FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale I. INTRODUCTION GENERALE I. INTRODUCTION GENERALE.......................................................................................................................1 1.1. PERIODISATION DE LA LITTÉRATURE FRANQAISE DU XXE SIECLE................................................................ 1 1.2. Le contexte litteraire...........................................................................................................................3 1.3. traits dominants de la periode.............................................................................................................4 1.4. le contexte historique (histoire et civilisation au xxe siecle) .....................................................5 1.4.a. Les Guerres mondiales et decolonisation...............................................................................................5 1.4.b. L 'instabilitépolitique.............................................................................................................................5 Le rayonnement dela France..............................................................................................................................................6 Les influences étrangěres....................................................................................................................................................6 1.4.d. Civilisation ou barbarie ?......................................................................................................................7 1.5. LA LITTÉRATURE, LES ARTS......................................................................................................................7 1.5.a. La littérature...............................................................................................................................................8 Avant 1914.........................................................................................................................................................................8 De 1919 á 1939...................................................................................................................................................................8 Depuis 1940........................................................................................................................................................................9 1.5.b. Les arts...................................................................................................................................................9 Ľart abstrait........................................................................................................................................................................9 La peinture........................................................................................................................................................................10 La sculpture......................................................................................................................................................................11 Le cinéma.........................................................................................................................................................................11 1.1. Périodisation de la littérature frangaise du XXs siěcle. Lorsqu'on se propose de porter un regard englobant tout le 20e siěcle, on est impérativement amené á chercher sa source dans la derniěre décennie du 19e siěcle. C'est-á-dire á ľépoque oú les innovations esthétiques, spirituelles et intellectuelles connaissent un essor remarquable. Ainsi du point de depart de notre reflexion sur revolution de la littérature francaise du 20e siěcle qui peut étre tracée par des périodes charniěres : 1) 1920 - 1930 représente le moment oú se chevauchent les deux grandes époques du siěcle - 1890-1930 et 1920 - 1960. 2) années 1950 - 1970 représentent une fracture incontestable dans revolution litteraire du siěcle et dont ľépicentre se situe aux environs des années 1960. Esquissée de cette maniěre, revolution de la littérature francaise du 20e siěcle recoupe le progres de la notion de modernitě, telle que Charles Baudelaire l'avait introduite en 1846. Modernitě La conception baudelairienne de la modernitě implique l'abolition de l'opposition entre ce qui est moderne et ce qui est classique. Le romantisme concu sous ce prisme cesse d'evoquer la spécificité ďune époque déterminée et reprend la valeur du latin « modernus », autrement dit de ce qui relěve de ľactualité, et ne s'oppose á aucun moment du passé qui puisse lui servir d'exemple. En eifet toute reuvre classique a été á un certain moment également romantique. Dans de telies circonstances, oú les distinctions entre les valeurs des categories esthétiques - en premier lieu entre ľesthétique classique et moderne - deviennent moins transparentes, ou, plutôt, s'effacent totalement, la question du beau, de sa nature et de ses sources se pose á nouveau. Pour Baudelaire, la question semble résolue dans le fait qu'il y a deux aspects du beau : d'un côté ľ« element éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile á determiner » et de I'autre ľ« element relatif, circonstanciel, qui sera, si l'on veut tour á tour ou tout ensemble, ľépoque, la mode, la morale, la passion. » II est done evident que l'un ne peut exister sans I'autre, sinon, « le premier serait indigestible, inappreciable, non adapté et non approprié á la nature humaine. » (Charles Baudelaire, « Le peintre de la vie moderne », Ecrits sur ľart, Paris, Librairie Generale Francaise, coli. Classiques de poche, p. 506.) Or, tout en conservant ľespace de la créativité individuelle, cette definition du beau se situe á ľopposé de la conception de Stendhal en raison de cet aspect impliquant une continuité des generations de concepts esthétiques. Dans ses Salons de 1846 et de 1846, Baudelaire met un signe ďéquivalence entre la modernitě et le romantisme dont il fournit sa propre definition, entiěrement neuve. Celle-ci se fonde notamment sur le second element du beau, circonstanciel, celui qui s'exprime par « le sentiment, la passion, la reverie de chacun, c'est-á-dire la varieté dans ľunité, ou les faces diverses de ľabsolu. » (Charles Baudelaire, Salon de 1846. Ecrits sur Vart, Paris, Librairie Generale Francaise, coli. Classiques de poche, 1992, p. 142.) La modernitě du romantisme ne consiste done plus « ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la maniěre de sentir. » La modernitě baudelairienne ne repose plus sur 1 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale En gros traits, il est possible de delimiter 4 périodes dans la littérature francaise du 20e siěcle : • La premiere perióde s'étendrait du debut du XXe siěcle jusqu'aux années 1930 et sera marquee par multiplicité ď innovations esthétiques qu'incarnent, dans le domine du román, les personnalités telies que Gide, Proust ou Celine et, dans le domaine de la poésie et des arts de ľ image, le mouvement surrealisté. • La deuxiěme periodě serait celle qui commence au debut des années 1930 jusqu'au milieu des années 1950 et qu'il sera possible de caractériser par la notion ď engagement, qu'il soit historique, éthique ou politique. Cette perióde recoupe ľavenement du fascisme, de la seconde guerre mondiale ainsi qu'avec ľéclatement des guerres de decolonisation et les noms que ľ on y associe generalement sont ceux de Gide, de Malraux, de Camus, de Sartre et d'Aragon. • Vers le milieu des années 1950, cette periodě sera substituée par la nouvelle generation dont le trait majeur serait la volonte de rupture esthétique, contestant les presupposes des generations précédentes. Ainsi tout domaine ďactivité humaine se voit pourvu du label « nouveau» (nouveau roman, theatre, nouvelle critique, vague, etc.). Cette periodě se définirait comme une recherche expérimentale sur les formes narratives, et sur«Ľécriture et ľexpérience des limites» (Philippe Sollers). Cest avec cette experience des limites que le projet se radicalise et le mouvement Tel Quel pratiquant la textualité - écriture qui se veut sa propre fin - se donne pour but de rompre avec toute forme d'illusion, qu'elle soit referentielle ou romanesque. Aprěs 1968, les idées se radicalisent au méme degré que le caractěre révolutionnaire du mouvement. Les impasses ne se font pas attendre et cette ultime phase du modernisme dans la littérature francaise se donne sa propre fin au moment ou il adopte un nouveau nom ainsi qu'une nouvelle ligne de conduite (L 'Infini). • Une quatriěme perióde littéraire s'amorce ensuite, recouvrant le dernier quart du XXe siěcle. II s'agit ďune littérature du temps des crises : non seulement la crise du roman serait la caractéristique capitale de la littérature de cette perióde, mais celle-ci sera confrontée également á la crise économique, débouchant, au debut des années 1990, sur une reconfiguration de ľespace économique et politique ; á la crise idéologique, entamée par les évěnements de mai 1968 et á la crise biologique marquee notamment par ľ apparition du nouveau fléau pandémique - le sida - et par le remodelage de la vie que les ľopposition entre deux attitudes vis-á-vis du passé (national ou antique), comme c'était le cas du romantisme de Madame de Staěl ou encore de Stendhal, mais sur l'accent mis sur une autre valeur, anhistorique, celle du present ressenti. La source de cette valeur n'est pas dans le passé, eile n'est méme pas situable dans le temps, puisqu'elle reside dans la profondeur du sujet créateur, c'est-á-dire dans ľ« intimite, spiritualite, couleur, aspiration vers ľinfini, exprimés par tous les moyens que contiennent les arts. » (Ibid., p. 145.) Aussi le second element du beau qui fonde la modernité baudelairienne inclut cet autre aspect qui ajoute « le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de ľart, dont ľautre moitié est ľéternel et ľimmuable » et qui, finalement, en fait un phénoměne present dans l'reuvre de chaque artiste du passé qui ne s'est pas limite á limitation de ses prédécesseurs : « II y a eu une modernité pour chaque peintre ancien. » (Ibid., p. 518.) Ainsi, ce qui oppose l'reuvre moderne á l'reuvre classique est justement cet aspect transitoire et fugitif, puisque en l'enlevant le risque surgit de tomber « forcément dans le vide d'une beauté abstraite et indéfinissable, comme celle de ľunique femme avant le premier péché. » (Ibid., p. 518.) Ce fugitif et transitoire définissant la modernité est ce qui fait la source de la mode et il s'agit, en consequence, d'exploiter en eile ce qu'elle a de beau, de poétique et d'en faire une valeur éternelle. Cest aussi, en quelque sorte, la croyance que le beau qui crée la modernité est une voie vers un plus bei avenir. De nouveau done un retour, qui est, en effet, un demi-tour, non plus vers le passé, mais vers l'avenir. Mais á ľintérieur de ce processus méme de renouvellement -animé par le concept de la mode - se constitue une íle de stabilite, celle que la creation artistique conserve comme le durable, ľ« éternel » méme et qui s'approche des concepts de l'Antiquité et du classicisme. En