologique ou comportementale d'un tout animé): Pierre se proměně ksjnains dans les poches; ► ces constructions dérivent souvent d'une forme remarquable de GV (Vit: 1.5,3.2) ou le verbe avoir est suivi d'un complement d'objet et d'un adjectif ou d'un GP jouant le role d'un attribut de ce complement -.Hales Ihrres gercées I la tete basselies mains dans ks poches I la queue entre lespattes/k béret sur ľoreille/la rageau cceur, Intégrées au GN, les constructions absolues prennent la forme d'un grou-pe prépositionnel complement du nom: ľhomme au béret sur ľoreille I avec le béret sur ľoreille (4.5). Elies peuvent aussi fonctionner globalement comme des attributs du sujet ou de ľobjet: On ne parle pas la bouche pleine — II est reparti les mains vides — On ľa r envoy é les mains vides. Mais on les trou ve beaucoup plus fréquemment en position détachée, oil leur valeur descriptive est souvent mise au service du portrait et oil elles sont parfois associées avec des groupes adjectivaux apposes, ce qui montre la parenté syntaxique entre les deux types de constructions: Cetait une agréable vieille, grosse, blanche, propre, lair grand, les maniéres belles et nobles (Chateaubriand) — Bléme, les cheveux noirs et marquee de petite veröle, eile sappuyait sur le bras du militaire (Flaubert). Bibliographie. — S. Hanon, Les constructions absoiues en francais modeme, Peeters íBibliothfeque de ['Information grammaticaie], 1989 - B. Combettes, 1998.