• LE ROMAN AVANT 1914 L'ère des métamorphoses Évolution générale du genre LA FLAMBÉE DE L'APRÈS GUERRE LE RÈGNE DES MAITRES OFFICIELS IV.B.1. Le roman de consommation p premières années du XXe siècle, le roman = maître n Le mot de TAINE : « Je pense que tout homme cultivé et intelligent, en ramassant son expérience, peut faire un ou deux romans, parce qu'en somme un roman n'est qu'un amas d'expériences ». p amateurs, professionnels - travaux forcés littéraires. n Remy de GOURMONT proteste contre cette hérésie n Les MARGUERITTE, ROSNY aîné ou Paul ADAM - redoutable fécondité. p roman = une industrie et un commerce. p prix littéraires (le Goncourt en 1903, le Fémina 1904) p production intensive = immense déchet. p romans = coulés dans le même moule. p maîtres officiels (France, Barrès, Loti, Bourget) = une sorte de pontificat p littérature romanesque «-» le public petit bourgeois p roman entre 1895 et 1914 - affaissement de l'invention litt. p jeunes maîtres VALÉRY, GIDE, PROUST (débuts vers 1890) = inconnus. p fondation de la Nouvelle Revue Française (1909) = un mouvement de protestation contre les compromissions n littérature sottement descriptive ou bassement édifiante. IV.B.2. La variété des étiquettes p de plus en plus difficile de classer la production. p critiques –classements arbitraires et superficiels. n roman psychologique x roman de mœurs, n roman d'idéologie progressiste (ROSNY aîné) ou de pitié humaine (PHILIPPE) x romans réactionnaires (BAZIN, BORDEAUX) n roman personnel ou autobiographique x roman objectif p analyse des sentiments et étude des mœurs = deux sillons essentiels. p de nouvelles catégories - œuvres de nouveaux desseins : n le roman social, le roman collectif n roman préhistorique (ROSNY aîné) n « romans romanesques » n roman artiste (Pierre LOUŸS ou d'Henri de RÉGNIER) n œuvres de Marcel PRÉVOST, d'Abel HERMANT, d'Edouard ESTAUNIÉ, de René BOYLESVE = moralistes et psychologues et peintres des mœurs n roman « féminin » (auteurs femmes) = solution de facilité (désarroi des esprits) IV.B.3. Permanence des structures p GIDE - époque où nouveaux caractères pouvaient transformer le roman p Pourtant, avant 1914, caractères et des techniques - aucun renouvellement n Le roman alternance de descriptions, d'analyses, n de récits et de dialogues. p roman de dialogues n Roger MARTIN DU GARD en 1913 dans Jean Barois. p composition fondée sur les structures du XIXe siècle n crise - lente préparation - dénouement n une vie - lente succession d'épisodes n milieu par secteurs différents p Romanciers: deux ambitions de leurs devanciers : p tableau des mœurs de leur temps p raconter une histoire. n double exigence (affabulation romanesque et observation sociale) = caractère essentiel de la création romanesque. n l'accent sur l'un ou l'autre aspect. p Les MARGUERITTE, Désastre, (guerre de 1870 plutôt qu’une histoire fictive) p Henry BORDEAUX, une intrigue conventionnelle supplantaient la peinture des mœurs. p tentatives de bouleverser la facture traditionnelle du roman. n Jules ROMAINS Le Bourg régénéré (1906) et Mort de quelqu'un (1911) n Paul ADAM Le Trust (1911) IV.B.4. L'envahissement de l'idéologie p l'envahissement des fictions par l'idéologie. n roman - l'exposé de thèses, conservatrices ou progressistes. n idées – se superposant ou se substituant à l'histoire contée. n auteur - la responsabilité de certains développements ; n personnages - d'autres n dialogues = débats, des opinions opposées p le roman à thèse - l'histoire démontrant le bien fondé des points de vue n vers 1900 Paul BOURGET, du roman psychologique au roman à thèse p L'Étape, Un Divorce, L'Émigré, Le Démon de midi, illustrations d'un corps de doctrine politique et sociale p prétendait écrire des romans à idées. p sa thèse = un point de vue sur le spectacle humain p ce point de vue se dégageait des événements rapportés. IV.B.5. La dissolution des catégories esthétiques p idées dans le roman = rupture avec les habitudes du récit. p romanciers - faire réfléchir le lecteur p risque - au lieu de raconter une histoire, exposition d’un problème p critique se plaigne: le goût de conter