Georges Brassens Les passantes Je veux dédier ce počme A toutes les femmes qu'on aime Pendant quelques instants secrets A celles qu'on connait ŕ peine Qu'un destin différent entraîne Et qu'on ne retrouve jamais A celle qu'on voit apparaître Une seconde ŕ sa fenętre Et qui, preste, s'évanouit Mais dont la svelte silhouette Est si gracieuse et fluette Qu'on en demeure épanoui A la compagne de Voyage Dont les yeux, charmant paysage Font paraîte court le chemin Qu'on est seul, peut-ętre, ŕ comprendre Et qu'on laisse pourtant descendre Sans avoir effleuré sa main A la fine et souple valseuse Qui vous sembla triste et nerveuse Par une nuit de carnaval Qui voulu rester inconnue Et qui n'est jamais revenue Tournoyer dans un autre bal A celles qui sont déjŕ prises Et qui, vivant des heures grises Prčs d'un ętre trop différent Vous ont, inutile folie, Laissé voir la mélancolie D'un avenir désespérant Chčres images aperçues Espérances d'un jour déçues Vous serez dans l'oubli demain Pour peu que le bonheur survienne Il est rare qu'on se souvienne Des épisodes du chemin Mais si l'on a manqué sa vie On songe avec un peu d'envie A tous ces bonheurs entrevus Aux baisers qu'on n'osa pas prendre Aux cśurs qui doivent vous attendre Aux yeux qu'on n'a jamais revus Alors, aux soirs de lassitude Tout en peuplant sa solitude Des fantômes du souvenir On pleure les lęvres absentes De toutes ces belles passantes Que l'on n'a pas su retenir Dans L'eau De La Claire Fontaine Dans l'eau de la claire fontaine Elle se baignait toute nue Une saute de vent soudaine Jeta ses habits dans les nues En détresse, elle me fit signe Pour la vętir, d'aller chercher Des monceaux de feuilles de vigne Fleurs de lis ou fleurs d'oranger Avec des pétales de roses Un bout de corsage lui fis La belle n'était pas bien grosse Une seule rose a suffi Avec le pampre de la vigne Un bout de cotillon lui fis Mais la belle était si petite Qu'une seule feuille a suffi Elle me tendit ses bras, ses lčvres Comme pour me remercier Je les pris avec tant de fičvre Qu'ell' fut toute déshabillée Le jeu dut plaire ŕ l'ingénue Car, ŕ la fontaine souvent Ell' s'alla baigner toute nue En priant Dieu qu'il fit du vent Qu'il fit du vent... Ballade des dames du temps jadis (François Villon, ca. 1460) Dictes moy oů, n’en quel pays, Est Flora la belle Romaine; Archipiada, ne Thaďs, Qui fut sa cousine germaine, Echo, parlant quand bruyt on maine Dessus riviere ou sus estan, Qui beauté eut trop plus qu’humaine? Mais oů sont les neiges d’antan? Oů est la trčs sage Héloďs, Pour qui chastré fut et puis moyne Pierre Esbaillart ŕ Saint Denis? Pour son amour eut cest essoyne. Semblablement, oů est royne Qui commanda que Buridan Fust geté en ung sac en Seine? Mais oů sont les neiges d’antan? La royne Blanche comme lys, Qui chantoit ŕ voix de sereine, Berthe au grand pied, Bietris, Allys, Harembourgis qui tint le Mayne, Et Jehanne, la bonne Lorraine, Qu’Anglois bruslčrent ŕ Rouen; Oů sont-ils, Vierge souveraine? Mais oů sont les neiges d’antan? Prince, n’enquerez de sepmaine Oů elles sont, ne de cest an, Que ce refrain ne vous remaine: Mais oů sont les neiges d’antan?