revétant ľapparence du passé révolu, cet « éternel », pour reprendre le mot de Baudelaire, contraste avec le moderne. Pourtant le beau est une catégorie intemporelle, puisque ľhomme, dans sa conscience esthétique, ne fait que le dévoiler pour, finalement, ľabandonner et le retrouver dans ľéternel. Dans cette optique, le concept de modernité, auquel eile a abouti á la fin du XIXe siěcle et au cours de la premiére moitié du XXe siěcle, est le fruit d'autres changements dans ľexpérience, notamment esthétique, mais aussi spirituelle. Ceux-ci ont pour résultat une nouvelle conscience du phénoměne en question qui incarne, en general, le point de depart des positions postmodernes (Cf. Henri Meschonnic, Guy Scarpetta, Gianni Vattimo ou Charles Jencks). Néanmoins, avant d'y arriver, il fallait traverser ľimmensité du XIXe siěcle, á partir du romantisme surtout á travers 1'reuvre critique de Baudelaire pour achever son parcours avec les avant-gardes artistiques. 2 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale nouvelles possibilités scientifiques inédites ont accéléré. Non seulement la littérature est exposée á la nécessité de composer avec de telies crises, mais avant tout, eile en est issue. Ľécriture est travaillée par ľétat d'incertitude que le soupcon, évoqué déjá par Nathalie Sarraute dans les années 1950, avait poussé jusqu'á la méfiance envers toute forme de systématisme, dont en particulier celui du discours critique sur la littérature.2 1.2. Le contexte littéraire En 1891, Jules Huret realise dans YEcho de Paris toute une série d'interviews ďécrivains qui jouissent alors ď une notoriété á ses yeux. Et il constate plus ou mo ins ceci: • Les écrivains interrogés s'accordent de facon quasi unanime que « le naturalisme est mort» (la phrase d'Anatole France illustre merveilleusement ce fait: « 77 me parait de toute evidence qu'il (le naturalisme) est mort. ») Cette mort représente la fin ď une littérature que avait occupé le devant de la scéne prés d'un demi-siěcle. • La scene actuelle est done oceupée par d'autres courant ou écoles dont notamment: o les psychologues (Paul Bourget) o les symbolistes dont en particulier le porte-parole Stephane Mallarmé. • J. Huret constate également d'autres nouveautés qui méritent d'etre remarquées et qui annoncent peut-étre une littérature née d'autres sources que la psychologie ou le symbolisme. Ses observations remarquent que « M. Maurice Barrěs occupe une place qui, si une enquéte avait été faite il y a 5 ans, aurait certainement été celie de Pierre Loti. » (Et il faut noter ici que les auteurs interviewés relévent plutôt de la littérature établie que de ľ avant-garde.) Cest que M. Barrěs venait de bouleverser, á 29 ans, le monde littéraire par la publication de sa trilogie du Culte du moi (1888-1891). En 1891 parait son dernier volume - Le Jardin de Berenice - et dans la réponse de Barrěs á Huret, on peut relever des elements d'une sorte de programme, resumes dans cette formule : « Donner aux idées et aux conceptions modernes des choses et de la vie une expression passionnée. » • De plus, avec Maurice Maeterlinck, Maurice Barrěs est le seul des écrivains interrogés á attirer ľ attention de Huret sur un jeune écrivain qui surgit comme un annonciateur de la littérature á venir - André Gide : « Si vous aviez ouvert les Cahiers ď André Walter, publiés sans nom ďauteur par A. Gide [...] vous connaitriez les plus récentes poussées de revolution littéraire. » Et Maurice Maeterlinck de placer Les Cahiers ď André Walter aux côtés de ses preferences littéraires, auprěs de Baudelaire et de Jules Laforgue. La situation littéraire de la derniěre décennie du XIXe siěcle présente beaucoup plus des signes de renouvellement que ľenquete de Jules Huret ne pouvait repérer. Mais est reste tout de méme significative en ce qu'elle a • repéré A. Gide et M. Barrěs. (En 1891, Gide allait publier á 22 ans son Traité du Narcisse. La méme année, Paul Valéry, ami de Gide, publie son Narcisse parle dans la revue de Pierre Louýs La Coque. • Ľenquete d'Huret ignore cependant encore Paul Claudel qui vient de publier la Tete d 'or (1890). • Le debat entre les psychologues, symbolistes naturalistes et méme parnassiens est 2 Cf. Blanckeman (2000), pp. 10-11. 3 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale ďores et déjá dépassé. • Les données mémes du probléme littéraire commencent alors d'etre bouleversées par les débats idéologiques et par la revolution intellectuelle allant, á leur tour, agir sur revolution littéraire j usque vers 1925-1930. Dans cette optique, ľimportance de la generation d'auteurs qui s'est formée avant la guerre de 1914 est incontestable. La seconde etape - ľentre-deux-guerres -, délimitée par les deux conflits guerriers qui ont frappé pratiquement toute la planéte, fait naitre les principaux mouvements qui se dessinent assez nettement au cours des années 1918 - 1930 (1918 - Manifeste Dada, 1924 -Manifeste du Surrealisme, 1930 - Second Manifeste du Surrealisme). De ce point de vue, la continuité du XXe siěcle apparait en effet sous sa diversité; certains des courants les plus audacieux (en art tout comme en littérature) ont pris naissance avant 1914 (autour ď Apollinaire -Alcools 1913, de Gide - Villes tentaculaires 1895, Nourritures terrestres 1897, de Larbaud -Poesies Barnabooth 1908 ou de Jarry - Ubu roi 1896) ou dans les années 1920 (Proust - A la recherche du temps perdu 1913-1927, ou antiroman de Gide - Les Faux-monnayeurs 1925). 