et l'art d'intéresser le lecteur perdu chez les romanciers p Paul BOURGET - ses romans à thèse n nécessités de l'intrigue et des ambitions idéologiques. n héritier des maîtres du XIXe siècle p Maurice BARRÈS en 1907 : « Quand je suis arrivé à Paris, l'art du roman était connu et pratiqué excellemment par les Zola, les Daudet, les Goncourt, les Cherbuliez, les Ferdinand Fabre, derrière lesquels se formaient à la maîtrise les Loti, les Maupassant, les Bourget. Mais, aujourd'hui, comptez! Combien d'écrivains voyez-vous qui sachent créer cet univers que doit être un roman, qui puissent construire un plan, camper leurs personnages et les mouvoir ? » p auteurs de romans - « mettre dans le roman autre chose que le roman lui-même ». n Cf. Anatole FRANCE - romancier ? p Histoire contemporaine = un récit ? un essai ? un pamphlet ? n Maurice BARRÈS, Les Déracinés bien un roman. p Leurs Figures (le second tome de la trilogie) = une suite de croquis, une chronique parlementaire. p Cf. remarques de Jacques RIVIÈRE et leur la portée: n en 1913, articles sur « le roman d'aventure » : p la nécessité d'une mise en acte constante ; p le romancier - ne plus confier directement ses impressions, mais les transmuer en événements. IV.C.1. Une littérature industrielle p expression ancienne de Sainte-Beuve, en 1839 p lendemain de la grande guerre – acception différente n Le succès des Nouvelles littéraires n Les interviews de Frédéric Lefèvre, Une heure avec... p inflation littéraire, p confusion des valeurs. p effervescence de débats et de polémiques - caractère un peu survolté de la période. p On n'a jamais tant parlé d'une crise du genre que dans ces années où il devenait envahissant. IV.C.2. Les générations littéraires p Au lendemain de l'armistice, n les maîtres officiels de l'avant-guerre disparaissent n une génération d'écrivains fauchée n la relève des maîtres dans des conditions particulières : n nouveaux chefs de file p CLAUDEL, PROUST, GIDE, VALÉRY débuts vers 1890- années d'après-guerre - notoriété et la gloire. p BRETON et VALÉRY se rejoignent- suspicion à l'égard de la littérature romanesque. p Lafcadio, = le grand cousin de bien des héros de la désinvolture cynique p Jacques RIVIÈRE rendait hommage à Marcel Proust. p les vedettes (débuts avant la guerre ) : GIRAUDOUX et COLETTE. p nombreux talents nouveaux : Marcel Arland, Drieu la Rochelle, Henry de Montherlant, Julien Green, Georges Bernanos IV.C.3. Le cosmopolitisme littéraire p 1886, Roman russe p après 1918, l'ère du cosmopolitisme p roman = le premier bénéficiaire p L'afflux en France d'œuvres étrangères – p nouveaux pôles d'attraction – p de nouvelles destinées. n Lus: Dostoïevsky, Meredith, George Eliot, Thomas Hardy, Conrad. n Valery LARBAUD l'attention sur Ulysse de James Joyce. n Virginia WOOLF, de Maurice BARING, de FORSTER traduits et commentés. n PIRANDELLO et RILKE - audience considérable. p Les techniques - « monologue intérieur » et « point de vue » de Joyce, de Conrad, d'Henry James ; p l'évocation des abîmes de l'inconscient des romans de Dostoïevsky IV.C.4. Les nouveaux pôles d'attraction p Remise en question des structures intellectuelles sur lesquelles on avait vécu jusqu'alors. p Le BERGSONISME - une influence, vers 1925, sur beaucoup de jeunes romanciers. romans de l'adolescence. p Le FREUDISME, à partir de 1922, - le goût de présenter des personnages complexes, saisis dans la multiplicité de leurs élans contradictoires et dans l'ambivalence de leurs sentiments. p Les théories de la RELATIVITÉ - les techniques romanesques du point de vue, optique particulière et limitée de chaque observateur p Découverte que les civilisations = MORTELLES - valeurs d'une société – tournées en dérision, dérision de la culture. p remise en question - une inquiétude p L'art romanesque de l'après-guerre = effort pour échapper à l'inquiétude ou pour en rendre compte Durée et création Quand l'enfant s'amuse à reconstituer une image en assemblant les pièces d'un jeu de patience, il y réussit de plus en plus vite à mesure qu'il s'exerce davantage. La reconstitution était d'ailleurs instantanée, l'enfant la trouvait