FJ0B616 Teorie a praxe překladu – Vendredi, 11.40-13.10, salle K 33 Le 1er octobre 2010 La bibliographie de base, l´usage de dictionnaires papier et électroniques La traduction - définition du terme : la traduction littéraire et la traduction technique Les problèmes linguistiques de la traduction (Jean-René Ladmiral) Qu´est-ce que la traduction ? Selon Jean-René Ladmiral, la traduction est un cas particulier de convergeance linguistique : au sens le plus large, elle désigne toute forme de médiation interlinguistique, permettant de transmettre de l´information entre locuteurs de langues différentes. La traduction fait passer un message d´une langue de départ (LD) ou langue-source dans une langue d´arrivée (LA) ou langue-cible. La traduction désigne à la fois la pratique traduisante, l´activité du traducteur (sens dynamique) et le résultat de cette activité, le texte-cible lui-même (sens statique). Le mot prend aussi parfois le sens métaphorique excessivement élargi d´expression, représentation, interprétation (p. ex. cette nervosité était la traduction d´une certaine gêne...). En France, on distingue traditionnellemnt traduction littéraire et traduction technique. Cela correspond à une différence entre les types de textes à traduire mais aussi à des clivages d´ordre économique : les « littéraires » traduisent des livres et sont rétribués, assez modestement, selon le régime des droits d´auteur (avec en principe un à-valoir forfaitaire); les « techniques » reçoivent le plus souvent des honoraies, lesquels sont notablement plus substantiels. En traductologie française, on appelle « traduction technique » aussi bien la traduction de textes juridiques, scientifiques, etc que proprement techniques; la traduction d´un ouvrage de sciences humaines est dite « traduction littéraire ». En traductologie tchèque, la traduction des ouvrages de sciences humaines aussi bien que de sciences naturelles, de droit, etc. est appelé « traduction technique ». Les problèmes linguistiques de la traduction (Jean-René Ladmiral) Le problème de la traduction est souvent posé dans les termes antinomiques d´un débat académique : traduction littérale ou littéraire dite «libre», autrement dit la fidélité ou l´élégance, la lettre ou l´esprit. Ce sont ces deux pôles d´une même altenative, indéfiniment rebaptisés, qui scandent l´histoire de la traduction selon un mouvement de balancier entre l´équivalence formelle et l´équivalence dynamique (E.A. Nida, 1964, p. 159 sqq.), entre le mot-à-mot et les belles infidèles (G. Mounin, 1955). Aux sources historiques de la traduction, on trouve d´abord les textes sacrés, comme la traduction qrecque de l´Ancien Testament (dite des « Septante »), la traduction latine de la Bible par Saint Jérôme (la « Vulgate »), etc. Les textes littéraires de l´Antiquité ont aussi joué un grand rôle dans la tradition qui est celle de la traduction en Occident : le nombre de traductions de l´Illiade et de l´Odyssée est à cet égard impressionnant, quoique sans comparaison avec celles de la Bible. Les littératures nationales européennes ont commencé avec des traductions du grec et du latin, comme en témoigne le préstige dont jouit en France le Plutarque traduit par Amyot; et les oeuvres de la Pléiade, par exemple, font apparaître une continuité allant de la traduction proprement dite à la simple adaptation qui ne fait que s´inspirer des chefs-d´oeuvre antiques. Nombreux sont aussi les écrivains qu, comme Valery Larbaud (1957), nous ont légué des « Arts de traduire ». Il est claire que de nos jours les besoins en matière de traductions sont extrêmement diversifiés et atteignent une ampleur considérable qui va croissant. C´est l´urgence et la masse de ces besoins en ce qui concerne les traductions scientifiques qui sont à l´origine des travaux sur la traduction automatique (TA) ou machine à traduire entrepris depuis la Seconde Guere mondiale. La finalité d´une traduction consiste à nous dispenser de la lecture de l´original. La traduction est censée remplacer le texte-source par le « même » texte en