1.3. Traits dominants de la perióde Les traits dominant de revolution et des metamorphoses de ľesprit du XX6 siěcle ainsi que les facteurs qui y ont pris une part considerable peuvent étre saisis dans les points qui suivent: 1) La naissance du T art - le cinema - et son essor au cours du 20e siěcle qui a ébranlé les structures fondamentales des genres, des arts traditionnels, du langage et méme de la pensée. 2) Le XXe siěcle a vu s'affirmer ľ influence de la philosophic sur les arts dont notamment les lettres francaises (cf. Henri Bergson, Jean-Paul Sartre, Albert Camus) 3) La peinture et la sculpture, sous Taction de la Photographie, assument de plus en plus des ambitions métaphysiques. 4) On exige partout d'approfondir son approche. 5) Partout, on entreprend une quéte des essences : poésie pure, roman pur, peinture pure. 6) Ont été remises en question les valeurs léguées par des siěcles precedents et qui sont Celles du christianisme, de ľhumanisme de Descartes et des Encyclopédistes. 7) Les menaces et ľangoisse devant les nouveaux fléaux de la civilisation occidentale (la guerre et ses armes) commencent á peser lourd. Ľ experience de la guerre représente un poids écrasant. Avec l'äge atomique, la presence de la mort se fait sentir effectivement á chaque moment de la vie. 8) Dans ce contexte, les esprits créateurs hésitent généralement entre deux orientations majeures sur deux plans : a. sur le plan artistique - perpétuer les traditions ancestrales en les vivifiant - opérer dans les arts une revolution perpétuelle. Cette deuxiěme tendance correspond á ľaccélération de ľhistoire. - (ou bien faire un amalgame, instable mais ďautant plus fécond, des deux precedents); b. sur le pian éthique - attitude individualiste - engagement dans telle ou telle ideologie. 4 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale 1.4. Le contexte historique (histoire et civilisation au XXs siěcle) I.4.a. Les Guerres mondiales et decolonisation Déjá ľépoque ďavant 1914 était-elle mue par des affaires ďordre politico-éthique, socio-financier ou culturel. II s'agit en premier lieu des affaires comme - le scandale de Panama (1892) - ľ affaire Alfred Dreyfus (1894-1906); (1898 J'accuse d'Emile Zola) - la separation des Eglises et de l'Etat (loi du 9 décembre 1905) qui implique en effet la fin du Concordat entre la France et le Saint-siege de 1801 - la crise marocaine (1905 le coup de Tanger, 1911 le coup d'Agadir) - á ceci il faut ajouter aussi les conflits sociaux avec la creation de la Section de ľ Internationale ouvriěre en 1906 II va sans dire que tout ceci a eu des repercussions sur la littérature. Entre 1914-1918 survient la terrible epreuve dont la France sort comme victorieuse, il est vrai, mais épuisée par une affreuse hécatombe. De ce point de vue, I'avenir allait étre sous le signe d'un urgent besoin ďassurer la sécurité. - Celui-ci fut vain d'ailleurs vu ľéchec total de ľactivité des la Société des nations et de ses plans de sécurité collective et de désarmement. - Car la France, au plan materiel et moral, était mal préparée au conflit nouveau qui allait éclater une vingtaine ďannées plus tard. En 1940, la France est de nouveau submergée par ľarmée allemande. La difference dans la nature des deux conflits (1914 x 1939) est evidente : á la guerre des patries (nations) allait succéder la guerre idéologique, ľorigine de cette transformation remontant á la revolution russe de 1917. - De ce fait, la guerre n'est plus un conflit entre Etats souverains qui prônent la defense de leurs propres intéréts, mais un affrontement idéologique qui oppose deux visions de ľ organisation du monde. Ainsi, un seul ennemi commun est facilement reparable děs ľattaque de Hitler en 1941 vers l'Est, ce qui permet aux démocraties occidentales de s'allier avec l'Union soviétique contre l'Allemagne nazie. - Or une fois le totalitarisme hitlérien abattu, un autre conflit mondial se fait jour, á savoir celui des blocs (Occident - communisme), prenant la forme de Guerre froide. - Depuis 1945, ľénormité de la menace atomique a empéché le pire, il est vrai, mais á un prix dont ľ importance est encore de nos jours á considérer et reconsider er. - Les années 1950-1960 ont vu nařtre toute une série de conflits sanglants que ľon attribue généralement au processus de decolonisation, dont en premier lieu celui de l'Afrique (Algérie), du Moyen-Orient, de l'Asie du Sud-est (Corée, Indochine). - A partir des années 1950, la France se replie sur l'Hexagone, méme assez concrětement, lorsque la majorite des Francais vivant dans les anciennes colonies se réinstalle en France métropolitaine. I.4.b. Ľinstabilité politique La HL république n'a pas survécu au désastre de 1940, étant remplacée par ľEtat francais. Tandis que le general de Gaulle appelait les Francais á rester fidéles á la république et á continuer la lutte. Ainsi, Taction des Forces Francaises Libres (FFL) et des Forces Francaises de ľlntérieur (FFI) a permis á la nation de rester présente dans le conflit jusqu'á son terme. Or cette victoire 5 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale n'est plus celie de 1918, c'est-á-dire «notre victoire» ; la défaite de 1940, l'occupation et la division des Francais devaient avoir des consequences graves et durables. De la liberation naquit la IVe République; toutefois, celle-ci est une héritiěre de la IIIs, puisque la Constitution n'assure au pouvoir exécutif ni stabilite ni efficacité. On ne s'étonne nullement done, si eile se voit emportée par les événements de 1958, n'étant pas capable de résoudre un nouveau drame sanglant - la erise algérienne. L'action de la Ve république sous ľégide de Charles de Gaulle se prolonge avec des styles différents sous l'impulsion de Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing. La victoire de la gauche en 1981 apporte une vague de modifications profondes marquees notamment par les nationalisations. 