toute faite, quand il ouvrait la boîte au sortir du magasin. L'opération n'exige donc pas un temps déterminé, et même, théoriquement, elle n'exige aucun temps. C'est que le résultat en est donné. C'est que l'image est créée déjà et que, pour l'obtenir, il suffit d'un travail de recomposition et de réarrangement. [...] Mais pour l'artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n'est plus un accessoire. Ce n'est pas un intervalle qu'on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu. La durée de son travail fait partie intégrante de son travail. La contracter ou la dilater serait modifier à la fois l'évolution psychologique qui la remplit et l'invention qui en est le terme. Le temps d'invention ne fait qu'un ici avec l'invention même. C'est le progrès d'une pensée qui change au fur et à mesure qu'elle prend corps. Enfin, c'est un processus vital, quelque chose comme la maturation d'une idée. Le peintre est devant sa toile, les couleurs sont sur la palette, le modèle pose ; nous voyons tout cela, et nous connaissons aussi la manière du peintre : prévoyons-nous ce qui apparaîtra sur la toile ? Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d'une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi à l'artiste ; mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l'œuvre d'art. Et c'est ce rien qui prend du temps. Néant de matière, il se crée lui-même comme forme. La germination et la floraison de cette forme s'allongent en une irrétrécissable durée, qui fait corps avec elle. De même pour les œuvres de la nature. [...] C'est pourquoi l'idée de lire dans un état présent de l'univers matériel l'avenir des formes vivantes, et de déplier tout d'un coup leur histoire future, doit renfermer une véritable absurdité. Mais cette absurdité est difficile à dégager, parce que notre mémoire a coutume d'aligner dans un espace idéal les termes qu'elle perçoit tour à tour, parce qu'elle se représente toujours la succession passée sous forme de juxtaposition. Elle peut d'ailleurs le faire, précisément parce que le passé est du déjà inventé, du mort, et non plus de la création et de la vie. Alors, comme la succession à venir finira par être une succession passée, nous nous persuadons que la durée à venir comporte le même traitement que la durée passée, qu'elle serait dès maintenant déroulable, que l'avenir est là, enroulé, déjà peint sur la toile. Illusion sans doute, mais illusion naturelle, indéracinable, qui durera autant que l'esprit humain. Le temps est invention ou il n'est rien du tout. L'Évolution créatrice, chap. IV (Presses Universitaires de France). IV.C.5. Les romans de l'évasion p le lendemain de l'armistice - un immense besoin de distraction. p prodigieux succès: n les romans de Pierre BENOIT, Koenigsmark ou L'Atlantide n Louis CHADOURNE, avec Le Maître du navire (1919), Marc CHADOURNE avec Vasco (1927) n Pierre MAC-ORLAN Quai des Brumes (1927), Le Chant de l'équipage (1918) n Les THARAUD paysages exotiques n DORGELES Partir. p Le cosmopolitisme - Paul MORAND, Ouvert la nuit (1922), Fermé la nuit (1923) IV.C.5. Les romans de l'évasion (suite) p L'ÂGE DU ROMAN POÉTIQUE. n Le « domaine merveilleux » d‘Alain-Fournier = une patrie chère à beaucoup d'âmes. n l'intrusion de la féerie au sein de la réalité la plus familière. n Volonté d‘insérer dans le réel ce « merveilleux » (cf. Breton) n Le « domaine merveilleux », = une chambre, (Enfants terribles de Jean COCTEAU) ; le passage de l'Opéra ou les Buttes-Chaumont, (Le Paysan de Paris d'ARAGON) ; n la campagne - GIONO, POURRAT, surtout RAMUZ,= lieu privilégié d'une transfiguration poétique de l'univers. p langage, chez Jean GIRAUDOUX, = la porte d'or d'un Éden retrouvé. n des rapports nouveaux entre divers ordres de réalité n une volonté de se débarrasser des chaînes de la logique. p la surprise, la fantaisie, la psychologie romanesque de Raymond RADIGUET ou de GIRAUDOUX = une forme subtile de l'évasion. IV.C.5. Les romans de l'évasion (suite) p L'IRRÉALISME = trait essentiel de la littérature romanesque de l'après-guerre : n les aventures - guère situées dans une époque et dans un milieu. n François