langue-cible. C´est le caractère problématique de cette identité qui fait toute la difficulté d´une théorie de la traduction : on parlera d´« équivalence » ... En première approximation, on rapprochera la traduction d´un transcodage, où le message nous parvient en code-source (les impulsions électrique du morse par exemple) avant d´être décodé puis recodé (en se servant du code-cible de notre alphabet graphique par exemple). Mais ce serait réduire les langues naturelles à des alphabets, au mieux à de simples nomenclatures lexicales, la traduction se contentant de remplacer les mots-source par les mots-cible selon une correspondance supposée bi-univoque entre les uns et les autres. De fait, à l´origine commune de la traduction et du dictionnaire, on trouve de telles listes de termes bilingues, voire plurilingues, appelées tables de concordance (cf. glossaire sumérien-akkadien); de même, les travaux sur la « machine à traduire » commencent avec des recherches portant sur le dictionnaire automatique. Il reste qu´en réalité la traduction ne met pas seulement en jeu le vocabulaire, mais aussi la syntaxe, ainsi que la stylistique et la dimension proprement idiomatique des langues concernées. C´est ce qui rend impraticable le pur et simple mot-à-mot d´un transcodage. Toute théorie de la traduction est confrontée au vieux problème philosophique du Même et de l´Autre : à strictement parler, le texte-cible n´est pas le même que le texte original, mais il n´est pas non plus tout à fait un autre... . Le concept même de fidélité au texte original traduit cette ambiguïté, selon qu´il s´agit de fidélité à la lettre ou à l´esprit. Ce débat traditionnel sur les « belles infidèles » débouche sur une autre antinomie fondamentale de la traduction qu´est le problème de l´intraduisibilité. Tout est traduisible, et/ou : la traduction est impossible. Tous ces problèmes sont insolubles en soi et en général: on y trouve qu´au coup par coup des solutions partielles. Plutôt qu´en termes de code ou de message, c´est en se servant des concepts saussuriens de langue et de parole, plus proprement linguistiques et n´impliquant pas le même niveau de formalisation, qu´on pourra esquisser une théorie de la traduction (La langue désigne le stock des virtualités linguistiques dont dispose la communauté, la parole est la réalité de l´activité qui met en oeuvre la langue). Le concept d´équivalence reproduit l´ambiguïté de la traduction : on précisera qu´il s´agit d´une identité de la parole à travers la différence des langues. Le 8 octobre 2010 L´unité de traduction et les procédés techniques de traduction (J.-P. Vinay – Jean Darbelnet) Unité de traduction En traduction, on considérait longtemps comme unité fondamentale le mot. Selon les auteurs de la Stylistique comparée du français et de l´anglais, le mot, malgré son apparente commodité, n´est pas une unité satisfaisante de traduction. Mais nous ne pouvons nous en passer tout à fait, parce qu´un énoncé se divise en mots séparés par des espaces blancs et parce que nous retrouvons dans les dictionnaires les éléments ainsi délimités. Mais même dans la langue écrite les limites ne sont pas toujours très nettes (p. ex. on dit « face à face», mais « vis-à-vis », « porte-monnaie », mais « portefeuille » , « tout à fait », mais « sur-le-champ ». On observe les irrégularités concernant l´emploi du trait d´union aussi en anglais. Si nous passons à la langue parlée, nous constatons qu´en français tout au moins les frontières entre les mots disparaissent, les unités que perçoit l´oreille étant les syllabes et les groupes de marques phonologiques permettant de délimiter les mots entre eux. Le problème des unités existe donc et il avait déjà préoccupé Saussure : « La langue présente ce caractère étrage et frappant de ne pas offrir d´entités perceptibles de prime abord, sans qu´on puisse douter cependant qu´elles existent et que c´est leur jeu qui la constitue » (Cours de linguistique général, p. 149). Ce qui nous gêne pour adopter le mot comme unité, c´est qu´avec lui on ne voit plus clairement la structure double du signe, et que le signifiant prend une place exagérée par rapport au signifié. Le traducteur part du sens et effectue toutes ses opérations de transfert à l´intérieur du domaine sémantique. Il lui faut donc une unité qui ne soit pas exclusivement formelle, puisqu´il ne travaille sur la forme qu´aux deux extrémités de son raisonnement. Dans ces conditions, l´unité à dégager est l´unité de pansée, conformément au principe que le traducteur doit traduire des idées et des sentiments et non des mots. J.