1.4. c. La France et le monde La victoire de 1918 avait permis á notre pays de recouvrer, par le traité de Versailles, l'Alsace-Lorraine perdue en 1871 et de tenir une place importante á la Société des Nations ; mais le désastre de 1940 et la dissolution de l'Empire colonial, précipitée sans doute par la chute de prestige qu'entrainait la défaite, ont diminué le role politique de la France dans le monde. Souhaitons que son rayonnement intellectuel et artistique n'en soit pas affecté á son tour. Le rayonnement de la France Son pouvoir d'attraction et d'expansion est reste grand pendant le premier demi-siěcle, comme l'attestent de nombreux signes : la carriěre d'un Picasso, d'un Chagall, ou la composition de « l'Ecole de Paris » groupant des peintres de toute nationalité ; la renommée des mathématiciens francais ; l'attribution du Prix Nobel de Littérature á Sully Prudhomme, Frederic Mistral, Romain Rolland, Anatole France, Henri Bergson, Roger Martin du Gard, André Gide, Francois Mauriac, Albert Camus, Saint-John Perse et Samuel Beckett ; enfin le « nouveau theatre » représenté surtout par un Irlandais, un Russe et un Roumain d'expression francaise (Beckett, Adamov et Ionesco). Les influences étrangěres. Inversement, comme les échanges se multiplient en dépit des frontiěres fermées et des antagonismes idéologiques, la France a subi, dans touš les domaines, des influences parfois essentielles. Sans parier du marxisme-leninisme, source doctrinale du communisme international, nos vues sur ľunivers ont été transformées par la théorie de la relativite, due á EINSTEIN (1879-1955) né Allemand et mort citoyen américain. Lexploration de ľinconscient par ľAutrichien Sigmund FREUD (1856-1939), fondateur de la psychanalyse, a bouleversé la psychologie, la littérature, et remis en question la morale. Nos philosophes contemporains se recommandent du Danois KIERKEGAARD (1879-1955), des phénoménologistes allemands et de HEIDEGGER (né en 1889) ; enfin Vabsurde du Tchéque Franz KAFKA (1883-1924), le monologue intérieur de ľlrlandais James Joyce (1882-1941) marquent profondément la pensée, le theatre et le román francais. 6 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale L'art abstrait doit beaucoup á Kandinsky (né á Moscou en 1866, devenu Francais et mort á Neuilly en 1944), au Suisse Paul Klee, aux « mobiles » de l'Américain Calder ; en musique, les influences les plus frappantes sont celles d'Igor Stravinsky (né Russe et devenu citoyen américain) et de compositeurs germaniques comme Schcenberg, Alban Berg ou Hindemith. Un fait notable est aussi le goůt des Occidentaux pour la musique negre, l'art negre, et plus généralement pour le primitif, pour tout ce qui suscite, dans notre inconscient, des reminiscences lointaines, remontant peut-étre aux premiers äges de ľhumanité. I.4.d. Civilisation ou barbarie ? Depuis 1900, découvertes et inventions se succědent á une allure prodigieusement accélérée : il en résulte un progres materiel étonnant, mais aussi un contraste brutal, car la majeure partie de la population du globe reste sous-développée, sinon sous-alimentée. En outre, le vieux mythe de ľapprenti-sorcier revét une actualité tragique : par la fission de ľatome, ľhomme assure son pouvoir sur la structure merne de la matiěre, mais risque du méme coup de provoquer son propre anéantissement. Ainsi s'explique un désarroi profond : nos conceptions psychologiques, morales et métaphysiques s'essoufflent á rattraper la science et la technique qui les remettent sans cesse en question. Plus de stabilite ; mais sans stabilite, comment fonder une sagesse et perpétuer une civilisation ? Děs 1919, Valery lancait le cri d'alarme: « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Consciemment ou non, nous sommes plongés dans cette angoisse. Les horreurs de la seconde guerre mondiale : deportations massives, tortures, genocide, et leurs séquelles qui se prolongent ont fait surgir la barbarie en pleine « civilisation ». Läge atomique sera-t-il un nouvel äge des cavernes ? Nous vivons dans une atmosphere d 'Apocalypse, au double sens du terme : revelation des arcanes et annonce de la fin des temps. II faut en prendre conscience pour tenter ďéviter la catastrophe, et aussi pour comprendre la nature méme de l'art et de la littérature d'aujourd'hui, qui descendent aux abimes sans savoir toujours s'ils y cherchent Větre ou le néant. 1.5. LA LITTÉRATURE, LES ARTS Jamais on n'avait fait une telle consommation de mots en -isme, et vu naitre autant ďécoles avec leurs manifestes et leurs revues souvent ephemeres. Jamais, non plus, les rapports d'influence réciproque entre la littérature et les beaux-arts n'avaient été si serrés, si vivants et si complexes. Pourtant le role des personnalités fortes ne s'en est pas trouvé amoindri, bien au contraire. Des créateurs comme Peguy, Claudel, Proust, Gide et Valery sont proprement inclassables, et chacun d'eux nous a vraiment révélé un univers ; le nom d'APOLLINAIRE resume tout un ensemble ďexpériences audacieuses ; le seul surrealisté orthodoxe est peut-étre André Breton ; Jean-Paul Sartre demeure le chef de file de l'existentialisme francais, sans se limiter á des caractěres existentialistes ; le nouvel humanisme d'Albert Camus répondait á une attente diffuse, mais son accent irremplacable est celui ďune conscience individuelle, noble, lucide et exigeante. — Parallělement, un artiste comme Picasso participe aux principaux mouvements du siěcle sans jamais s'y perdre, mais pour affirmer en definitive son originalite irréductible. 