MAURIAC - climat plus qu'un milieu ; suggérée la vie des âmes. n littérature romanesque n‘est plus l'entreprise sérieuse - devenue un exercice de virtuosité. n héros p « plein d'un rêve intérieur qui transformait pour lui toute chose ». p spectateur amusé, déçu ou émerveillé. n romanciers - un refuge dans la peinture de l'intériorité, contemplation émerveillée du monde, façons de s'enfuir n refus d'assumer le réel. p BALZAC et ZOLA le monde comme une force de résistance aux volontés individuelles. p ðXð en 1925, ceci substitué par des prestiges, des féeries, des sortilèges. p Cf. André SALMON L'Entrepreneur d'illuminations. p Francis de MIOMANDRE à Gilbert de VOISINS, d'André BEUCLER à Jean GIRAUDOUX, de Jean COCTEAU à Alexandre ARNOUX, des « entrepreneurs d'illuminations ». p Le POPULISME, en 1929, = premier signe d'une réaction contre une littérature romanesque de l'évasion IV.C.6. Les romans de l'inquiétude p un monde secoué par la guerre et par les remises en question- les romans de l'inquiétude. p L'inquiétude dans La Sorellina, Les Faux-Monnayeurs, L'Ame obscure, Thérèse Desqueyroux, L'Imposture. p romans de type autobiographique, n s'efface dans les romans de mœurs n roman d'analyse, le commentaire de l'auteur - plus d'importance à la généralité des observations morales p mot même d'inquiétude assez prodigieux succès. p GÉNÉRATION DE L'INQUIÉTUDE : n élan qui n'avait pas trouvé de quoi se satisfaire ; n recherche impatiente des valeurs, n suspicion. p Les ROMANS DE L'INQUIÉTUDE n d'abord les romans de l'adolescence. n André GIDE, de Paludes aux Faux-Monnayeurs, son rôle = inquiéter, poser des question n dans Le Diable au corps, n héros de prédilection = adolescent, les miasmes et les phantasmes de la puberté. inquiétantes lubies, acharné à épier ses propres sentiments, s'adore tout en étant déçu de lui-même. Se dissipe en niaiseries, agaçant à force de médiocrité, mais sauvé par une bonne volonté désarmante. (cf. HUYSMANS et SARTRE); n François MAURIAC ! p tourment de la chair, dérision d'une pureté perdue. p Thérèse Desqueyroux, vivante image de l'inquiétude p Il y avait bien des sentiments troubles chez les héroïnes de Mauriac. p loin de Paul BOURGET, pour qui le salut était la récompense d'une vie droite n prêtre, (héros de roman) chez BERNANOS p bons et solides curés, à l'aise dans le temporel, et réussissant à gérer efficacement les affaires de leur paroisse. p Mais Donissan – tourmente, ses brusques emportements, dans ses vertiges = le reflet « d'un orage inaccessible ». n ROMAN = le bilan des inquiétudes d'une génération. p DRIEU LA ROCHELLE : L'Homme couvert de femmes, La Valise vide. p Henry de MONTHERLANT la crise des Voyageurs traqués (années 30) n premiers révolutionnaires p nouveau romantisme de l'action, les aventuriers = les moteurs de l'histoire. p André GIDE, Les Faux-Monnayeurs, § fresque inquiétante de dévoyés, de désaxés, de désespérés. p Les Thibault - Le Cahier gris, fugue de deux adolescents tourmentés par le besoin de l'aventure. § Jacques Thibault = représentant de sa génération Sommes autobiographiques: Marcel Proust et Colette. p 2 passionnément attachés aux choses p références à leurs origines p Une retraite pour mieux saisir le monde par une écriture lyrique p Tentative de restituer le temps p Et la configuration sensuelle des milieux connus Marcel Proust 1871-1922 p Père médecin p Mère (Jeanne Weil) – milieu israélite. p Ascension sociale et culturelle p Tout cela influence la constitution de la personnalité, même malgré sa réfutation des thèses de Saint-Beuve et à la critique biographique. p Théorie de 2 moi. p Lycée Condorcet p Salons: celui de Mme Caillavet (A. France) p P. Morand: „dandy noir et gris-perle“ p Travail symbolique à la Bibl. Mazarine Oeuvre: p Romans n Jean Santeuil (inédit, conçu é partir de 1896) n À partir 1906, A la recherche du temps perdu p 1913 - Du côté de chez Swann (Grasset) p 1919 – A l‘ombre des jeunes filles en fleur (NRF) p 1920- Le Côté de Guermantes p 1922 – iSodome et Gomorrhe p Post mortem: La Prisonnière p La Fugitive p Le Temps retrouvé p Critique n Contre Sainte-Beuve p Pastiches