–P. Vinay, Jean Darbelnet considèrent comme équivalents les termes : unités de pensées, unités lexicologiques et unités de traduction. Pour eux, ces termes expriment la même réalité considérée d´un point de vue différent. Leurs unités de traduction sont des unités lexicologiques dans lesquelles les éléments du lexique concourent à l´expression d´un seul élément de pensée. L´unité de traduction est pour eux le plus petit segment de l´énoncé dont la cohésion des signes est telle qu´ils ne doivent pas être traduits séparément. On peut distinguer plusieurs sortes d´unités de traduction selon le rôle particulier qu´elles jouent dans le message. a) les unités fonctionnelles sont celles dont les éléments participent à la même fonction grammaticale : Il habite/ Saint-Sauveur/ à deux pas/ en meublé/ chez ses parents. b) les unités sémantiques présentent une unité de sens : sur-le-champ : immediately (cf. on the spot) avoir lieu : to happen (cf. to také place)¨ c) les unités dialectiques articulent un raisonnement : en effet, or, puisqu´aussi bien d) les unités prosodiques sont celles dont les éléments participent à une même intonation (de l´énoncé) : „You dont say! : Ça alors!“ En fait les trois dernières catégories constituent les unités de traductions de Vinay-Darbelnet. Les unités fonctionnelles, à moins d´être brèves, ne sont pas nécessairement limitées à une seule unité de pensée. Si nous considérons la correspondance entre les unités de traduction et les mots du texte, trois cas peuvent se présenter : unités simples : chacune d´elle correspond à un seul mot. C´est évidemment le cas le plus simple, et nous le mentionnons d´abord parce qu´il est fréquent et ensuite parce qu´il permet de mieux définir les deux autres. Dans la phrase : „il gagne cinq mille dollars.“ il y a autant d´unités que de mots et on peut remplacer chaque mot séparément sans changer la contexture de la phrase . Ex. „Elle reçoit trois cent francs.“ unités diluées : elles s´étendent sur plusieurs mots qui forment une unités lexicologique du fait qu´ils se partagent l´expression d´une seule idée. Ex. au fur et à mesure que : as dans la mesure où : in so far as unités fractionnaires : l´unité n´est alors qu´une partie d´un mot, ce qui veut dire que la composition du mot est encore sentie par le sujet parlant. Ex. „relever quelque chose qui est tombé“, mais non „relever une erreur“ ; „recréation“, mais non „récréation“. Les procédés techniques de la traduction Une fois posés les principes théoriques sur lesquels repose la stylistique comparée, il convient d´indiquer quels sont les procédés techiques auxquels se ramène la démarche du traducteur. Rappelons qu´au moment detraduire, le traducteur rapproche deux systèmes linguistiques, dont l´un est exprimé et figé, láutre est encore potentiel et adaptable. Le traducteur a devant ses yeux un point de départ et élabore dans son esprit un point d´arrivée ; il va probablement explorer tout d´abord son texte : évaluer le contenu descriptif, affectif, intellectuel des unités de traduction qu´il a découpées ; reconstituer la situation qui informe le message ; peser et évaluer les effets stylistiques, etc. Mais il ne peut en rester là : bientôt son esprit s´arrête à une solution – dans certains cas, il y arrive si rapidement qu´il a l´impression d´un jaillissement simultané, la lecture de langue de départ appelant presque automatiquement le message en langue d´arrivée ; il ne lui reste qu´à contrôler encore une fois son texte pour s´assurer qu´aucun des éléments