7 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale l.5.a. La littérature Avant 1914 A premiere vue, la littérature ďavant 1914 nous semble, comme le « modem style », périmée ou tributaire du XIXe siěcle. Un reclassement parfois brutal a plongé dans ľoubli ou réduit á un intérét documentaire une grande partie des oeuvres qui occupaient alors le devant de la scéne, dans certe « foire sur la place » dont parlait Romain Rolland. Mais ľironie d'Anatole France n'est point périmée, et les meditations de Barres nous concernent encore, que nous soyons plus sensibles au culte du moi ou á l'enracinement dans la terre ancestrale. Cette courte perióde nous a légué ľadmirable message de Peguy, couronné par sa mort au champ ďhonneur ; la revolution poétique amorcée par APOLLINAIRE ; une grande partie de ľoeuvre de Claudel — dont le souffle puissant vivifiait le dráme et le lyrisme — et de l'oeuvre de GlDE, depuis les Nourritures Terrestres jusqu'aux Caves du Vatican. En VALERY můrissait l'analyste de l'intellect et le poete de La Jeune Parque, tandis que Marcel PROUST découvrait le secret du temps retrouvě et dessinait les méandres de sa phrase inimitable. Bref, la « belle époque » fut aussi, pour la littérature comme pour les arts (cf. p. 12-13), une grande époque. De 1919 á 1939 Aprés la mort de PROUST (1922), La Recherche du Temps perdu achěve de paraitre ; CLAUDEL poursuit son oeuvre cosmique ; Gide, toujours en quéte de lui-méme, affirme la maitrise de son art ; revenu á la poesie, Valery connaít la gloire. Proust, qui lěgue á ses successeurs une psychologie enrichie ďune quatriěme dimension, celie du temps, reproduit par la creation littéraire ľexpérience fortuite par laquelle il a pu accéder, hors du temps, á « l'essence des choses ». De leur côté Gide et Valery, si différents ľun de l'autre, ne sont pas rapprochés seulement par ľamitié : tous deux se consacrent á une minutieuse analyse de la demarche créatrice, ľun dans Les Faux-Monnayeurs et le Journal des Faux-Monnayeurs, l'autre dans toute son oeuvre. Ainsi la creation se double d'une reflexion sur elle-méme, d'une prise de conscience de ses propres conditions, de ses lois et de ses hasards: on reconnaítra dans ce dédoublement l'influence de Mailarme, et l'un des traits majeurs de la littérature et de l'art modernes. Cependant une nouvelle generation s'appréte á prendre la relěve. II lui faudra d'abord dépasser, ou repousser, les tentations des « années folles » qui suivent la guerre et ses horreurs : fantaisie désinvolte, cosmopolitisme facile, goůt du bizarre et de ľinédit. Mais bientôt le mouvement surrealisté laisse paraitre, parmi des provocations déplaisantes, une inquietude profonde et de hautes ambitions. La recherche de l'insolite n'est plus un jeu mais une méthode et peut-étre une métaphysique ; les structures du langage et de la pensée sont soumises á une sorte de désintégration tendant á saisir, sous les conventions et les mécanismes, une realite authentique. Le surrealisme est typique et spectaculaire, mais il ne saurait á lui seul caractériser l'entre-deux-guerres. De 1920 á 1940, notre theatre connaít de belles réussites dans la comédie de mosurs, et une renaissance de la tragédie avec GlRAUDOUX ; aux confins du comique et du tragique, Salacrou scrute ľénigme de la condition humaine ; Anouilh révěle, děs ses débuts, une vigoureuse originalite. De Radiguet á Malraux, le ROMAN est particuliěrement riche et divers. Aprěs Radiguet, un Chardonne, un Arland s'inscrivent dans la tradition des moralistes ; des chrétiens comme Mauriac et Bernanos peignent des creatures engagées sur les voies 8 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale mystérieuses de la damnation ou du salut. Sous la forme du roman-fleuve, Roger Martin du GARD et DUHAMEL esquissent un humanisme moderne, ainsi que Jules ROMAINS, dont Vunanimisme, né avant 1914, trouve ainsi une large audience. COLETTE, parvenue au plein épanouissement de son talent, charme d'innombrables lecteurs par la fraicheur de ses sensations et la qualité de son humour. GlONO rajeunit le grand theme de la nature, tandis que MONTHERLANT, SAINT-EXUPERY, MALRAUX édifient un roman de la grandeur. Depuis 1940 La seconde guerre mondiale donne une extréme urgence au probléme de la condition humaine et contribue á répandre d'une part la philosophic de ľabsurde, d'autre part la littérature engagée. Des poětes comme Aragon ou Eluard, hier surréalistes, chantent la Resistance et retrouvent les voies ancestrales du lyrisme. Les années 40 sont marquees aussi par une large diffusion des theses existentialistes, en particulier dans le theatre, les romans et les essais de Jean-Paul Sartre. Albert Camus dépasse ľabsurde par la revolte et defend la personne humaine contre tout ce qui menace de ľécraser. Le surrealisme, une fois décanté, révěle sa fécondité par une influence durable sur de nombreux poětes et romanciers. Cependant, Montherlant accede á la scene, ou se confirme le succés d'ANOUlLH. Enfin des courants nouveaux apparaissent, au theatre avec Beckett et Ionesco , dans le nouveau roman avec ROBBE-GRILLET, BUTOR, Claude SIMON, Nathalie SARRAUTE. Leur tendance dominante est peut-étre de pousser á ľextréme la critique de toutes les structures : poete, romancier ou dramaturge, le créateur ne se contente plus de s'observer lui-méme en train de créer, il en vient á poser, par son oeuvre tněme, la question du sens et