de la langue de départ n´a été oublié, et le processus est terminé. C´est précisément ce processus qu´il nous reste à préciser. Ses voies, ses procédés peuvent être ramenés à sept, correspondant à des difficultés d´ordre croissant, et qui peuvent s´employer isolément ou à l´état combiné. Il y a, grosso modo, deux directions dans lesquelles le traducteur peut s´engager : la traduction directe ou littérale, et la traduction oblique. En effet, il peut arriver que le message en langue de départ se laisse parfaitement transposer dans le message en langue d´arrivée, parce qu´il repose soit sur des catégorie parallèles (parallélisme structural), soit sur des conceptions parallèles (parallélisme métalinguistiques). Mais il se peut aussi que le traducteur constate dans la langue d´arrivée des lacunes qu´il faudra combler par des moyens équivalents, l´impression globale devant être la même pour les deux messages. Il se peut aussi que par la suite de divergences d´ordre structural ou métalinguistique certains effets stylistiques ne se laissent pas transposer en langue d´arrivée sans un bouleversement plus ou moins grand de l´agencement ou même du lexique. Dans ce cas, il faut donc avoir recours à des procédés beaucoup plus détournés, qui à première vue peuvent surprendre, mais dont il est possible de suivre le déroulement pour en contrôler rigoureusement l´équivalence : ce sont là des procédés de traduction oblique. Les procédés 1,2, et 3 sont directs. Les autres sont obliques. 1. L´emprunt. Trahissant une lacune, généralement une lacune métalinguistique (technique nouvelle, concept inconnu), l´emprunt est le plus simple de tous les procédés de traduction. Ce ne serait même pas un procédé de nature à nous intéresser, si le traductuer n´avait besoin, parfois, d´y recourir volontairement pour créer un effet stylistique. Par exemple pour introduire une couleur locale, on se servira de termes étrangers, on parlera de „verstes“ en Russie, de „dollars“ et de „party“ en Amérique, de „tequila“ et de „tortillas“ au Mexique, etc. Une phrase telle que : „the coroner spoke“ se traduit mieux par un emprunt : „le coroner prit la parole“, que par la recherche plus ou moins heureuse d´un titre équivalent parmi les magistrats français. Il y a des emprunts anciens, qui n´en sont plus pour nous, puisqu´ils sont rentrés dans le lexique : „alcool“, „redingote“, „acajou“, etc. Ce qui intéresse le traducteur, ce sont les emprunts nouveaux et même les emprunts personnels. Il est à remarquer que souvent les emprunts entrent dans une langue par le canal d´une traduction, ainsi que les emprunts sémantiques ou faux-amis, contre lesquels il faut se prémunir soigneusement. La question de la couleur locale évoquée à l´aide d´emprunts intéresse les effets de style et par conséquent le message. 2. Le calque Le calque est un emprunt d´un genre particulier : on emprunt à la langue étrangère le syntagme, mais on traduit littéralement les éléments qui le composent. On aboutit, soit à un calque d´expression, qui respecte les structures syntaxiques de la langue d´arrivée, en introduisant un mode expressif nouveau, soit à un calque de structure, qui introduit dans la langue une construction nouvelle. De même que pour les emprunts, il existe des calques anciens, figés, que nous citons au passage pour rappeler qu´ils peuvent, comme les emprunts, avoir subi une évolution sémantique qui en font des faux-amis. Plus intéressants pour le traducteur seront les calques nouveaux, qui veulent éviter un emprunt tout en comblant une lacune (cf. économiquement faible, calqué sur l´allemend) ; il y a avantage à recourir alors à la création lexicologique à partir du fonds gréco-latin ou à pratiquer l´hypostase. On éviterait ainsi des calques pénibles, tels que: „Thérapie occupationnelle“ (Occupational Therapy); „Banque pour le commerce et le Développement“; „les quatre Grands“; „le Premier français“. 3. La traduction littérale La traduction littérale ou le mot à mot désigne le passage de la langue de départ à la langue d´arrivée aboutissant à un texte à la fois correct et idiomatique sans que le traducteur ait eu à se soucier d´autre chose que des servitudes linguistiques : „Where are you ?“ „Où êtes-vous ?“ En principe, la traduction littérale est une solution unique, reversible et complète en elle-même. On en trouve les exemples les plus nombreux dans les traductions effectuées entre langues de même famille (français-italien) et surtout de même culture. Si l´on peut constater un certain nombre de cas de traduction littérale entre le français et l´anglais, c´est que les conceptions métalinguistique peuvent également souligner des coexistences physiques, des périodes de bilinguisme, avec l´imitation consciente ou inconsciente qui s´attache à un certain prestige intellectuel ou politique. On peut aussi les expliquer par une certaine convergenace des pensées et aprfois des strudtures, que l´on observe bien dans les langues de l´Europe (cf. la création de l´article défini, le concept de culture et de civilisation, etc.) et qui a inspiré plusieurs articles intéressants aux tenants (partisants) de la Sémantique générale. Si la traduction littérale est reconnue inacceptable par le traducteur, il faut recourir à une traduction oblique. Par inacceptable, nous entendons que le message, tel qu´il se laisse rédiger littéralement, a) donne un autre sens b) n´a pas de sens c) est impossible pour des raisons structurales d) ne correspond à rien dans la métalinguistique de la langue d´arrivée e) correspond bien à quelque chose, mais non pas au même niveau de langue. Si nous considérons les deux phrases suivantes : (1) „He looked at the map“ (2) „He looked the picture of health“, nous pourrons traduire la première en appliquant les règles de la traduction littérale: „il regarda la carte“, mais nous ne pouvons traduire ainsi la seconde: „il paraissait l´image de la santé“, à moins de le faire pour des raisons expressives (cas du personnage anglais qui parle mal français dans un dialogue). Si le traducteur aboutit à un texte tel que celui-ci: „Il se portait comme un charme“, c´est qu´il reconnaît là une équivalence de messages, que sa position particulière, extérieure à la fois à la langue de départ et à la langue d´arrivée, lui fait apparaître clairement. L´équivalence de messages s´appuie elle-même, en dernier ressort, sur une identité de situation, qui seule permet de dire que la langue d´arrivée retient de la réalité certaines caractéristiques que la langue de départ na connaît pas. Si nous avions des dictionnaires de signifiés, il suffirait de chercher notre traduction à l´article correspondant à la situation identifiée par le message en langue de départ. Comme il n´en existe pratiquement pas, nous partons des mots ou unités de traduction, et nous devons les soumettre à des procédés particuliers pour aboutir au message désiré. Le sens d´un mot étant fonction de la place qu´il occupe dans l´énoncé, il arrive que la solution aboutisse à un groupement de mots tellement éloigné de notre point de départ qu´aucun dictionnaire n´en fait mention. Étant donné les combinaisons infinies des signifiants entre eux, on comprend pourquoi le traducteur ne saurait trouver dans les dictionnaires des solutions toute faites à ses problèmes. Car lui seul possède la totalité du message pour l´éclairer dans son choix, et c´est le message seul, reflet de la situation, qui permet en dernière analyse de se prononcer sur le parallélisme de deux textes. 4. La transposition Nous appelons ainsi le procédé qui consiste à remplacer une partie du discours par une autre, sans changer le sens du message. Ce procédé peut aussi bien s´appliquer à l´intérieur d´une langue qu´au cas particulier de la traduction. „Il a annoncé qu´il reviendrait“ devient par transposition du verbe subordonné en substantif: „Il a annoncé son retour“. Nous appelons cette seconde tournure : tournure transposée, par opposition à la première, qui est tournure de base. Dans le domaine de la traduction, nous serons appelés à distinguer deux espèces de transposition : la transposition obligatoire et la