de la possibilité de ľacte créateur. Ainsi s'expliquent des termes comme apoěmes, antithéätre, antiroman, qui révélent les repercussions, sur la littérature, de cette reflexion philosophique selon laquelle ľétre postule le néant. I.5.b. Les arts L'art abstrait Ľhistoire de ľart au XXe siěcle est marquee par la naissance de ľ art abstrait, qui cesse de reproduire, méme en les interprétant, les étres ou objets réels, et entend se créer ses propres objets. Ľart ainsi concu n'est plus representation, mais presentation, ou creation au sens strict de ce terme. Peintres et sculpteurs doivent done opter désormais entre la tradition figurative et ľaventure non-figurative. Sans doute ne peut-on concevoir une rupture analogue en architecture, puisque cet art est non-figuratif par nature (encore que la colonne soit fille du tronc d'arbre); mais lefionctionalisme d'un Le CORBUSIER n'est pas sans parenté, dans sa hardiesse, avec ľart abstrait. En musique, ľécriture atonale, qui rejette les fonctions tonales traditionnelles, fondement de ľharmonie classique, s'est organisée en dodécaphonisme par la libre exploitation des douze sons de la gamme chromatique ; en s'imposant ces « genes exquises » sans lesquelles, selon Valéry, il n'est pas d'art veritable, le dodécaphonisme est devenu musique serielle. Mais, depuis 1948, une autre revolution, beaucoup plus radicale, bouleverse ľart des sons : cette musique « concrete », en dépit de son nom, semble bien étre la soeur de la peinture et de la sculpture abstraites. Elle obtient en laboratoire des sons et des rythmes « inouis », par la manipulation de bandes d'enregistrement sonore. 9 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale La peinture Enpeinture, le nouveau siěcle est ďabordfauviste (Salon d'automne de 1905). Exaltant la sensation, les « Fauves » réagissent á la fois contre les taches de couleur juxtaposées des impressionnistes et contre le dessin fignolé des académistes ; ils negligent le detail et appuient les contours. Certains ďentre eux compteront pármi les plus grands peintres de notre temps : Matisse (1869-1954), coloriste admirable ; Dufy (1877-1953) qui concilie avec esprit ľaudace et la sagesse; citons encore Vlaminck (1876-1958), Marquet (1875-1947), Derain (1880-1954). Vers le merne temps commence, avec la celebrité du « douanier » Rousseau, la vogue de ľart naif et du primitivisme. ROUSSEAU (1844-1910) est vraiment un peintre « naif», qui compense par la spontanéité et ľimagination les lacunes de sa technique; mais Utrillo (1883-1955) connait les secrets de ľart et n'est primitif que par la fraicheur de sa vision. Pour Xexpressionniste ROUAULT (1871-1958), « ľart est une confession ». II traite des sujets réalistes ou religieux avec un sens profond du tragique ; son style rappelle ľart du vitrail, comme il est naturel chez un ancien apprenti verrier. GromaiRe (1892-1971) est un peu de la méme race, par sa vigueur et sa sincérité bouleversante. Cest sous le signe de Yexpressionnisme que l'on place aussi, généralement, deux des artistes étrangers de « l'Ecole de Paris », ces deux peintres « maudits» que furent SoTTTiNF et Modigliani (1884-10.20). A partir de 1907, une tendance nouvelle s'oppose au fauvisme et á ľexpressionnisme : c'est le cubisme qui inscrit les objets dans des volumes géométriques, appliquant ainsi á la realite des cadres intellectuels. On assiste alors aux recherches de Pablo Picasso (1881-1973), de Braque-{18S2-1963), de Leger (1881-1955), puis á celieš de La Fresnaye (1885-1925). La poesie elle-méme veut, un moment, étre « cubiste » (cf. p. 48) ; mais Vlaminck dénonce ľinvasion de ľart par les speculations abstraites. Ses inquietudes ne sont que trop justifiées par un certain langage, étonnamment gratuit, de la critique d'art actuelle. La geometrie cubiste ne satisfait pas les futuristes, qui veulent peindre le devenir et donner l'illusion du mouvement par la juxtaposition d'images successives dans la durée. Le simultanéisme, frappant dans une nouvelle maniere de PICASSO, apparente au théoricien F. T. Marinetti, auteur du Manifeste futuristé (1909), Robert DELATINAY (1885-1941) qu'Apollinaire rangeait pármi les cubistes « orphiques » ; tant il est vrai que ľon ne saurait isoler ces diverses tendances. Le futurisme est, en tout cas, ľune des voies qui conduisent á ľart abstrait. Aprés la guerre de 1914, Marquet, Derain s'orientent vers un classicisme auquel DUNOYER DE Segonzac (né en 1884) accěde ďemblée. Matisse, Dufy, Picasso évoluent selon leur génie personnel. Mais une generation nouvelle est surrealisté en peinture comme en poesie. Elle se reclame de Picasso, de Picabia, de Chagall (né á Vitebsk en 1887), de la peinture « métaphysique » de Chirico. Tanguy, Lurcat (qui trouvera sa voie dans la tapisserie), des étrangers comme MAN RAY, SALVADOR DALI (né en 1904), JOAN MlRO OU MAX ERNST (naturalise Francais) partagent les ambitions d'André Breton et vont á la découverte de ľunivers onirique. S'ils se bornent parfois á faire nařtre ľimpression ďinsolite par ľassemblage bizarre ďobjets hétéroclites, ils parviennent aussi á créer un dépaysement total par la transposition picturale de ľatmosphére inexprimable du cauchemar. Les formes impensables, les monstres fixés sur la toile traduisent en outre le désarroi de ľhomme dans un univers « absurde ». Actuellement, la peinture abstraite présente des traces géométriques ou des contrastes de couleurs qui n'ont pas toujours une signification transcendante, mais inaugurent un nouvel art décoratif Cependant la peinture figurative, vivifiée par les experiences abstraites, amorce