transposition facultative. Par exemple „dès son lever“ doit être obligatoirement transposé en „As soon as he gets up“, l´anglais n´ayant dans ce cas que la tournure de base. Mais en sens inverse, nous avons le choix entre le calque et la transposition, puisque le français possède les deux tournures. Au contraire, les deux phrases équivalentes „après qu´il sera revenu : after he comes back“ peuvent être toutes les deux rendues par une transposition : „après son retour : after his return“. La tournure de base et la tournure transposée ne sont pas nécessairement équivalentes au point du vue de la stylistique. Le traducteur doit donc être prêt à opérer la transposition si la tournure ainsi obtenue s´insère mieux dans la phrase ou permet de rétablir une nuance de style. On voit en effet que la tournure transposée a généralement un caractère plus littéraire. Le chassé-croisé est un cas particulièrement fréquent de transposition. 5. La modulation La modulation est une variation dans le message, obtenue en changeant de point de vue, d´éclairage. Elle se justifie quand on s´aperçoit que la traduction littérale ou même transposée aboutit à un énoncé grammaticalement correct, mais qui se heurte au génie de la langue d´arrivée. De même que pour la transposition, nous distinguerons des modulations libres ou facultatives et des modulations figées ou obligatoires. Un exemple classique de la modulation obligatoire est la phrase : „The time when…“ qui doit se rendre obligatoirement par : „le moment où“; au contraire, la modulation qui consiste à présenter positivement ce que la langue de départ présentait négativement est le plus souvent facultative: „It is not difficult to show… : Il est facile de démontrer…“. La différence entre une modulation figée et une modulation libre est une question de degré. Dans le cas de la modulation figée, le degré de fréquence dans l´emploi, l´acceptation totale par l´usage, la fixation conférée par l´inscription au dictionnaire (ou la grammaire) font que toute personne possédant parfaitement les deux langues ne peut hésiter un instant sur le recours à la modulation figée. Dans le cas de la modulation libre, il n´y a pas eu de fixation, et le processus est à refaire chaque fois. Cependant, cette modulation n´est pas pour cela facultative. Elle doit, si elle est bien conduite, aboutir à une solution qui fait s´exclamer le lecteur : oui, c´est bien comme cela que l´on s´exprimerait en français. La modulation libre tend donc vers une solution unique. Et cette solution unique repose sur un mode habituel de pensée, imposé et non facultatif. On voit donc qu´entre la modulation figée et la modulation libre, il n´y a qu´une différence de degré, et qu´une modulation libre peut devenir une modulation figée dès qu´elle devient fréquente, ou dès qu´elle est sentie comme la solution unique (ceci ressort généralement de l´examen de textes bilingues ou de discussions au cours d´un conférence bilingue ou d´une traduction fameuse qui s´impose par sa valeur littéraire). L´évolution d´une modulation libre vers une modulation figée arrive à son terme lorsque le fait en question s´inscrit dans les dictionnaires et les grammaires et devient matière enseignée. À partir de cet instant, la non-modulation est une faute d´usage. 6. L´équivalence Il est possible que deux textes rendent compte d´une même situation en mettant en oeuvre des moyens stylistiques et structuraux entièrement différents. Il s´agit alors d´une équivalence. Elle est le plus souvent de nature syntagmatique et intéresse la totalité du message. La plupart des équivalence sont donc figées et font partie d´un répertoire phraséologique d´idiotisme, de clichés, de proverbes, de locutions substantivales ou adjectivales, etc. Les proverbes offrent en général de parfaites illustrations de l´équivalence : „like a bull in a china ahop : comme un chien dans un jeu de quilles“ ; „Too many cooks spoil the broth : Deux patrons font chavirer la barque“. Il en va de même pour les idiotismes ; ils ne doivent se calquer à aucun prix; et pourtant, c´est ce qu´on observe chez les populations dites bilingues, qui souffrent du contact permanent de deux langues et finissent par n´en savoir aucune. Il se peut d´ailleurs que certains de ces calques finissent par être acceptés par l´autre langue, surtout si la situation qu´ils évoquent est neuve et susceptible de s´acclimater à l´étranger. Mais le traducteur devrait être conscient de la responsabilité que représente l´introduction de ces calques dans une langue parfaitement organisée : seul l´auteur peut se permettre semblables fantaisies, dont le succès ou l´échec rejaillira alors sur lui. Dans une traduction, il faut s´en tenir à des formes plus classiques, car le soupçon d´anglicisme, de germanisme, d´hispanisme s´attachera toujours à tout essai d´innovation dans le sens du calque. 7. L´adaptation Avec ce septième procédé, nous arrivons à la limite extrême de la traduction ; il s´applique à des cas où la situation à laquelle le message se réfère n´existe pas dans la langue d´arrivée, et doit être créée par rapport à une autre situation, que l´on juge équivalente. C´est donc ici un cas particulier de l´équivalence, une équivalence de situations. Pour prendre un exemple, on peut citer le fait pour un père anglais d´embrasser sa fille sur la bouche comme une donnée culturelle qui ne passerait par telle quelle dans le texte français. Traduire : „he kissed his daughter on the mouth“ par „il embrassa sa fille sur la bouche“, alors qu´il s´agit simplement d´un bon père de famille rentrant chez lui après un long voyage, serait introduire dans le message en langue d´arrivée un élément qui n´existe pas dans le texte de départ; c´est une sorte particulière de surtraduction. Disons: „il serra tendrement sa fille dans ses bras“, à moins que le traducteur ne veuille faire de la couleur locale à bon marché. Le refus de procéder à des adaptations qui portent non seulement sur les tructures, mais aussi sur le déroulement des idées et leur présentation matérielle dans le paragraphe, se trahit dans un texte parfaitement correct par une tonalité indéfinissable, quelque chose de faux qui décèle invariablement une traduction. C´est malheureusement l´impression que donnent trop souvent les textes publiés par les organisations internationales actuelles, dont les membres exigent par ignorance ou un souci mal placé de littéralité des traductions aussi calqués que possible. Le résultat est un galimatias qui n´a de nom dans aucune langue, mais que R. Etiemble a fort justement traité de „sabir Nord-Atlantique“. Un texte ne peut être un calque, ni sur le plan structural, ni sur le plan métalinguistique. Toutes les grandes traductions littéraires ont reconnu implicitement l´existence des procédés dont nous venons de faire le recencement. Et l´on peut se demander si les Américaions ne refusaient pas de rpendre la SDN (Société des Nations) au sérieux parce que beaucoup de ces textes étaient des traductions non modulées et non adaptées d´un original français, de même que le sabir Nord-Atlantique ne s´explique que par des textes mal digérés à partir d´un original anglo-américain. Nous touchons là un problème des changement intellectuels, culturels et linguistiques que peut entraîner l´exeistence de documents importants, de livres, de films, etc. rédigés par des traducteurs qui ne peuvent pas ou qui n´osent pas s´aventurer dans les traductions obliques. Enfin, il est bien entendu que l´on peut, dans une même phrase, recourir à plusieurs de ces procédés, et que certaines traductions ressortissent parfois à tout un complexe technique qu´il est difficile de définir; par exemple la traduction de “private“ par “défence d´entrer“ est à la fois une transposition, une modulation et une équivalence. C´est une transposition parce que l´adjectif „private“ se rend par une locution nominale; une modulation, parce qu´on passe d´une constatation à un avertissement (cf. „wet paint“ et „prenez garde à la peinture“); enfin, c´est une équivalence puisque la traduction est obtenue en remontant à la situation sans passer par la structure.