une 10 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale vigoureuse contre-offensive. Ses meilleurs représentants ne se montrent pas moins « authentiques » que leurs rivaux « abstraits ». La sculpture RODIN meurt en 1917. Tout en s'affranchissant de son influence, BOURDELLE (1861-1929) et Maillol (1861-1944) ľégalent en grandeur et en puissance. Ces deux méridionaux ont le culte des formes pleines et de la plastique méditerranéenne. Le premier, dans ses bustes et ses sujets antiques, se montre peut-étre plus varié ; l'oeuvre du second constitue tout entiěre un hymne grandiose au corps feminin. A ľopposé de ce classicisme se situent les constructions abstraites d'Antoine PEVSNER (né Russe, citoyen francais depuis 1930), auteur, avec son frěre Naum, dit GÁBO, d'un Manifeste constructiviste (1920). Influences par Dada et le surrealisme, Germaine RlCHIER, COUTURIER, Giacometti (né dans les Grisons, 1901-1966) procédent soit á une distorsion hallucinante des formes naturelles, soit á ľélaboration de volumes autonomes suggérant une poesie pure des rapports entre le plein et le vide, entre 1'immobilité et le mouvement. D'ordinaire, la sculpture abstraite refuse toute « superstition » du matériau « noble » (marbre ou bronze) et pense étendre ainsi le champ de ses possibilités. Musique et littérature Aprěs DEBUSSY et Faure, disparus en 1918 et 1924, RAVEL (1875-1937) devient le representant le plus typique du génie musical francais ; il avait donne en 1906 une spirituelle illustration des Histoires Naturelles de Jules Renard ; puis c'est, en 1925, sa fantaisie sur un livret de Colette, ĽEnfant et les Sortileges. A sa generation appartiennent Paul DUKAS (1865-1935), Albert ROUSSEL (1869-1937), Erik SATIE (1866-1921) dont l'humour et le style dépouillé vont séduire le jeune « Groupe des Six » qui se placera sous son patronage. Les « Six » composent collectivement la musique d'un ballet concu par Cocteau, Les Maries de la Tour Eiffel (1921), puis chacun suit sa voie et quatre ďentre eux surtout deviennent célěbres : Georges AURIC (né en 1899) ; Darius MlLHAUD (né en 1892), auteur de Bolivar, opera sur un livret de Supervielle ; Arthur Honegger (1892-1955, de nationalité helvétique), á qui ľon doit Pacific 231 et deux admirables oratorios : Le Roi David (1921), puis Jeanne au bucher, sur un texte de Paul Claudel (1939) ; enfin Francis Poulenc (1899-1963), qui a compose des melodies sur des poěmes d'Apollinaire, Cocteau, Max Jacob, Eluard, Aragon, Louise de Vilmorin, et ľ'opera Dialogues des Carmelites, ďaprěs Bernanos (1957)-----Citons encore Henri SAUGUET qui excelle dans la musique de ballet, Olivier Messiaen remarquable á la fois par ses audaces et par son inspiration mystique, André JOLIVET, Jean FRANCAIX, Pierre BOULEZ. Le cinema Utilisant la technique mise au point par Louis Lumiere en 1895, Georges Melles tourne ses premiers films á partir de 1897. Avant 1914, d'autres metteurs en scéne commencent á se signaler: Max Linder, Abel Gance, Léonce Perret. Puis viennent Jacques Feyder, Marcel L'Herbier, Louis Delluc, René Clair, tandis que le succěs de Charlie Chaplin se répand en France (ses premieres bandes datent de 1915). Avec BUNUEL et DALI (Un Chien andalou, 1928) ou COCTEAU (Le Sang d'un poete, 1931), le cinema parti čipe au mouvement surrealisté. Mais, 11 FJIA022 Littérature francaise III (XXe siěcle) I. Introduction generale vers le méme temps, la sonorisation menace d'en faire un theatre filme ; il saura pourtant surmonter cette crise et tirer des effets heureux des correspondances entre la musique et les images. Cependant un René Clair montrera toujours, dans ses films « parlants », une discrete tendresse pour « le muet». En 1937 commence, avec Drôle de Dráme, une féconde collaboration entre Marcel CARNE et Jacques Prevert (Les Visiteurs du Soir, 1942 ; Les Enfants du Paradis, 1945). Passant de la scene á ľécran, Marcel Pagnol travaille volontiers avec Giono. En 1939, André Malraux tire de son propre roman un film épique : ĽEspoir. Ľannée 1943 révěle trois metteurs en scene : BECKER, avec Goupi-mains-rouges (suivi, en 1952, de Casque d'or), CLOUZOT, avec Le Corbeau, et BRESSON, avec Les Anges du Péché (que suivront, d'apres Bernanos, Le Journal d'un Cure de Campagne en 1950, puis, en 1967, Mouchette). En 1960, ľélection de René CLAIR á l'Académie Francaise consacre, avec le « septiěme art », une oeuvre riche d'humour et de poesie : Un Chapeau de paille d'ltalie (1927), Le Million, A nous la Uberte (1931), Fantome á vendre (1935), Ma Femme est une Sorciěre (1942), Le Silence est d'or (1947), Les Belles de nuit (1952). Alain Resnais doit á Marguerite Duras le sujet de Hiroshima mon amour (1959) et á Robbe-Grillet celui de ĽAnnée derniěre á Marienbad (1961). Tandis que Jacques Tatí, satirique souriant venu de la pantomime au cinéma, retrouve les voies du comique pur, la nouvelle generation fournit des metteurs en scéne trěs doués et trés tôt célěbres comme Louis Malle, Claude Chabrol, Francois Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Lelouch, Eric Rohmer. Précieux auxiliaire de la littérature, lorsqu'il sait illustrer de grandes oeuvres sans les trahir, et inciter un vaste public á les lire, le cinéma exerce á son tour son influence sur le roman (cf p. 656-664), qui s'inspire parfois de l'optique, du découpage, des sequences cinématographiques. Et surtout il accede á une poésie autonome. II a pu rivaliser avec la peinture, comme en témoignent La Kermesse héroique de Jacques Feyder, et, avec ľappoint de la couleur, Le Fleuve de Jean Renoir, fils du grand peintre. 12